TROISIÈME PARTIE
LA RECHERCHE
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

I. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR) SOUS-TEND LA CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES DÉDIÉES À LA RECHERCHE

A. LA DYNAMIQUE DE CROISSANCE DES EFFORTS PUBLICS DANS LA RECHERCHE INDUITE PAR LA LPR EST EN PARTIE NEUTRALISÉE PAR LA REPRISE DE L'INFLATION

1. L'exécution de la LPR, dont le périmètre recouvre la majorité des dépenses publiques de recherche, se traduit par une dynamique pluriannuelle de croissance des crédits budgétaires dédiés à la recherche
a) Les dépenses publiques liées à la recherche sont répartis dans de nombreux programmes budgétaires dont les deux principaux sont couverts par la LPR

Au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), le financement de la recherche publique, en dehors de la recherche universitaire qui fait l'objet d'une action spécifique au sein du programme 150 dotée de 4,3 milliards d'euros en CP, est principalement réparti entre six programmes budgétaires :

- le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » piloté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ;

- le programme 193 « Recherche spatiale » piloté par le ministère chargé de l'économie et des finances ;

- le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », piloté par le ministère de la transition énergétique ;

- le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » piloté par le ministère chargé de l'économie et des finances ;

- le programme 191 « Recherche duale » piloté par le ministère des armées ;

- et le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », piloté par le ministère chargé de l'agriculture.

À cette dispersion relative des crédits dédiés à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il faut ajouter le fait que des actions de soutien public à la recherche sont financés par des programmes extérieurs à la mission.

C'est en particulier le cas pour les actions publiques financé par le programme d'investissement d'avenir (PIA), auquel a succédé en 2022 le plan « France 2030 ». Dans ce cadre, la recherche a bénéficié d'un financement public à hauteur de 1,6 milliard d'euros en 2022 à travers le déploiement du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3) et du plan France 2030 (qui comprend également les crédits du PIA 4).

À cet égard, les rapporteurs spéciaux réitèrent leur observation des années précédentes selon laquelle si l'on peut se féliciter de voir la France accroître son effort dans la recherche, qui constitue un investissement public en faveur des générations futures, l'usage d'instruments extrabudgétaires comme le plan France 2030 nuit à la lisibilité de l'action publique et par conséquent à l'effectivité du contrôle parlementaire sur la dépense publique.

Crédits extrabudgétaires en faveur de la recherche dans le PIA 3
et le plan France 2030 en 2022

(en millions d'euros)

 

CP versés en 2022

PIA 3

229

Plan France 2030

1 325

Total

1 554

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans le champ de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les crédits dédiés à la recherche sont concentrés dans certains des programmes budgétaires. En particulier, les deux programmes couverts par la LPR, c'est-à-dire le programme 172 et le programme 193, concentrent 75 % des crédits budgétaires dédiés à la recherche dans le projet de loi de finances 2024.

En dehors du programme 190, qui représente 15 % des crédits dédiés à la recherche de la mission, les trois autres programmes concernés (192, 191 et 142) représentent cumulativement moins de 10 % des crédits de la mission dédiés à la recherche.

Répartition des crédits (CP) dédiés à la recherche par programme budgétaire
au sein de la MIRES (PLF24)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

b) La hausse des dépenses publiques dédiées à la recherche s'explique principalement par l'exécution de la LPR

À l'échelle des programmes « recherche » de la MIRES, le projet de loi de finances pour 2024 propose une hausse de 544 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit + 4 % en un an.

Évolution des crédits des programmes « recherche » de la MIRES

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La hausse des crédits des programmes « Recherche » de la MIRES est largement liée à l'exécution de la LPR, laquelle explique 355 millions d'euros, soit 65 % de la croissance des crédits sur ce périmètre.

En intégrant l'incidence de la LPR sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », la LPR induit une hausse de crédits de 499 millions d'euros à l'échelle de la MIRES, qui se concentre sur les programmes « recherche » à hauteur de 71 %.

Répartition de la hausse des crédits (CP) de la MIRES
induite par l'exécution de la LPR

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. La reprise de l'inflation neutralise une partie substantielle de l'effort prévu par la LPR et rend urgente l'actualisation de la programmation

Si le rapporteur spécial salue la hausse de 1,3 milliard d'euros des crédits de paiement annuels sur le périmètre des programmes « recherche » de la MIRES entre 2020 et 2024, qui représentent une croissance globale de 11 %, il souligne également que les objectifs ambitieux adoptés lors du vote de la LPR sont désormais remis en cause par la reprise de l'inflation.

En effet, dès l'examen du projet de loi, le rapporteur spécial en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances avait alerté sur le fait que « la durée retenue pour la programmation implique de grandes incertitudes quant à la sincérité de la trajectoire présentée. Les sous-jacents économiques ayant servi de base à sa construction étant de surcroît susceptibles de varier sensiblement sur la période, il y a fort à craindre que les crédits inscrits en loi de finances ne soient amenés à diverger largement de la programmation établie »12(*).

Or la hausse brutale de l'inflation provoquée notamment par le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, un peu plus d'un an après le vote définitif de la LPR, se traduit par une remise en cause préoccupante de l'ampleur du redressement budgétaire programmé en 2020.

En adoptant les taux d'inflation estimés par l'INSEE, il apparait que le coût de l'inflation représente 109 millions d'euros des 1,3 milliard d'euros de hausse budgétaire depuis 2020 sur les programmes « recherche » de la MIRES. Pour la seule année 2024, l'inflation neutralise 46 millions d'euros des 544 millions d'euros de hausse des crédits budgétaires.

Par conséquent, le rapporteur spécial rappelle que la LPR contient à son article 3 une « clause de revoyure » en application de laquelle la programmation doit être actualisée tous les trois ans. Eu égard à l'importance de l'inflation depuis 2020 et à la nécessité de préserver le redressement des moyens accordés à la recherche publique, le rapporteur spécial réitère sa recommandation de l'an dernier, dans le rapport spécial sur le projet de loi de finances 2023, et appelle à ce que le Gouvernement présente dans le courant de l'année 2024 une actualisation de la LPR conformément aux dispositions de son article 3.


* 12 cf. Sénat, commission des finances, 13 octobre 2020, n° 32 (2020-2021), Avis sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, au rapport de M. Jean-François Rapin.

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