B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le nombre croissant de repas à tarifs sociaux met sous tension le réseau des Crous en période d'inflation

Dans le contexte de la crise sanitaire, des mesures de soutien au pouvoir d'achat ont été déployées à la rentrée 2020, avec notamment la création d'un tarif à 1 euro, dans les restaurants universitaires des CROUS, pour les étudiants boursiers, et le gel à 3,30 euros pour les autres étudiants. Entre janvier et septembre 2021, le tarif à 1 euro a été étendu à l'ensemble des étudiants, boursiers et non boursiers. Depuis la rentrée 2021, le repas à 1 euro n'est plus accessible qu'aux étudiants boursiers et aux étudiants « en situation de précarité », ces derniers devant faire état de difficultés financières graves constatées par les services sociaux des Crous.

Le coût du repas à un euro s'est élevé à 45,5 millions d'euros en 2022. Il est compensé par l'État par rapport au différentiel avec un repas à 3,30 euros, et non par rapport au coût réel d'un repas.

La dotation prévue en PLF 2024 s'élève à 51,4 millions d'euros soit une stabilité par rapport à la LFI 2023. L'année 2023, et ce sera sans doute le cas de l'année 2024, est pourtant caractérisée par la hausse du coût des denrées alimentaires, entraînant un double-mouvement : d'une part la hausse du nombre de repas distribués et d'autre part le renchérissement du coût du repas pour les Crous. S'agissant du premier aspect, on constate au cours des huit premiers mois de l'année 2023 une progression de plus de 6 % du nombre total de repas à 1 euro servis par rapport à la même période en 2022. Concernant le surcoût pour les Crous, celui-ci devrait s'élever à environ 50 millions d'euros pour l'année 2023.

S'agissant du nombre d'étudiants bénéficiaires, il s'élevait en 2022-2023 à 431 165 étudiants boursiers et 27 632 étudiants précaires.

Nombre de repas à tarifs sociaux servis dans le réseau des Crous

(en millions)

 

2020-2021

2021-2022

2022-2023

Repas à 1 euro

Boursiers

7,85

17,15

8,61

Non boursiers

6,85

-

-

Non boursiers précaires

0

0,51

0,45

Total repas 1 euro

14,69

17,66

9,06

Repas à 3,30 euros

4,04

15,13

8,45

Nombre de repas sociaux

18,73

32,79

17,51

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une forte tension sur le logement étudiant

La rentrée universitaire 2023 a mis en évidence de fortes tensions sur l'accès au logement pour les étudiants. En conséquence, la Première ministre a annoncé en septembre 2023 la création de 30 000 logements étudiants d'ici la fin du quinquennat. Ces derniers devraient s'ajouter à la rénovation de 12 000 logements annoncée en juin dernier (qui devraient en réalité se limiter à 8 700 logements supplémentaires, 4 000 étant déjà en cours d'achèvement).

Afin de répondre à cet objectif, 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la dotation d'investissement des Crous en 2024. Cette augmentation devrait être reconduite en 2025. S'y ajoutent 17,7 millions d'euros en AE et 16,1 millions d'euros en CP par le biais des contrats de plan État-régions. Ces montants restent relativement faibles au regard de l'ampleur du parc immobilier géré par les Crous.

Il est douteux que ces moyens permettent de réellement améliorer la situation à brève échéance. L'expérience du plan de construction de 60 000 logements au cours du précédent quinquennat ne peut qu'inciter à la prudence. Seules 36 000 places ont finalement être mises en service entre 2018 et 2022, soit à peine plus de la moitié de l'objectif initial. Les raisons sont multiples : hausse du coût du foncier et de construction, contraintes juridiques pesant sur les Crous, faible rentabilité au cours des années précédentes du fait du gel des loyers dans les résidences...

S'agissant des enjeux liés à la construction de nouveaux logements, le premier enjeu est la tension sur les ressources foncières. Le ministère a indiqué au rapporteur spécial conduire un travail spécifique sur le sujet.

