Rapport général n° 115 (2022-2023) de Mme Vanina PAOLI-GAGIN et M. Jean-François RAPIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 24

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Rapporteurs spéciaux : Mme Vanina PAOLI-GAGIN et M. Jean-François RAPIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèveraient en 2023 à 31,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 30,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de respectivement 6,3 % et 5,1 %.

I. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR)

A. UNE HAUSSE DE CRÉDITS QUI ENTÉRINE LE RESPECT DES MONTANTS PRÉVUS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION

Par rapport à 2021, première année de mise en place de la LPR, les crédits augmentent en 2023 de 2,3 milliards d'euros, soit une hausse de 8,2 %. En 2023, la LPR prévoit une hausse de 400 millions d'euros du budget de la mission par rapport à 2022 , dont 350 millions sur les programmes du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Décomposition des mesures prises au titre de la LPR en PLF 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La LPR prévoit également une hausse de 650 emplois en 2023 par rapport à 2022, comme c'était également le cas en LFI pour 2022, soit une augmentation de 2 000 ETPT en cumulé sur les années 2021 à 2023.

B. UN RESPECT DES ENGAGEMENTS DE LA LPR POUR 2023 QUI PERMET D'ATTÉNUER LES CONSÉQUENCES DE LA HAUSSE DES COÛTS MAIS QUI LIMITE L'AMBITION DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE

L'inflation prévue en 2023 percutera la trajectoire initialement prévue par la LPR, établie en euros courants . Sur la seule année 2023, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR équivalent à une hausse de 385 millions d'euros en euros 2022. Cette donnée doit toutefois être prise avec précaution dans la mesure où une part de la hausse de la LPR concerne des mesures de rémunération qui sont moins sensibles à la conjoncture économique.

Comparaison de la trajectoire de hausse prévue par la LPR
en euros courants et en euros constants (selon les prévisions à fin 2022)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

S'il faut saluer le fait que les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour la recherche soient respectés en 2023, ces derniers permettent davantage de limiter l'érosion des moyens consacrés à la recherche en France que de se rapprocher de l'ambition initiale de la programmation.

C. DES FINANCEMENTS EXTRABUDGÉTAIRES ENCORE RENFORCÉS PAR LE PROGRAMME FRANCE 2030

En 2023, 650 millions d'euros sont consacrés à la recherche par le biais des PIA et de France 2030. Dans le cadre du plan France 2030, 12,25 milliards d'euros devraient être consacrés au périmètre « enseignement supérieur et recherche ».

Si les rapporteurs spéciaux se félicitent de la hausse dédiée à l'enseignement supérieur et la recherche, ils déplorent, comme les années précédentes, le manque de lisibilité qui découle de la superposition des différents plans.

II. LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MME PAOLI-GAGIN)

En 2023, les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une augmentation de 4,3 % (+ 748 millions d'euros) par rapport à 2022, pour un total de 18,04 milliards d'euros en CP.

A. UNE AUGMENTATION DES MOYENS ALLOUÉS AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS LE CADRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION

L'évolution des crédits alloués à l'enseignement supérieur en 2023 (en progression de 4,68 % soit + 690 millions d'euros) reflète en grande partie la hausse tendancielle de la masse salariale , résultant notamment des mesures « fonction publique ».

Près de la moitié des crédits nouveaux, soit 381,2 millions d'euros (hors titre 2) sont consacrés à la mise en place pour 2023 de la compensation de la hausse du point d'indice de la fonction publique pour les établissements d'enseignement publics. Il est à noter qu'aucune mesure de compensation n'aura été mise en place pour 2022, pour lequel les opérateurs devront mobiliser leurs fonds propres.

Évolution des crédits du programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La trajectoire adoptée dans le cadre de la LPR prévoyait, pour 2023, une hausse de 143 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2022. Le budget 2023 respecte cet engagement, puisqu'il comprend à périmètre courant 143 millions d'euros de moyens nouveaux au titre de la LPR.

B. DANS LE CONTEXTE DE CRISE ÉNERGÉTIQUE, UN ENJEU CRUCIAL : LA TRANSITION DU BÂTI UNIVERSITAIRE

Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur sont particulièrement touchés par la crise énergétique. À l'échelle du programme 150, le surcoût 2022 est donc estimé à environ 100 millions d'euros pour 2022, pour lesquels ces dépenses ne seront pas compensées en gestion et les universités devraient mobiliser leurs fonds de roulement pour tenir compte de ces hausses.

En 2023, le surcoût énergétique s'élèverait entre 400 et 420 millions d'euros par rapport à 2022 pour les seules universités, et à 480 millions d'euros pour l'ensemble des établissements du programme 150. Un fonds de compensation de 275 millions d'euros (dont 125 millions d'euros par l'annulation de la réserve de précaution des programmes de la mission) devrait être créé par le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022.

Le contexte actuel rend plus que jamais nécessaire un investissement de grande ampleur en faveur de l'immobilier universitaire. En matière d'immobilier comme de transition énergétique, l'inaction a un coût : plus les investissements sont différés, et plus :

- ils seront onéreux pour les finances publiques ;

- la réduction des coûts de consommation énergétique sera différée ;

- la valeur d'actif du bâti non décarboné se dégradera.

C. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE

En 2021 et 2022, les moyens alloués au programme 231 avaient enregistré une hausse très importante (+ 6,4 % en 2022, + 4,8 % en 2021). Le PLF 2023 entérine ces hausses mais voit une stabilisation des crédits, à hauteur de 3,14 milliards d'euros en AE et 3,13 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 1,5 % des crédits.

Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022, afin de tenir compte de la hausse des prix et de limiter son impact sur le pouvoir d'achat des étudiants. Le montant de cette mesure s'élève à 85,1 millions d'euros en 2023. Les crédits dédiés restent cependant identiques à ceux prévus l'année dernière, du fait de la baisse attendue du nombre d'étudiants boursiers. En outre, la revalorisation de 4 % ne permettra pas de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

51 millions d'euros sont par ailleurs prévus en PLF 2023 pour maintenir l'offre de « repas à un euro » à destination des étudiants boursiers dans les restaurants universitaires, pour 433 860 étudiants boursiers en 2021-2022. La fréquentation des restaurants universitaires devrait continuer à croître très rapidement, en particulier du fait de la hausse des coûts des produits alimentaires. Le réseau des oeuvres universitaires indique avoir constaté une activité à la rentrée 2022 supérieure de 20 % à 30 % à celle de l'année précédente.

III. LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. RAPIN)

En 2023, à périmètre courant, la partie « Recherche » de la mission voit son budget augmenter de 872 millions d'euros en AE (+6,9 %) et de 824 millions d'euros en CP (+ 7,3 %) . Elle atteindra ainsi 12,87 milliards d'euros en AE et 12,77 milliards d'euros en CP en 2023 .

A. UNE FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 172

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » bénéficierait pour 2023 de 8,071 milliards d'euros en AE et de 7,834 milliards d'euros en CP. Sa dotation progresse ainsi globalement de 331 millions d'euros en AE, soit +4,3 %, et de 330 millions d'euros en CP, soit +4,4 % par rapport à la LFI 2022. Cette évolution est globalement conforme à la trajectoire définie pour le programme 172 dans la LPR .

La progression des moyens accordés au programme 172 bénéficie très largement aux organismes de recherche du programme. Ainsi, leurs dotations augmentent de 263 millions d'euros, soit 80 % des crédits supplémentaires.

Hausse de crédits accordée aux organismes de recherche en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les opérateurs de recherche sont cependant particulièrement exposés à la hausse des coûts de l'énergie, qui pourrait entraîner une fragilisation des budgets 2023. De nombreuses infrastructures de recherche sont en effet très consommatrices d'électricité. Si certains postes peuvent être suspendus ou aménagés, ce n'est pas le cas de tous ni de tous les opérateurs. L'enjeu pour les organismes de recherche est de déstabiliser au minimum les activités de recherche pour maintenir la continuité de l'activité expérimentale.

B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À LA RECHERCHE SPATIALE

La hausse demandée pour les crédits du programme 193 s'élève à 74 millions d'euros par rapport aux montants dont bénéficiait le programme 193 en 2022 (en incluant les transferts effectués en gestion) ce qui correspond à la trajectoire prévue par la LPR.

Le programme 193 assure en premier lieu le financement des activités civiles du Centre national d'études spatiales (CNES) , qui met en oeuvre la stratégie spatiale de la France . En PLF 2023, la subvention pour charges de service public apportée au CNES par le programme 193 s'élève à 641,55 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus qu'en 2022. Ainsi, en 2023 les moyens globaux alloués au CNES progresseront de 194 millions d'euros par rapport à 2022, soit une hausse de 10 %, après la légère baisse constatée en 2022.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA). En 2023, la contribution française à l'ESA évolue à la hausse (+ 4,4 %), pour atteindre 1,158 milliard d'euros.

Évolution du transfert à l'ESA depuis le programme 193

(en euros)

Source : commission des finances

C. L'AMÉLIORATION À SALUER DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP, en hausse de +163,51 millions d'euros en AE, soit +15,4 % et de +76,45 millions d'euros en CP, soit +8,6 %. Cet accroissement comprend notamment les crédits prévus par la trajectoire LPR et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Ce renforcement des moyens de l'ANR devrait permettre de maintenir un taux de succès des appels à projets de 23,7 %, en hausse de près de 8 points depuis 2020.

Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 92 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

PREMIÈRE PARTIE
LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES TRANSVERSES
DE LA MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR » EN 2023

I. UNE HAUSSE DE 6 % DES CRÉDITS DU FAIT DU RESPECT DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

A. UNE HAUSSE DE PRÈS DE DEUX MILLIARDS D'EUROS EN 2023

a) Une hausse de 5,1 % des crédits de la mission en PLF 2023

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèveraient en 2023 à 31,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 30,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de respectivement 6,3 % et 5,1 % .

Évolution des crédits initiaux de la mission entre 2022 et 2023 à périmètre courant

(en millions d'euros)

2022

2023

Évolution 2022-2023 (en %)

Évolution 2022-2023 (en millions)

Programme 150- Formations supérieures et recherche universitaire

AE

14 160

15 205

6,87 %

+1 045

CP

14 212

14 907

4,66 %

+695

Programme 231- Vie étudiante

AE

3 088

3 136

1,53 %

+48

CP

3 079

3 130

1,63 %

+51

Programme 172- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

7 740

8 070

4,09 %

+330

CP

7 503

7 834

4,23 %

+331

Programme 193 - Recherche spatiale

AE

1 642

1 866

12,00 %

+224

CP

1 642

1 866

12,00 %

+224

Programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 614

1 675

3,64 %

+61

CP

1 729

1 801

4,00 %

+72

Programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

619

681

9,10 %

+62

CP

692

693

0,14 %

+1

Programme 191 - Recherche duale (civile et militaire)

AE

0

150

+150

CP

150

+150

Programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

AE

382

426

10,33 %

+44

CP

377

424

11,08 %

+47

Total

AE

29 248

31 212

6,29 %

+1 964

CP

29 238

30 806

5,09 %

+1 568

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette hausse est inégalement répartie selon les programmes. Elle est concentrée sur les trois programmes relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), c'est-à-dire les programmes 150, 231 et 172. Le programme 150 connaît la plus forte augmentation (+1,04 milliard d'euros en AE et 700 millions d'euros en CP).

