B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À LA RECHERCHE SPATIALE

1. Une hausse qui respecte la trajectoire fixée par la LPR

Le domaine spatial relevant d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres depuis l'adoption du traité de Lisbonne, la politique spatiale française se déploie dans le cadre des programmes européens de recherche spatiale .

Destiné à garantir à la France et l'Union européenne la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux , le programme 193 représente 1,675 milliard d'euros en 2023 , en AE comme en CP, soit une hausse de 224 millions d'euros (+12 %) à périmètre courant .

En réalité, le programme 193 a bénéficié au cours de l'année 2022 d'un transfert en gestion de 150 millions d'euros depuis le programme 146 de la mission « Défense ». En conséquence, la hausse demandée pour les crédits du programme 193 ne s'élève qu'à 74 millions d'euros ce qui correspond à la trajectoire prévue par la LPR.

Trajectoire budgétaire du programme 193
entre 2021 et 2030 (LPR)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact annexée au projet de loi de programmation pour la recherche

Le rapporteur spécial avait soulevé au cours des années précédentes le manque de sincérité budgétaire qui découlait de la pratique des transferts en gestion. Étant donné que la hausse prévue par le présent PLF répond aux engagements pris par la LPR, il est à espérer qu'il ne sera pas nécessaire de prévoir un transfert en gestion identique à celui effectué en 2022, ce dont le rapporteur spécial se félicite.

2. Un renforcement des moyens du CNES

Le programme 193 assure en premier lieu le financement des activités civiles du Centre national d'études spatiales (CNES) , qui met en oeuvre la stratégie spatiale de la France . La tutelle de cet opérateur, initialement exercée à titre principal par la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du Mesri, a été transférée par un décret en date du 15 juillet 2020 à la direction générale des entreprises (DGE), au sein du ministère de l'économie, des finances et de la relance.

En PLF 2023, la subvention pour charges de service public apportée au CNES par le programme 193 s'élève à 641,55 millions d'euros, soit + 170 millions d'euros par rapport à 2022 . Cependant, l'évolution de cette subvention, qui finance avec le programme 191 « Recherche duale » le programme multilatéral du CNES, doit s'apprécier en tenant compte du transfert effectué en gestion depuis le programme 146. En effet, les 471,55 millions d'euros apportés en 2022 par le programme 193 ont été complétés par 150 millions d'euros depuis le programme 146, soit un total de 621,55 millions d'euros pour la recherche spatiale (hors recherche duale). Ainsi, l'évolution réelle est de 20 millions d'euros de plus qu'en 2022 , conforme aux ambitions traduites dans la LPR.

Ainsi, en 2023 les moyens globaux alloués au CNES progresseront de 194 millions d'euros par rapport à 2022, soit une hausse de 10 %, après la légère baisse constatée en 2022. La SCSP versée par le programme 193 ne représente donc que 31 % des crédits versés au CNES, le reste étant porté par la mission « Investissements d'avenir » pour 98 millions d'euros et le programme 191 pour 127 millions d'euros.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA).

Contribution de l'État au CNES en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Au cours des 10 dernières années, les crédits versés au CNES auront augmenté de 38 %.

Il est à noter que l'origine des crédits versés au CNES a évolué au cours des dernières années. En particulier, une partie des crédits du CNES provenait au cours des années de la mission « Défense » et de la mission « Relance », ce qui n'est plus le cas en 2023.

Origine des crédits de l'État à destination du CNES

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

3. La contribution à l'Agence spatiale européenne en hausse dans l'attente des engagements pris lors de la prochaine conférence ministérielle

Les fonds destinés à l'Agence spatiale européenne (ESA), agence intergouvernementale chargée de coordonner les projets menés en commun par vingt-deux pays européens et seconde agence spatiale dans le monde après la National aeronautics and space administration (NASA) américaine, transitent à travers la dotation allouée au CNES au titre du programme 193.

