N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 24
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Rapporteurs spéciaux : Mme Vanina PAOLI-GAGIN et M. Jean-François RAPIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. DES MOYENS POUR LA RECHERCHE ET L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CONSIDÉRABLEMENT RENFORCÉS

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèveraient en 2024 à 32,32 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31,82 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de respectivement 3,5 % et 3,3 %. Cette augmentation s'ajoute à celle, quasiment équivalente, accordée en 2023. En deux ans, les crédits de la mission devraient ainsi avoir augmenté de 4,3 milliards d'euros en AE et 4 milliards d'euros en CP. Cela représente une hausse d'environ 15 % des moyens accordés à la recherche et l'enseignement supérieur entre 2022 et 2024.

Évolution des crédits initiaux de la mission entre 2022 et 2024

(en AE en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les mesures découlant de la loi de programmation de la recherche (LPR)1(*) contribuent à l'augmentation des moyens de la mission à hauteur de 500 millions d'euros. Les hausses successives du point d'indice, compensées à hauteur de 500 millions d'euros en 2023 et de 215 millions d'euros supplémentaires en 2024, expliquent également largement la hausse des dépenses de la mission. Toutefois, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche ne sont pour 2024 compensés qu'à hauteur de la moitié du coût du point d'indice, et devront mobiliser leurs fonds propres pour couvrir l'ensemble des coûts.

II. LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MME PAOLI-GAGIN)

En 2024, les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » représentent au total 18,5 milliards d'euros, soit une progression de 2,6 % (+ 469 millions d'euros) par rapport à 2023, notamment due à la réforme des bourses sur critères sociaux.

A. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS UN CONTEXTE DE HAUSSE DES CHARGES POUR LES UNIVERSITÉS

La trajectoire adoptée dans le cadre de la LPR prévoyait, pour 2024, une hausse de 144 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2023. Le budget 2024 respecte cet engagement. Une enveloppe de 164 millions d'euros est par ailleurs ouverte pour financer pour 2024 les mesures salariales annoncées en juin 2023. Ce montant est inférieur au coût total des mesures de revalorisation, estimé à 254 millions d'euros pour les opérateurs du programme. Les 90 millions non compensés sur 2024, ainsi que le prorata sur l'année 2023, devraient être absorbés par les opérateurs en mobilisant leurs fonds propres.

Moyens nouveaux demandés en 2024 sur le programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En LFI pour 2023, 35 millions d'euros étaient prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec certaines universités. Ces contrats devraient à terme être généralisés en trois vagues se substituant au dialogue stratégique et de gestion, pour un financement total de 300 millions d'euros. Toutefois, le PLF pour 2024 ne compte pas de moyens nouveaux dédiés aux COMP, mais se contente de pérenniser l'enveloppe de 35 millions d'euros accordée l'année précédente.

L'évolution des moyens des universités par étudiant, doit être appréhendée au prisme du développement très rapide dans certaines filières d'une offre d'enseignement privé venant parfois concurrencer l'enseignement public et de la massification rapide de l'apprentissage. Le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a cru de 140 % en six ans, ce qui s'apparente à une forme d'externalisation du financement de l'enseignement supérieur hors de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Le nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur privé a également très fortement augmenté au cours des dernières années (+ 68 % entre 2014 et 2023). Cette tendance est notamment nourrie par les difficultés ressenties ou anticipées sur Parcoursup.

B. LES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE AUGMENTENT DU FAIT DE LA RÉFORME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX ET DU RENFORCEMENT DES MOYENS DES CROUS

1. Une fragilisation du modèle économique des Crous du fait du gel de leurs ressources propres

En 2024, le réseau des oeuvres universitaires se voit doté d'une subvention pour charges de service public en hausse de 69,8 millions par rapport à 2023, dont 20 millions d'euros destinés à compenser la hausse du point d'indice et 19 millions compensant la poursuite du gel des loyers dans les résidences universitaires.

Le gel des loyers et le maintien du repas à un euro pour les étudiants boursiers impacte durablement les ressources des Crous, alors que la fréquentation des restaurants universitaires continuer à croître rapidement, en particulier du fait de la hausse des coûts des produits alimentaires. Les ressources propres des Crous représentent actuellement 874 millions d'euros, contre 1,35 milliard d'euros de charges. Cet effet « ciseaux » rend le réseau des oeuvres universitaires toujours plus dépendant de la hausse des financements de l'État.

2. Une nécessaire réforme des bourses sur critères sociaux dans un contexte d'inflation et de précarité étudiante

Malgré la précarité qui touche une part croissante des étudiants depuis la crise sanitaire et le contexte inflationniste, le nombre d'étudiants boursiers avait fortement diminué en 2022 (baisse de 10 % du nombre de boursiers par rapport à 2021), du fait d'un barème de calcul devenu inadapté. Les montants ouverts en 2022 au titre des bourses sur critères sociaux ont donc été fortement sous-utilisés, à hauteur de 180 millions d'euros.

La première étape de la réforme des bourses sur critères sociaux, qui s'applique dès la rentrée 2023, a revalorisé les plafonds de ressources à hauteur de 6 %, ce qui correspond à une hausse prévisionnelle d'entrée de 35 000 boursiers. En outre, le montant des bourses a été accru de 37 euros par mois pour l'ensemble des échelons, correspondant à une augmentation des montants de bourses de 34 % pour le premier échelon et de 6 % pour l'échelon le plus élevé.

En conséquence, le montant inscrit au PLF 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élève à 2,47 milliards d'euros, en hausse de 9 % par rapport au montant qui devrait avoir été consommé en 2023, ce qui constitue une évolution positive, permettant de compenser l'inflation et d'étendre le nombre de boursiers.

Évolution du montant accordé aux bourses sur critères sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

III. LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. RAPIN)

A. L'EXÉCUTION, EN EUROS COURANTS, DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR) SE TRADUIT PAR UNE POURSUITE DE LA TRAJECTOIRE DYNAMIQUE DES MOYENS PUBLICS ALLOUÉS À LA RECHERCHE

Les crédits proposés pour les programmes « Recherche » de la mission sont en augmentation de 540 millions d'euros, soit une hausse de 4 % en un an. Cette hausse résulte principalement du fait que la trajectoire budgétaire inscrite dans la loi de programmation de la recherche (LPR) a été exécutée, en euros courants, par le Gouvernement.

Les crédits supplémentaires des programmes permettent en particulier d'augmenter les dotations des nombreux opérateurs publics de recherche dépendant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de leur permettre de nouveaux recrutements. Les subventions versées aux opérateurs du programme 172 augmentent à ce titre de 120 millions d'euros en un an, dont une augmentation de 74 millions de la dotation du programme au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) connaissent également une augmentation conforme à la programmation avec une hausse de 125 millions d'euros des moyens mis à sa disposition.

La dynamique de la LPR s'étend également au programme de financement de la politique de recherche spatiale de la France, qui connait une hausse de ses moyens budgétaires pour la troisième année consécutive.

B. LES AMBITIONS INITIALES INSCRITES DANS LA LPR DOIVENT ÊTRE PRÉSERVÉES POUR GARANTIR L'EXCELLENCE DE LA RECHERCHE EN FRANCE

1. L'actualisation de la LPR est un impératif pour sauvegarder les ambitions initiales de la loi

La LPR a fixé une trajectoire ambitieuse et nécessaire pour le maintien de l'attractivité de la recherche en France. Dès son examen, le rapporteur spécial avait insisté sur l'importance de tenir compte des incertitudes qui entouraient, sur une période de dix ans, les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes à la construction de la trajectoire, notamment en matière d'inflation.

C'est pour cette raison que l'article 3 de la LPR comporte explicitement une « clause de revoyure » qui prévoit, de manière impérative, une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans.

Du fait de l'évolution de leur environnement, les organismes de recherche se trouvent exposés à deux facteurs imprévus : d'une part la hausse des rémunérations publiques qui n'est que partiellement compensée par la hausse des dotations, notamment pour les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) subventionnés par le programme 172 ; d'autre part la hausse des coûts de l'énergie qui ne fait pas non plus l'objet d'une compensation intégrale.

Au risque de remettre en cause les ambitions inscrites dans la LPR, le rapporteur spécial souligne l'importance de procéder rapidement à un exercice transparent d'actualisation de la trajectoire budgétaire inscrite dans la LPR.

Prise en charge des surcoûts induits par les mesures transversales de revalorisation des rémunérations publiques pour les EPST (programme 172)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. La France doit amplifier sa capacité à mobiliser des moyens extrabudgétaires pour la recherche auprès de l'Union européenne

Depuis 2021, l'Union européenne s'est dotée d'un nouveau programme-cadre de recherche et d'innovation (PCRI), le programme « Horizon Europe » doté d'un budget pluriannuel de 96 milliards d'euros sur sept ans (2021-2027).

La France dispose d'équipes et d'infrastructures de recherche compétitives qui lui permettent d'être au deuxième rang en Europe pour l'obtention des financements distribués par le programme « Horizon Europe » avec un taux de retour de 11,7 %. Le rapporteur spécial estime cependant que ce résultat peut être encore amélioré, en particulier au regard du fait que la France reste un pays contributeur net de cette politique, au regard de son taux de contribution nationale au budget de l'Union qui est de 18,7 %.

Financements obtenus par la France auprès des PCRI de l'Union européenne

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial sera à ce titre particulièrement attentif à ce que les dispositifs qui ont commencé à être déployés pour encourager la communauté de la recherche en France à pleinement s'approprier les instruments de financement européens soient évalués et renforcés le cas échéant pour que la recherche en France bénéficie pleinement de l'effet de levier que représentent ces financements extrabudgétaires européens.

Réunie le mardi 31 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a proposé au Sénat d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement n°II-24 (FINC.1) du rapporteur général minorant, au sein du programme 172, la subvention pour charges de service public du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 100 millions d'euros. Elle a proposé d'adopter l'article 55 quinquies sans modification.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 85 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

PREMIÈRE PARTIE
LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES TRANSVERSES
DE LA MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR » EN 2024

I. DES MOYENS DE LA MISSION CONSIDÉRABLEMENT RENFORCÉS

A. UNE HAUSSE DE PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS EN 2024, ÉQUIVALENTE À CELLE DÉJÀ ACCORDÉE EN 2023

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèveraient en 2024 à 32,32 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31,82 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de respectivement 3,5 % et 3,3 % par rapport à l'année précédente.

Évolution des crédits initiaux de la mission à périmètre courant

(en millions d'euros)

 

2022

2023

2024

Évolution 2023-2024 (en %)

Évolution 2023-2024 (en millions)

Programme 150- Formations supérieures et recherche universitaire

AE

14 160

15 205

15 277

0,47 %

72

CP

14 212

14 907

15 181

1,84 %

274

Programme 231-Vie étudiante

AE

3 088

3 136

3 357

7,06 %

221

CP

3 079

3 130

3 327

6,28 %

197

Programme 172- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

7 740

8 070

8 623

6,85 %

553

CP

7 503

7 834

8 181

4,43 %

347

Programme 193 - Recherche spatiale

AE

1 642

1 866

1 900

1,83 %

34

CP

1 642

1 866

1 900

1,83 %

34

Programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 614

1 675

1 889

12,75 %

214

CP

1 729

1 801

1 948

8,19 %

147

Programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

619

681

678

- 0,42 %

- 3

CP

692

693

689

- 0,63 %

- 4

Programme 191 - Recherche duale (civile et militaire)

AE

0

150

150

0,01 %

0

CP

 

150

150

0,01 %

0

Programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

AE

382

426

445

4,48 %

19

CP

377

424

443

4,48 %

19

Total

AE

29 248

31 212

32 319

3,55 %

1 107

CP

29 238

30 806

31 819

3,29 %

1 013

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette hausse est inégalement répartie selon les programmes. Elle est concentrée sur les trois programmes relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), c'est-à-dire les programmes 150, 231 et 172. Le programme 172, consacré aux recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, connaît la plus forte augmentation en valeur absolue et bénéficie à lui seul de plus d'un demi-milliard d'euros supplémentaires.

Part des différents programmes de la mission en 2024

(en %)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les dépenses de la mission se composent en grande part de dépenses de fonctionnement (à hauteur des trois-quarts des crédits en 2024), lesquelles incluent les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux établissements, ainsi que de transferts financiers aux différents opérateurs de la mission.

Répartition par nature des programmes de la mission

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La mission « Recherche et enseignement supérieur » se caractérise par le poids de certaines dépenses fiscales rattachées à la mission, le crédit impôt recherche (CIR) en premier lieu. Ainsi, les dépenses fiscales s'ajoutent pour près de 25 % supplémentaires au montant total de la mission.

Montant des principales dépenses fiscales rattachées à la mission

(en millions d'euros)

Programme

2022

2023

2024

Réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur

213

216

216

Exonération d'impôt sur le revenu (sur option) des salaires perçus par les jeunes au titre d'une activité exercée pendant leurs études secondaires ou supérieures ou leurs congés scolaires et universitaires

356

386

406

Crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR)

7 193

7 185

7 651

Crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative

-

140

146

Crédit d'impôt en faveur de l'innovation (CII)

303

320

332

Réduction d'impôt au titre de la souscription de part de fonds communs de placement sur l'innovation

57

56

56

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les jeunes entreprises innovantes existantes au 1er janvier 2004 ou créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2019 et les jeunes entreprises universitaires

13

12

12

Amortissement exceptionnel sur cinq ans des investissements réalisés dans les petites et moyennes entreprises innovantes

1

1

1

Total dépenses fiscales rattachées à titre principal

8 136

8 316

8 820

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La hausse demandée pour la mission en 2024 s'ajoute à celle, quasiment équivalente, accordée en 2023. En deux ans, les crédits de la mission devraient avoir augmenté de 4,3 milliards d'euros en AE et 4 milliards en CP. Cela représente une augmentation d'environ 15 % des moyens accordés à la recherche et l'enseignement supérieur entre 2022 et 2024. Les crédits du programme 150 auront ainsi augmenté d'1,12 milliard d'euros entre 2022 et 2024, et ceux du programme 172 de près de 900 millions d'euros.

Évolution des crédits initiaux de la mission par programme
entre 2022 et 2024

(en AE en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Contrairement aux années précédentes, la hausse globale de la mission est moins étroitement corrélée à la trajectoire prévue par la loi de programmation de la recherche.

Les hausses successives du point d'indice en 2022 et 2023 représentent un impact d'environ 750 millions d'euros en 2024. Celui de la hausse de 3,5 % du point d'indice intervenue en juillet 20222(*) explique à lui seul plus d'un quart de la croissance des crédits de la mission, soit 500 millions d'euros intégralement compensés, et de façon pérenne, aux établissements.

La seconde revalorisation du point d'indice, à hauteur de 1,5 % décidée en 20233(*) a été complétée par deux autres mesures de revalorisation : une hausse catégorielle jusqu'à neuf points pour les agents de catégorie C et B en début de carrière, effective depuis le 1er juillet 2023, et une hausse générale de cinq points des indices majorés en faveur des titulaires et des agents publics contractuels à partir du 1er janvier 2024.

Ces mesures pèseront sur le budget 2023 de la mission à hauteur de 118 millions d'euros et devraient être financées par redéploiement. En année pleine et à partir de 2024, une enveloppe pérenne de 215 millions d'euros (hors CAS « Pensions ») est prévue, dont 157 millions d'euros pour les universités. Selon le ministère, cette somme correspond, pour l'ensemble des établissements, à plus 60 % des surcoûts liés aux trois mesures de revalorisation de 2023, estimés à 344 millions d'euros. Le ministère indique également que des compensations additionnelles, ciblées sur les établissements les plus fragilisés, interviendront en gestion au cours de l'année 2024, à l'exception du réseau des oeuvres universitaires, qui devrait d'ores et déjà faire l'objet d'une compensation intégrale.

