II. LES EFFECTIFS : UNE OMBRE AU TABLEAU DE LA PROGRAMMATION ?

A. LA SOUS-RÉALISATION DE LA CIBLE D'EFFECTIFS DÈS LA PREMIÈRE ANNÉE DE LA NOUVELLE PROGRAMMATION ENVOIE UN SIGNAL PRÉOCCUPANT

La nouvelle programmation s'inscrit dans une conjoncture marquée de fortes tensions sur le marché du travail. Pour tenir compte de ce contexte, l'article 7 de la LPM 2024-20307(*) prévoit une augmentation nette des effectifs du ministère des Armées limitée à 700 équivalents temps plein (ETP), soit un ralentissement par rapport à la cible fixée la même année par la précédente LPM (+ 1 500 ETP).

Cibles d'augmentations nettes d'effectifs du ministère des Armées (périmètre LPM)

(en ETP)

LPM

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total

LPM 2019-2025

450

300

300

450

1 500

1 500

1 500

-

-

-

-

-

6 000

LPM 2024-2025

-

-

-

-

-

700

700

800

900

1 000

1 000

1 200

6 300

Source : commission des finances du Sénat

Or, la prévision de schéma d'emplois inscrite au PLF 2024 n'est que de 400 ETP, soit un niveau encore nettement inférieur.

En 2021 et 2022 déjà, les schémas d'emplois réalisés (respectivement - 540 et - 979 ETP) s'établissaient à un niveau très inférieur aux cibles d'augmentation nette d'effectifs du ministère des Armées prévus par l'article 6 de la LPM 2019-2025 (respectivement + 300 et + 450 ETP). Au bilan, les effectifs auront connu une diminution de - 110 ETP sur la période 2019-2022, contre + 1 050 ETP prévus en LPM.

À cette aune, la prévision de schéma d'emplois inscrite en PLF 2023 au niveau de la cible LPM (+ 1 500) paraissait fort peu crédible. Si les données consolidées quant à sa réalisation ne seront connues qu'en 2024, les premières estimations sont préoccupantes, avec un schéma d'emplois estimé à environ - 2 000 ETP.

Même l'armée de Terre, longtemps épargnée par les difficultés de cette nature, peine fortement à recruter ses militaires du rang. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, la prévision de sous-recrutement des militaires du rang de l'armée de Terre serait de - 2 000 à - 2 500 ETP en 2023 et les militaires du rang expliqueraient 95 % du sous-recrutement dans l'armée de Terre. De tels résultats seraient notamment expliqués par la crise sanitaire, et à la difficulté pour les recruteurs d'entrer en contact avec les jeunes sur la période 2020-2022. Toutefois, sur un plan plus structurel, la tendance à la technicisation des compétences recherchées par l'armée de Terre la conduit à se trouver de plus en plus confrontées aux problématiques de recrutement rencontrées par les deux autres armées.

Prévision et exécution des schémas d'emplois depuis 2019 (périmètre LPM)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial n'entend nullement remettre en cause la volonté politique du ministère de renforcer ses ressources humaines, dans un contexte marqué par une concurrence exacerbée entre les recruteurs publics et privés sur le marché du travail dans de nombreux secteurs. Il ne peut néanmoins que s'étonner de constater que la cible prévue ait ainsi été abaissée de plus de 40 % dès la première année, alors même que le présent PLF a été déposé à peine deux mois après l'adoption de la LPM.

L'excès d'optimisme dont le Gouvernement a fait preuve dans la construction de la LPM est de nature à fragiliser considérablement la crédibilité de l'atteinte des objectifs de la programmation. Une bonne partie des créations d'emplois prévues, qui étaient en effet directement liées à certaines priorités militaires structurantes, correspondent à des compétences rares et très recherchées. En effet, le renseignement, la cyberdéfense et les nouveaux champs de la conflictualité capteraient environ le tiers des augmentations nettes de postes programmées.

Répartition du schéma d'emplois de la programmation 2024-2030 (+ 6300 ETP) entre les principaux domaines d'emploi

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire


* 7 L'objectif ne porte que sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère des armées à l'exclusion des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des effectifs militaires éventuellement nécessaires au service national universel.

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