La mission « Recherche et enseignement supérieur » se caractérise par un poids très important des dépenses des opérateurs , qui représentent 61,5 % des dépenses de la mission. Les crédits budgétaires hors opérateurs ne représentent que 7 milliards d'euros, soit 18 % des crédits, les dépenses fiscales rattachées à la mission, le crédit impôt recherche (CIR) en premier lieu, représentant les 21 % restants .

Part des différents programmes de la mission en 2023

(en %)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

L'impact de la hausse de 3,5 % du point d'indice intervenue en juillet 2022 1 ( * ) explique à lui seul plus d'un quart de la croissance des crédits de la mission, soit 500 millions d'euros . Les mesures découlant de la loi de programmation de la recherche (LPR) 2 ( * ) contribuent également à l'augmentation des moyens de la mission à hauteur de 400 millions d'euros.

Décomposition de la hausse prévue en PLF 2023 pour le MESRI

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

b) Une dynamique pluriannuelle qui devrait se prolonger

La dynamique de croissance de la mission devrait selon la programmation pluriannuelle se poursuivre au cours des prochaines années, quoique à un rythme plus lent.

Programmation pluriannuelle des crédits de la mission

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Entre 2023 et 2025, les crédits devraient continuer de croître de 2,9 % en AE et 4,3 % en CP, soit 1,4 milliard d'euros de plus. Entre 2022 et 2025, les crédits devraient croître de près de 3 milliards d'euros au total.

Programmation pluriannuelle des crédits de la mission

(en euros)

2022

2023

2024

2025

231- Vie étudiante

AE

3 088 988 669

3 136 414 445

3 136 414 445

3 136 414 445

CP

3 079 958 669

3 130 191 945

3 130 191 945

3 130 191 945

190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 614 122 374

1 675 829 878

1 726 629 878

1 867 979 878

CP

1 729 120 775

1 800 829 878

1 933 629 878

1 976 779 878

142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

AE

382 498 634

426 488 676

432 362 390

441 023 479

CP

377 978 973

424 396 462

430 978 289

438 942 483

193 - Recherche spatiale

AE

1 642 286 109

1 865 683 825

1 896 683 825

1 927 683 825

CP

1 642 286 109

1 865 683 825

1 896 683 825

1 927 683 825

172- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

7 740 247 222

8 070 807 751

8 607 975 622

8 648 683 622

CP

7 503 175 364

7 833 527 751

8 166 677 751

8 512 037 751

192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

619 580 262

681 599 180

694 127 930

685 216 194

CP

692 485 405

693 736 238

704 627 930

689 216 194

150 - Formations supérieures et recherche universitaire

AE

14 160 219 812

15 205 807 643

15 092 620 359

15 257 551 544

CP

14 212 837 812

14 907 800 643

15 126 351 359

15 320 937 544

191 - Recherche duale (civile et militaire)

AE

0

150 019 167

150 019 167

150 019 167

CP

0

150 019 167

150 019 167

150 019 167

Total

AE

29 247 943 082

31 212 650 565

31 736 833 616

32 114 572 154

CP

29 237 843 107

30 806 185 909

31 539 160 144

32 145 808 787

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

B. UNE TRAJECTOIRE QUI RÉPOND AUX ENGAGEMENTS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

1. Une hausse de crédits qui entérine le respect des montants prévus par la loi de programmation

L'année 2023 marque la troisième année de mise en application de la LPR.

Trajectoire budgétaire prévisionnelle des moyens prévus par la LPR
entre 2021 et 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact

En 2023, la LPR prévoit une hausse de 400 millions d'euros du budget de la mission par rapport à 2022 , dont 350 millions sur les programmes du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (Mesri) . Cette hausse est répartie comme suit : 137 millions d'euros pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », 226 millions d'euros pour le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 37 millions d'euros pour le programme 193 « Recherche spatiale ».

Par rapport à 2021, première année de mise en place de la LPR, les crédits augmentent en 2023 de 2,3 milliards d'euros, soit une hausse de 8,2 % .

Évolution des crédits initiaux de la mission
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en CP et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La LPR prévoit également une hausse de 650 emplois en 2023 par rapport à 2022 , comme c'était également le cas en LFI pour 2022, soit une augmentation de 2 000 ETPT en cumulé sur les années 2021 et 2022.

Incidence de la LPPR sur les effectifs sous plafond de l'État
et des opérateurs dépendant du MESRI

(en ETPT et en écart à 2020)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

+700

+1350

+2000

+2650

+3150

+3600

+4000

+4400

+4800

+5200

Source : rapport annexé à la loi de programmation

L 'évolution des effectifs de la mission devrait correspondre à cette trajectoire , avec une hausse de 388 emplois à destination des opérateurs ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE) du programme 150, 25 emplois pour les opérateurs non-RCE du même programme et 237 emplois pour les opérateurs du programme 172.

Évolution des effectifs sous plafond de l'État

(en ETPT et en écart à 2020)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Du fait du poids des opérateurs dans le budget total de la mission, la MIRES n'a qu'un volume de dépenses de personnel (titre 2) très faible, qui représente moins de 3 % du total de son budget. En revanche, en incluant les opérateurs, universités, établissements d'enseignement et organismes de recherches , 313 296 ETPT sont rémunérés par la mission .

Répartition des emplois de la mission en 2023

(en ETPT)

Emplois sous plafond d'État

Emplois des opérateurs

P150

5 179

167 657

P231

-

12 724

P172

-

70 853

P193

-

2 417

P190

-

3 358

P192

-

3 327

P142

2 832

1 215

Total

8 011

261 551

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

2. Un respect des engagements de la LPR pour 2023 qui permet d'atténuer les conséquences de la hausse des coûts mais qui limite l'ambition de la trajectoire prévue

Sur les 350 millions d'euros de hausse prévue par la LPR en 2023 sur le périmètre du MESRI, environ 150 millions d'euros sont consacrés à des mesures de revalorisation des personnels , dont 44 millions d'euros à destination des doctorants. Les universités et organismes de recherche bénéficient d'une hausse de 91 millions d'euros, notamment afin d'augmenter la dotation des laboratoires. Par ailleurs, 81 millions d'euros sont consacrés aux infrastructures de recherche, dont les Très grandes infrastructures de recherche (TGIR).

Décomposition des mesures prises au titre de la LPR en PLF 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'objectif initial de la trajectoire prévue par la LPR était de porter les dépenses de recherche des administrations à 1 % du PIB .

Cependant, alors que l'inflation devrait atteindre 5,4 % en 2022 et 4,3 % en 2023, les rapporteurs spéciaux ne peuvent que déplorer la décorrélation entre cette ambition et l'évolution de la trajectoire en volume. En effet, établie en euros courants, la programmation budgétaire ne tenait pas compte de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, ce que le rapport spécial avait déjà critiqué lors du vote de la LPR 3 ( * ) : « l a durée retenue pour la programmation impliquait de grandes incertitudes quant à la sincérité de la trajectoire présentée . Les sous-jacents économiques ayant servi de base à sa construction étant de surcroît susceptibles de varier sensiblement sur la période, il y a fort à craindre que les crédits inscrits en loi de finances ne soient amenés à diverger largement de la programmation établie ». Force est actuellement de constater que cette divergence est apparue plus rapidement que cela n'avait été anticipé.

L'inflation prévue en 2023 percutera la trajectoire initialement prévue par la LPR. Sur la seule année 2023, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR équivalent à une hausse de 385 millions d'euros en euros 2022.

Comparaison de la trajectoire de hausse prévue par la LPR
en euros courants et en euros constants (selon les prévisions à fin 2022)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Ces données doivent toutefois être envisagées avec précaution, dans la mesure où une part de la hausse de la LPR concerne des mesures de rémunération qui sont peu sensibles à la conjoncture économique , hors revalorisation du point d'indice, dont les rapporteurs spéciaux se félicitent d'ailleurs qu'elle soit compensée sans affecter la trajectoire LPR.

La clause de revoyure figurant dans la LPR prévoit une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans. Les rapporteurs spéciaux espèrent que cette occasion sera saisie en 2023 , afin de dresser un bilan des conséquences de l'inflation sur les mesures prises au titre de la LPR et de procéder à des ajustements budgétaires.

Si les rapporteurs spéciaux se félicitent que les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour la recherche soient respectés en 2023, ces derniers permettent davantage de limiter l'érosion des moyens consacrés à la recherche en France que de se rapprocher de l'ambition initiale qu'ils avaient saluée.

II. DES FINANCEMENTS EXTRABUDGÉTAIRES ENCORE RENFORCÉS PAR LE PROGRAMME FRANCE 2030

La loi de finances pour 2017 a lancé un troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) qui bénéficie d'une enveloppe de 10 milliards d'euros .

S'inscrivant dans le prolongement des deux premiers programmes, respectivement dotés de 35 milliards et 12 milliards d'euros, le PIA 3 vise à amplifier l'ambition initiale, en répondant à trois priorités : soutenir les progrès de l'enseignement et de la recherche, valoriser la recherche et accélérer la modernisation des entreprises.

En loi de finances pour 2021, un quatrième programme d'investissements d'avenir a été initié, doté de 20 milliards d'euros et composé de deux volets :

- un volet « dirigé » destiné à financer des investissements stratégiques ;

- un volet « structurel » visant à garantir un financement pérenne pour les écosystèmes d'innovation.

Cette mission, devenue « Investir pour la France de 2030 », a été abondée de 34 milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2022. Le périmètre enseignement supérieur et recherche dispose de ressources à hauteur de 12,25 milliards d'euros (6 milliards d'euros pour le volet « dirigé » et 6,25 milliards d'euros pour le volet « structurel ») pour la totalité de la durée du plan.

En 2023, 650 millions d'euros sont consacrés à la recherche par le biais des PIA et de France 2030.

Si les rapporteurs spéciaux se félicitent de la hausse dédiés à l'enseignement supérieur et la recherche, ils déplorent, comme les années précédentes, le manque de lisibilité qui découle de la superposition de différents plans.

Crédits extra-budgétaires à destination de la recherche - mission « Investissements d'avenir »

(en millions d'euros et en %)

LFI

2018 (CP)

LFI

2019 (CP)

LFI

2020 (CP)

LFI

2021 (CP)

LFI

2022 (CP)

PLF

2023 (CP)

PIA 3 - P421

142,50

212,50

417,00

380,00

245,00

244,00

PIA 4 / France 2023 - volet dirigé

300,00

300,00

200,00

PIA 4 / France 2023

- volet structurel

125,00

125,00

205,00

Source : réponses au questionnaire budgétaire

DEUXIÈME PARTIE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : VANINA PAOLI-GAGIN)

Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » qui relèvent du Mesri bénéficient, cette année encore, d'une hausse importante.

En effet, ces deux programmes représentent au total 18,04 milliards d'euros de CP, soit une progression de 4,3 % (+ 748 millions d'euros) par rapport à 2022, année où les crédits avaient déjà augmenté de 2,3 %.