Les mesures découlant de la loi de programmation de la recherche (LPR)4(*) contribuent également à l'augmentation des moyens de la mission à hauteur de 500 millions d'euros, dont 468 millions d'euros pour le seul ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Contrairement à l'année précédente, le PLF 2024 ne prévoit pas de hausse spécifique à destination des opérateurs au titre des surcoûts énergétiques.

Le schéma d'emplois de la mission est en hausse en 2024 (+ 1878 équivalents temps plein - ETP, en incluant les opérateurs), principalement sous l'effet de la loi de programmation de la recherche (+ 650 ETP) et pour répondre aux besoins exprimés par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le cadre du Conseil politique nucléaire (+ 73 ETP). Le programme 150 est le premier bénéficiaire de ces créations d'emplois, dont 525 ETP au titre de la LPR. Il est à noter qu'une part importante de ces recrutements s'effectuera en mobilisant la vacance sous plafond d'emplois, ce qui explique que le plafond d'emplois de la mission n'ait pas évolué dans les mêmes proportions.

Décomposition par programme de la hausse des emplois de la mission

(en ETPT)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

B. UNE DYNAMIQUE PLURIANNUELLE QUI DEVRAIT SE PROLONGER

La dynamique de croissance de la mission devrait selon la programmation pluriannuelle se poursuivre à un rythme plus lent au cours des prochaines années. La prévision a été légèrement revue à la hausse par rapport à celle présentée en 2023. Ainsi, si les documents budgétaires anticipaient en 2023 une hausse de 3 milliards d'euros entre 2022 et 2025, celle-ci atteint 3,5 milliards d'euros dans les documents annexés en 2024.

Programmation pluriannuelle des crédits de la mission

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Entre 2024 et 2026, les crédits devraient continuer de croître de 3 %, soit 1,1 milliard d'euros supplémentaire par rapport à 2024.

II. LE DYNAMISME DES CRÉDITS DE LA MISSION RÉSULTE NOTAMMENT DE L'EXÉCUTION POUR LA QUATRIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR)

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS PROPOSÉES RESPECTENT LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE FIXÉE PAR LA LPR

L'exercice 2024 constituera la quatrième année d'application de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR 2021-2030)5(*). Les rapporteurs spéciaux relèvent que les engagements pris par le Gouvernement ont été tenus et que, pour la quatrième année consécutive, le projet de loi de finances respecte la trajectoire fixée par la LPR, aussi bien en matière de crédits budgétaires qu'en matière d'emplois.

En premier lieu, l'article 2 de la LPR fixe une trajectoire pluriannuelle des augmentations des crédits budgétaires pour les programmes 173 et 193, ainsi que l'augmentation des crédits budgétaires du programme 150 induite par l'application de la LPR.

Trajectoire pluriannuelle de variation des crédits de paiement
inscrite dans la LPR (article 2)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

La hausse programmée par la LPR pour l'exercice 2024 est de 499 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023, dont 468 millions d'euros supplémentaires dans le périmètre du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. La hausse prévue par la LPR en 2024 se répartit entre trois programmes budgétaires de la mission :

- une hausse de 144 millions d'euros induite par la LPR sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », soit 29 % de la hausse globale ;

- une hausse de 324 millions d'euros du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », soit 65 % de la hausse globale et près de 70 % de la hausse à l'échelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- une hausse de 31 millions d'euros du programme 193 « Recherche spatiale », soit 6 % de la hausse globale.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, dernière année avant l'entrée en vigueur de la LPR, la hausse cumulée du budget de la mission a été de 3,3 milliards d'euros, soit une croissance totale de 10 % après quatre années d'exécution de la LPR.

Trajectoire des crédits initiaux de la mission
(hors fonds de concours et attribution de produits)

(en CP et en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. PLUS DE 1 000 EMPLOIS CRÉÉS AU SEIN DES OPÉRATEURS DE LA RECHERCHE DEPUIS 2020 EN APPLICATION DE LA LPR

Du fait de l'importance des opérateurs dans le budget de la mission, la MIRES a un volume de dépenses de personnel (titre 2) faible, qui représente moins de 2,5 % des dépenses totales de la mission. En revanche, en incluant les opérateurs, universités, établissements d'enseignement et organismes de recherche, la mission finance la rémunération de 318 668 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dans le cadre des subventions pour charges de service public (SCSP).

Le rapport annexé à la loi de programmation de la recherche (LPR) prévoit une trajectoire de croissance des effectifs pour les trois programmes budgétaires faisant l'objet d'une programmation financière dans le corps de la loi, c'est-à-dire les programmes 150 (formation et recherche universitaires), 172 (recherches pluridisciplinaires) et 193 (recherche spatiale). Le montant total de création de postes sur la durée de la programmation est de 5 200 ETPT, avec une concentration de l'effort sur le début de la période de programmation puisque 61 % des créations de postes sont prévues pendant la première moitié de la programmation, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2025.

Incidence de la LPR sur la trajectoire d'augmentation des effectifs sous plafond de l'État et des opérateurs pour les programmes 150, 172 et 193

(en ETPT cumulés par rapport à 2020)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

+ 700

+ 1 350

+ 2 000

+ 2 650

+ 3 150

+ 3 600

+ 4 000

+ 4 400

+ 4 800

+ 5 200

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé à la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche

Le projet de loi de finances pour 2024 respecte la trajectoire pluriannuelle inscrite dans la LPR, avec le recrutement de 650 équivalents temps plein (ETP), dont 525 ETP au titre du programme 150 et 125 ETP au titre du programme 172. Entre 2020 et 2024, les opérateurs de recherche rattachés au programme 172 auront ainsi créé 1 105 ETPT supplémentaires en application de la LPR.

Emplois rémunérés par les programmes 150, 172 et 193 en 2024

(en ETPT)

Programmes

État et assimilés

Opérateurs

Total

sous plafond

hors plafond

P150

5 119

167 722

33 733

206 574

P172

-

70 914

20 420

91 334

P193

-

2 417

260

2 677

Total

5 119

241 053

54 413

300 585

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

DEUXIÈME PARTIE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : VANINA PAOLI-GAGIN)

Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » bénéficient, cette année encore et quoique dans une proportion inférieure à celle de l'année précédente, d'une hausse importante.

En effet, ces deux programmes représentent au total 18,5 milliards d'euros de CP, soit une progression de 2,6 % (+ 469 millions d'euros) par rapport à 2023. Cette hausse s'ajoute à celle de 748 millions d'euros accordée l'année précédente.

Si, en 2023, le programme 150 regroupait l'essentiel des moyens supplémentaires, en PLF 2024 l'augmentation bénéficierait également largement au le programme 231, du fait principalement de la réforme des bourses sur critères sociaux.

Évolution des crédits de paiement alloués
aux programmes « Enseignement supérieur »

(en % et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

I. LE PROGRAMME 150 « FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE »

A. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PAR RAPPORT À 2023

Le présent programme regroupe 15,180 milliards d'euros pour 2024 (en CP), en hausse de 272,99 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Les moyens du programme 150 se stabilisent donc, après une forte progression de 4,68 % (+ 690 millions d'euros) entre 2022 et 2023. Par rapport à 2022, les crédits ont augmenté de plus d'un milliard d'euros.

Évolution des crédits par action du programme 150 à périmètre courant

(en millions d'euros)

   

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2024

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (%)

Évolution PLF 2024 / LFI 2022 (%)

Action 01

Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

AE

3 706,40

3 882,89

3920,78

37,89

1,0 %

5,8 %

CP

3 706,40

3 882,89

3920,78

37,89

1,0 %

5,8 %

Action 02

Formation initiale et continue de niveau master

AE

2 539,19

2 675,50

2696,35

20,85

0,8 %

6,2 %

CP

2 539,19

2 675,60

2696,35

20,75

0,8 %

6,2 %

Action 03

Formation initiale et continue de niveau doctorat

AE

401,89

453,58

494,28

40,7

9,0 %

23,0 %

CP

401,89

453,50

494,28

40,78

9,0 %

23,0 %

Action 04

Établissements d'enseignement privés

AE

93,90

94,90

94,90

0

0,0 %

1,1 %

CP

93,90

94,90

94,90

0

0,0 %

1,1 %

Action 05

Bibliothèques et documentation

AE

461,21

474,60

481,84

7,24

1,5 %

4,5 %

CP

461,21

474,60

481,84

7,24

1,5 %

4,5 %

Action 13

Diffusion des savoirs et musées

AE

128,89

131,135

133,67

2,535

1,9 %

3,7 %

CP

128,89

131,135

133,67

2,535

1,9 %

3,7 %

Action 14

Immobilier

AE

1 144,93

1 543,90

1368,91

- 174,99

- 11,3 %

19,6 %

CP

1 197,55

1 245,19

1272,64

27,45

2,2 %

6,3 %

Action 15

Pilotage et support du programme

AE

1 626,65

1 726,66

1769,70

43,04

2,5 %

8,8 %

CP

1 626,65

1 726,66

1769,70

43,04

2,5 %

8,8 %

Action 17

Recherche

AE

4 054,66

4 223,27

4316,63

93,36

2,2 %

6,5 %

CP

4 054,66

4 223,27

4316,63

93,36

2,2 %

6,5 %

Total programme 150

AE

14 157,72

15 205, 81

15 277,06

71,25

0,5 %

7,9 %

CP

14 210,33

14 907,80

15 180,79

272,99

1,8 %

6,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Les deux principaux facteurs d'évolution : la loi de programmation de la recherche et les mesures « fonction publique »

L'évolution des crédits alloués à l'enseignement supérieur en 2024 reflète en grande partie la hausse tendancielle de la masse salariale, résultant notamment des mesures de revalorisation des rémunérations de la fonction publique.

Une enveloppe de 164 millions d'euros (dont 7 millions au titre du CAS « Pensions ») est ouverte pour financer pour 2024 les mesures salariales annoncées en juin 2023 et en premier lieu la revalorisation d'1,5 % du point d'indice.

Comme pour les autres opérateurs de la mission, les mesures de revalorisation « fonction publique » ne sont donc compensées qu'à moitié. Le coût total des mesures de revalorisation est estimé à 254 millions d'euros pour les opérateurs du programme. Les 90 millions d'euros non compensés sur 2024, ainsi que le prorata sur l'année 2023, devraient être absorbés par les opérateurs en mobilisant leurs fonds propres. Les documents budgétaires indiquent ainsi que « compte tenu de leurs réserves financières, les établissements seront également appelés à un effort de responsabilité ».

Les fonds de roulement des universités

Le fonds de roulement s'élève en 2023 à 1,8 milliard d'euros pour l'ensemble des universités, même si ces données demeurent prévisionnelles dans l'attente du compte financier.

Évolution des fonds de roulement des universités

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2022, le fonds de roulement net s'établit à 623 millions d'euros, soit 17 jours de dépenses de fonctionnement décaissables.

Environ 77,6 % du fonds de roulement brut des universités est en effet préempté par les opérations pluriannuelles d'investissement (1 039 millions d'euros), les provisions pour risques et charges (y compris dépréciations, 278 millions d'euros), les fonds de roulement des structures autonomes (243 millions d'euros), les emprunts et dettes assimilées (140 millions d'euros), les excédents relatifs à la formation continue (79 millions d'euros) et les créances non provisionnées supérieures à deux ans (38 millions d'euros).

Les prévisions 2023 montrent une diminution de près de 1 milliard d'euros du fonds de roulement brut des universités. Néanmoins, les budgets sont généralement très prudentiels et difficiles à établir sur des bases solides dans le contexte économique actuel. L'exécution se révèle ainsi très souvent plus favorable que les prévisions.

Afin de préserver la capacité des établissements d'enseignement supérieur à mener à bien les projets et investissements en cours, il convient de s'assurer que la compensation des hausses de prix et du point d'indice en 2022et 2023 ne s'effectuent pas sur la part « projet », mais uniquement sur la part de charges mobilisables.

D'après les informations recueillies en audition, une mission de l'Inspection générale des finances devrait mener des travaux au cours des prochains mois sur les fonds de roulement des universités et leur utilisation. Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux conclusions de cette analyse.

Source : commission des finances

Par ailleurs, la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR constitue l'autre facteur principal de croissance du programme, pour 144,3 millions d'euros.

Décomposition des moyens nouveaux demandés pour 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La trajectoire adoptée dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche prévoyait, pour 2024, une hausse de 144 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2023.

Le rapporteur spécial se félicite que le budget 2024 respecte de nouveau cet engagement, puisqu'il comprend, à périmètre courant, 144,3 millions d'euros de moyens nouveaux au titre de la LPR.

Incidence de la loi de programmation sur le programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les crédits accordés au programme 150 au titre de la LPR financent :

- des mesures indemnitaires : revalorisation des primes des personnels enseignants du second degré travaillant dans le supérieur (ESAS) pour 2,5 millions d'euros ;

- des mesures portant sur les contrats doctoraux : augmentation progressive du nombre de contrats doctoraux ;

- une augmentation du budget de recherche des universités.

Un signal inquiétant : la baisse du nombre de doctorants

La LPR prévoit un accroissement de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, soit 700 contrats supplémentaires par an et une revalorisation de chaque contrat de 30 % entre 2021 et 2023.

Ces ambitions tranchent pourtant avec les dernières données sur le nombre d'inscrits en doctorat. D'après les dernières études du ministère, l'effectif de primo-inscrits en doctorat au cours de l'année universitaire 2022-2023 diminue de 4 % par rapport à celui de l'année précédente. Si depuis 2012, le nombre de docteurs diplômés chaque année diminue de 0,7 % en moyenne par an, cette tendance s'est accélérée les dernières années : entre 2012 et 2017, ce nombre est resté quasiment stable (- 0,2 % par an) ; entre 2017 et 2022, il a baissé de 1,2 % par an en moyenne.

À terme, il est à craindre que le vivier d'enseignants chercheurs ne se tarisse dans certaines filières. Le rapporteur spécial trouve donc particulièrement intéressant à ce titre le développement du doctorat en apprentissage en entreprise. Les universités ont indiqué être en négociation avec les branches professionnelles sur ce sujet, et il serait souhaitable qu'elles puissent déboucher sur une avancée.

Source : commission des finances

Ces crédits sont essentiellement à destination des personnels, puisqu'ils regroupent à la fois des dispositions statutaires et indemnitaires de revalorisation salariale et d'élargissement des voies de recrutement et des mesures d'accroissement des moyens affectés à la recherche. Conformément à la LPR, un schéma d'emplois de + 525 ETPT autorise le recrutement de nouveaux doctorants (représentant 430 ETP) et titulaires de chaires de professeurs junior (pour 130 ETP).

Les universités ayant désormais accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE), les emplois et dépenses de masse salariale afférentes à ces opérateurs6(*) ont, pour la plupart d'entre eux, été transférés du titre 2 au titre 3 au cours des dernières années.

Ces dépenses sont donc dorénavant couvertes par les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs. Par conséquent, les emplois du ministère sont, à 97 %, budgétairement localisés dans les opérateurs.

Les opérateurs autonomes sont libres de procéder, sous réserve du respect de leur plafond d'emplois et de masse salariale, aux créations, transformations et suppressions qu'ils estiment nécessaires. En parallèle, les emplois des opérateurs n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (« opérateurs non RCE ») demeurent financés par le titre 2 du programme 150.

Il convient donc de distinguer :

- les emplois sous-plafond d'État du programme, portés par le titre 2 et rémunérés sur crédits budgétaires, destinés aux opérateurs non RCE ;

- les emplois sous-plafond d'État des opérateurs RCE, portés par le titre 3 et rémunérés par les opérateurs sur crédits budgétaires ;

- les emplois hors-plafond des opérateurs, rémunérés par les opérateurs à l'aide de leurs ressources propres.

