LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits des programmes 112 et 162 de la mission « Cohésion des territoires » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 25 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Claude Raynal , président . - Nous commençons notre réunion par l'examen du rapport de Bernard Delcros sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'Etat » . - Le volet consacré à la politique des territoires de la mission « Cohésion des territoires » concerne les programmes 112 et 162 pour un total de 415,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 324 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Il faut y ajouter près de 700 millions d'euros au titre des dépenses fiscales portées par le programme 112 en faveur de territoires bénéficiant de zonages, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou les zones d'aide à finalité régionale (AFR). Le dossier du zonage a connu, vous le savez, divers rebondissements. Nous en avions obtenu le report jusqu'à la fin de 2023. En tout cas, soyez assurés que Frédérique Espagnac et moi-même allons continuer de suivre cette question avec la plus grande attention.

Les crédits de ces deux programmes financent des dispositifs importants pour nos territoires, particulièrement en milieu rural, et ils ont un effet de levier sur d'autres financements. Ils concernent les politiques contractualisées entre l'État et les territoires, par exemple le volet territorial des contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ou encore les programmes Petites Villes de demain, Fabrique de territoire et Territoires d'industrie.

Concernant le programme 112, les crédits demandés s'élèvent à 329,4 millions d'euros en AE et 262,4 millions en CP, soit une hausse respective de 34,9 % et de 6,3 %.

Cette présentation appelle toutefois une clarification : plusieurs dispositifs relevant du programme 112 ont été financés en 2022 par des crédits inscrits sur la mission « Plan de relance ». Celle-ci n'étant plus d'actualité en 2023, les crédits concernés ont été rapatriés sur le programme 112, ce qui explique cette hausse.

Cet effet « rapatriement » est particulièrement visible concernant les crédits dédiés aux CPER qui, en 2023, représentent 44 % des AE de l'ensemble des crédits du programme 112. La hausse importante de la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui porte les CPER, doit être appréciée au regard de cette réalité.

Au titre du programme 112, pour les CPER et les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER) et sur la période 2021-2027, ce sont 998,6 millions d'euros qui ont été contractualisés, et 155 millions d'euros au titre du plan France relance. En 2023, les crédits dédiés à cette nouvelle génération de CPER s'élèvent à 143 millions d'euros en AE et 55,5 millions en CP.

Quelques mots sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont le programme 112 porte la subvention pour charge de service public, soit 63 millions d'euros. Cette subvention est stable pour la troisième année consécutive et maintient les 20 millions accordés à l'ANCT en 2021 et 2022 pour financer l'ingénierie des collectivités - cela représente un doublement par rapport à 2020.

Les dispositifs de soutien en ingénierie aux territoires ruraux répondent aux besoins d'ingénierie interne, avec les chefs de projets du programme Petites Villes de demain, les conseillers numériques France Services, les chargés de mission Fabrique de territoire ou les volontaires territoriaux en administration. Ils recouvrent également des besoins plus spécifiques et ponctuels sous forme de prestations de bureaux d'études dans le cadre du marché à bons de commande porté par l'État.

La mise en oeuvre de ces différents programmes nécessite le recrutement de personnels par les collectivités qui bénéficient pour cela d'une aide de l'État sur les premiers mois ou les premières années. Mais évidemment, toute la question est celle du devenir de ces contrats à échéance de l'accompagnement financier de l'État. Inscrire dans la durée le financement de ces contrats est la condition du succès de ce type de dispositif ; cela assure aux élus locaux une prévisibilité des moyens. C'est le cas dans le programme Petites Villes de demain : les financements de l'État sont assurés sur la durée du contrat, soit six années.

Concernant les maisons France Services, les crédits demandés en 2023 s'élèvent à 36,3 millions en AE et en CP, soit un montant identique à celui accordé en 2022.

En juillet dernier, je vous ai présenté mon rapport dans lequel je faisais plusieurs propositions pour améliorer le fonctionnement et enrichir l'offre de services des maisons France Services.

Lors du dernier comité de pilotage qui s'est tenu vendredi dernier et auquel j'ai participé, Stanislas Guérini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, en charge de ce dossier, a annoncé la prise en compte de plusieurs de ces propositions, parmi lesquelles la poursuite du déploiement, l'entrée de nouveaux opérateurs dans le dispositif, la formation des agents ou encore la pérennisation des financements des postes de conseillers numériques. Il a également souhaité me confier une mission pour préciser les perspectives de développement de ces maisons.

Sur la question du financement du réseau France services, je vous rappelle le modèle aujourd'hui en vigueur : l'État et les neuf opérateurs nationaux associés au programme contribuent à parité par le biais de deux fonds à hauteur de 30 000 euros au total par maison et par an.

Or le coût de fonctionnement d'une maison France services est au minimum de 100 000 euros par an ; il s'élève en moyenne à 110 000 euros. En d'autres termes, la participation financière cumulée de l'État et des opérateurs représente aujourd'hui moins du tiers du coût de fonctionnement d'une maison, alors même qu'il s'agit d'un programme affiché comme une priorité par le Gouvernement dans le cadre de l'agenda rural.