Le programme 150 regroupe 82 % des crédits ainsi que l'essentiel des moyens supplémentaires demandés pour 2023. Il devrait augmenter de 4,6 % par rapport à 2022, soit une hausse de 1 milliard d'euros en AE et de 695 millions d'euros en CP . Le programme 231 verrait une hausse plus modeste de ses crédits de l'ordre de 1,6 %, centrée essentiellement sur l'action 03 - Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives.

Évolution des crédits de paiement alloués
aux programmes « Enseignement supérieur »

(en % et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

I. LE PROGRAMME 150 « FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE »

A. UNE HAUSSE D'UN MILLIARD D'EUROS DES MOYENS ALLOUÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Le présent programme regroupe 15,205 milliards d'euros pour 2023 (en CP) contre 14,2 milliards d'euros en 2022, soit une progression de 4,68 % (+ 690 millions d'euros) répartie sur 9 actions .

Évolution des crédits par action du programme 150 à périmètre courant

(en millions d'euros)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

Action 01

Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

AE

3 706,40

3 882,89

176,49

4,55 %

CP

3 706,40

3 882,89

176,49

4,55 %

Action 02

Formation initiale et continue de niveau master

AE

2 539,19

2 675,50

136,31

5,09 %

CP

2 539,19

2 675,60

136,41

5,10 %

Action 03

Formation initiale et continue de niveau doctorat

AE

401,89

453,58

51,69

11,40 %

CP

401,89

453,50

51,61

11,38 %

Action 04

Établissements d'enseignement privés

AE

93,90

94,90

1,00

1,05 %

CP

93,90

94,90

1,00

1,05 %

Action 05

Bibliothèques et documentation

AE

461,21

474,60

13,39

2,82 %

CP

461,21

474,60

13,39

2,82 %

Action 13

Diffusion des savoirs et musées

AE

128,89

131,135

2,25

1,71 %

CP

128,89

131,135

2,25

1,71 %

Action 14

Immobilier

AE

1 144,93

1 543,90

398,97

25,84 %

CP

1 197,55

1 245,19

47,64

3,83 %

Action 15

Pilotage et support du programme

AE

1 626,65

1 726,66

100,01

5,79 %

CP

1 626,65

1 726,66

100,01

5,79 %

Action 17

Recherche

AE

4 054,66

4 223,27

168,61

3,99 %

CP

4 054,66

4 223,27

168,61

3,99 %

Total programme 150

AE

14 157,72

15 205, 81

1 048,09

6,89 %

CP

14 210,33

14 907,80

697,47

4,68 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits inscrits au titre des dépenses de fonctionnement représentent plus de 93 % des crédits du programme 150 et près de 80 % des crédits consacrés à l'enseignement supérieur . Après un PLF 2022 marqué par la consolidation de nombreux passages aux responsabilités et compétences élargies (RCE) intervenus au 1 er janvier (pour - 1243 ETPT et - 91 millions d'euros), ce qui avait entrainé une forte diminution du titre 2, l'année 2023 est plus classique avec un unique passage aux RCE, celui de l'Observatoire de la Cote d'Azur, à compter du 1 er janvier 2023.

1. Une hausse qui résulte pour l'essentiel de mesures de revalorisation salariale

L'évolution des crédits alloués à l'enseignement supérieur en 2023 reflète en grande partie la hausse tendancielle de la masse salariale , résultant notamment des mesures « fonction publique ».

Près de la moitié des crédits nouveaux, soit 381,2 millions d'euros (hors titre 2) sont consacrés à la mise en place, pour 2023, de la compensation de la hausse du point d'indice de la fonction publique pour les établissements d'enseignement publics. Il est à noter qu'aucune mesure de compensation n'aura été mise en place pour les mois de juillet à décembre 2022, pour lesquels les opérateurs devront mobiliser leurs fonds propres.

Évolution des crédits du programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR constitue l'autre facteur principal de croissance du programme, pour 141 millions d'euros. Ces crédits sont également essentiellement à destination des personnels, puisqu'ils regroupent à la fois des dispositions statutaires et indemnitaires de revalorisation salariale et d'élargissement des voies de recrutement et des mesures d'accroissement des moyens affectés à la recherche.

Le budget 2023 entérine les moyens nouveaux accordés en 2023, notamment le dispositif SantéPsy ou la mise en oeuvre du plan « Égalité des chances », ainsi que les moyens dédiés à la poursuite de la réforme des études de santé . La programmation immobilière du ministère augmente également de 30 millions d'euros.

En outre, 77 millions d'euros sont dédiés à l'accompagnement de la démographie étudiante à l'horizon 2023-2027 et à la pérennisation des places créées sur le plan de relance.

Enfin, 35 millions d'euros sont prévus pour l'accompagnement de l'autonomie et de la performance des établissements dans le cadre de la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels (COMP) avec une dizaine d'universités. Si l'idée semble être intéressante, le rapporteur spécial souligne la faiblesse des montants actuellement destinés à être contractualisés. Les universités semblent, pour l'instant, accueillir favorablement le principe des COMP. Cependant, l'amélioration de l'efficience des moyens accordés aux universités, qui est l'objectif final des COMP, devrait aller de pair avec une bonification en cas d'atteinte des objectifs pour les universités les plus performantes. Afin que ce dispositif puisse réellement être utile, le rapporteur spécial souligne la nécessité de définir en amont des indicateurs d'objectifs efficaces. Il sera très attentif à la négociation en cours entre le ministère et les universités.

Contrairement aux dernières années, aucun moyen nouveau n'est prévu au titre de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants, dite loi ORE 4 ( * ) .

2. L'impact budgétaire de la loi de programmation

La trajectoire adoptée dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche prévoyait, pour 2023, une hausse de 143 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2022. Le budget 2023 respecte cet engagement, puisqu'il comprend à périmètre courant 143 millions d'euros de moyens nouveaux au titre de la LPR.

Incidence de la loi de programmation sur le programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires

Les crédits accordés au programme 150 au titre de la LPR financent en 2023 :

- des mesures indemnitaires : les revalorisations statutaires et indemnitaires des personnels de recherche et le repyramidage des maîtres de conférence et des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation à hauteur de 75,1 millions d'euros ;

- des mesures portant sur les contrats doctoraux : revalorisation du montant des contrats à la date du 1 er septembre 2021, puis du 1 er septembre 2022, avec une cible de revalorisation de 30 % à horizon 2023, associée à une augmentation progressive du nombre de contrats doctoraux (+ 11,7 millions d'euros) ;

- une augmentation du budget de recherche des universités , permettant de consolider la trajectoire en emplois, comprenant la création de chaires de professeurs juniors. En parallèle, les moyens des laboratoires progresseraient de 15 % par rapport à 2020 (+ 56,9 millions d'euros).

Ventilation de l'enveloppe allouée au titre de la LPR (à périmètre courant)

(en millions d'euros)

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Écart 2023/2022

Écart 2023/2021

Mesures RH (revalorisations)

80,7

155,9

75,1

- 51,8 %

- 6,9 %

Contrats doctoraux

4,4

16,1

11,7

- 27,3 %

+ 165,9 %

Budget des universités (emplois et financement de la recherche)

80,00

136,9

56,9

- 58,4 %

- 28,9 %

Total programme 150

165,1

308,8

143,7

- 53,5 %

- 13 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le PLF 2023 prévoit pour le programme 150 la création de 413 ETPT, dont 385 au titre de la LPR. Ces emplois concernent essentiellement l'augmentation du nombre de contrats doctoraux et la création de chaires de professeurs juniors. 25 d'entre eux sont budgétés sur le titre 2, au profit des établissements qui ne bénéficient pas des responsabilités et compétences élargies.

Les universités ayant désormais accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE), les emplois et dépenses de masse salariale afférentes à ces opérateurs 5 ( * ) ont, pour la plupart d'entre eux, été transférés du titre 2 au titre 3 au cours des dernières années .

Ces dépenses sont donc dorénavant couvertes par les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs. Par conséquent, les emplois du Mesri sont, à 97 %, budgétairement localisés dans les opérateurs.

Les opérateurs autonomes sont libres de procéder, sous réserve du respect de leur plafond d'emplois et de masse salariale, aux créations, transformations et suppressions qu'ils estiment nécessaires . En parallèle, les emplois des opérateurs n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (« opérateurs non RCE ») demeurent financés par le titre 2 du programme 150.

Il convient donc de distinguer :

- les emplois sous-plafond d'État du programme, portés par le titre 2 et rémunérés sur crédits budgétaires, destinés aux opérateurs non RCE ;

- les emplois sous-plafond d'État des opérateurs RCE, portés par le titre 3 et rémunérés par les opérateurs sur crédits budgétaires ;

- les emplois hors-plafond des opérateurs, rémunérés par les opérateurs à l'aide de leurs ressources propres.

Évolution des emplois du programme 150

(en ETPT)

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Variation 2023/2022

Emplois sous-plafond rémunérés sur titre 2

6 992

6 794

5 332

5 179

- 153

Emplois sous-plafond rémunérés sur titre 3

165 939

166 129

167 467

167 657

+ 190

Total des emplois sous-plafond

172 931

172 923

172 799

172 836

+ 37

Emplois hors-plafond rémunérés par les opérateurs

29 432

29 255

31 764

32 856

+ 1092

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des moyens consacrés aux universités qui doivent être rapportés aux évolutions démographiques en cours

Pour le rapporteur spécial, l'effort consenti en termes de créations de places à l'université (+ 83 000 entre 2018 et 2022) doit être apprécié au regard de l'évolution de la démographie étudiante sur la période.

Au total, 2,99 millions d'étudiants, y compris BTS en apprentissage, devraient être inscrits à la rentrée 2022 dans l'enseignement supérieur, effectif en progression de +0,9 % par rapport à l'année précédente, soit 25 500 étudiants supplémentaires.

Évolution des effectifs d'étudiants

(en milliers)

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

Évolution 2022-2023 (en %)

Prévision

2023-2024

Évolution annuelle

2023-2024 (en %)

Université y compris IUT

1 635,4

1 650,0

1 657,0

1 653,0

- 0,2

1 650,7

- 0,1

dont IUT

121,7

121,7

115,9

113,1

- 2,4

127,4

+ 12,7

CPGE

85,1

84,9

83,4

81,2

- 2,6

80,3

- 1,1

STS scolaires et assimilés (hors apprentis)

262,5

267,4

252,0

233,8

- 7,2

228,8

- 2,1

STS apprentis

79,2

109,5

156,8

181,7

+15,8

189,2

+4,2

Formations d'ingénieurs (hors université)

148,0

154,6

158,0

160,1

+1,3

160,1

0,0

Écoles de commerce, gestion et vente

190,2

211,7

230,2

243,5

+5,8

251,9

+3,5

Grands établissements

43,6

44,0

44,2

44,1

- 0,2

44,2

+0,3

Établissements d'enseignement universitaire privés

32,4

35,3

39,0

42,2

+8,1

44,3

+5,0

Autres formations

328,2

337,1

348,2

354,8

+1,9

358,9

+1,1

Total

2 804,5

2 894,5

2 968,9

2 994,4

+ 0,9

3 008,5

+ 0,5

Source : commission des finances d'après le MESR-SIES, Note Flash n°28 - Octobre 2022

Ces chiffres traduisent une stabilisation après les fortes hausses d'effectifs des dernières années. L'enseignement supérieur accueille 14 200 néo-bacheliers de moins en 2022 par rapport à 2021 (- 2,6 %). Ce chiffre devrait rebondir ensuite aux rentrées 2023 (+ 9 500, soit + 1,8 %) et 2024 (+ 2 800, soit + 0,5 %)

Évolution du nombre d'étudiants et de la dépense moyenne par étudiant (universités et IUT uniquement)

(en euros et en millions d'étudiants)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

S'agissant des comparaisons internationales, la France consacre 17 420 $ en parité de pouvoir d'achat (PPA) par étudiant, soit légèrement plus que la moyenne des pays de l'OCDE (17 070 $PPA). Sa dépense est supérieure à celle de l'Espagne ou de l'Italie, mais inférieure à celle du Japon, de l'Allemagne, ou de la Belgique.