L'utilisation des logements des Crous pendant les Jeux Olympiques de 2024

Le réseau des Crous a annoncé pouvoir héberger à titre exceptionnel des agents publics susceptibles d'être mobilisés pour la réussite et l'organisation des Jeux Olympiques, en utilisant les logements étudiants vacants pendant les vacances d'été.

Chaque année, près de 30 % des 23 000 logements Crous franciliens sont rendus fin juin par leurs occupants. Ainsi, 3 200 places de logements, regroupés dans 12 résidences (soit moins de 7 % des résidences franciliennes), seront réservées pour les Jeux Olympiques.

À la suite des polémiques ayant accompagné cette annonce, le réseau des Crous a mis en avant son objectif de perturber le moins possible les étudiants bénéficiant d'un logement pendant cette période. D'après les réponses transmises par l'administration, les étudiants qui souhaiteraient demeurer logés durant l'été se verront proposer « une solution de proximité, sans difficulté et sans aucun surcoût pour eux » : « chaque étudiant fera l'objet d'un suivi et d'un accompagnement individuel, comme le réseau des Crous le fait lorsqu'il conduit des opérations exceptionnelles de fermetures liées à des opérations de réhabilitation ».

L'administration indique en outre que les étudiants qui poursuivraient leurs études l'année suivante et qui libèreraient leur logement au sein des résidences concernées sont garantis de pouvoir le retrouver à la rentrée de septembre 2024. Ceux qui souhaiteraient être hébergés durant l'été pourront demander la résidence qui leur conviendrait le mieux au regard de leurs contraintes personnelles ou professionnelles durant l'été 2024.

Il est cependant à noter que l'utilisation effective des logements étudiants reste suspendue à un certain nombre de procédures contentieuses en cours.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

3. Le poids croissant de la CVEC découle de son indexation sur l'inflation

Les crédits de l'action 03 « santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » seront complétés par le produit de la « contribution de vie étudiante et de campus » (CVEC).

Cette contribution a été créée en 2018 par la loi précitée Orientation et réussite des étudiants. Se substituant au droit de médecine préventive, elle est due chaque année par les étudiants inscrits en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur - à l'exception des étudiants bénéficiant d'une bourse sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle attribuée dans le cadre des aides spécifiques.

Le produit de la CVEC est réparti entre les établissements d'enseignement supérieur d'une part, et les CROUS d'autre part, afin que ces derniers financent des actions au profit des étudiants inscrits dans les établissements non affectataires de la CVEC. La CVEC permet également de contribuer au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) à hauteur de 30 % minimum.

L'article L. 841-5 du code de l'éducation prévoit que la CVEC est indexée sur l'inflation. En conséquence, son montant, et donc son rendement, ont particulièrement augmenté au cours des deux dernières années et plus spécifiquement à la rentrée 2023. La CVEC a ainsi franchi la barre des 100 euros par étudiant, contre 90 euros lors de sa création en 2018. Le montant de la CVEC est appelé à structurellement augmenter en période de hausse des prix, comme cela devrait être le cas dans les prochaines années. En conséquence, elle contribue d'autant plus à peser dans le budget des étudiants que les droits d'inscription dans les universités demeurent stables. Il faut toutefois souligner que le montant de la CVEC reste inférieur de plus de la moitié au droit de médecine préventive dû par les étudiants avant 2018.

Évolution du produit de la CVEC depuis sa création

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Au titre de l'année universitaire 2022-2023, 161 millions d'euros ont été collectés, soit une progression de 7 % par rapport à l'année précédente. 137 millions d'euros ont été versés aux établissements d'enseignement supérieur (établissements publics d'enseignement supérieur, établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général, écoles des chambres de commerces et d'industrie) et 24 millions d'euros aux Crous.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, la répartition de la CVEC par domaine en 2021 s'effectue comme suit : 17,3 % des dépenses sont consacrées au domaine social (dont 4,8 % par le volet social du FSDIE), 20,8 % à la santé, 14,3 % au sport, 14,3 % à la culture et 24,6 % à l'accueil. À cela s'ajoute 8,7 % des dépenses CVEC consacrées au volet initiatives du FSDIE.

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