Évolution des dépenses de personnel du programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 150 augmentent de manière plus importante en AE. Les montants immobiliers sont en effet en hausse de 146,1 millions d'euros en AE et 60,5 millions d'euros CP en 2024, afin de financer notamment la montée en charge des contrats de plan État-Régions (CPER) 2021-2027 ainsi que le projet de centre hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord.

2. Une persistance des enjeux énergétiques dans le budget des établissements

Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur ont été particulièrement touchés par la crise énergétique et les surcoûts liés à l'augmentation des tarifs de l'énergie qui en découlent. D'après les données de France universités, le surcoût énergétique s'élèverait à 300 millions d'euros en 2023 par rapport à 2022, avec un impact très variable selon les établissements.

Un « fonds de compensation du surcoût de l'énergie » a donc été mis en place en loi de finances rectificative pour 2022, dont les crédits devaient s'élever à 275 millions d'euros, répartis entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Un premier versement de 100 millions d'euros a été effectué fin 2022 et réparti entre les établissements. L'aide a été versée au prorata des surcoûts aux opérateurs en fonction de la situation financière particulière de chacun d'entre eux, du poids relatif de l'énergie dans leurs dépenses et des surcoûts effectivement constatés.

Un second versement, également d'un montant total de 100 millions d'euros, est prévu en fin de gestion 2023.

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La complexité de l'organisation des moyens consacrés aux universités

La subvention pour charges de service public (SCSP) des universités se compose pour l'essentiel d'une part « socle », qui est le résultat sédimenté des années précédentes. Celle-ci augmente d'une année sur l'autre pour y intégrer les nouveaux moyens pérennes. La part « socle » s'élève en 2023 à 13 136 millions d'euros, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à 2017. Elle est constituée à 90,5 % de dépenses de masse salariale, le reste étant des crédits de fonctionnement.

Depuis 2017, se sont ajoutés à cette part socle les crédits liés à la LPR et à la loi ORE, ainsi qu'à la réforme des études de santé. En outre, la part compensée des mesures de revalorisation des personnels est intégrée à la SCSP.

Les documents budgétaires sont très succincts sur les SCSP des universités et la ventilation des moyens accordés à chaque université, a fortiori sur la consommation des différentes enveloppes. Il est donc nécessaire de détailler, ne serait-ce que dans les rapports annuels de performances, le mode de calcul de la SCSP, recommandation qui a déjà été formulée par le rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur le bilan de la loi ORE7(*).

Au-delà de la SCSP socle, une déconcentration partielle de la gestion des établissements d'enseignement supérieur dans les rectorats a été mise en place à la suite de la loi ORE au travers du déploiement du dialogue stratégique de gestion (DSG). Le rectorat se voit ainsi octroyer la possibilité de répartir une partie des crédits de la SCSP. En 2022, le DSG a permis d'allouer 104 millions d'euros, dont 40 millions d'euros de moyens nouveaux Les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP)8(*) ont vocation à remplacer le DSG.

En outre, chaque année, les enveloppes additionnelles prévues pour couvrir des mesures nouvelles sont réparties selon les établissements et leurs caractéristiques, notamment salariales. Par exemple, une enveloppe prévue pour la compensation de mesures de revalorisations salariales générales concernant l'ensemble des établissements (augmentation du point d'indice, mesures prévues par la LPR, etc.) est ventilée en fonction des effectifs et de la masse salariale des établissements. En 2022, sur 320 millions d'euros de moyens nouveaux, 280,6 millions d'euros, soit près de 88 %, ont été alloués selon ce principe.

Enfin, depuis plusieurs années, des crédits sont alloués à certains établissements sous-dotés afin de rééquilibrer leur dotation. Les moyens dits de rééquilibrage se sont ainsi élevés à 18 millions d'euros en 2021 et 10 millions d'euros en 2022.

2. Une avancée mais sans moyens supplémentaires par rapport à 2024 : la mise en place des COMP

En LFI pour 2023, 35 millions d'euros étaient prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec certaines universités. Ces contrats devraient à terme être généralisés en trois vagues, pour se substituer in fine au dialogue stratégique et de gestion, pour un financement total de 300 millions d'euros environ lorsque tous les établissements seront concernés. La ministre de l'enseignement supérieur a présenté les COMP comme la partie du contrat d'établissement sur laquelle s'applique le financement à la performance, sous la supervision du rectorat.

La première vague des COMP a concerné 17 contrats pour 34 établissements, pour une allocation prévisionnelle de plus de 110 millions d'euros sur trois ans. Ce montant correspond à une augmentation de la subvention pour charge de service public comprise entre 0,72 % et 1 % selon les établissements. Cependant, certains aspects des COMP, en particulier s'agissant de l'offre de formation, nécessitent un ajustement des universités sur la part des crédits de la SCSP « socle ». En conséquence, le ministère espère un effet levier supérieur au montant des COMP.

Il est à noter que le PLF pour 2024 ne compte pas de moyens nouveaux dédiés aux COMP, mais pérennise l'enveloppe de 35 millions d'euros accordée l'année précédente. En conséquence, une interrogation demeure sur le montant total de 112,4 millions d'euros : il ne s'agit pas de moyens intégralement nouveaux, mais, sur les trois ans, de 70 millions d'euros déjà intégrés dans les SCSP et de 45 millions d'euros supplémentaires.

Montant total accordé aux universités dans le cadre des COMP signés en 2023

(en millions d'euros)

Établissement

Dotation totale sur 3 ans

Aix-Marseille Université

13,100

Sorbonne Université

12,360

Université de Lille

12,100

Université Paris Saclay

10,784

Université de Bordeaux

9,200

Université de Strasbourg

8,900

Université de Rennes

8,000

Université de Montpellier

7,900

Nantes Université

6,700

Université Clermont Auvergne

6,400

Paris Sciences & Lettres (PSL)

5,774

Université de Poitiers

5,000

Université Gustave Eiffel

2,050

La Rochelle Université

1,540

Université Le Havre Normandie

1,500

Université de Guyane

0,760

INSA Val-de-Loire

0,350

Total

112,418

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les COMP visent quatre objectifs de politiques publiques (adaptation de l'offre de formation, recherche, transition écologique pour un développement soutenable et bien-être et réussite des étudiants) ainsi que le renforcement des fonctions de pilotage.

Le rapporteur spécial l'a déjà indiqué, l'idée semble être intéressante et va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la performance des universités tout en reconnaissant leur autonomie. Les universités en accueillent favorablement le principe.

Cependant, il souligne d'ores et déjà deux potentielles limites du dispositif.

D'une part, si les COMP engagent des montants supérieurs à ceux des derniers dialogues stratégiques de gestion, les sommes concernées demeurent loin d'être substantielles à l'échelle du programme 150.

Les COMP ne concerneront que les moyens nouveaux accordés aux universités, et non pas les sommes accordées au titre du socle de la SCSP. En conséquence, les montants versés les années précédentes sont intégrés dans le socle et ne feront pas l'objet de financement à la performance.

En outre, le rapporteur spécial rappelle la nécessité de définir en amont des indicateurs efficaces. Sans amélioration du suivi et du pilotage et sans système d'information à la hauteur, il est à craindre que ce dispositif ne puisse réellement être utile et ne reproduise les lacunes des années passées. D'après le ministère, certains indicateurs nationaux ont déjà été définis (formation de tous les étudiants de premier cycle à la transition écologique et au développement soutenable, dépôt et taux de succès à l'European Research Council - ERC). Les COMP devraient également contenir des indicateurs proposés par les établissements qui les suivent au niveau local.

Le rapporteur spécial, dans son rapport de contrôle sur le bilan de la loi ORE précité, a mis en avant le besoin d'un déploiement d'un système informatique interopérable entre les rectorats, l'administration centrale et les établissements, qui fait encore défaut. Ce grand chantier informatique, toujours repoussé et qui sera de grande ampleur, tant financière que par sa durée et les changements induits pour l'ensemble des établissements, devient néanmoins incontournable.

La remise en place d'un système d'allocation des ressources aux universités, s'inspirant du modèle SYMPA, permettant de réintroduire une logique de performance est une recommandation formulée à plusieurs reprises, notamment par le rapport de la commission des finances de 2019 précédemment mentionné. Il s'agit également d'une demande formulée par France universités : « l'absence d'un système d'allocation des moyens, répartissant les moyens sur la base d'indicateurs pondérés, connus de tous, nuit à la fluidité des relations entre les différents acteurs »9(*).

3. Faire face à deux enjeux de long terme : le développement de l'enseignement privé et de l'apprentissage

Le nombre d'étudiants dans l'enseignement public au cours des dernières années, et par conséquent l'évolution des moyens des universités par étudiant, doivent être appréhendés au prisme de deux évolutions, outre les conséquences des changements démographiques : d'une part, le développement très rapide dans certaines filières d'une offre d'enseignement privé venant parfois concurrencer l'enseignement public ; et d'autre part une massification rapide de l'apprentissage.

Concernant le second facteur, le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a cru de 140 % en six ans.

Évolution de la part des apprentis dans les grandes filières
de l'enseignement supérieur

(en %)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En deux ans, le nombre d'apprentis a plus que doublé dans certaines filières, notamment les écoles de commerce. Plus surprenant, il a également quasiment doublé dans les licences générales. Pour l'ensemble des filières, le nombre d'étudiants en apprentissage a augmenté de 78 % entre 2020 et 2022.

Évolution du nombre d'étudiants en apprentissage
selon le type de diplôme préparé

(en %)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'apprentissage constitue le plus souvent un atout pour les étudiants, ainsi qu'une solution sur le plan économique à la poursuite de leurs études. Cependant, le développement de l'apprentissage constitue en quelque sorte une forme d'externalisation du financement de l'enseignement supérieur hors de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Concernant l'enseignement privé, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) soutient financièrement les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG), mais le financement des EESPIG repose à titre principal sur leurs ressources propres et, notamment, sur les droits d'inscription dont le montant ne leur est pas imposé par l'État, contrairement à ceux des établissements d'enseignement supérieur public.

En 2023, 64 associations de gestion des établissements d'enseignement supérieurs privés bénéficient d'une subvention du ministère, pour la scolarisation de 158 496 étudiants, apprentis et alternants.

Entre 2018 et 2024, les subventions versées au profit de ces établissements sont passées de 79,7 millions d'euros à 94,9 millions d'euros, soit une augmentation de 15,2 millions d'euros (+ 19,07 %). Il est vrai que le nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur privé a très fortement augmenté au cours des dernières années (+ 68 % entre 2014 et 2023). Ainsi, si les effectifs des EEPSIG ont connu une croissance de 4 % entre 2022 et 2023, les crédits ont été stabilisés entre 2023 et 2024. Le montant des crédits accordés aux établissements ne constitue qu'une part extrêmement minoritaire des ressources de ces établissements (environ 5 %).

Évolution du nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur privé

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette tendance, nourrie notamment par les difficultés ressenties ou anticipées sur Parcoursup, est également une conséquence de l'élévation globale du nombre de diplômés du baccalauréat, qui n'a pas été intégralement absorbée par l'offre publique.

Ainsi, dans certaines filières, le secteur privé représente désormais une part importante d'étudiants : 40 % en écoles d'ingénieurs et, en amont, 16 % des étudiants en classes préparatoires.

Part de l'enseignement supérieur privé à la rentrée 2022-2023

(en milliers et en %)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Sans s'opposer à cette offre privée, il est crucial de veiller au contenu global des formations délivrées bénéficiant d'un agrément du ministère, l'enseignement privé offrant une qualité très variable à ce titre. En outre, le rapporteur spécial considère que le développement très rapide dans certaines filières doit constituer un signal pour l'enseignement public, pour lequel l'enjeu est d'éviter qu'il ne perde en attractivité.

II. LE PROGRAMME 231 « VIE ÉTUDIANTE »

A. LES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE AUGMENTENT DU FAIT DE LA RÉFORME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX ET DU RENFORCEMENT DES MOYENS DES CROUS

Les crédits du programme 231 devraient renouer en 2024 avec une trajectoire de hausse, après une relative stabilisation en 2023 consécutive à l'importante augmentation consentie en 2022. Ces crédits devraient augmenter à hauteur de 3,4 milliards d'euros en AE et 3,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de respectivement 7 % et 6,3 %.

Évolution des crédits par action du programme 231

(en millions d'euros)

   

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (%)

Action 01

Aides directes

AE

2 372,83

2 534,89

2 542,58

2 658,64

116,06

4,56 %

CP

2 372,83

2 534,89

2 542,58

2 619,93

77,35

3,04 %

Action 02

Aides indirectes

AE

367,98

380,93

407,15

492,49

85,34

20,96 %

CP

366,95

371,90

400,93

461,73

60,80

15,16 %

Action 03

Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

AE

60,19

72,29

80,56

93,91

13,35

16,58 %

CP

60,19

72,29

80,56

93,91

13,35

16,58 %

Action 04

Pilotage et animation du programme

AE

100,89

100,89

107,13

112,36

5,23

4,88 %

CP

100,89

100,89

107,13

112,36

5,23

4,88 %

Total programme 231

AE

2 901,88

3 088,99

3 136,41

3 357,41

221,00

7,05 %

CP

2 900,85

3 079,96

3 130,19

3 326,64

196,45

6,28 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La quasi-totalité de cette hausse découle d'une part de la réforme des bourses sur critères sociaux (action 01) ainsi que de la compensation au réseau des oeuvres universitaires de l'impact de l'inflation et du gel d'une partie de ses ressources (action 02). L'augmentation de l'action 03 « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives », s'explique par un abondement supplémentaire de 10 millions d'euros par rapport à la LFI 2023 afin de mettre en oeuvre les mesures annoncées en avril 2023 en faveur des étudiants dans le cadre de la Conférence nationale du handicap.

1. Dans un contexte de montée de la précarité étudiante, un fort impact de la réforme des bourses sur critères sociaux après deux années de sous-consommation

L'action 01 regroupe l'ensemble des crédits relatifs aux aides directes aux étudiants, en premier lieu les bourses sur critères sociaux. Un étudiant sur quatre bénéficie d'une aide directe, jusqu'à plus de la moitié en section de technicien supérieur (STS, dont BTS et IUT). En outre, les bénéficiaires des derniers échelons représentent entre 40 % et un quart des boursiers dans la quasi-totalité des filières.

Nombre d'étudiants boursiers par filière

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le ministère de l'enseignement supérieur

En revanche, la proportion d'étudiants boursiers est en baisse dans la plupart des filières, à l'exception notable des grandes écoles. Depuis 2016, la proportion de boursiers a diminué de 2,4 points dans les écoles de commerce et de 2,2 points dans les IUT. Elle est cependant stable dans les universités sur la période 2016-2022 (mais en baisse de 0,8 point sur 2020-2022).

Évolution de la proportion d'étudiants boursiers par filière

(en points de pourcentage)

Source : commission des finances d'après le ministère de l'enseignement supérieur

La stabilité des montants ouverts au titre des aides directes enregistrée en LFI 2023 découlait d'une sous-consommation des montants accordés aux bourses sur critères sociaux. Paradoxalement, la précarité qui touche une part croissante des étudiants depuis la crise sanitaire n'a pas entraîné de façon mécanique la croissance du nombre de boursiers. En 2022, les montants ouverts au titre des bourses sur critères sociaux ont été fortement sous-utilisés (à hauteur de 180 millions d'euros). Cette différence découlait d'un nombre de boursiers très inférieur à celui anticipé et à celui de 2021.

Ainsi, au 31 décembre 2022, on dénombrait 77 112 boursiers sur critères sociaux de moins que l'année précédente à la même date. Ce chiffre, qui représente une baisse de 10 %, est extrêmement surprenant alors que la précarité étudiante persiste. Le ministère de l'enseignement supérieur met en avant deux facteurs explicatifs : d'une part un nombre grandissant d'étudiants dont les revenus des parents dépassent le barème pour le calcul des bourses, qui était inchangé depuis 2013, et d'autre part l'augmentation du nombre d'étudiants sous contrat d'apprentissage, non éligibles à une bourse sur critères sociaux.