Dépenses annuelles des établissements d'enseignement supérieur par étudiant en 2018 dans l'OCDE

(en $ en parité de pouvoir d'achat)

Source : OCE, Regards sur l'éducation 2021

Si donc, en théorie, les ouvertures de places permettent d'absorber la hausse du nombre d'étudiants, la situation est en réalité plus contrastée qu'il n'y parait : le différentiel quantitatif global ne rend pas compte des tensions persistantes dans certaines disciplines, et l'offre de places n'est pas toujours en adéquation avec la demande.

La hausse tendancielle du nombre d'étudiants s'est également traduite par une érosion progressive de la dépense moyenne par étudiant, qui a chuté de 11 560 euros en 2014 à 10 110 euros en 2019, avant de se rétablir à 11 580 euros en 2020. Cette question est d'autant plus préoccupante qu'après une relative période d'accalmie entre 2022 et 2023, la démographie étudiante devrait à nouveau progresser fortement à partir de 2024 et jusqu'en 2031, selon les prévisions du Mesri.

Il convient de relever qu'un sursis a été donné aux établissements d'enseignement supérieur entre 2020 et 2022, l'effet conjugué de la loi ORE et du plan de relance permettant d'inverser la tendance et d'accroître la dépense moyenne par étudiant. Ainsi, entre 2020 et 2021, la subvention pour charges de service public par étudiant passerait de 8 458 euros à près de 8 600 euros (+ 1,7 %).

Au cours des deux dernières années, des places supplémentaires ont été financées dans le cadre du plan de relance : chaque place supplémentaire a été financée sur une base forfaitaire d'environ 2 000 euros dans le cadre de la loi ORE, complétée par l'octroi d'une dotation au titre du plan de relance, pouvant aller jusqu'à 1 000 euros par place.

Le plan de relance a ainsi contribué à financer 18 000 places supplémentaires en 2020, et 34 000 places supplémentaires en 2021 , dont 26 000 dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du Mesri, 5 000 dans les classes de Brevets de technicien supérieur (BTS) et 2 500 dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI).

En 2023, 49,5 millions d'euros sont prévus pour la pérennisation des places créées sur le plan de relance, ce qui répond à une interrogation formulée par le rapporteur spécial l'année précédente. En outre, 6,8 millions d'euros sont prévus pour la création de places supplémentaires dans certaines filières.

2. Dans le contexte de crise énergétique, un enjeu crucial : la transition du bâti universitaire
a) Un impact très important de la hausse des coûts de l'énergie sur le budget des établissements qui sera en grande partie compensé en 2023

Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur sont particulièrement touchés par la crise énergétique qui a commencé en 2022 et devrait s'amplifier en 2023 et par les surcoûts liés à l'augmentation des tarifs de l'énergie qui en découlent.

Sur l'année 2022, le ministère estime que le coût de l'énergie et des fluides serait de 330 millions d'euros pour les universités . Par rapport à 2021, qui constitue l'année de référence pour le ministère, l'augmentation 2022 serait de 40 à 50 %.

A l'échelle du programme 150, le surcoût 2022 est donc estimé à environ 100 millions d'euros (et 40 millions d'euros supplémentaires pour les autres programmes de la MIRES).

Le ministère a d'ores et déjà annoncé que ces dépenses ne seraient pas compensées en gestion et que les universités devraient mobiliser leurs fonds de roulement pour tenir compte de ces hausses .

Les fonds de roulement des universités : des indicateurs de bonne santé budgétaire à préserver

Le fonds de roulement s'élève en 2022 à 11,8 milliards d'euros pour l'ensemble des universités, même si ces données demeurent prévisionnelles dans l'attente du compte financier. Signe de gestion budgétaire saine, le fonds de roulement a largement augmenté au cours des dernières années (+ 10 % entre 2018 et 2022).

Ces ressources sont essentiellement préemptées par les opérations pluriannuelles d'investissement (699 millions d'euros en 2021, dernière année pour laquelle les données sont consolidées), les fonds de roulement des structures autonomes (162 millions d'euros), les provisions pour risques et charges (194 millions d'euros), les emprunts et dettes assimilées (113 millions d'euros), les excédents relatifs à la formation continue (64 millions d'euros) et les créances non provisionnées supérieures à deux ans (21 millions d'euros).

Evolution des fonds de roulement des universités

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Outre la réserve de précaution, qui doit permettre au minimum 15 jours de fonctionnement, le fonds de roulement comprend un grand nombre de crédits fléchés sur des projets. La part non fléchée s'élèverait d'après les données transmises au rapporteur spécial à 1,6 milliard d'euros. Afin de préserver la capacité des établissements d'enseignement supérieur à mener à bien les projets et investissements en cours, il convient de s'assurer que la compensation des hausses de prix et du point d'indice en 2022 ne s'effectuent pas sur la part « projet », mais uniquement sur la part de charges mobilisables.

Concernant 2023, l'évaluation des surcoûts potentiels est un exercice délicat.

D'après les estimations de France universités, le surcoût énergétique s'élèverait en 2023 à 420 millions d'euros par rapport à 2022 pour les seules universités, et à 480 millions d'euros pour l'ensemble des établissements du programme 150. Le ministère aboutit à des évaluations légèrement inférieures, le surcoût s'élevant à 500 millions d'euros pour les universités par rapport à 2021, et donc à 400 millions d'euros par rapport à 2022 .

La ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche a donc annoncé le jeudi 27 octobre la mise en place d'un « fonds de compensation du surcoût de l'énergie » , dont les crédits en projet de loi de finances rectificative pour 2022 devaient s'élever à 275 millions d'euros . Ce fonds ne concernera que les surcoûts constatés sur 2023 pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

L'aide devrait être versée au prorata des surcoûts aux opérateurs en fonction de la situation financière particulière de chacun d'entre eux, du poids relatif de l'énergie dans leurs dépenses et des surcoûts effectivement constatés.

Le rapporteur spécial se félicite de la mise en place de ce fonds mais indique que beaucoup d'inconnues persistent . Il conviendra d'y être attentif dans les prochains mois. Seuls 150 millions d'euros de nouveaux crédits sont en réalité ouverts par ce PLFR. Il semblerait que les 125 millions complémentaires soient pris, d'une part sur les crédits de la réserve de précaution des opérateurs de recherche et, d'autre part, sur les crédits dégagés par la baisse du nombre d'étudiants boursiers.

En outre, les universités pourront bénéficier, en tant qu'établissements publics, du mécanisme général, appelé « amortisseur électricité » . Le rapporteur spécial considère que cette aide est bienvenue, même si là encore, les modalités concrètes de déploiement du dispositif restent encore à établir.

b) Un investissement de grande ampleur en faveur de l'immobilier universitaire qui ne peut être repoussé

Si les dispositifs mentionnés plus haut permettent de limiter l'impact de la hausse des coûts de l'électricité sur les établissements, ils relèvent uniquement d'une gestion de l'urgence. Dans le contexte actuel d'incitation à la sobriété énergétique, le rapporteur spécial ne peut que réitérer les constats qu'il a mis en avant dans son précédent rapport budgétaire ainsi que lors d'un travail de contrôle dédié 6 ( * ) .

Dans un environnement international extrêmement concurrentiel, la modernisation des campus universitaires français est désormais incontournable : développement de l'enseignement à distance, renouvellement des pratiques pédagogiques, mais aussi et surtout remise à niveau du bâti universitaire.

Ces bâtiments - qui appartiennent à l'État mais dont la gestion est confiée aux universités - représentent près de 18,75 millions de mètres carrés de surface hors oeuvre nette (SHON) que se partagent 138 établissements sur un foncier de l'ordre de 5 300 hectares. Or, ce parc immobilier présente un caractère vieillissant, vétuste et énergivore. Ainsi, 38 % des surfaces universitaires sont classées en étiquette énergie D, tandis que 21 % du bâti est considéré comme étant très énergivore (avec une étiquette énergie E, F ou G) .

Dans ce contexte, non seulement le parc immobilier universitaire se caractérise par des coûts d'entretien et d'exploitation particulièrement élevés, mais en plus, les universités ne disposent pas, en règle générale, d'un budget suffisant pour enrayer la dégradation de leur patrimoine immobilier. A fortiori , très peu d'établissements sont en mesure d'investir en faveur de la rénovation énergétique de leurs locaux.

À cet égard, le lancement, dans le contexte du plan de relance, d'un appel à projets pour financer la rénovation énergétique des bâtiments publics constituait une opportunité unique , que les établissements d'enseignement supérieur ont pleinement réussi à saisir .

En PLF 2023, 30 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à l'immobilier universitaire. Pour le rapporteur spécial, force est cependant de constater que cet effort ponctuel demeure insuffisant , et ne permettra pas à la France de respecter les objectifs ambitieux qu'elle s'est fixés en matière de transition énergétique .

Par ailleurs, sur le plan national, en application du décret tertiaire 7 ( * ) , les locaux universitaires courants sont tenus de réduire leur consommation énergétique de 40 % d'ici à 2030 8 ( * ) , 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 .

Des opérations de très grande ampleur seront nécessaires pour garantir le respect de ces engagements. Or, le financement de ces travaux ne pourra être assuré par les établissements, étant donné l'équation budgétaire dans laquelle s'inscrit la gestion immobilière, si bien que le lancement d'un vaste plan de rénovation globale du bâti universitaire parait indispensable. Le rapporteur spécial insiste en particulier sur la nécessité pour les universités de non seulement réduire leur consommation énergétique, mais également de développer des mécanismes de production et d'autoconsommation . A ce titre, l'intérêt du recours à des mécanismes de financement par des tiers publics, mais aussi privés, ne fait pas de doute.

Le rapporteur spécial réaffirme ici ce qu'il a eu l'occasion de mettre en avant à plusieurs reprises : en matière d'immobilier comme de transition énergétique, l'inaction a un coût : plus les investissements sont différés, plus :

- ils seront onére ux pour les finances publiques ;

- la réduction des coûts de consommation énergétique sera différée ;

- la valeur d'actif du bâti non décarboné se dégradera.