Dans mon rapport, je vous proposais de rehausser de 10 000 euros par maison la participation de l'État, d'un côté, et des opérateurs, de l'autre. Cette proposition reste bien sûr d'actualité. L'accord-cadre national pluriannuel signé en 2019 avec les opérateurs doit être révisé fin 2023 ; nous devrons saisir cette occasion pour avancer sur cette question.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », aussi appelé PITE, est composé d'actions répondant à des enjeux spécifiques et rassemble des contributions issues de programmes de différents ministères. C'est un outil utile qui permet de prendre en compte les spécificités locales et de garantir la souplesse et la cohérence de l'action de l'État.

Le projet de loi de finances prévoit de doter ce programme de 85,8 millions d'euros en AE et de 61,6 millions d'euros en CP.

Je veux le redire cette année encore, la principale difficulté concernant l'exécution du programme 162 est l'importance des mouvements de crédits en cours d'année. Ainsi, en 2021, le montant ouvert en loi de finances initiale en AE s'élevait à seulement 15 % des crédits finalement accordés à ce programme.

Le PLF pour 2023 crée une nouvelle action consacrée à la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre les sargasses dans les Antilles. Cette nouvelle action sera dotée de 5,1 millions d'euros en AE et en CP. Il est à espérer que le plan Sargasse II tire les leçons de l'expérience bretonne afin d'apporter une réponse efficace à cette situation.

Concernant justement le plan de lutte contre le développement des algues vertes, les services de l'État estiment dans les documents budgétaires qu'une hausse de 4 millions d'euros serait nécessaire pour mettre en place une expérimentation de procédés innovants de collecte des algues verte dans le milieu marin et qu'une hausse de 2 millions d'euros serait nécessaire pour le nouveau volet sanitaire du plan. Or je constate que les crédits accordés à cette action sont stables ; nous devrons suivre cette question qui pourrait évoluer grâce à des transferts en cours de gestion.

En conclusion, ce projet de budget 2023 s'inscrit dans la continuité des précédents, sans grande nouveauté, mais avec maintien des moyens consacrés à ces politiques. C'est pourquoi je proposerai un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 112 et 162, mais nous devons réserver le vote dans l'attente de la présentation par Jean-Baptiste Blanc des programmes de cette mission consacrés au logement et à la politique de la ville car le vote doit porter sur l'ensemble de la mission.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la politique des territoires de la mission "Cohésion des territoires" . - Je n'ai pas encore présenté mon rapport pour avis devant la commission de l'aménagement du territoire et je prends note de l'avis favorable proposé par le rapporteur spécial. Nous devrons regarder certaines choses avec précision, notamment en ce qui concerne le mode de fonctionnement de l'ANCT qui semble faire beaucoup appel à des organismes privés.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Sur ce type de mission, nous avons naturellement tendance à vouloir davantage de crédits, par exemple pour les territoires ruraux ou certains quartiers de nos villes. Pour autant, nous sommes sur une ligne de crête en termes de soutenabilité des finances publiques. La commission des finances est aussi la gardienne d'une certaine cohérence pour déterminer le bon niveau de dépenses. Ne faisons pas comme le Gouvernement qui dit que nous sommes à l'euro près, mais qui multiplie les annonces de dépenses...

En l'espèce, nous devrons regarder avec attention les propositions que fera l'État en 2023 et nous devrons veiller à ce que la concertation se déroule correctement.

En tout cas, je suivrai l'avis du rapporteur spécial sur ces deux programmes.

M. Claude Raynal , président . - Vous avez évoqué l'importance des transferts en cours de gestion pour le programme 162. Faut-il véritablement s'étonner de ce mode de fonctionnement ? L'État ne doit-il pas disposer d'une certaine souplesse pour piloter ce type de dépenses ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Des exonérations fiscales sont liées au zonage, vous l'avez dit, mais d'autres aides ou dispositifs s'appuient également sur le classement en ZRR, par exemple les subventions des agences de l'eau. Est-il vraiment pertinent de se baser sur un tel critère de zonage pour une question qui constitue un enjeu global ? Je connais plusieurs exemples qui montrent que cela entraîne des disparités importantes entre les territoires.

M. Michel Canévet . - Il est vrai que ces programmes ne sont pas budgétivores, mais ils sont importants pour nos territoires.

En Bretagne, le tribunal administratif a mis en cause l'action de l'État en ce qui concerne la lutte contre les algues vertes ; il nous faut multiplier les actions, si nous voulons être efficaces en la matière.

Dans le programme Petites Villes de demain, il me semble que les financements courent sur trois ans. Cette durée vous semble-t-elle suffisante et cohérente avec le calendrier des actions décidées dans ce cadre qui nécessitent du temps pour se déployer pleinement ?

En 2021 et 2022, le plan de relance finançait l'ANCT. Comment les choses vont-elles se passer en 2023 ?