En 2023, la contribution française à l'ESA, évolue donc à la hausse (+ 4,4 %) pour atteindre 1,158 milliard d'euros afin de traduire les engagements pris par la France lors de la conférence ministérielle de Séville de novembre 2019.

Evolution du transfert à l'ESA depuis le programme 193

(en euros)

Source : commission des finances

Au-delà de la trajectoire de la LPR, des crédits supplémentaires pour un montant de 21,1 millions d'euros sont prévu dans le PLF 2023 , afin de financer l'impact de l'inflation sur les contributions obligatoires à l'ESA et à l'organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat) et d'éviter un effet d'éviction sur les programmes nationaux. Ainsi, sont prévus en 2023 16,5 millions d'euros supplémentaires pour l'ESA et 4,5 millions d'euros pour Eumetsat.

La prochaine conférence ministérielle de l'ESA aura lieu le 22 et 23 novembre 2022. L'impact des souscriptions qui y seront réalisées par la France n'est pas encore connu et viendra modifier les prévisions de répartition par thème à compter de 2023.

Les conséquences budgétaires du report d'Ariane 6

L'agence spatiale européenne qui avait prévu un vol inaugural de la nouvelle fusée Ariane 6 en 2020, puis en 2022, a une nouvelle fois décalé la date du premier vol au dernier trimestre 2023.

La date du vol inaugural est particulièrement sensible dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine et la suspension des lancements Soyouz depuis la Guyane : plusieurs satellites institutionnels français et européens (notamment CSO-3 et Galileo) ne disposent pas de solution européenne alternative de lancement à court terme et Ariane 6 est la seule perspective d'un lanceur européen.

Par ailleurs, la guerre en Ukraine a stoppé brutalement les lancements de Soyouz depuis la Guyane. La priorité d'Ariane 6 est en conséquence de lancer au plus tôt les satellites institutionnels français (CSO-3) et européens (Galileo). La logique de développement ainsi que l'enchainement des premiers lancements d'Ariane 6 a donc été revue en conséquence

À ce stade, le surcoût du développement d'Ariane 6 reste estimé à 20 % de l'enveloppe initiale, soit environ 600 millions d'euros. Ce montant prend en compte à la fois les conséquences directes de la crise sanitaire et les conséquences des autres retards. Par ailleurs, 400 millions d'euros devraient déjà être couverts par les États membres, et 200 millions supplémentaires devraient être ouverts d'ici la prochaine conférence ministérielle de l'ESA qui est prévue en novembre.

Concernant la contribution des principaux États participants aux surcoûts, leur financement provient notamment de transferts budgétaires depuis d'autres programmes souscrits lors de la CMIN19, la plupart des autres États pouvant difficilement souscrire de nouveaux engagements financiers en-dehors des conseils ministériels de l'ESA dont le prochain est prévu en novembre 2022 à Paris.

La contribution française à ces surcoûts a quant à elle été couverte par le redéploiement des budgets lanceurs décidés à la Conférence de Séville ainsi que par une contribution de France Relance. Un budget additionnel doit être souscrit à la Conférence de l'ESA 2022 pour couvrir des compléments de développement, des éventuels aléas du vol de qualification et l'amélioration d'Ariane 6 (Ariane 6 block 2) pour répondre notamment aux besoins de lancement de la constellation Kuiper fortement soutenu par la France et l'Italie, principaux États concernés par Ariane 6 block 2.

Au-delà des surcoûts engendrés par ces retards, le rapporteur spécial insiste sur l'enjeu crucial de souveraineté et d'autonomie d'accès à l'espace que représente l'objectif d'un lancement d'Ariane 6 à l'été prochain . En effet, du fait de la fin du programme Ariane 5, l'Europe n'aura plus de lanceur en service capable d'atteindre l'orbite géostationnaire à partir du printemps prochain. Les trois dernières Ariane 5 seront lancées entre mi-décembre 2022 et avril 2023, laissant l'Europe dépourvues de lanceurs face aux acteurs privés, Space X en premier lieu.

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