Le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2022 partage les constats du rapporteur spécial

La Cour des comptes a consacré très récemment une analyse au patrimoine immobilier universitaire 9 ( * ) .

Second poste budgétaire des universités après la masse salariale, le patrimoine immobilier est un facteur stratégique de première importance pour l'insertion des universités dans leur territoire, et un élément central pour l'accueil des étudiants et l'exécution des objectifs scientifiques. Il est également au coeur de la question de l'autonomie des universités. Pour l'État, l'enjeu n'est pas moindre, puisqu'il reste très majoritairement propriétaire de ces biens immobiliers (82% de l'ensemble). Toutefois, il doit, comme les universités, faire face à l'indispensable remise à niveau de ce patrimoine - représentant 18 millions de m2 de locaux, dont 78% sont consacrés aux activités d'enseignement ou sportives -, dont un tiers est dans un état peu ou pas satisfaisant et qui ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique.

La Cour souligne notamment « des résultats épars », « des financements multiples qui ne répondent pas au besoin global ».

Les universités ne disposent pas des moyens de remplir leur obligation
d'entretien, tant le financement de l'immobilier universitaire reste défaillant. Les moyens accordés pour l'entretien courant, comme pour le gros entretien renouvellement (GER), sont inférieurs au niveau requis pour maintenir le patrimoine en état.

Le ministère chargé de l'enseignement supérieur estime à 7 milliards d'euros le coût de réhabilitations du patrimoine universitaire, dont 75 % serait en lien avec la transition énergétique et environnementale. France Universités, pour sa part, porte cette estimation à 15 milliards d'euros.

Source : Cour des comptes

II. LE PROGRAMME 231 « VIE ÉTUDIANTE »

A. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE

En 2021 et 2022, les moyens alloués au programme 231 avaient enregistré une hausse très importante (+ 6,4 % en 2022, + 4,8 % en 2021). Le PLF 2023 entérine ces hausses mais voit une stabilisation des crédits, à hauteur de 3,14 milliards d'euros en AE et 3,13 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 1,5 % des crédits.

Évolution des crédits par action du programme 231

(en millions d'euros)

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 20223 / LFI 2022 (%)

Action 01

Aides directes

AE

2 372,83

2 534,89

2 542,58

7,69

0,3%

CP

2 372,83

2 534,89

2 542,58

7,69

0,3%

Action 02

Aides indirectes

AE

367,98

380,93

407,15

26,22

6,9%

CP

366,95

371,90

400,93

29,03

7,8%

Action 03

Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

AE

60,19

72,29

80,56

8,27

11,4%

CP

60,19

72,29

80,56

8,27

11,4%

Action 04

Pilotage et animation du programme

AE

100,89

100,89

107,13

6,24

6,2%

CP

100,89

100,89

107,13

6,24

6,2%

Total programme 231

AE

2 901,88

3 088,99

3 136,41

47,42

1,5%

CP

2 900,85

3 079,96

3 130,19

50,23

1,6%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation de l'action 03 - Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives, s'explique par un abondement supplémentaire de 7,5 millions d'euros par rapport à la LFI 2022 consacré au financement des aides individuelles adaptées aux besoins spécifiques des étudiants en situation de handicap.

1. Malgré la revalorisation de 4 %, une stabilité de l'enveloppe allouée aux bourses sur critères sociaux

L'action 01 regroupe l'ensemble des crédits relatifs aux aides directes aux étudiants et représente 82 % des crédits du programme 231.

Les crédits demandés pour 2023 rompent avec la dynamique de hausse constante observée au cours des dernières années. L'action 01 est stable à 2,5 milliards d'euros, soit une hausse de seulement 0,26 % par rapport à 2022, année où les crédits avaient augmenté de 162,06 millions d'euros (+ 6,8 %). Entre 2018 et 2022, les crédits alloués aux aides directes avaient enregistré une hausse de 11,9 % (+ 270 millions d'euros).

Évolution des crédits de l'action 01 « Aides directes » entre 2012 et 2022

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Concernant 2023, la quasi-totalité des postes de dépense font preuve d'une totale stabilité, à l'exception d'une légère hausse concernant les dispositifs d'aide à la mobilité internationale.

Évolution des dépenses d'intervention entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Mesures

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Variation (en M€)

Bourses sur critères sociaux

2204,3

2355,2

2 355,2

0

Aide à la mobilité internationale

25,7

25,7

28,9

+ 3,2

Aides au mérite

34,4

42,8

42,8

0

Aides spécifiques

48,8

48,8

48,8

0

Aide à la mobilité Parcoursup

7

10

10

0

Aide à la mobilité master

7,2

7,2

7,2

0

Grande École du Numérique

5

3,3

2,4

-0,9

Prise en charge du coût de la certification en langue anglaise

7,3

7,3

7,3

0

Financement du Fonds de garantie géré par Bpifrance

4

4

4

0

Total

2 343,7

2 504,3

2506,6

+ 2,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022 , afin de tenir compte de la hausse des prix et de limiter son impact sur le pouvoir d'achat des étudiants. Le coût de cette mesure s'élève à 85,1 millions d'euros en 2023 . L'aide à la mobilité Parcoursup et l'aide à la mobilité master seraient augmentées respectivement d'un montant de 500 euros et de 1 000 euros.

Les crédits dédiés restent cependant identiques à ceux prévus l'année dernière, du fait de la baisse attendue du nombre d'étudiants boursiers. Si les prévisions figurant dans les questionnaires budgétaires indiquent que le nombre d'étudiants boursiers devait croître de 0,54 % à la rentrée 2022 avant de se stabiliser à la fin 2023, les informations transmises au rapporteur spécial indiquent une baisse du nombre de demandes de bourse intervenue dès la rentrée 2022.

Il convient toutefois de noter que la revalorisation de 4 % ne permettra pas de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

Le Gouvernement a annoncé le lancement d'une grande concertation préalable à la réforme des bourses sur critères sociaux. Le rapporteur spécial sera attentif au déroulement de cette réforme et espère qu'elle contribuera notamment à un allégement de la charge administrative pour les étudiants.

2. Une stabilité des moyens consacrés au réseau des oeuvres universitaires hors revalorisation des personnels

En 2023, le réseau des oeuvres universitaires se voit doté d'une subvention pour charges de service public en hausse de 35,6 millions d'euros par rapport à 2022.

Cette augmentation correspond pour l'essentiel, soit 28,8 millions d'euros, au financement des mesures interministérielles en faveur des personnels, intervenues en 2022 et produisant des effets en 2023, dont 15 millions d'euros pour la seule revalorisation du point d'indice.

Coût en 2023 des différentes mesures de revalorisation indemnitaires
intégré à la SCSP du Cnous

(en millions d'euros)

Hausse de 3,5 % du point d'indice

15

Revalorisation de la catégorie C

1,68

Revalorisation indemnitaire des personnels de catégorie A et B

1,4

Revitalisation des DAPOOUS

2,7

Progression en 2022 de l'indice minimum fonction publique en raison de la hausse du SMIC

2,57

Revalorisation des personnels des services sociaux et médecins

0,29

Amélioration du taux de promotion pour les personnels de catégorie B et C

0,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs la poursuite de la mise en oeuvre de la loi EGALIM au sein du réseau est financée à hauteur de 5,3 millions d'euros.

L e gel de l'indexation des loyers des résidences universitaires gérées par les CROUS depuis le 1 er janvier 2020 sera prolongé jusqu'à la rentrée 2022 pour l'année universitaire 2022-2023. Cette mesure était financée à hauteur de 2 millions d'euros en 2022. Aucun crédit complémentaire n'est prévu pour la compensation au premier semestre 2023.

Le schéma d'emploi du réseau des oeuvres universitaires pour 2023 devrait augmenter de 40 ETP, permettant le recrutement d'assistants sociaux supplémentaires. Ce schéma d'emploi sera toutefois réalisé sans rehaussement du plafond d'emplois de 12 724 ETPT.

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le nombre croissant de repas à un euro dans un contexte de précarité étudiante

Dans le contexte de la crise sanitaire, des mesures de soutien au pouvoir d'achat ont été déployées à la rentrée 2020, avec notamment la création d'un tarif à 1 euro, dans les restaurants universitaires des CROUS, pour les étudiants boursiers , et le gel à 3,30 euros pour les autres étudiants . Par la suite, en janvier 2021 , le tarif à 1 euro a été étendu à l'ensemble des étudiants , boursiers et non boursiers.

Depuis la rentrée 2021, le repas à 1 euro n'est plus accessible qu'aux étudiants boursiers et aux étudiants « en situation de précarité » , ces derniers devant faire état de difficultés financières graves constatées par les services sociaux des Crous. Jusqu'au 31 décembre 2021, les étudiants non boursiers qui souhaiteraient bénéficier de la mesure peuvent déposer par voie dématérialisé un dossier simplifié de demande ; néanmoins, à compter du 1 er janvier 2022, les étudiants devront prendre attache avec les services sociaux afin que leur dossier puisse faire l'objet d'une évaluation approfondie.

Le coût du repas à un euro s'est élevé à 47,5 millions d'euros en 2021, intégralement compensé par l'État. La dotation prévue en PLF 2023 s'élève à 51 millions d'euros soit une augmentation de 1,55 million d'euros par rapport à la LFI 2022.

S'agissant du nombre d'étudiants bénéficiaires, il s'élevait à 319 296 étudiants boursiers en 2020-2021, et 433 860 étudiants boursiers en 2021-2022. D'après les informations fournies au rapporteur spécial, la fréquentation des restaurants universitaires devrait continuer à croître très rapidement, en particulier du fait de la hausse des coûts des produits alimentaires. Le réseau des oeuvres universitaires indique avoir constaté une activité à la rentrée 2022 supérieure de 20 % à 30 % à l'année précédente.

Nombre de repas à 1 euro servis dans le réseau des Crous au 31 août 2022

2020-2021

(année universitaire)

2021

(année civile)

2021-2022

(année universitaire)

2022

(année civile)

Boursiers

7 845 965

12 598 972

17 148 117

9 324 227

Non boursiers

6 905 373

6 846 105

Non boursiers précaires

219 348

508 863

288 646

Total

14 751 338

19 664 425

17 656 980

9 612 873

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Malgré une amélioration de la situation financière des CROUS, une nécessaire vigilance sur les conséquences de la hausse des coûts

Le rapporteur spécial s'était inquiété au cours des années précédentes de la non-compensation des pertes d'exploitation pendant la crise sanitaire qui avait fortement pesé sur le réseau des oeuvres universitaires.

Il se félicite de la stabilisation des montants exceptionnels accordés pendant la crise sanitaire. Il réitère toutefois certaines des observations émises au cours des années précédentes, en particulier sur la non-compensation intégrale depuis 2020 des différentes mesures destinées à lutter contre la précarité étudiante reconduites en 2023 - comme le gel de l'augmentation des loyers et la mise en place d'une offre de restauration à 1 euro.

Plusieurs points d'attention doivent cependant être soulevés et pourraient affecter la situation financière des Crous en 2023.