Cette sous-consommation des montants ouverts pour les bourses sur critères sociaux devrait sous toutes hypothèses se reproduire, quoique dans une moindre mesure, en 2023 (- 90 millions d'euros). Il est cependant à noter que les montants ouverts en 2023 pour les aides directes aux étudiants étaient demeurés stables dans un contexte de forte inflation.

Écart entre la prévision et la consommation des aides directes
à destination des étudiants

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le montant des bourses sur critères sociaux avait été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022, afin de tenir compte de la hausse des prix et de limiter son impact sur le pouvoir d'achat des étudiants, pour un montant d'environ 85 millions d'euros en 2023. Cette revalorisation de 4 % n'a cependant pas permis de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

En conséquence, le Gouvernement avait annoncé en mars 2023 le lancement d'une réforme des bourses sur critères sociaux, dont la première étape s'est appliquée dès la rentrée 2023.

Le rapporteur spécial souligne que la sous-consommation en 2022 et 2023 indique que l'enjeu de la réforme des bourses n'était pas uniquement celui du montant global de l'enveloppe correspondante, mais surtout celui de l'abaissement des plafonds afin de permettre au plus grand nombre d'étudiants dans le besoin d'en bénéficier dans le respect des crédits ouverts en PLF. Cet aspect devrait avoir été pris en compte, dans la mesure où les plafonds de ressources ont été revalorisés à hauteur de 6 %, ce qui correspond à une augmentation prévisionnelle d'entrée de 35 000 nouveaux boursiers. Le ministère indique également qu'environ 140 000 étudiants devraient changer d'échelon de bourse.

En outre, le montant des bourses a été augmenté de 37 euros par mois pour l'ensemble des échelons, correspondant à une hausse des montants de bourses de 34 % pour le premier échelon et de 6 % pour l'échelon le plus élevé. Concernant certains publics spécifiques, 30 euros supplémentaires seront attribués aux étudiants qui suivent leurs études dans les territoires ultramarins. Les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants de parents en situation de handicap bénéficieront de 4 points de charge supplémentaires.

Montants annuels des bourses à partir de la rentrée 2023

(en euros)

0 bis

1 454

1

2 163

2

3 071

3

3 828

4

4 587

5

5 212

6

5 506

7

6 335

Sources : documents budgétaires

Afin d'anticiper les conséquences attendues de cette réforme, le montant inscrit au PLF 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élève à 2,475 milliards d'euros, en hausse de 9 % par rapport au montant qui devrait avoir été consommé en 2023. Sur le coût de 440 millions d'euros que devrait entraîner la réforme des bourses, seuls 120 millions d'euros sont financés par les moyens nouveaux, le reste découlant d'une prévision pour 2023 supérieure à la consommation reportée sur 2024.

Évolution du montant accordé aux bourses sur critères sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'ensemble des autres aides directes est stable par rapport à la LFI 2023 : aides au mérite ; aides à la mobilité internationale ; aides spécifiques ; aide à la mobilité Parcoursup ; aide à la mobilité master et aides dans le cadre de la Grande École du Numérique.

Évolution des dépenses d'intervention

(en millions d'euros)

Mesures

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2023/2024 (en %)

Bourses sur critères sociaux

2355,2

2 355,2

2 475,6

5,1 %

Aide à la mobilité internationale

25,7

28,9

28,9

0,0 %

Aides au mérite

42,8

42,8

42,8

0,0 %

Aides spécifiques

48,8

48,8

48,8

0,0 %

Aide à la mobilité Parcoursup

10

10

10

0,0 %

Aide à la mobilité master

7,2

7,2

7,2

0,0 %

Grande École du Numérique

3,3

2,4

2,4

0,0 %

Total

2 504,3

2 506,6

2 615,70

4,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial se félicite de l'avancée que constitue la première étape de la réforme, qui doit agir non seulement pour compenser l'impact de l'inflation sur les bourses mais aussi permettre à un nombre plus grand d'en bénéficier. Il sera très attentif à ce que l'intégralité des moyens demandés en PLF 2024 soit finalement utilisée.

2. Un renforcement des moyens consacrés au réseau des oeuvres universitaires qui ne répond pas entièrement à la baisse constatée de ses ressources

En 2024, le réseau des oeuvres universitaires se voit doté d'une subvention pour charges de service public en hausse de 69,8 millions en AE et en CP par rapport à 2023. Le montant total versé au réseau des oeuvres universitaires en 2024 par le programme 231 est de 704,4 millions d'euros en AE et 673,9 millions d'euros en CP. En 2023, le réseau des oeuvres avait bénéficié, en dehors des crédits de la mission, d'une enveloppe de 20 millions d'euros au titre du fonds de compensation du surcoût de l'énergie, auxquels s'est ajouté un versement complémentaire de 3 millions d'euros intervenu en fin de gestion 2022 pour tenir compte de l'augmentation du prix des denrées.

Le gel de l'indexation des loyers des résidences universitaires gérées par les CROUS depuis le 1er janvier 2020 est prolongé jusqu'à la rentrée 2023 pour l'année universitaire 2023-2024. Il devrait être compensé aux Crous à hauteur de 19 millions d'euros (contre 12,7 millions d'euros en 2022 et 2023).

La dotation d'investissement du réseau, permettant aux CROUS de financer la construction ou la rénovation de structures de restauration ou d'hébergement, augmente quant à elle de 25 millions d'euros en AE.

Enfin, 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la mise en place de l'aide instaurée par la loi du 13 avril 202310(*) à destination des étudiants n'ayant pas accès aux structures de restauration universitaire, notamment en milieu rural. Cette loi d'initiative sénatoriale, inspirée par les conclusions de la mission d'information du Sénat sur la condition de la vie étudiante, vise à remédier aux inégalités d'accès au service public de la restauration universitaire en distribuant une aide spécifique, qui devrait toucher environ 200 000 étudiants.

Décomposition des moyens supplémentaires accordés
au réseau des oeuvres universitaires en 2024

(en AE en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le schéma d'emploi du réseau des oeuvres universitaires pour 2024 devrait augmenter de 38 ETP, afin notamment d'accompagner le développement de son offre de restauration. Il sera toutefois réalisé sans rehaussement du plafond d'emplois de 12 723 ETPT.

L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a récemment consacré une analyse au réseau des Crous11(*). Sans remettre en cause le sens de l'action menée par le réseau des oeuvres auprès des étudiants, la mission soulève un certain nombre de difficultés.

S'agissant plus particulièrement de la situation économique des Crous, l'inspection générale souligne les fragilités du modèle actuel, alors que les mesures en faveur de la vie étudiante prises au cours des dernières années « ont fait progressivement glisser le modèle économique des Crous en le rendant de plus en plus dépendant du financement de l'État » du fait de ressources structurellement en baisse (en particulier la tarification des repas).

Le corolaire de cette élasticité des ressources du réseau des oeuvres à la SCSP est la nécessité d'une hausse continue des crédits versés par l'État. En d'autres termes, « si l'abondement de la SCSP par l'État s'avérait insuffisante, une augmentation du ticket étudiant serait alors inévitable ». Les ressources propres des Crous représentent actuellement 873,6 millions d'euros, pour 1,347 milliard d'euros de charges.

En conséquence, l'une des préconisations de la mission est de revoir le modèle économique global des Crous et de consolider le financement de la restauration. Le rapporteur spécial reprend cette recommandation, ses précédents rapports budgétaires soulignant tous l'effet « ciseaux » auquel sont durablement confrontées les ressources du Cnous.

Au-delà des enjeux strictement budgétaires, l'inspection générale souligne le déficit d'articulation entre le réseau et les universités. De même, le pilotage du réseau des oeuvres par l'administration centrale d'une part et par le Cnous d'autre part fait l'objet de critiques mettant en avant le « brouillard » des responsabilités : « loin d'une approche intégrée de l'expérience étudiante, l'organisation actuelle subit la juxtaposition d'opérateurs divers fonctionnant en silo et répondant parfois à des logiques et à des contraintes différentes : cette organisation est préjudiciable, au premier chef, à l'étudiant ».

Le rapporteur spécial souhaite que le ministère s'empare des pistes avancées par l'inspection générale pour améliorer l'organisation générale du réseau et appelle à approfondir la notion de « chef de file » privilégiée par la mission. D'après les informations transmises par le ministère, des travaux ont d'ores et déjà été engagés sur le pilotage et le modèle économique des Crous, devant aboutir d'ici le début 2024.

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le nombre croissant de repas à tarifs sociaux met sous tension le réseau des Crous en période d'inflation

Dans le contexte de la crise sanitaire, des mesures de soutien au pouvoir d'achat ont été déployées à la rentrée 2020, avec notamment la création d'un tarif à 1 euro, dans les restaurants universitaires des CROUS, pour les étudiants boursiers, et le gel à 3,30 euros pour les autres étudiants. Entre janvier et septembre 2021, le tarif à 1 euro a été étendu à l'ensemble des étudiants, boursiers et non boursiers. Depuis la rentrée 2021, le repas à 1 euro n'est plus accessible qu'aux étudiants boursiers et aux étudiants « en situation de précarité », ces derniers devant faire état de difficultés financières graves constatées par les services sociaux des Crous.

Le coût du repas à un euro s'est élevé à 45,5 millions d'euros en 2022. Il est compensé par l'État par rapport au différentiel avec un repas à 3,30 euros, et non par rapport au coût réel d'un repas.

La dotation prévue en PLF 2024 s'élève à 51,4 millions d'euros soit une stabilité par rapport à la LFI 2023. L'année 2023, et ce sera sans doute le cas de l'année 2024, est pourtant caractérisée par la hausse du coût des denrées alimentaires, entraînant un double-mouvement : d'une part la hausse du nombre de repas distribués et d'autre part le renchérissement du coût du repas pour les Crous. S'agissant du premier aspect, on constate au cours des huit premiers mois de l'année 2023 une progression de plus de 6 % du nombre total de repas à 1 euro servis par rapport à la même période en 2022. Concernant le surcoût pour les Crous, celui-ci devrait s'élever à environ 50 millions d'euros pour l'année 2023.

S'agissant du nombre d'étudiants bénéficiaires, il s'élevait en 2022-2023 à 431 165 étudiants boursiers et 27 632 étudiants précaires.

Nombre de repas à tarifs sociaux servis dans le réseau des Crous

(en millions)

 

2020-2021

2021-2022

2022-2023

Repas à 1 euro

Boursiers

7,85

17,15

8,61

Non boursiers

6,85

-

-

Non boursiers précaires

0

0,51

0,45

Total repas 1 euro

14,69

17,66

9,06

Repas à 3,30 euros

4,04

15,13

8,45

Nombre de repas sociaux

18,73

32,79

17,51

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une forte tension sur le logement étudiant

La rentrée universitaire 2023 a mis en évidence de fortes tensions sur l'accès au logement pour les étudiants. En conséquence, la Première ministre a annoncé en septembre 2023 la création de 30 000 logements étudiants d'ici la fin du quinquennat. Ces derniers devraient s'ajouter à la rénovation de 12 000 logements annoncée en juin dernier (qui devraient en réalité se limiter à 8 700 logements supplémentaires, 4 000 étant déjà en cours d'achèvement).

Afin de répondre à cet objectif, 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la dotation d'investissement des Crous en 2024. Cette augmentation devrait être reconduite en 2025. S'y ajoutent 17,7 millions d'euros en AE et 16,1 millions d'euros en CP par le biais des contrats de plan État-régions. Ces montants restent relativement faibles au regard de l'ampleur du parc immobilier géré par les Crous.

Il est douteux que ces moyens permettent de réellement améliorer la situation à brève échéance. L'expérience du plan de construction de 60 000 logements au cours du précédent quinquennat ne peut qu'inciter à la prudence. Seules 36 000 places ont finalement être mises en service entre 2018 et 2022, soit à peine plus de la moitié de l'objectif initial. Les raisons sont multiples : hausse du coût du foncier et de construction, contraintes juridiques pesant sur les Crous, faible rentabilité au cours des années précédentes du fait du gel des loyers dans les résidences...

S'agissant des enjeux liés à la construction de nouveaux logements, le premier enjeu est la tension sur les ressources foncières. Le ministère a indiqué au rapporteur spécial conduire un travail spécifique sur le sujet.

L'utilisation des logements des Crous pendant les Jeux Olympiques de 2024

Le réseau des Crous a annoncé pouvoir héberger à titre exceptionnel des agents publics susceptibles d'être mobilisés pour la réussite et l'organisation des Jeux Olympiques, en utilisant les logements étudiants vacants pendant les vacances d'été.

Chaque année, près de 30 % des 23 000 logements Crous franciliens sont rendus fin juin par leurs occupants. Ainsi, 3 200 places de logements, regroupés dans 12 résidences (soit moins de 7 % des résidences franciliennes), seront réservées pour les Jeux Olympiques.

À la suite des polémiques ayant accompagné cette annonce, le réseau des Crous a mis en avant son objectif de perturber le moins possible les étudiants bénéficiant d'un logement pendant cette période. D'après les réponses transmises par l'administration, les étudiants qui souhaiteraient demeurer logés durant l'été se verront proposer « une solution de proximité, sans difficulté et sans aucun surcoût pour eux » : « chaque étudiant fera l'objet d'un suivi et d'un accompagnement individuel, comme le réseau des Crous le fait lorsqu'il conduit des opérations exceptionnelles de fermetures liées à des opérations de réhabilitation ».

L'administration indique en outre que les étudiants qui poursuivraient leurs études l'année suivante et qui libèreraient leur logement au sein des résidences concernées sont garantis de pouvoir le retrouver à la rentrée de septembre 2024. Ceux qui souhaiteraient être hébergés durant l'été pourront demander la résidence qui leur conviendrait le mieux au regard de leurs contraintes personnelles ou professionnelles durant l'été 2024.

Il est cependant à noter que l'utilisation effective des logements étudiants reste suspendue à un certain nombre de procédures contentieuses en cours.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

3. Le poids croissant de la CVEC découle de son indexation sur l'inflation

Les crédits de l'action 03 « santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » seront complétés par le produit de la « contribution de vie étudiante et de campus » (CVEC).

Cette contribution a été créée en 2018 par la loi précitée Orientation et réussite des étudiants. Se substituant au droit de médecine préventive, elle est due chaque année par les étudiants inscrits en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur - à l'exception des étudiants bénéficiant d'une bourse sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle attribuée dans le cadre des aides spécifiques.

Le produit de la CVEC est réparti entre les établissements d'enseignement supérieur d'une part, et les CROUS d'autre part, afin que ces derniers financent des actions au profit des étudiants inscrits dans les établissements non affectataires de la CVEC. La CVEC permet également de contribuer au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) à hauteur de 30 % minimum.

L'article L. 841-5 du code de l'éducation prévoit que la CVEC est indexée sur l'inflation. En conséquence, son montant, et donc son rendement, ont particulièrement augmenté au cours des deux dernières années et plus spécifiquement à la rentrée 2023. La CVEC a ainsi franchi la barre des 100 euros par étudiant, contre 90 euros lors de sa création en 2018. Le montant de la CVEC est appelé à structurellement augmenter en période de hausse des prix, comme cela devrait être le cas dans les prochaines années. En conséquence, elle contribue d'autant plus à peser dans le budget des étudiants que les droits d'inscription dans les universités demeurent stables. Il faut toutefois souligner que le montant de la CVEC reste inférieur de plus de la moitié au droit de médecine préventive dû par les étudiants avant 2018.