M. Jean-Claude Requier . - Dans le cadre de ces différents programmes, il est souvent nécessaire de recruter des chefs de projet : 838 l'ont été pour le programme Petites Villes de demain. Cela pèse sur les budgets des communautés de communes. Surtout, que faire de ces agents à la fin du programme en question ?

M. Antoine Lefèvre . - Je partage les inquiétudes qui ont été exprimées sur la pérennité des financements de l'État pour les maisons France Services. Par ailleurs, on constate souvent qu'une part importante de l'activité de ces structures relève de questions relatives aux régimes de retraite, donc de la compétence des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Disposez-vous de statistiques sur l'activité des maisons France Services ? Ne faudrait-il pas prévoir d'autres financements ?

M. Jérôme Bascher . - Le fonds national de péréquation postale semble financer des maisons France Services. Pourquoi ? N'est-ce pas finalement un jeu de bonneteau ?

M. Christian Bilhac . - En ce qui concerne la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, je voudrais ajouter que ces programmes recourent souvent à des cabinets privés.

Le financement par l'État et les opérateurs des maisons France Services a été forfaitisé à 30 000 euros par an et par structure. Or entre la hausse des coûts de l'énergie, l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires et le glissement vieillesse-technicité, les coûts de structure augmentent grosso modo de 10 %, si bien qu'en proportion la participation de l'État diminue. Ne doit-on pas craindre que les collectivités locales se retrouvent seules à financer ces structures ?

M. Éric Bocquet . - L'Association des maires ruraux de France a publié un communiqué sur les maisons France Services. L'Association rappelle d'abord - je crois que c'est important - que la première maison France Services, c'est la mairie ! Elle formule ensuite vingt-cinq propositions ; j'en cite deux : la présence d'une maison France Services par canton ; un financement assuré à 100 % par l'État et les opérateurs. Qu'en pensez-vous ?

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Je suis d'accord avec vous, monsieur le président, il faut de la souplesse dans la gestion, mais en l'espèce nous sommes le plus souvent dans le cadre de plans pluriannuels. En outre, les acteurs ne savent pas en milieu d'année s'ils auront assez de crédits pour poursuivre les actions en cours. Cette absence de visibilité crée des problèmes sur le terrain.

Madame Vermeillet, il est vrai que le zonage en ZRR sert aussi de référence pour d'autres actions ou dispositifs, par exemple pour La Poste. Certaines agences de l'eau bonifient leurs financements, lorsqu'une commune est classée en ZRR. Cela peut créer des disparités, mais l'objectif est bien de soutenir davantage les communes qui en ont le plus besoin. En tout cas, cette question pourra être revue dans le cadre de la prochaine réforme.

Monsieur Canévet, monsieur Requier, dans le cadre du programme Petites Villes de demain, le financement par l'État pour les postes de chefs de projet est assuré sur la durée du programme, soit cinq ou six ans, ce qui n'est pas toujours le cas en matière d'ingénierie territoriale. Cette participation est bien prévue jusqu'en 2026 pour ce programme.

Monsieur Lefèvre, neuf opérateurs, dont des caisses de retraite, contribuent au financement des maisons France Services à hauteur de 15 000 euros par an et par structure. Pour autant, les agents France services ne sont pas là pour faire le travail des agents des caisses de retraite ; ils assurent un accueil de premier niveau et accompagnent les personnes dans leurs démarches. Nous proposons que d'autres opérateurs participent également au financement des maisons France Services, par exemple pour aider les gens à bénéficier de MaPrimeRénov'.

Monsieur Bascher, le fonds de péréquation postale est alimenté par un avantage fiscal perçu par La Poste, notamment pour financer les agences postales communales. C'est à ce titre qu'il peut financer des maisons France Services.

En réponse à Eric Bocquet, je ne pense pas que l'État doive financer à 100 % les maisons France Services. Pour autant, l'État et les opérateurs devraient participer ensemble à la moitié du coût minimum, ce qui représenterait un montant global de 50 000 euros par an. Ce sujet pourra faire partie des négociations sur la révision de la convention-cadre qui interviendra en 2023.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Bocquet : les mairies sont les premières maisons France Services ! Je crois d'ailleurs que nous devons trouver les moyens de mieux associer les secrétaires de mairie au fonctionnement de ces structures : les mairies et les maisons France Services travaillent souvent de manière trop séparée.

Enfin, je ne crois pas que le canton soit la bonne « maille », en tout cas pas les cantons actuels, qui sont souvent trop grands et qui ne correspondent plus à des bassins de vie. La bonne « maille », c'est le bourg-centre, c'est-à-dire le bassin de vie.

M. Claude Raynal , président . - Notre commission examinera le 15 novembre prochain l'autre partie des crédits de la mission « Cohésion des territoires » rapportée par notre collègue Jean-Baptiste Blanc, aussi est-il nécessaire de réserver notre vote sur la mission jusqu'à cette présentation.

La commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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Réunie à nouveau le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial, sur la mission « Cohésion des territoires » (et article 41 ter ) - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville.

À l'issue de cette réunion, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

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