En premier lieu, les conséquences de la hausse des coûts des denrées alimentaires pourraient engendrer un effet ciseaux, le nombre de repas servis augmentant en parallèle du renchérissement des prix alimentaires. S'agissant de l'exercice 2022, les prévisions à date du CNOUS font état d'une possible hausse des effets directs du repas à 1 euro pour la fin de l'année, pour un coût total de l'ordre de 50 millions d'euros. Le Crous estime que le coût d'un repas s'élèverait en moyenne à 7 euros, soit plus du double du coût compensé au réseau (c'est-à-dire 3,30 euros).

3. La CVEC, une ressource croissante essentiellement fléchée vers les établissements d'enseignement supérieur

L es crédits de l'action 03 « santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » seront complétés par le produit de la « contribution de vie étudiante et de campus » (CVEC) .

Cette contribution d'un montant de 95 euros pour l'année 2022-2023 , en hausse de 3 euros par rapport à l'année précédente a été créée en 2018 par la loi Orientation et réussite des étudiants. Se substituant au droit de médecine préventive, elle est due chaque année par les étudiants inscrits en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur - à l'exception des étudiants bénéficiant d'une bourse sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle attribuée dans le cadre des aides spécifiques, des réfugiés, demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Le produit de la CVEC est réparti entre les établissements d'enseignement supérieur d'une part, et les CROUS d'autre part, afin que ces derniers financent des actions au profit des étudiants inscrits dans les établissements non affectataires de la CVEC.

Évolution du produit de la CVEC depuis sa création

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En juillet 2022, au titre de l'année universitaire 2021-2022, 150 millions d'euros ont été collectés . 127,5 millions sont affectés aux établissements d'enseignement supérieur prévus dans la loi (universités ; établissements publics d'enseignement supérieur, établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général) pour qu'ils mettent en place des actions en matière de vie étudiante. Par ailleurs, 22,5 millions d'euros sont alloués au réseau des oeuvres universitaires, pour qu'il finance à la fois des actions en propre, ainsi que des actions au profit des étudiants inscrits dans des établissements ne recevant pas la ressource CVEC.

En 2023, le montant prévisionnel de la collecte de la CVEC est de 175 millions d'euros.

Emploi et suivi des produits de la CVEC

La circulaire du 21 mars 2019 précise les actions éligibles à un financement par le biais de la CVEC : accompagnement social des étudiants, pratique sportive, art et culture, accueil. Pour programmer et suivre l'usage de la CVEC, chaque établissement affectataire doit se doter d'une commission spécifique rassemblant les différents acteurs de la vie étudiante pour proposer à son conseil d'administration une programmation et un bilan qualitatif et quantitatif de l'utilisation de la CVEC.

À l'échelle académique, une commission territoriale, présidée par le recteur associant l'ensemble des établissements affectataires ou non, le CROUS et les acteurs de la vie étudiante, devra se réunir entre une et trois fois dans l'année afin de faciliter la coordination des actions menées avec le financement de la CVEC. Le CNOUS présente au ministre chargé de l'enseignement supérieur un rapport annuel récapitulant le total des sommes collectées, les montants reversés à chaque établissement.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, la répartition de la CVEC par domaine en 2021 s'effectue comme suit : 21,8 % des dépenses sont consacrées au domaine social, 26,9 % à la santé, 21,4 % au sport, 14 % à la culture et 15,9 % à l'accueil . Le volume le plus important s'effectue pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention (59 %), suivies des dépenses de personnel (26,1 %) et d'investissement (14,9 %). C'est dans le domaine social et le domaine culturel que l'on trouve la part la plus importante de dépenses de fonctionnement et d'intervention (75 % des dépenses consacrées à ces domaines) et ce sont les domaines sport et accueil qui consacrent le plus de dépenses aux investissements (respectivement 32 % et 27 % des dépenses consacrées au sport et à l'accueil). Enfin, c'est dans le domaine de la santé que les dépenses de personnel sont les plus importantes : elles représentent 43,6 % des dépenses de santé, 49 % étant consacrées aux dépenses de fonctionnement et d'intervention. Au global, 44,2 % des dépenses de personnel financées par la CVEC sont rattachées au domaine sanitaire.

En outre, sur l'année 2021, 246 ETPT emplois étudiants ont été financés par la CVEC, correspondant à 2 688 effectifs physiques.

TROISIÈME PARTIE
LA RECHERCHE
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

En 2023, à périmètre courant, la partie « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (soit les programmes 172, 193, 190, 192, 191 et l'action « recherche » du programme 150), voit son budget augmenter de 872 millions d'euros en AE (+6,9 %) et de 824 millions d'euros en CP (+ 7,3 %) .

Elle atteindra ainsi 12,87 milliards d'euros en AE et 12,77 milliards d'euros en CP en 2023 .

Évolution des crédits de la mission recherche (périmètre courant)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) consacrés à la recherche 10 ( * ) représenteraient ainsi, en 2023, 3,7 % des dépenses du budget général de l'État contre 3,98 % en 2022 . La part des dépenses de recherche dans les dépenses de l'État régresse donc dans le budget général en dépit de la forte hausse des crédits de la MIRES, du fait de l'accroissement global des dépenses de l'État en 2022.

Évolution de la part des dépenses de recherche dans le budget de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Trois programmes de la MIRES concentrent l'essentiel des crédits consacrés au financement de la recherche publique. Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » rassemble près des deux-tiers des crédits dédiés à la recherche sur la MIRES (65 %), contre 15 % pour chacun des programmes 193 et 190.

Les quatre programmes restants - à savoir les programmes 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », et 191 « Recherche duale civile et militaire » - représentent seulement 5 % des crédits de la mission .

Évolution des programmes « recherche » de la mission
entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

En 2023, la hausse des crédits résulte essentiellement de l'enveloppe supplémentaire de 330 millions d'euros allouée au programme 172 , piloté par le Mesri, ainsi que de la forte hausse des crédits dédiés à la recherche spatiale. Le programme 193 « Recherche spatiale » bénéficie en effet d'une dotation en très forte hausse de 224 millions d'euros.

Les programmes 190 et 192 augmentent quant à eux de respectivement 61 et 62 millions d'euros.

La principale modification de périmètre en 2023 concerne le programme 191 « Recherche duale ». En 2021 et 2022, les crédits du programme étaient pris intégralement en charge par la mission « Plan de relance ». Du fait de l'extinction de celle-ci en 2023, les crédits du programme 191 sont rapatriés sur la MIRES à hauteur de 150 millions d'euros.

En outre, en écart à la LFI 2022, à périmètre courant, les crédits inscrits sur l'action « Pilotage et animation » diminuent de 31 millions d'euros en AE et 44 millions d'euros en CP, cette baisse apparente s'expliquant par des transferts vers d'autres actions du programme 172. En effet, les crédits de la mesure LPR « dialogue contractuel avec les établissements » (46 millions d'euros en 2023) sont dorénavant ventilés directement dans les actions portant les subventions des opérateurs. La mesure de dialogue contractuel avec les établissements, dotée en 2022 d'un budget de 37 millions d'euros, bénéficiera donc, au total, de 9 millions d'euros en 2023. Ces moyens supplémentaires ont vocation à être dévolus aux établissements à l'issue d'échanges avec leur tutelle.

I. UN RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS AUX PROGRAMMES 172 ET 193

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE NÉCESSAIRE EN FAVEUR DES ORGANISMES DE RECHERCHE

Le programme 172 est de très loin le plus important de la mission MIRES consacré à la recherche en termes de crédits et d'opérateurs , puisque 6 établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) 11 ( * ) et 4 établissements publics à caractère industriel et commerciale (EPIC) 12 ( * ) lui sont rattachés.

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » bénéficie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 de 8,071 milliards d'euros en AE et de 7,834 milliards d'euros en CP . Sa dotation progresse ainsi globalement de 331 millions d'euros en AE, soit + 4,3 %, et de 330 millions d'euros en CP, soit +4,4 % par rapport à la LFI 2022.

Trajectoire budgétaire du programme 172 entre 2022 et 2033

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Cette évolution est globalement conforme à la trajectoire définie pour le programme 172 dans la LPR , qui prévoyait une hausse de 226 millions d'euros entre 2022 et 2023.

Les mesures issues de la LPR, qui s'ajoutent à celles de 2022, concernent notamment la hausse des crédits d'intervention de l'ANR à hauteur de 44 millions d'euros, l'amélioration des carrières dans la recherche (progression indemnitaire, mesures jeunes chercheurs etc.), la rémunération des doctorants, la hausse des effectifs (+237 ETPT), l'augmentation de 33 millions d'euros des moyens alloués aux laboratoires, aux grandes infrastructures de recherche nationales et internationales, et au dialogue contractuel avec les organismes de recherche.

Trajectoire budgétaire du programme 172
entre 2021 et 2030 (LPR)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact annexée au projet de loi de programmation pour la recherche

La progression des moyens accordés au programme 172 bénéficie très largement aux organismes de recherche du programme. Ainsi, les dotations des EPST/EPIC augmentent de 263 millions d'euros, soit 80 % des crédits supplémentaires.

L'ANR bénéficie également de 72 millions d'euros supplémentaires en CP et 160 millions d'euros en AE, dédiés au renforcement de ses moyens d'intervention. Elle bénéficie également d'une hausse de sa SCSP pour 4 millions d'euros pour s'établir à 38 millions d'euros.

Le schéma d'emplois autorisé en 2023 est de +237 ETPT pour le programme 172 au titre de la LPR, sans effet toutefois sur le plafond d'emplois du programme qui reste stable à près de 66 000 ETP , par mobilisation de la vacance sous plafond d'emplois. Ces nouveaux postes correspondraient essentiellement au recrutement de 109 nouveaux doctorants et 59 professeurs juniors.

1. L'amélioration à saluer de la situation financière de l'Agence nationale de la recherche

L'Agence nationale de la recherche (ANR) , créée en 2005, a pour mission la mise en oeuvre du financement de la recherche sur projets dans notre pays .

De 2010 à 2015, le budget global de l'ANR, qui avait atteint un point haut à 858 millions d'euros en 2008, est passé de 828 millions d'euros à 489 millions d'euros , soit une baisse de - 41 %, et les crédits d'intervention répartis sur appels à projets ont chuté de - 38 % , passant de 629 millions d'euros en 2010 à 390 millions d'euros en 2015, année lors de laquelle le budget de l'ANR avait atteint un point bas.

À cette diminution des crédits d'intervention de l'ANR sont venus s'ajouter les effets de la hausse considérable du nombre de projets présentés, résultant du passage en deux temps de la procédure d'évaluation en 2014 . La conjonction de ces deux éléments a entraîné une chute du taux de succès des appels à projets , qui a été divisé par deux entre 2012 et 2014, passant de 20,1 % à 10,6 % des projets soumis.