Évolution du produit de la CVEC depuis sa création

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Au titre de l'année universitaire 2022-2023, 161 millions d'euros ont été collectés, soit une progression de 7 % par rapport à l'année précédente. 137 millions d'euros ont été versés aux établissements d'enseignement supérieur (établissements publics d'enseignement supérieur, établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général, écoles des chambres de commerces et d'industrie) et 24 millions d'euros aux Crous.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, la répartition de la CVEC par domaine en 2021 s'effectue comme suit : 17,3 % des dépenses sont consacrées au domaine social (dont 4,8 % par le volet social du FSDIE), 20,8 % à la santé, 14,3 % au sport, 14,3 % à la culture et 24,6 % à l'accueil. À cela s'ajoute 8,7 % des dépenses CVEC consacrées au volet initiatives du FSDIE.

TROISIÈME PARTIE
LA RECHERCHE
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

I. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR) SOUS-TEND LA CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES DÉDIÉES À LA RECHERCHE

A. LA DYNAMIQUE DE CROISSANCE DES EFFORTS PUBLICS DANS LA RECHERCHE INDUITE PAR LA LPR EST EN PARTIE NEUTRALISÉE PAR LA REPRISE DE L'INFLATION

1. L'exécution de la LPR, dont le périmètre recouvre la majorité des dépenses publiques de recherche, se traduit par une dynamique pluriannuelle de croissance des crédits budgétaires dédiés à la recherche
a) Les dépenses publiques liées à la recherche sont répartis dans de nombreux programmes budgétaires dont les deux principaux sont couverts par la LPR

Au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), le financement de la recherche publique, en dehors de la recherche universitaire qui fait l'objet d'une action spécifique au sein du programme 150 dotée de 4,3 milliards d'euros en CP, est principalement réparti entre six programmes budgétaires :

- le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » piloté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ;

- le programme 193 « Recherche spatiale » piloté par le ministère chargé de l'économie et des finances ;

- le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », piloté par le ministère de la transition énergétique ;

- le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » piloté par le ministère chargé de l'économie et des finances ;

- le programme 191 « Recherche duale » piloté par le ministère des armées ;

- et le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », piloté par le ministère chargé de l'agriculture.

À cette dispersion relative des crédits dédiés à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il faut ajouter le fait que des actions de soutien public à la recherche sont financés par des programmes extérieurs à la mission.

C'est en particulier le cas pour les actions publiques financé par le programme d'investissement d'avenir (PIA), auquel a succédé en 2022 le plan « France 2030 ». Dans ce cadre, la recherche a bénéficié d'un financement public à hauteur de 1,6 milliard d'euros en 2022 à travers le déploiement du troisième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 3) et du plan France 2030 (qui comprend également les crédits du PIA 4).

À cet égard, les rapporteurs spéciaux réitèrent leur observation des années précédentes selon laquelle si l'on peut se féliciter de voir la France accroître son effort dans la recherche, qui constitue un investissement public en faveur des générations futures, l'usage d'instruments extrabudgétaires comme le plan France 2030 nuit à la lisibilité de l'action publique et par conséquent à l'effectivité du contrôle parlementaire sur la dépense publique.

Crédits extrabudgétaires en faveur de la recherche dans le PIA 3
et le plan France 2030 en 2022

(en millions d'euros)

 

CP versés en 2022

PIA 3

229

Plan France 2030

1 325

Total

1 554

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans le champ de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les crédits dédiés à la recherche sont concentrés dans certains des programmes budgétaires. En particulier, les deux programmes couverts par la LPR, c'est-à-dire le programme 172 et le programme 193, concentrent 75 % des crédits budgétaires dédiés à la recherche dans le projet de loi de finances 2024.

En dehors du programme 190, qui représente 15 % des crédits dédiés à la recherche de la mission, les trois autres programmes concernés (192, 191 et 142) représentent cumulativement moins de 10 % des crédits de la mission dédiés à la recherche.

Répartition des crédits (CP) dédiés à la recherche par programme budgétaire
au sein de la MIRES (PLF24)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

b) La hausse des dépenses publiques dédiées à la recherche s'explique principalement par l'exécution de la LPR

À l'échelle des programmes « recherche » de la MIRES, le projet de loi de finances pour 2024 propose une hausse de 544 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit + 4 % en un an.

Évolution des crédits des programmes « recherche » de la MIRES

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La hausse des crédits des programmes « Recherche » de la MIRES est largement liée à l'exécution de la LPR, laquelle explique 355 millions d'euros, soit 65 % de la croissance des crédits sur ce périmètre.

En intégrant l'incidence de la LPR sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », la LPR induit une hausse de crédits de 499 millions d'euros à l'échelle de la MIRES, qui se concentre sur les programmes « recherche » à hauteur de 71 %.

Répartition de la hausse des crédits (CP) de la MIRES
induite par l'exécution de la LPR

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. La reprise de l'inflation neutralise une partie substantielle de l'effort prévu par la LPR et rend urgente l'actualisation de la programmation

Si le rapporteur spécial salue la hausse de 1,3 milliard d'euros des crédits de paiement annuels sur le périmètre des programmes « recherche » de la MIRES entre 2020 et 2024, qui représentent une croissance globale de 11 %, il souligne également que les objectifs ambitieux adoptés lors du vote de la LPR sont désormais remis en cause par la reprise de l'inflation.

En effet, dès l'examen du projet de loi, le rapporteur spécial en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances avait alerté sur le fait que « la durée retenue pour la programmation implique de grandes incertitudes quant à la sincérité de la trajectoire présentée. Les sous-jacents économiques ayant servi de base à sa construction étant de surcroît susceptibles de varier sensiblement sur la période, il y a fort à craindre que les crédits inscrits en loi de finances ne soient amenés à diverger largement de la programmation établie »12(*).

Or la hausse brutale de l'inflation provoquée notamment par le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, un peu plus d'un an après le vote définitif de la LPR, se traduit par une remise en cause préoccupante de l'ampleur du redressement budgétaire programmé en 2020.

En adoptant les taux d'inflation estimés par l'INSEE, il apparait que le coût de l'inflation représente 109 millions d'euros des 1,3 milliard d'euros de hausse budgétaire depuis 2020 sur les programmes « recherche » de la MIRES. Pour la seule année 2024, l'inflation neutralise 46 millions d'euros des 544 millions d'euros de hausse des crédits budgétaires.

Par conséquent, le rapporteur spécial rappelle que la LPR contient à son article 3 une « clause de revoyure » en application de laquelle la programmation doit être actualisée tous les trois ans. Eu égard à l'importance de l'inflation depuis 2020 et à la nécessité de préserver le redressement des moyens accordés à la recherche publique, le rapporteur spécial réitère sa recommandation de l'an dernier, dans le rapport spécial sur le projet de loi de finances 2023, et appelle à ce que le Gouvernement présente dans le courant de l'année 2024 une actualisation de la LPR conformément aux dispositions de son article 3.

B. LES ORGANISMES DE RECHERCHE BÉNÉFICIENT DE DOTATIONS CROISSANTES EN APPLICATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaire » est le plus important, en termes de ressources publiques, des programmes « recherche » de la MIRES. Il représente, en 2024, en crédits de paiement (CP) proposés, 8,2 milliards d'euros soit 62 % de l'ensemble des crédits des programmes « recherche » de la MIRES.

Ce programme est également important par le nombre de structures qu'il subventionne, étant donné que 15 opérateurs lui sont budgétairement rattachés. Le montant total des crédits du programme versés aux opérateurs représente, en 2024, en CP proposés, 7,4 milliards d'euros soit 90 % des crédits du programme. Le reste des crédits permet notamment de financer l'action de pilotage menée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR).

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement propose, pour le programme 172, d'ouvrir 8,623 milliards d'euros d'autorisation d'engagements (AE), soit une progression annuelle de 6,8 %, et 8,181 milliards d'euros de CP, soit une progression annuelle de 4,4 %.

Trajectoire budgétaire du programme 172 entre 2022 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La loi de programmation pour la recherche a fixé une trajectoire pluriannuelle pour les dotations budgétaires du programme 172, qui prévoit une hausse chaque année des crédits du programme comprise entre 226 millions d'euros et 377 millions d'euros.

Trajectoire budgétaire pluriannuelle du programme 172
entre 2021 et 2030 (LPR)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après l'article 2 de la LPR

La trajectoire pluriannuelle du programme est respectée par le projet de loi de finances qui prévoit une hausse annuelle de plus de 324 millions d'euros de crédits.

Le schéma d'emplois prévu représente + 198 ETPT pour le programme, sans incidence sur le plafond d'emplois étant donné que ce schéma peut être réalisé en mobilisant des vacances sous plafond.

1. Le redressement de la trajectoire financière de l'Agence nationale de la recherche (ANR) se poursuit, sous l'effet de la LPR

L'Agence nationale de la recherche (ANR) est une agence créée en 2005 dont la mission principale est de mettre en oeuvre la programmation de financement de la recherche sur projet piloté par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR).

À partir du début des années 2010, l'ANR a connu une nette décroissance de ses moyens qui sont passés de 828 millions d'euros à 489 millions d'euros entre 2010 et 2015, soit une baisse de 41 %. Cette dégradation du budget global de l'ANR est intervenue concomitamment à une hausse sensible du nombre de projets présentés à l'ANR, liée notamment à la réforme de la procédure d'évaluation en 2014. Par conséquent, le taux de succès des appels à projets, c'est-à-dire la part des projets financés parmi les projets présentés éligibles, a été réduite de moitié entre 2012 et 2014 en passant de 20,1 % à 10,6 %.

La LPR a consacré l'objectif de consolider les ressources publiques dont dispose l'ANR et elle prévoit une trajectoire de redressement financier de l'agence qui se traduit par une hausse globale d'un milliard d'euros sur sept ans au bénéfice des crédits de financement sur projets de recherche.

Ce redressement des moyens de l'ANR, qui doivent atteindre 1,766 milliards d'euros en 2027, doit permettre d'atteindre trois cibles d'amélioration de l'efficacité de l'action de l'agence :

- le doublement du taux de succès à horizon 2027 pour atteindre 30 % ;

- le doublement de la part de financement des coûts indirects (« préciput ») pour atteindre 40 % ;

- l'accroissement de la durée des financements et donc de leur montant médian.

En 2024, le projet de loi de finances propose d'augmenter les moyens globaux de l'ANR à hauteur de 124 millions d'euros en AE, soit une hausse de 10 %, et de 125 millions d'euros en CP, soit une hausse de 13 %.

La hausse proposée est donc conforme à la trajectoire inscrite à l'article 2 de la LPR qui prévoit pour l'année 2024 une hausse de 106 millions d'euros pour les crédits de financement de recherche sur projets de l'ANR. Le taux de sélection devrait se stabiliser en 2023 pour atteindre un niveau proche de celui de 2022, à savoir 24 %.

Le rapporteur spécial, qui défend depuis plusieurs années la mise à disposition d'une enveloppe d'un montant de l'ordre d'un milliard d'euros pour l'ANR salue le fait que le projet de budget 2024 permettra d'atteindre cette objectif symbolique. Il relève également que cette masse critique devrait permettre de se rapprocher d'un taux de sélection de 25 %, qui constitue un jalon important avant d'atteindre le taux-cible de 30 % en 2027.

Le rapporteur spécial souligne également l'enjeu essentiel que représente pour l'ANR de coordonner de manière efficace sa programmation et sa mise en oeuvre des financements sur projets avec le programme budgétaire « Horizon Europe », qui permet de financer des projets de recherche à l'échelle de l'Union européenne. La complémentarité de la programmation de l'ANR avec celle de la Commission européenne et la qualité de l'accompagnement proposé aux équipes de recherche situées en France, qui constitue l'une des missions de l'ANR, doit permettre d'atteindre un taux de succès de 30 % à 40 % pour les projets accompagnés afin de répondre à des appels à projets de l'Union européenne.

Enfin, le rapporteur spécial se félicite de la poursuite de la trajectoire d'augmentation du taux de préciput, c'est-à-dire de la part des financements sur projet dédiée aux établissements gestionnaires et hébergeurs des projets sélectionnés. La fixation à 30 % du taux de préciput en 2023 permet d'envisager d'atteindre rapidement la cible de 40 % que le rapporteur spécial soutient et qui a été inscrite dans la LPR.

Le préciput, un instrument de financement utile qui reste trop faible par rapport aux besoins de financement des établissements

Le préciput consiste à réserver systématiquement une partie des crédits obtenus par une équipe de chercheurs au financement des frais de fonctionnement de l'organisme qui abritera leurs recherches, afin d'encourager les organismes de recherche à se porter candidat.

Sur le plan budgétaire et conformément à ce qui avait été annoncé lors des débats parlementaires sur la LPR et dans sa programmation budgétaire, le taux du préciput est passé de 19 % en 2020 à 25 % en 2021 et 28,5 % en 2022. En 2023, la part du préciput a été portée à 30 %.

Le préciput est composé de 4 parts : une part dite « gestionnaire « ; une part dite « laboratoire « ; une part dite « hébergeur « et enfin une part dite « site «.

La part dédiée aux établissements gestionnaires des projets a été relevée de 8 % en 2020 à 10 % en 2021 et 10,5 % en 2022, celle des établissements hébergeurs des projets a été relevée de 11 % en 2020 à 13 % en 2021 et 13,5 % en 2022. Une part dédiée aux laboratoires et égale à 2 % a été introduite en 2021, puis relevée à 2,5 % en 2022. En 2022, une part dédiée au site a été créée avec un taux initial de 2 %.

Pour 2023, la part gestionnaire est de 10,5 %, la part hébergeur est de 13,5 %, la part laboratoire est de 3 % et la part dédiée au site est de 3 %.

Source : commission des finances, d'après le site de l'ANR

2. La hausse des dotations aux organismes de recherche est en partie contrebalancée par la hausse de leurs frais de fonctionnement
a) Les organismes de recherche bénéficient de dotations budgétaires croissantes en application de la LPR

Comme indiqué précédemment, e application de la trajectoire de hausse des crédits prévue par la LPR, les organismes de recherche subventionnés par le programme 172 bénéficient d'une augmentation de leurs dotations. Le montant total de subvention pour charge de service public (SCSP) versé par le programme atteint 6 051 millions d'euros, soit une hausse de 130 millions d'euros, c'est-à-dire de 2,2 %, par rapport au budget 2023.

Cette hausse a pour objet de couvrir les hausses de coûts des opérateurs liée à la fois aux mesures prévues par la LPR et à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique à hauteur de 1,5 % à partir du 1er juillet 202313(*).

Crédits alloués aux opérateurs par le programme 172 (hors ANR)

(en CP et en millions d'euros)

Opérateur

LFI 2023

PLF 2024

variation (absolue)

variation (relative)

IRD

222,7

228,1

+ 5,4

+2,4%

INSERM

710,4

726,9

+ 16,5

+2,3%

INRAE

840

858,8

+ 18,8

+2,2%

CNRS

3 049

3 123

+ 74

+2,4%

CEA

746,2

743

- 3,2

-0,4%

Autres opérateurs

624,5

632,5

+ 8

+1,3%

Total

6 192,8

6 312,3

+ 119,5

+1,9%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La trajectoire de hausse des subventions aux opérateurs publics de recherche confirme le rebond observé depuis 2021 après que ces opérateurs ont connu une période de lente érosion de leurs moyens.

Le rapporteur spécial salue à ce titre que l'exécution de la trajectoire législative adoptée par le Parlement en décembre 2020 se traduise par un redressement financier des organismes de recherche.

Ce redressement se traduit parallèlement par le recrutement de nouveaux personnels. Dans le périmètre du programme 172, le projet de loi de finances propose à ce titre un schéma d'emplois positif à hauteur de + 198 ETPT en 2024. Le rapporteur spécial relève cependant qu'il est important que cette consolidation financière ne soit pas remise en cause par la hausse des coûts des opérateurs.

b) La hausse durable des coûts de l'énergie et des rémunérations publiques absorbe une partie des marges de manoeuvre des organismes de recherche

Alors que la trajectoire de hausse des subventions publiques aux opérateurs de recherche prévue par la LPR a pour objectif de redonner aux organismes publics de recherche des marges de manoeuvre pour leur permettre d'investir au bénéfice du renforcement de la recherche française, la reconstitution de ces marges de manoeuvre est menacée par deux phénomènes concomitants.

En premier lieu, la hausse des coûts de l'énergie, qui ont augmenté de 24,8 % entre décembre 2021 et septembre 2023 selon l'estimation de l'INSEE, représente un défi d'une acuité particulière pour les opérateurs nationaux de la recherche qui sont nombreux à utiliser des infrastructures particulièrement consommatrice d'énergie, à l'image par exemple des supercalculateurs ou des électroaimants utilisés par le CNRS.

En second lieu, les mesures transversales de hausse des rémunérations publiques, qui résulte de décision prise par l'État, pèsent sur les budgets des organismes. En particulier, les deux hausses successives du point d'indice de la fonction publique, à hauteur de 3,5 % en juillet 2022 puis de 1,5 % en juillet 2023, constituent des décisions unilatérales de l'État sur lesquels les opérateurs ne disposent d'aucune marge de manoeuvre. Si le Gouvernement insiste sur le fait que la hausse des dotations des opérateurs a notamment pour objet de couvrir ces hausses de rémunération, les montants inscrits dans le projet de loi de finances ne permettent pas de couvrir toutes les conséquences financières qui découlent de ces revalorisations.

Les surcoûts induits par la seule revalorisation du point d'indice en 2023 sont estimés pour les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST)14(*) à 76 millions d'euros, dont 25,3 millions d'euros en 2023 et 50,7 millions d'euros en année pleine. L'enveloppe incluse dans le budget 2024 de 45 millions d'euros pour compenser les mesures transversales d'augmentation des rémunérations publique ne couvre par conséquent que 59 % de la hausse du point d'indice.

En ajoutant la hausse générale de cinq points des indices majorés en faveur des titulaires et des agents publics contractuels à partir du 1er janvier 2024, les surcoûts globaux atteignent 102 millions d'euros par an, compensés à hauteur de seulement 44 % par la hausse des dotations.

Prise en charge des surcoûts induits par la revalorisation
des rémunérations publiques pour les EPST (P172)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par conséquent, la fraction de la hausse des coûts induite par la majoration du point d'indice qui n'est pas prise en charge vient mécaniquement en déduction de la hausse programmée par la LPR des dotations aux opérateurs.

Ce mécanisme, auquel s'ajoute la dynamique des frais de fonctionnement induite par la hausse soutenue des prix de l'énergie, créé un risque que l'exécution de la LPR ne se traduise par un rétablissement de façade des moyens des opérateurs de recherche, alors même que l'ambition inscrite dans la LPR était de renforcer dans la durée les ressources de ces opérateurs dédiés à la recherche.

Ces deux éléments conjoncturels, la hausse simultanée des prix de l'énergie et des rémunérations publiques, n'avaient pas pu être pris en compte pendant l'élaboration de la LPR. Ce qui justifie une nouvelle fois d'actionner la « clause de revoyure de la LPR (cf supra).

C. LE FINANCEMENT DE L'ÉCOSYSTÈME DE RECHERCHE FRANÇAIS REPOSE ÉGALEMENT SUR LA MOBILISATION DE LEVIERS EXTRABUDGÉTAIRES

1. Le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) demeure l'un des principaux vecteurs du soutien public à la recherche

Le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) est un crédit d'impôt en faveur des entreprises créé en 1983 pour augmenter les dépenses de recherche. Profondément réformé entre 2004 et 2008, le CIR constitue aujourd'hui un crédit d'impôt non plafonné à hauteur, annuellement, de 30 % des dépenses de recherche jusqu'à 100 millions d'euros et de 5 % au-delà de ce seuil.

Le CIR, qui constitue la dépense fiscale la plus coûteuse en 2024, bénéficie à 15 700 entreprises pour un coût annuel estimé de 7,7 milliards d'euros. Par suite, le CIR est un dispositif structurant de l'économie de la recherche en France et son montant équivaut à lui seul à l'équivalent de 58 % des crédits budgétaires des programmes « recherche » de la MIRES.

Le coût du CIR a été dynamique entre 2008 et 2021 avec une croissance de 62 % sur cette période du nombre d'entreprises bénéficiaires.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Eu égard à son coût important pour les finances publiques, le CIR fait fréquemment l'objet d'évaluation sur son efficience. Une étude en date de juin 2021 réalisé par AA estime que si la réforme du CIR de 2008 a eu un effet statistiquement significatif sur les activités de R&D, elle n'a pas empêché le recul de l'attractivité de la France pour la localisation des activités de R&D des entreprises multinationales. Une étude complémentaire en date de septembre 2021 publié par la direction générale du Trésor met en exergue le fait que la réforme du CIR de 2008 a permis de redresser la croissance potentielle de 0,5 point de PIB à moyen terme et la création à long terme de 60 000 emplois.

Par suite, étant donné sa place déterminante dans l'architecture actuelle du financement de la recherche, toute réforme du CIR doit être envisagée avec précaution et en tenant compte des risques de réduction de la dépense intérieure en recherche et développement des entreprises, qui est un paramètre majeur pour la compétitivité de notre économie.

2. Le renforcement de la capacité des laboratoires français à mobiliser des fonds européens doit être encouragé et évalué

Financé par l'Union européenne et géré par la Commission européenne, le programme-cadre de recherche et d'innovation (PCRI) « Horizon Europe », qui a succédé au programme « Horizon 2020 » (2014-2020) a débuté le 1er janvier 2021. Il est doté d'un budget total de 96 milliards d'euros sur la période 2021-2027.

Le plan stratégique du PCRI pour la période 2021-2024 est structuré autour de quatre orientations : l'autonomie stratégique par les technologies numériques ; la restauration de la biodiversité ; l'économie durable et neutre pour le climat et la société résiliente et inclusive. Les financements du PCRI sont répartis à travers des partenariats et des appels à propositions gérés par la Commission.

Le retour français dans le périmètre du PCRI, c'est-à-dire les sommes reversées à la France par le programme-cadre, atteint 1 512 millions d'euros en 2022 soit 11,7 % du budget du programme. Ce résultat témoigne de la compétitivité de la recherche française étant donné que la France se situe à la deuxième place derrière l'Allemagne, dont le retour atteint 14,7 %.

Cependant, le rapporteur spécial estime que la France ne saurait se contenter de ce résultat au regard du fait que la France contribue au budget de l'Union à hauteur de 18,7 %, ce qui signifie qu'avec un taux de retour de 11,7 %, la France continue d'être un État contributeur net à la politique de recherche de l'Union européenne.

Si le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) a engagé depuis plusieurs années une réflexion sur la hausse des financements européens reversés à la France, avec notamment une politique de création de points de contact nationaux (PCN) pour mobiliser les chercheurs sur ce sujet, il existe encore une marge de manoeuvre pour renforcer le dispositif d'encouragement à la candidature à des financements de l'Union européenne.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La perspective d'augmentation du taux de retour français est à cet égard un point d'attention particulier pour le rapporteur spécial qui suivra de près la poursuite des efforts pour augmenter le nombre des dossiers déposés par les laboratoires français auprès des financeurs européens.

II. LES MOYENS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS À LA RECHERCHE EN DEHORS DU PÉRIMÈTRE DU MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE CONNAISSENT DES ÉVOLUTIONS DIFFÉRENTIÉES SELON LES DOMAINES

A. EN APPLICATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE, LA RECHERCHE SPATIALE BÉNÉFICIE D'UNE HAUSSE DE SES CRÉDITS POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

La politique spatiale fait partie, en application du traité de Lisbonne15(*), du domaine des compétences partagées entre les États membres et l'Union européenne. Par conséquent, la politique spatiale française s'insère dans la stratégie spatiale européenne.

Les crédits qui financent la politique spatiale française sont retracés dans le programme 193 « Recherche spatiale ». Les crédits budgétaires de ce programme sont en outre complété par les financements publics accordés dans le cadre du plan France 2030, qui représentent une enveloppe de 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble de la durée du plan.

La trajectoire des crédits du programme 193 a été inscrite à l'article 2 de la LPR qui prévoit une hausse globale des crédits du programme de 294 millions d'euros par an à horizon de 2030.

Après avoir bénéficié de deux hausses de crédits successives en 2022 puis 2023, le programme 193 bénéficiera à nouveau d'une hausse des crédits ouverts par le projet de loi de finances 2024 à hauteur de 35 millions d'euros en CP, conformément à la trajectoire pluriannuelle fixée par la loi de programmation pour la recherche (LPR). Entre 2022 et 2024, la croissance globale des crédits du programme atteint, en CP, 16 %.

Pour animer la politique spatiale française et la mettre en oeuvre, l'État s'appuie sur un opérateur de référence, le Centre national d'études spatiales (CNES), qui est un établissement public à caractère industriel et commercial créé en 1961.

Le CNES, qui bénéficie d'une subvention versée par le programme 193 à hauteur de 768 millions d'euros, est également financé par le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » à hauteur de 128 millions d'euros.

Alors que la hausse des moyens dédiés au programme 193 inscrite dans la LPR avait pour objectif de renforcer l'activité du CNES et de soutenir le développement de la politique spatiale européenne, l'évolution du contexte socio-économique depuis le vote de la LPR en décembre 2020 se traduit par une dégradation des perspectives de croissance de l'activité du CNES.

En effet, le centre fait face à des coûts de gestion croissants liés notamment à la hausse des prix de l'énergie depuis le début de l'année 2022. En 2024, le CNES estime à 50 millions d'euros le surcoût lié à l'inflation, soit 5 % de son budget global.

Si ce montant peut être pris en charge par l'opérateur à travers sa trésorerie ou la réorganisation de ses activités, le rapporteur spécial relève qu'il a pour effet de neutraliser la croissance de la dotation prévue par la LPR. Dans cette perspective, la situation du CNES illustre, une nouvelle fois, la nécessité d'actualiser la programmation inscrite dans la LPR pour tenir compte des effets de l'inflation.

L'enveloppe de financement par la France de l'Agence spatial européenne (ESA16(*)) continue de représenter la majorité des crédits du programme 193

L'Agence spatiale européenne est une agence intergouvernementale regroupant 22 pays européens. Elle constitue l'une des principales agences spatiales dans le monde avec la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Elle est dotée d'un budget annuel de 7 milliards d'euros en 2023.

Évolution de la contribution de la France à l'ESA

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La contribution de la France à l'ESA est constituée d'une enveloppe annuelle de crédits qui transite par le programme 193 et par le budget du CNES. Avec un montant programmé de 1 067 millions d'euros en 2024, l'enveloppe de financement de l'ESA représente plus de 50 % des crédits de paiement du programme 193.

La conférence ministérielle de l'ESA qui s'est réunie en novembre 2022 à Paris (CMIN22) a fixé le montant des souscriptions à 16,9 milliards d'euros pour les trois années à venir. Par conséquent, la dotation annuelle de la France devrait être stable.

Les conséquences du report d'Ariane 6

Le développement de la fusée Ariane 6 a été lancé en 2014 par l'ESA pour un vol inaugural initialement prévu en 2020. Plusieurs fois repoussé dans le temps, le vol inaugural est désormais programmé en 2024, soit plus de quatre ans après la date initialement envisagée.

Le report de la qualification d'Ariane 6 soulève plusieurs problèmes sur les plans budgétaires et extrabudgétaires.

Sur le plan extrabudgétaire, le retard d'Ariane 6 fait peser un risque sur l'autonomie stratégique européenne étant donné que la dernière fusée Ariane 5 a été lancée en juillet 2023 et que le lancement des fusées Soyouz depuis la Guyane a été suspendu après le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022.

Sur le plan budgétaire, le surcoût du programme Ariane 6 a été estimé à 600 millions d'euros par l'ESA. La contribution française à ces surcoûts a été financée par un abondement ponctuel inclus dans le plan « France Relance ».

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

B. LA HAUSSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'ÉNERGIE EST CONCENTRÉE SUR LES MOYENS DU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE (CEA)

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » représente un montant total de 1 948 millions d'euros en CP proposés pour 2024 soit 6 % des crédits de la mission et 15 % des crédits des programmes « recherche ».

Placé sous la responsabilité du ministère de la transition énergétique, le programme 190 est un instrument de financement de plusieurs opérateurs de recherche à travers le versement de subventions pour charge de service public à plusieurs organismes. Deux opérateurs sont par surcroît budgétairement rattachés au programme 190, qui constitue leur principal programme de financement : l'Institut français du pétrole « Énergies nouvelles » (IFPEN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le projet de loi de finances pour 2024 propose d'ouvrir sur le programme 190 un montant de 1 889 millions d'euros en AE, soit une hausse de 13 % par rapport à 2023, et 1 948 millions d'euros en CP, soit une hausse de 8 % par rapport à 2023. Cette dynamique apparente des crédits du programme est toutefois dépendante de l'effet de l'augmentation des moyens dédiés au CEA. En excluant la subvention au CEA du périmètre du programme, le reste des actions disposerait en 2024 d'un montant stable de CP avec une croissance limitée à 1,8 %.

En particulier, malgré le contexte de relance de la filière nucléaire française, l'IRSN qui constitue un acteur majeur de l'expertise et de la recherche dans le domaine la sûreté nucléaire, ne bénéficie pas d'une hausse substantielle de ses moyens. En effet, la contraction rapide de la subvention de l'institut qui ont été réduite de plus de 16 % entre 2012 et 2022 risque de peser sur son activité alors que la relance de la filière justifie de réinvestir dans le domaine de la sûreté nucléaire. La hausse proposée de la subvention, qui atteindrait 182,6 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024, ne représente qu'une croissance de 1,8 % de la subvention et elle devra être confortée à moyen terme pour assurer la soutenabilité d'un accroissement de l'activité.

Le rapporteur spécial relève à cet égard que les constats qu'il a dressés dans un rapport d'information publié en mai 202317(*) conservent leur pertinence et il sera particulièrement attentif à ce que la lenteur du rythme de redressement du budget de l'IRSN ne fragilise par l'institution.

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement de recherche à caractère scientifique, technique et industriel créé en 1945. Il mène des travaux de recherche et d'innovation, notamment en soutien de la filière nucléaire française civile et contribue à la pérennité de la dissuasion nucléaire française à travers sa direction des applications militaires. Par conséquent, le budget du CEA est alimenté par plusieurs programmes budgétaires dont le principal est le programme 190.

Dans le cadre de la hausse de l'activité du CEA décidée lors du Conseil de politique nucléaire du 3 février 2023, le projet de loi de finances pour 2024 propose le versement par le programme 190 d'une subvention de 1 399 millions d'euros, en augmentation de 11 % par rapport à 2023.

Répartition par programme budgétaire des financements du CEA

en CP et en millions d'euros

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

C. LA STABILISATION DU DISPOSITIF DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES EXPLIQUE L'INERTIE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 192

Le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », placé sous la responsabilité du ministre chargé de l'industrie, représenterait en 2024 un montant de 689 millions d'euros de CP, soit 5 % des crédits des programmes « recherche » de la MIRES.

Le programme permet à la fois de financer le volet « social » du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) et de couvrir les subventions à des opérateurs de formation et de recherche en matière économique et industrielle, dont les principaux sont le groupe Mines Télécom (GMT) et le groupe des écoles nationales d'économie et statistique (GENES). Sur les 376 millions d'euros de CP proposé en 2024 pour financer les opérateurs de l'État, le GMT représente à lui seul 82 % du montant avec 309 millions d'euros.