Évolution du taux de sélection global de l'Agence nationale de la recherche depuis 2014

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de l'Agence nationale de la recherche

Face à ce constat, la LPR prévoyait une hausse d'un milliard d'euros, sur sept ans, des financements compétitifs de l'ANR , permettant de porter la capacité d'engagement de l'Agence à 1 766 millions d'euros , dans le triple objectif :

- de doubler le taux de succès aux appels à projets, en le portant à 30 % à horizon 2027 contre 17 % actuellement ;

- de doubler la part de financement des coûts indirects (« préciput »), de 19 % à 40 %, permettant notamment de générer une augmentation de 10 % des crédits de base des laboratoires dès 2021 ;

- d'accroître la durée des financements et donc leur montant moyen (de l'ordre de 350 000 euros sur 3 ans actuellement pour un projet multi-équipes).

Trajectoire prévue par la LPR de financement d'actions de recherche par l'ANR

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

In fine , il était donc prévu que les crédits de l'ANR progressent, au minimum, de 509 millions d'euros en 2021, en 2022 et en 2023 .

En 2022, les crédits destinés à l'Agence au titre du programme 172 ont progressé de 158 millions d'euros en AE et 131,3 millions d'euros en CP par rapport à 2021 , soit une hausse de 295,8 millions d'euros en AE et 146,3 millions d'euros en CP par rapport à 2020.

En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP , en hausse de 163,51 millions d'euros en AE, soit +15,4 % et de 76,45 millions d'euros en CP, soit +8,6 %. Cet accroissement comprend notamment les crédits d'intervention prévus par la trajectoire LPR et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Concernant 2022, on constate pour l'instant une baisse du nombre de projets déposés (-8 %) par rapport à 2021, qui a contribué à la poursuite de l'amélioration du taux de réponses aux appels à projets. Celui-ci s'est élevé à 23 % en 2022 et devrait être maintenu en 2023 à 23,7 %.

Le rapporteur spécial, s'étant prononcé à plusieurs reprises au cours des dernières années en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre d'un milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès de l'ordre de 25 %, se félicite que cet objectif soit quasiment atteint. S'agissant de la baisse du nombre de projets, l'appel à projets générique de 2023 permettra de déterminer si cette tendance se confirme ou si un retour à une situation quasi-normale - voire une augmentation des dépôts.

Le rapporteur spécial souligne les enjeux d'articulation avec les appels à projets européens et en particulier de complémentarité avec Horizon Europe. Le rapporteur spécial sera attentif au dispositif d'aide au montage de réponse à des appels à projets européens mis en place par l'ANR, qui permettrait de parvenir taux de succès des projets accompagnés de 30 % à 40 %.

Le préciput, un instrument de financement utile qui reste trop faible par rapport aux besoins de financement des établissements

Le préciput consiste à réserver systématiquement une partie des crédits obtenus par une équipe de chercheurs au financement des frais de fonctionnement de l'organisme qui abritera leurs recherches, afin d'encourager les organismes de recherche à se porter candidat.

Sur le plan budgétaire et conformément à ce qui avait été annoncé lors des débats parlementaires sur la LPR et dans sa programmation budgétaire, le taux du préciput est passé de 19 % en 2020 à 25 % en 2021 et 28,5 % en 2022 . Ainsi, le montant total de préciput, qui était de moins de 101 millions d'euros en 2020, a atteint 163 millions d'euros en 2021 et devrait dépasser les 200 millions d'euros en 2022 .

Le préciput est composé de 4 parts : une part dite « gestionnaire » ; une part dite « laboratoire » ; une part dite « hébergeur » et enfin une part dite « site ».

La part dédiée aux établissements gestionnaires des projets a été relevée de 8% en 2020 à 10 % en 2021 et 10,5% en 2022, celle des établissements hébergeurs des projets a été relevée de 11% en 2020 à 13 % en 2021 et 13,5% en 2022. Une part dédiée aux laboratoires et égale à 2% a été introduite en 2021, puis relevée à 2,5% en 2022.

Pour 2022, la part gestionnaire va passer à 10,5 %, la part hébergeur à 13,5 %, la part laboratoire à 2,5 % et une part dédiée au site est créée, à 2 %.

Le rapporteur spécial se félicite de la trajectoire haussière entérinée par l'ANR. Cependant, le taux de préciput ne permet pas, loin s'en faut, de couvrir l'intégralité des frais en charge par les organismes. Pour le rapporteur spécial, il importe donc d'atteindre rapidement un taux de préciput de l'ordre de 40 % tel que le prévoit la LPR, nettement plus adéquat.

2. Une hausse des coûts de l'énergie qui limite les marges de manoeuvre octroyées aux organismes de recherche par la LPR
a) Le maintien des efforts en faveur des organismes de recherche

Le budget 2023 prévoit une hausse de 264 millions d'euros des CP alloués aux organismes de recherche dépendant du Mesri , dont 237 millions d'euros au bénéfice des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) que sont le CNRS, l'Inserm, l'Inria, l'Ined, l'Inra et l'IRD et 25,7 millions d'euros pour les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), c'est-à-dire le CEA, le Cirad, Ifremer et le BRGM.

Les dotations des EPST évoluent notamment sous l'effet des mesures revalorisant la masse salariale pour 56 millions d'euros, ainsi que d'une mesure dédiée aux moyens aux laboratoires, pour 25,5 millions d'euros. Les dotations des EPIC progressent du fait de mesure RH de soutien à l'attractivité des rémunérations pour 10 millions d'euros, ainsi qu'à la mesure dédiée aux moyens des laboratoires et au dialogue contractuel pour 12 millions d'euros.

Subventions accordées aux opérateurs par le programme 172 (hors ANR)

(en millions d'euros)

LFI 2022

LFI 2023

variation 2023/2022

EPST

CNRS

2 824,1

2 966,3

+142,1

INED

17,9

18,9

+1,0

INRAE

798,9

840,0

+41,1

INRIA

182,0

191,7

+9,7

INSERM

677,8

710,4

+32,6

IRD

212,0

222,7

+10,7

Total EPST

4 712,8

4 949,9

+237,1

EPIC

BRGM

51,0

53,7

+2,7

CEA

508,6

525,3

+16,7

CIRAD

133,5

136,3

+2,8

IFREMER

180,8

184,3

+3,5

Total EPIC

874,0

899,7

+25,7

AUTRES

30,2

31,3

+1,1

TOTAL

5 617,0

5 881,0

+264,0

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En incluant l'ANR, le total des crédits demandés pour les opérateurs s'établit à 7,164 milliards d'euros en CP, en hausse de près de 371 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

Sur cette enveloppe, les mesures salariales représentent 202 millions d'euros, dont 129 millions d'euros pour financer la hausse du point d'indice .

Décomposition de la hausse de crédits accordée aux opérateurs en 2023
(dont ANR)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les mesures nouvelles proposées au PLF 2023 traduisent pour une bonne part les dispositifs portés par la LPR . Celles-ci concernent notamment la hausse des crédits d'intervention de l'ANR, l'amélioration des carrières dans la recherche (progression indemnitaire, mesures jeunes chercheurs etc.), la rémunération des doctorants, la hausse des effectifs, l'augmentation des moyens alloués aux laboratoires, aux grandes infrastructures de recherche nationales et internationales et au dialogue contractuel avec les organismes de recherche.

Le schéma d'emplois prévu pour 2023 est de 327 ETPT supplémentaires pour le programme 172. Cette croissance correspond pour 237 ETPT à la mise en oeuvre de la LPR dont notamment le recrutement de 109 doctorants et 59 titulaires de chaire de professeur junior. Les 90 ETPT restants sont demandés pour le CEA au titre du Plan microélectronique annoncé dans le cadre de France 2030.

Ces nouvelles hausses de crédits sont particulièrement bienvenues, dans la mesure où elles confirment le rebond initié en 2021, qui avait vu la dotation allouée aux organismes de recherche progresser de 116 millions d'euros .

Alors que la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs subissait une lente érosion année après année, le budget 2023 confirme l'inversion de tendance qui avait pu être espérée en 2022 , ce dont le rapporteur spécial ne peut que se féliciter.

Il convient en effet de rappeler qu'au cours des dernières années, la masse salariale des organismes de recherche a considérablement augmenté avec la revalorisation du point d'indice, la modernisation des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), le régime indemnitaire fondé sur les fonctions, les sujétions, l'expertise et l'engagement professionnel (RIFSEEP) ainsi que le glissement vieillesse technicité (GVT).

Ces tensions récurrentes sur la masse salariale ont entraîné une sous-exécution chronique des plafonds d'emploi de la mission « Recherche », associée à une diminution considérable des effectifs des organismes de recherche. En témoigne cette année encore le fait que l'ensemble des recrutements complémentaires prévus par la LPR soient effectués en mobilisant la vacance sous plafond d'emplois et donc sans relèvement du plafond d'emplois.

Le rapporteur spécial espère que la restauration des marges de manoeuvre des opérateurs, notamment concernant la gestion de leur masse salariale, ne sera pas compensée par les récentes mesures « fonction publique », alors que la hausse du point d'indice sur la moitié de l'année 2022 n'a pas été compensée pour la plupart des organismes de recherche pour un coût d'environ 60 millions d'euros.

En outre, l'augmentation annoncée du taux de mise en réserve en 2023 (passage de 3 % à 3,5 % en moyenne sur les crédits hors masse salariale) devrait engendrer une érosion des moyens supplémentaires accordés aux opérateurs.

b) Des opérateurs de recherche particulièrement exposés à la hausse des coûts de l'énergie, qui pourrait entraîner une fragilisation des budgets 2023

Si les opérateurs entendus par le rapporteur spécial soulignent que l'impact de la hausse des tarifs de l'énergie devrait n'avoir qu'un effet contenu sur leur budget 2022, il n'en va pas de même de 2023.

De nombreuses infrastructures de recherche sont en effet très consommatrices d'électricité. Si certains postes peuvent être suspendus ou aménagés, ce n'est pas le cas de tous ni de tous les opérateurs. Ainsi, le CEA estime que 85 % de sa consommation d'électricité est incompressible. De même, le CNRS exploite des équipements et installations scientifiques très consommateurs d'énergie (supercalculateurs, électroaimants, salles blanches, laboratoires de chimie et de biologie, animaleries, etc.).

De grandes incertitudes pèsent sur les coûts énergétiques en 2023, qui dépendront non seulement de l'évolution des prix de marché, de la nature du contrat dont chaque entité dispose et de sa date de renouvellement, mais aussi de ses droits à bénéficier des tarifs privilégiés de l'ARENH.

En tout état de cause, tous les opérateurs ne seront pas impactés de la même manière. A titre d'exemple, la hausse du coût de l'énergie est estimée par l'Inserm à 10 millions d'euros pour 2023, et à 60 millions d'euros pour le seul nucléaire civil par le CEA.

Le rapporteur spécial souligne l'enjeu pour les organismes de recherche, qui est de déstabiliser au minimum les activités de recherche pour maintenir la continuité de l'activité expérimentale.

Concernant le « fonds de compensation du surcoût de l'énergie », annoncé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, 55 millions d'euros devraient revenir aux établissements de recherche sur le total annoncé de 275 millions d'euros dans le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022. Cet effort en faveur des établissements est cependant intégralement couvert par l'annulation de la réserve de précaution en 2022 et aucun moyen supplémentaire ne sera donc mis en oeuvre.