Le montant de crédits proposé pour 2024 est stable avec 678 millions d'euros en AE et 689 millions d'euros en CP, soit une récession réduite à 0,5 % en AE et 0 ,7 % en CP. Cette stabilisation des crédits du programme intervient alors que les dépenses de ce programme étaient dynamiques depuis 2022, notamment sous l'effet de la hausse des coûts associés au dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI).

S'agissant du financement des organismes de formation supérieur et de recherche en matière économique et industrielle, les crédits du programme proposé en 2024 sont de 335 millions d'euros en CP, soit une hausse de 4,9 % en un an. Cette hausse est destinée notamment à tenir compte de l'augmentation du nombre d'élèves du GMT et du GENES.

Le dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) est un mécanisme de soutien public à la recherche et à l'innovation en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Les entreprises éligibles au statut de JEI sont les petites et moyennes entreprises (PME) créées depuis moins de onze ans18(*) qui investissent en recherche et développement (R&D) au moins 15 % de leurs dépenses. Les JEI bénéficient d'un double avantage : sur le plan fiscal, elles se voient appliquer des exonérations d'impôts sur leurs deux premiers exercices bénéficiaires ; sur le plan social, une exonération de cotisations sociales patronales s'applique sur certains salaires pendant huit ans.

Le volet fiscal représente une dépense fiscale estimée à 12 millions d'euros en 2024. Le volet social, qui concentre 95 % du coût dispositif, est financé par des crédits budgétaires du programme 192 au titre du principe de la compensation État-Sécurité sociale.

La dotation budgétaire pour couvrir le volet social du dispositif JEI a connu une hausse depuis plusieurs années et il est passé de 197 millions d'euros en 2020 à 318 millions d'euros en 2023. La stabilisation des crédits du programme 192 s'explique dans le PLF 2024 par l'inertie du coût du dispositif, puisque les crédits correspondants se stabilisent à 302 millions d'euros en CP.

Évolution de la dotation budgétaire pour compenser le volet social
du dispositif JEI

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

D. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE DUALE FINANCENT, AVEC UN BUDGET STABILISÉ, DES PROJETS QUI INTÉRESSENT LE MONDE CIVIL ET LES ARMÉES

Le programme 191 » Recherche duale (civile et militaire) », placé sous la responsabilité du ministère des armées, représente un montant limité de crédits, qui correspondent, en CP proposés pour 2024, 0,4 % des crédits de la mission et 1 % des crédits des programmes « recherche ».

Cette enveloppe de financement permet de verser un complément de subventions à deux opérateurs de recherche du fait des applications qui ont à la fois une utilité dans la sphère civile et dans la sphère militaire.

Comme indiqué précédemment, en premier lieu, le CNES bénéficie d'un complément de subvention à hauteur de 128 millions d'euros qui permet de financer plusieurs projets de recherche en cours dont le projet CASTOR qui porte sur les futures technologies de satellites de télécommunications.

En second lieu, le CAE bénéficie d'un complément de subvention à hauteur de 22 millions d'euros qui permet notamment de financer des projets de lutte contre la menace nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif (NRBC-E).

Le projet de loi de finances propose une stabilité complète du programme en ouvrant 150 millions d'euros en AE et en CP, soit les mêmes montants qu'en 2023.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

E. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE AGRICOLES PERMET DE COUVRIR LA HAUSSE DU NOMBRE D'ÉTUDIANTS ACCUEILLIS

Le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », placé sous l'autorité du ministre chargé de l'agriculture, finance à la fois la recherche et l'enseignement supérieur dans le domaine de l'agriculture. La part de l'enseignement supérieur représente 91 % des CP prévus en 2024 dans le programme.

Les crédits du programme subventionnent notamment les dix établissements publics d'enseignement supérieur agricole à hauteur de 75 millions d'euros proposés en CP en 2024. De manière moins significative, le programme finance également une subvention au bénéfice de l'INRAE à hauteur de 27 millions d'euros proposés en CP en 2024.

Le nombre des étudiants dans les cursus d'ingénieurs et de vétérinaires dans les établissements publics d'enseignement supérieur agricole a augmenté de 16 % entre 2017 et 2022. La dynamique du programme 142 a pour objet de couvrir cette augmentation d'activité, qui se traduit notamment par la création de 8 postes prévue en 2024 pour renforcer l'encadrement pédagogique au sein des écoles nationales vétérinaires.

Les crédits du programme, qui atteindrait en 2024 445 millions d'euros en AE et 443 millions d'euros en CP en 2024, soit une hausse annuelle de 4,4 %, est en cohérence avec cette trajectoire.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement a retenu, sans modifier le montant global des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », deux amendements de crédits.

En premier lieu, l'amendement n°II-2756 de la députée Marie-Christine Dalloz (LR) majore de 10 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), les crédits du programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire » et minore en compensation les crédits de l'action 1 « Développement de la technologie spatiale au service de la science » du programme 193 « Recherche spatiale » de 10 millions d'euros en AE et en CP.

La majoration des crédits du programme 172 a pour objet, selon la motivation de l'amendement retenu, d'apporter un complément de financement à la recherche sur les cancers pédiatriques. Les crédits supplémentaires abonderont l'action 15 « Recherches scientifiques et technologiques en science de la vie et de la santé » du programme 172 dont les principaux opérateurs sont le CNRS et l'Inserm.

En second lieu, l'amendement n°II-2758 également déposée par la députée Marie-Christine Dalloz (LR) majore de 10 millions d'euros, en AE et en CP, les crédits du programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire » et minore en compensation les crédits de l'action 17 « Recherche » du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».

La majoration des crédits du programme 172 a pour objet, selon la motivation de l'amendement retenu, de majorer la subvention pour charges de service public versées à l'Inserm par l'action 15 « Recherches scientifiques et technologiques en science de la vie et de la santé ». Cette majoration de la subvention versée à l'Inserm a pour finalité d'abonder le financement de la recherche sur la maladie dite de Lyme.

Les rapporteurs spéciaux soutiennent la hausse des financements dédiés respectivement à la recherche sur les cancers pédiatriques et à la recherche sur la maladie de Lyme. Ils seront attentifs à ce que les majorations des crédits du programme 172 permettent une augmentation effective du financement de la recherche dans ces deux domaines.

Nonobstant, les rapporteurs spéciaux regrette que le Gouvernement n'ai pas levé les gages de ces deux amendements, qu'il a retenus pour l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Le Gouvernement a également retenu un amendement relevant de 110 ETPT le plafond d'emplois du programme « Vie étudiante » afin de permettre au réseau des oeuvres universitaires et scolaires de faire face à ses besoins en recrutements infra-annuels, ce dont les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 55 quinquies (nouveau)

Élargissement de l'accès à la centrale d'achat du centre national
des oeuvres universitaires et scolaires aux acheteurs publics ou privés
à but non lucratif

Le présent article prévoit d'étendre aux acheteurs publics ou privés à but non lucratif le bénéfice de la centrale d'achat du centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), dès lors que les services de ces acheteurs sont offerts au moins en partie à des étudiants.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE OUVERTURE EN 2023 DE LA CENTRALE D'ACHAT DU CNOUS AUX SERVICES DE L'ÉTAT, AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'article R. 822-3 du code de l'éducation dispose que le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, composé d'un centre national (CNOUS) et de centres régionaux (CROUS), peut « constituer une centrale d'achat chargée de passer des marchés publics, conclure des accords-cadres, ou acquérir des fournitures ou services pour le compte des centres régionaux des établissements d'enseignement supérieur, des organismes de recherche et des autres organismes publics accueillant des publics pouvant bénéficier des prestations et services fournis par le réseau ».

La définition d'une centrale d'achat figure à l'article L. 2113-2 du code de la commande publique. Constitue une centrale d'achat un acheteur qui a pour objet d'acquérir des fournitures ou des services de façon permanente, au bénéfice des acheteurs, ou de passer des marchés de travaux, de fournitures ou de services.

L'article 194 de la loi de finances initiale pour 202319(*) a ouvert aux services de l'État, aux établissements publics, ou aux collectivités territoriales la possibilité d'accéder à la centrale d'achat du CNOUS pour acquérir des denrées alimentaires et d'autres biens nécessaires au développement d'une offre de restauration bénéficiant au moins en partie à des étudiants. Cette possibilité figure désormais à l'article L. 822-1 du code de l'éducation qui définit les missions du réseau des oeuvres.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION À D'AUTRES ACTEURS PUBLICS OU PRIVÉS DE LA CENTRALE D'ACHAT DU CNOUS

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement, retenu dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Il élargit la possibilité d'accéder à la centrale d'achat du CNOUS, aujourd'hui limitée à l'État, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics, à d'autres acheteurs publics ou privés à but non lucratif. Ainsi, les principaux bénéficiaires de cette extension seraient les structures associatives.

Il étend en outre les possibilités d'accès à cette centrale d'achat. Dans la rédaction actuelle, celle-ci concerne uniquement les denrées alimentaires et les biens nécessaires au développement d'une offre de restauration destinée au moins en partie à des étudiants. Le présent article propose d'inclure l'ensemble des fournitures, services ou travaux destinés au fonctionnement de services de restauration ou d'hébergement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MODIFICATION QUI VA DANS LE SENS D'UN ACCÈS FACILITÉ À LA RESTAURATION ET L'HÉBERGEMENT POUR LES ÉTUDIANTS

L'extension mise en place en 2023 a pour objectif de permettre à un nombre croissant d'étudiants d'accéder à une offre de restauration à tarif modéré, les services de l'État, les opérateurs et les collectivités acceptant d'accueillir des étudiants en échange de la possibilité d'accéder aux tarifs préférentiels offerts par la centrale d'achat du CNOUS. La possibilité d'effectuer des économies d'échelle permet de mettre en place un cercle vertueux, qui bénéficie in fine aux étudiants comme aux bénéficiaires de la centrale d'achats. Cela vise donc à répondre aux inégalités d'accès au service public de la restauration universitaire, dans le même sens que la récente loi d'initiative sénatoriale du 13 avril 202320(*).

L'article 194 de la loi de finances pour 2023 répondait en outre à une recommandation de la mission d'information du Sénat sur les conditions de la vie étudiante21(*). Pour cette raison, il avait été adopté au Sénat avec un avis de sagesse de la commission des finances.

Il est cependant permis de s'interroger sur l'efficacité du déploiement du dispositif dans sa rédaction actuelle. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a elle-même indiqué en juin dernier, lors de l'examen du rapport de M. Thomas Cazenave, alors rapporteur spécial sur la vie étudiante : « je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous indiquer précisément les voies et les moyens d'application, car son entrée en vigueur soulève de nombreuses questions d'opérationnalité. Mes services travaillent activement à ce sujet, en étudiant les dispositifs comparables, notamment du côté de l'Agence de services et de paiement. Je ferai le maximum pour déployer des solutions opérationnelles dès le début 2024 »22(*).

Le présent article devrait tirer les conséquences des modifications nécessaires à la pleine opérationnalité du dispositif mis en place en 2023, notamment en incluant les associations dans le dispositif ainsi qu'en l'étendant à l'hébergement.

Si la commission avait pu, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, exprimer des doutes sur l'appartenance de l'article 194 au domaine des lois de finances, le Conseil constitutionnel n'a pas considéré qu'il était contraire aux dispositions de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances. En conséquence, suivant la même logique, il faut donc en conclure que le présent article ne pose pas de difficulté au regard du domaine des lois de finances.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 31 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin et de M. Jean-François Rapin sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons au rapport spécial de Mme Vanina Paoli-Gagin et de M. Jean-François Rapin sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - La mission « Recherche et enseignement supérieur », d'un montant total de 32 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2024, est la quatrième mission du budget général. Il s'agit d'une mission dynamique : son budget devrait augmenter de 3 % cette année.

Je vais commencer par présenter les programmes budgétaires relatifs à la recherche publique dans notre pays.

L'adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR) au mois de décembre 2020 a été un événement important. Alors que le monde de la recherche publique traversait une période d'incertitude, nourrie par un phénomène de désinvestissement progressif, il était indispensable de réaffirmer notre ambition d'être un acteur majeur de la recherche à l'échelle européenne et mondiale. Par l'adoption de ce texte, nous avons envoyé un signal fort de soutien aux communautés de recherche, car il témoigne de l'engagement pris par la représentation nationale pour financer la recherche publique à la hauteur de ses ambitions.

J'attire votre attention sur deux aspects saillants du budget qui nous est proposé.

En premier lieu, force est de constater que les montants inscrits dans la LPR sont respectés. Même s'ils ne tiennent pas compte de l'inflation, ils correspondent à la trajectoire prévue par la programmation, je tiens à le souligner. Ainsi, les programmes de la recherche publique bénéficient d'une hausse de 540 millions d'euros en un an. Ces moyens supplémentaires correspondent pour plus de 60 % à l'exécution des mesures inscrites dans la LPR, qui concernent notamment l'attractivité des métiers de chercheurs et le recrutement de nouveaux effectifs. Il convient également de saluer le redressement du taux de succès des candidatures déposées auprès de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui est passé de 19 % en 2020 à 24 % en 2023, sous l'effet de l'augmentation durable de ses crédits d'intervention.

En second lieu, j'aimerais tempérer cette appréciation au regard de la vitesse à laquelle la conjoncture a évolué depuis l'adoption de la LPR. En effet, dès son examen en première lecture au Sénat, notre commission, dont j'étais rapporteur pour avis, avait alerté nos collègues sur les incertitudes liées aux hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au projet de programmation. Nous avions déjà estimé qu'une programmation sur une durée particulièrement longue, en l'occurrence dix ans, risquait d'être remise en cause en cas de renversement de la conjoncture. C'est pourquoi, je le rappelle, nous avions proposé des amendements visant à raccourcir la durée à sept ans. C'est également pour cette raison que le Sénat avait insisté pour maintenir dans le texte une clause de revoyure tous les trois ans tendant à actualiser la programmation, afin de la mettre en cohérence avec l'évolution de son environnement. Nous constatons aujourd'hui que malgré l'engagement pris par le Gouvernement à l'époque, aucun exercice d'actualisation de la programmation n'est à l'ordre du jour ; c'était pourtant l'une des conditions pour que la commission mixte paritaire soit concluante.

Cette absence d'actualisation est d'autant plus préjudiciable que nos organismes de recherche sont aujourd'hui exposés à des surcoûts exogènes, qui pourraient fragiliser leur trajectoire budgétaire, qu'il s'agisse des surcoûts énergétiques ou de la hausse des dépenses de personnel, sous l'effet, par exemple, de l'augmentation du point d'indice, qui ne sera que partiellement compensée. Aussi, j'estime que le risque que nous avions identifié en 2020 était fondé et que l'actualisation de la LPR est non seulement une obligation, qui résulte de son article 3, mais également une nécessité, pour préserver les ambitions initiales fixées par la loi.

Pour autant, malgré l'absence d'une telle actualisation, l'exécution de la trajectoire se poursuit et permet le redressement progressif de nos organismes publics de recherche ; il faut le saluer et l'encourager.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits proposés pour la partie recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Les deux programmes qui concentrent les crédits dévolus à l'enseignement supérieur bénéficient cette année encore d'une hausse importante. Ils atteignent désormais 18,5 milliards d'euros, soit 500 millions d'euros de plus que l'an passé.

Habituellement, les universités sont les premières bénéficiaires de telles augmentations. Pour autant, la tendance sera différente en 2024 puisqu'une part importante de cette hausse est consacrée à la vie étudiante. La réforme des bourses sur critères sociaux a entraîné un accroissement de 9 % des crédits consacrés aux bourses.

À l'instar de mon collègue Jean-François Rapin, je me satisfais de voir que les engagements pris dans la LPR ont été tenus dans ce projet de loi de finances, notamment au travers du recrutement de 525 doctorants et jeunes chercheurs supplémentaires. Mais, comme je l'avais également souligné en 2022, la forte inflation a largement érodé la trajectoire financière fixée en 2020.

Or l'inflation a également nécessité la mise en place de mesures salariales générales pour la fonction publique. Pourtant, le Gouvernement a choisi de ne compenser les établissements qu'à hauteur de la moitié de la hausse du point d'indice en 2024, sans d'ailleurs ajouter de moyens supplémentaires pour la moitié de 2023. Les établissements doivent donc mobiliser leurs fonds propres, à hauteur d'environ 150 millions d'euros, pour exécuter une mesure décidée seulement par le Gouvernement. En revanche, ils devraient disposer d'un report de 100 millions d'euros de crédits supplémentaires, votés en 2022, afin d'absorber une part de leurs surcoûts énergétiques.

Je voudrais revenir sur deux tendances de long terme, qui transforment progressivement et structurellement l'enseignement supérieur public dans notre pays. La première est liée au développement de l'apprentissage : le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a crû de 140 % depuis 2017. En deux ans, il a même plus que doublé dans les écoles de commerce. L'apprentissage constitue le plus souvent un atout de formation pour les étudiants, ainsi qu'une réponse au financement de leurs études. Aussi vertueux soit-il, le développement de l'apprentissage constitue pour autant une forme d'externalisation du financement de l'enseignement supérieur.

La seconde est l'augmentation du nombre d'étudiants de l'enseignement supérieur privé - elle est notamment nourrie par les déçus de Parcoursup, même si elle répond également à une demande de nouvelles formations dans certains secteurs -, qui s'élève à 68 % entre 2014 et 2023. Le secteur privé représente désormais 40 % des étudiants en écoles d'ingénieurs dans notre pays. L'enjeu est, me semble-t-il, d'éviter que cette tendance n'entraîne la perte d'attractivité du secteur public. Il est donc crucial de veiller au contenu global des formations délivrées bénéficiant d'un agrément du ministère.

En loi de finances initiale pour 2023, quelque 35 millions d'euros ont été prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) avec certaines universités. Ce montant a été maintenu en 2024, mais sans bénéficier de moyens nouveaux. Si l'idée est intéressante, les montants concernés sont toutefois bien trop faibles pour constituer une véritable incitation pour les universités.

J'en viens maintenant aux moyens consacrés à la vie étudiante. Les bourses sur critères sociaux ont été réformées - c'était nécessaire - à la rentrée de septembre 2023. Les plafonds de ressources n'ayant pas été revalorisés depuis 2013, le nombre d'étudiants boursiers était en constante érosion. Entre 2021 et 2022, on a dénombré 80 000 étudiants boursiers de moins, alors même que la crise sanitaire a accru les phénomènes de précarité étudiante. En conséquence, les montants ouverts au titre des bourses étudiantes ont été fortement sous-consommés au cours des deux dernières années.

La réforme des bourses prévoit, outre une revalorisation des plafonds, qui devrait accroître le nombre d'étudiants éligibles, une augmentation de 37 euros par mois. Des mesures spécifiques sont prévues pour les étudiants en situation de handicap ou pour les aidants, ainsi que pour les étudiants ultramarins. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élève ainsi à 2,5 milliards d'euros.

En parallèle, la subvention versée au réseau des oeuvres universitaires progressera de 69,8 millions d'euros. Il s'agit non pas d'accorder de nouveaux moyens, mais d'ajuster ceux qui existent déjà pour tenir compte de l'accroissement de l'offre de restauration des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et du gel des loyers dans les résidences étudiantes.

Les différents dispositifs à destination des étudiants précaires, notamment le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et le gel des loyers dans les résidences étudiantes, pèsent fortement sur les ressources des Crous.

Le modèle économique du réseau des Crous, mis en péril pendant la crise sanitaire, est désormais fragile. La hausse des coûts des denrées alimentaires a engendré une forme d'effet ciseaux : le nombre de repas servis augmente de façon exponentielle et en même temps l'on constate un renchérissement des prix alimentaires. La fréquentation des restaurants universitaires croît en parallèle très rapidement : l'activité à la rentrée 2023 a été supérieure de 7 % à l'année précédente, alors qu'elle avait déjà augmenté de 20 % par rapport à l'année 2021. Cela doit constituer un point de vigilance de notre part.

Ces remarques mises à part, je vous propose d'adopter les crédits pour les programmes relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux qui ont dressé un panorama complet de la situation budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Qu'en est-il de la trésorerie des opérateurs rattachés à cette mission ? Le ministre de l'économie nous a expliqué qu'il devait récupérer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, près de la moitié de 2,5 milliards d'euros excédentaires identifiés sur les fonds des opérateurs. Le ministre avait notamment mentionné un excédent pour le CNRS de plus d'un milliard d'euros. La ministre de l'enseignement supérieur avait également mentionné les universités, sujet particulièrement sensible, et la Cour des comptes avait mis en avant un gisement de 500 millions d'euros. Par ailleurs, le projet de loi de finances de fin de gestion prévoit sur cette mission une ponction de près de 400 millions d'euros, ce que je trouve en contradiction avec les évolutions prévues pour 2024.

M. Marc Laménie. - Le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne m'a fait part de la situation financière très difficile qu'il rencontre, dans un contexte d'inflation et de surcoûts énergétiques, auquel il faut ajouter les mesures sociales de revalorisation des rémunérations des agents publics. Dans ces conditions, la disponibilité de ses fonds de roulement est très réduite. Quel est votre avis sur cette situation, ma chère collègue ?

M. Michel Canévet. - Des ponctions dans la trésorerie des universités sont-elles envisagées ? De plus, des moyens sont-ils prévus dans ce budget pour permettre la modernisation et l'adaptation des bâtiments des universités aux impératifs de la transition énergétique ?

En ce qui concerne le programme de financement de la recherche Horizon Europe, si la France n'est pas le pays qui a le meilleur taux de retour sur investissement, lequel est-ce ? Y a-t-il des actions particulières à mettre en oeuvre pour atteindre le premier rang, notamment en regardant ce qui se fait dans les autres pays ?

Mme Florence Blatrix Contat. - La hausse des crédits de la mission, qui s'élève cette année à 3,2 %, est à peine supérieure à l'inflation, qui est prévue à 2,5 %...

Quels moyens seront véritablement accordés aux universités pour compenser les surcoûts énergétiques ? De plus, la baisse des crédits relatifs à la maintenance et à la logistique immobilière ne permet pas aux établissements d'entretenir leur patrimoine immobilier.

Selon moi, il est réducteur de dire que les élèves se tournent vers des structures privées du fait de l'incertitude des résultats de Parcoursup. Il faudrait analyser les formations qui pourraient être mises en place et s'attacher à contrôler le contenu des formations privées et des agréments donnés.

Par ailleurs, je partage les inquiétudes de madame la rapporteur spécial à propos des Crous : ils ont besoin de davantage de moyens, car la précarité étudiante est très forte et s'accroît !

Dans ces conditions, nous réservons notre vote.

Mme Christine Lavarde. - Les opérateurs qui se voient attribuer des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficient également de subventions issues d'autres programmes pour des actions spécifiques. Dans ces conditions, monsieur le rapporteur spécial, avez-vous une image agrégée des budgets de fonctionnement des grands opérateurs, dont les financements proviennent de différentes missions budgétaires ?

Du reste, certains opérateurs publics bénéficient des crédits du plan France 2030... C'est de l'économie circulaire ! Les subventions auraient pu leur être directement versées sans passer par un dispositif aussi compliqué qu'un appel à projets ou un appel à manifestation d'intérêt. Quelle est la masse financière des crédits provenant de France 2030 et dévolus aux opérateurs publics de recherche ?

M. Claude Raynal, président. - Qu'en est-il de la poursuite du financement des sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), lequel arrive, me semble-t-il, bientôt à échéance ?

Il faudrait faire un bilan des dix ans de financement des Satt et analyser les perspectives. Cette question concerne à la fois la mission « Investir pour la France de 2030 » et la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Pourrions-nous disposer d'une telle analyse de votre part ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la question de la trésorerie des opérateurs est liée à celle des fonds de roulement. Certains opérateurs ont beaucoup de liquidités immédiatement disponibles et des fonds de roulement très modestes. D'autres ont des difficultés, alors qu'ils ont une trésorerie importante, qui est liée à la lente programmation des versements dans la recherche, où le calendrier est pluriannuel.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Le fonds de roulement net des universités s'élevait à 623 millions d'euros en 2022, dont près des trois quarts sont déjà mobilisés pour des projets pluriannuels. La disparité des situations entre les universités est très grande. Si elles peuvent constituer des fonds de roulement, les universités n'ont pas le droit de recourir à l'emprunt, y compris pour investir ! En outre, la moitié des hausses du point d'indice doit être assurée par la mobilisation des fonds de roulement.

Le besoin d'investissement pour rénover le patrimoine universitaire s'élève à plus de 7 milliards d'euros, selon notre rapport de 2021 intitulé Gestion de l'immobilier universitaire : un sursaut indispensable pour un avenir soutenable. Dans le cadre du Plan de relance, l'appel à projets dédié à la rénovation énergétique des bâtiments publics a mobilisé environ 1 milliard d'euros à destination des bâtiments de l'enseignement supérieur.

J'espère que les universités vont s'emparer du dispositif de tiers financement, dont les décrets d'application ont été publiés récemment. Ce dispositif permet de faire financer au secteur privé les travaux de rénovation des bâtiments publics, en négociant des contrats d'achat d'énergie d'une durée de quinze ans ou de vingt ans. Le privé se rémunère via la vente directe d'électricité (PPA - Power Purchase Agreement), c'est-à-dire sur le coût de l'énergie. Ainsi, les établissements peuvent adapter leur patrimoine aux objectifs de transition énergétique sans supporter le coût de l'investissement.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - C'est l'Allemagne qui a le meilleur taux de retour pour le programme Horizon Europe.

Les actions qui permettraient à la France de progresser sont déjà mises en place par les grands opérateurs. Par exemple, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont instauré des groupes de travail assistant leurs laboratoires dans le dépôt de dossiers européens. Le problème est davantage lié à la capacité des petits opérateurs à aller chercher ces financements européens. Il faudrait peut-être imaginer des dispositifs qui permettent des passerelles entre les plus petits opérateurs et les plus grands, tels que le CNRS.

Par ailleurs, personne ne peut prédire le prix de l'énergie en 2024, ce qui n'est pas sans conséquence sur les besoins en fonds de roulement. Comme l'an dernier, la situation est pleine d'incertitudes.

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - L'enseignement supérieur privé répond bien sûr à d'autres attentes et préoccupations que la simple déception résultant de Parcoursup. Sans doute faut-il que nous révisions les contenus pédagogiques de certaines formations de l'enseignement public, lesquelles ne répondent plus aux attentes des étudiants.

Les repas à tarifs sociaux des restaurants universitaires (repas à 1 euro et à 3,30 euros) représentent un coût de 50 millions d'euros, et 17 millions de repas servis par an.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Au sein de notre mission, il y a des croisements de crédits, ce qui complique évidemment notre tâche.

Pour le plan France 2030, nous avons identifié en 2022 près de 1,3 milliard d'euros de crédits de paiement dans le secteur de la recherche. À titre d'exemple, le Centre national d'études spatiales (CNES) que nous avons auditionné est chargé de la mise en oeuvre d'un dispositif du plan France 2030 qui est financé par des crédits additionnels extérieurs à sa subvention annuelle versée par la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je rejoins notre collègue Christine Lavarde sur le fait que ce type de flux croisés au sein du budget général donne l'impression d'une « économie circulaire » qui risque de générer des coûts de gestion qui ne sont pas indispensables et que nous devons suivre de près.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a proposé au Sénat d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement n°II-24 (FINC.1) du rapporteur général minorant, au sein du programme 172, la subvention pour charges de service public du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 100 millions d'euros. Elle a proposé d'adopter l'article 55 quinquies sans modification.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

- Mme Naomi PERES, directrice de cabinet ;

- Mme Louise THOMAS-VAILLANT, conseillère parlementaire et discours ;

- M. Baptiste BOURBOULON, conseiller budgétaire.

Enseignement supérieur

Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)

- Mme Anne-Sophie BARTHEZ, directrice générale ;

- M. Philippe BURDET, sous-directeur au financement de l'enseignement supérieur ;

- Mme Laure VAGNER-SHAW, adjointe de la directrice générale et cheffe du service de stratégie des formations et de la vie étudiante ;

- Mme Anne GRANGE, adjointe à la sous-directrice à la réussite et à la vie étudiante ;

- M. Gaël MORICET, chef du département du pilotage et du financement de la vie étudiante.

France Universités

- M. Guillaume GELLÉ, président ;

- M. Kévin NEUVILLE, conseiller relations institutionnelles et parlementaires ;

- M. Timothé GAGNARD, chargé de relations institutionnelles et parlementaires.

Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous)

- Mme Dominique MARCHAND, présidente ;

- Mme Laurence SORRET, sous-directrice des finances et de la performance.

Union des Grandes Écoles Indépendantes (UGEI)

- M. Etienne CRAYE, président ;

- Mme Sophie SAVIN, déléguée générale ;

- Mme Chloé JOUGLAS-GEINDREAU, chargée des affaires publiques.

Recherche

Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI)

- Mme Claire GIRY, directrice générale de la recherche et de l'innovation ;

- M. Guilhem de ROBILLARD, chef du service de la performance du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche.

Agence nationale de la recherche (ANR)

- M. Dominique DUNON-BLUTEAU, directeur des opérations scientifiques ;

- Mme Cécile SCHOU, conseillère relations institutionnelles.

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

- M. Antoine PETIT, président-directeur général ;

- M. Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.

Centre national d'études spatiales (CNES)

- M. Philippe BAPTISTE, président ;

- M. Pierre TREFOURET, directeur de cabinet du président ;

- M. Nicolas HENGY, directeur financier.

Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)

- Pr Didier SAMUEL, président directeur général ;

- Mme Laurianne CRUZOL, directrice des affaires financières ;

- Mme Anne-Sophie ETZOL, responsable des relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 2 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

* 3 Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023.

* 4 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 5 v. Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur

* 6 Quelques autres établissements disposent également de ce statut et des communautés d'universités et d'établissements (COMUE) commencent, à leur tour, à passer aux responsabilités et compétences élargies (RCE).

* 7 Bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), rapport d'information n° 790 (2022-2023), juin 2023.

* 8 Cf. infra.

* 9 Réponses de France universités au questionnaire du rapporteur spécial.

* 10 Loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

* 11 Le réseau CNOUS - CROUS : points forts, points faibles et évolution possible du modèle, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, rapport n° 22-23 002B - avril 2023.

* 12 cf. Sénat, commission des finances, 13 octobre 2020, n° 32 (2020-2021), Avis sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, au rapport de M. Jean-François Rapin.

* 13 v. décret n° 2030-519 du 28 juin 2023.

* 14 Les opérateurs entrant dans ce périmètre sont le CNRS, l'INED, l'INRAE, l'INRIA, l'Inserm et l'IRD.

* 15 v. traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, article 4.

* 16 European Space Agency.

* 17 cf. Sénat, commission des finances, 24 mai 2023, n° 629 (2022-2023), Rapport d'information sur l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), au rapport de M. Jean-François Rapin.

* 18 Ce seuil a été porté à huit ans pour les entreprises créées à partir du 1er janvier 2023.

* 19 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 20 Loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

* 21 Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités, rapport d'information de M. Laurent LAFON au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, n° 742 (2020-2021), juillet 2021.

* 22 Rapport d'information sur la restauration étudiante, présenté en application de l'article 146, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée nationale par M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », juin 2023.

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