B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À LA RECHERCHE SPATIALE

1. Une hausse qui respecte la trajectoire fixée par la LPR

Le domaine spatial relevant d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres depuis l'adoption du traité de Lisbonne, la politique spatiale française se déploie dans le cadre des programmes européens de recherche spatiale .

Destiné à garantir à la France et l'Union européenne la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux , le programme 193 représente 1,675 milliard d'euros en 2023 , en AE comme en CP, soit une hausse de 224 millions d'euros (+12 %) à périmètre courant .

En réalité, le programme 193 a bénéficié au cours de l'année 2022 d'un transfert en gestion de 150 millions d'euros depuis le programme 146 de la mission « Défense ». En conséquence, la hausse demandée pour les crédits du programme 193 ne s'élève qu'à 74 millions d'euros ce qui correspond à la trajectoire prévue par la LPR.

Trajectoire budgétaire du programme 193
entre 2021 et 2030 (LPR)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact annexée au projet de loi de programmation pour la recherche

Le rapporteur spécial avait soulevé au cours des années précédentes le manque de sincérité budgétaire qui découlait de la pratique des transferts en gestion. Étant donné que la hausse prévue par le présent PLF répond aux engagements pris par la LPR, il est à espérer qu'il ne sera pas nécessaire de prévoir un transfert en gestion identique à celui effectué en 2022, ce dont le rapporteur spécial se félicite.

2. Un renforcement des moyens du CNES

Le programme 193 assure en premier lieu le financement des activités civiles du Centre national d'études spatiales (CNES) , qui met en oeuvre la stratégie spatiale de la France . La tutelle de cet opérateur, initialement exercée à titre principal par la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du Mesri, a été transférée par un décret en date du 15 juillet 2020 à la direction générale des entreprises (DGE), au sein du ministère de l'économie, des finances et de la relance.

En PLF 2023, la subvention pour charges de service public apportée au CNES par le programme 193 s'élève à 641,55 millions d'euros, soit + 170 millions d'euros par rapport à 2022 . Cependant, l'évolution de cette subvention, qui finance avec le programme 191 « Recherche duale » le programme multilatéral du CNES, doit s'apprécier en tenant compte du transfert effectué en gestion depuis le programme 146. En effet, les 471,55 millions d'euros apportés en 2022 par le programme 193 ont été complétés par 150 millions d'euros depuis le programme 146, soit un total de 621,55 millions d'euros pour la recherche spatiale (hors recherche duale). Ainsi, l'évolution réelle est de 20 millions d'euros de plus qu'en 2022 , conforme aux ambitions traduites dans la LPR.

Ainsi, en 2023 les moyens globaux alloués au CNES progresseront de 194 millions d'euros par rapport à 2022, soit une hausse de 10 %, après la légère baisse constatée en 2022. La SCSP versée par le programme 193 ne représente donc que 31 % des crédits versés au CNES, le reste étant porté par la mission « Investissements d'avenir » pour 98 millions d'euros et le programme 191 pour 127 millions d'euros.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA).

Contribution de l'État au CNES en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Au cours des 10 dernières années, les crédits versés au CNES auront augmenté de 38 %.

Il est à noter que l'origine des crédits versés au CNES a évolué au cours des dernières années. En particulier, une partie des crédits du CNES provenait au cours des années de la mission « Défense » et de la mission « Relance », ce qui n'est plus le cas en 2023.

Origine des crédits de l'État à destination du CNES

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

3. La contribution à l'Agence spatiale européenne en hausse dans l'attente des engagements pris lors de la prochaine conférence ministérielle

Les fonds destinés à l'Agence spatiale européenne (ESA), agence intergouvernementale chargée de coordonner les projets menés en commun par vingt-deux pays européens et seconde agence spatiale dans le monde après la National aeronautics and space administration (NASA) américaine, transitent à travers la dotation allouée au CNES au titre du programme 193.

En 2023, la contribution française à l'ESA, évolue donc à la hausse (+ 4,4 %) pour atteindre 1,158 milliard d'euros afin de traduire les engagements pris par la France lors de la conférence ministérielle de Séville de novembre 2019.

Evolution du transfert à l'ESA depuis le programme 193

(en euros)

Source : commission des finances

Au-delà de la trajectoire de la LPR, des crédits supplémentaires pour un montant de 21,1 millions d'euros sont prévu dans le PLF 2023 , afin de financer l'impact de l'inflation sur les contributions obligatoires à l'ESA et à l'organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat) et d'éviter un effet d'éviction sur les programmes nationaux. Ainsi, sont prévus en 2023 16,5 millions d'euros supplémentaires pour l'ESA et 4,5 millions d'euros pour Eumetsat.

La prochaine conférence ministérielle de l'ESA aura lieu le 22 et 23 novembre 2022. L'impact des souscriptions qui y seront réalisées par la France n'est pas encore connu et viendra modifier les prévisions de répartition par thème à compter de 2023.

Les conséquences budgétaires du report d'Ariane 6

L'agence spatiale européenne qui avait prévu un vol inaugural de la nouvelle fusée Ariane 6 en 2020, puis en 2022, a une nouvelle fois décalé la date du premier vol au dernier trimestre 2023.

La date du vol inaugural est particulièrement sensible dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine et la suspension des lancements Soyouz depuis la Guyane : plusieurs satellites institutionnels français et européens (notamment CSO-3 et Galileo) ne disposent pas de solution européenne alternative de lancement à court terme et Ariane 6 est la seule perspective d'un lanceur européen.

Par ailleurs, la guerre en Ukraine a stoppé brutalement les lancements de Soyouz depuis la Guyane. La priorité d'Ariane 6 est en conséquence de lancer au plus tôt les satellites institutionnels français (CSO-3) et européens (Galileo). La logique de développement ainsi que l'enchainement des premiers lancements d'Ariane 6 a donc été revue en conséquence

À ce stade, le surcoût du développement d'Ariane 6 reste estimé à 20 % de l'enveloppe initiale, soit environ 600 millions d'euros. Ce montant prend en compte à la fois les conséquences directes de la crise sanitaire et les conséquences des autres retards. Par ailleurs, 400 millions d'euros devraient déjà être couverts par les États membres, et 200 millions supplémentaires devraient être ouverts d'ici la prochaine conférence ministérielle de l'ESA qui est prévue en novembre.

Concernant la contribution des principaux États participants aux surcoûts, leur financement provient notamment de transferts budgétaires depuis d'autres programmes souscrits lors de la CMIN19, la plupart des autres États pouvant difficilement souscrire de nouveaux engagements financiers en-dehors des conseils ministériels de l'ESA dont le prochain est prévu en novembre 2022 à Paris.

La contribution française à ces surcoûts a quant à elle été couverte par le redéploiement des budgets lanceurs décidés à la Conférence de Séville ainsi que par une contribution de France Relance. Un budget additionnel doit être souscrit à la Conférence de l'ESA 2022 pour couvrir des compléments de développement, des éventuels aléas du vol de qualification et l'amélioration d'Ariane 6 (Ariane 6 block 2) pour répondre notamment aux besoins de lancement de la constellation Kuiper fortement soutenu par la France et l'Italie, principaux États concernés par Ariane 6 block 2.

Au-delà des surcoûts engendrés par ces retards, le rapporteur spécial insiste sur l'enjeu crucial de souveraineté et d'autonomie d'accès à l'espace que représente l'objectif d'un lancement d'Ariane 6 à l'été prochain . En effet, du fait de la fin du programme Ariane 5, l'Europe n'aura plus de lanceur en service capable d'atteindre l'orbite géostationnaire à partir du printemps prochain. Les trois dernières Ariane 5 seront lancées entre mi-décembre 2022 et avril 2023, laissant l'Europe dépourvues de lanceurs face aux acteurs privés, Space X en premier lieu.

II. LES DOTATIONS ALLOUÉES AUX PROGRAMMES « RECHERCHE » NE DÉPENDANT PAS DU MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE PROGRESSENT DANS L'ENSEMBLE

A. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DÉVOLUS À LA RECHERCHE SUR LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET ÉNERGÉTIQUE HORS DES CRÉDITS ACCORDÉS AU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE

Le programme 190 contribue à la recherche sur la transition écologique et énergétique en finançant des actions dans le domaine de l'énergie , mais aussi de la lutte contre le changement climatique , de la sûreté nucléaire et des transports .

Il soutient également, sous la forme de subventions ou d'avances remboursables, des recherches à long terme dans le domaine de l'aéronautique civile , afin d'améliorer la performance environnementale des appareils de nouvelle génération .

Le programme 190, constitué majoritairement de subventions pour charges de service public (SCSP) versées à des établissements de recherche, est chef de file pour deux opérateurs : l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen) et l'Institut de recherche et de sûreté nucléaires (IRSN).

En 2023, le programme 190 affichera une hausse de 3,8 % en AE et 4,2 % en CP, pour s'établir à 1,6 milliard d'euros en AE et 1,8 milliard d'euros en CP. Les crédits du programme 190 sont globalement stables en 2023 par rapport à 2022, à l'exception des crédits dédiés au commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui concentrent l'essentiel de la hausse .

Évolution des crédits du programme 190

(en euros)

AE

CP

2022

2023

Variation 2022-2023

2022

2023

Variation 2022-2023

11 - Recherche dans le domaine des risques

177 125 704

185 790 704

4,66%

177 125 704

185 790 704

4,66%

12 - Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement

101 924 585

101 367 089

-0,55%

101 924 585

101 367 089

-0,55%

13 - Recherche partenariale dans le développement et l'aménagement durable

1 551 198

1 551 198

0,00%

1 551 198

1 551 198

0,00%

14 - Recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile

0

0

114 998 401

125 000 000

8,00%

15 - Charges nucléaires de long terme des installations du CEA

740 000 000

780 000 000

5,13%

740 000 000

780 000 000

5,13%

16 - Recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire (nouveau)

419 185 791

419 785 791

0,14%

419 185 791

419 785 791

0,14%

17 - Recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie (nouveau)

174 335 096

187 335 096

6,94%

174 335 096

187 335 096

6,94%

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le programme 190 porte en effet également des crédits dédiés au CEA, pour 1,2 milliard d'euros en 2023 en AE=CP , en hausse de 50,6 millions d'euros par rapport à 2022.

Crédits dédiés au CEA en 2022 et 2023

(en milliers d'euros)

Source : CEA

B. LA POURSUITE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 192, ESSENTIELLEMENT À DESTINATION DE LA DOTATION ALLOUÉE AU TITRE DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES

Placé sous la responsabilité du directeur général des entreprises, le programme 192 finance, d'une part, la recherche industrielle (soutien aux pôles de compétitivité et au développement des PME innovantes, etc.) et, d'autre part, les établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'économie et des finances .

Entre 2012 et 2022, les crédits du programme 192 avaient diminué de 41 %, avant un rebond de 8,2 % en 2022. En 2023, les crédits devraient voir une augmentation de 10 % en AE et de 0,2 % en CP par rapport à la LFI 2022.

Si cette hausse doit être saluée, les crédits accordés au programme 192 en 2023 restent inférieurs à ceux accordés aux cours des années antérieures à 2020 .

Évolution du budget du programme 192 (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

En effet, les dotations budgétaires pour l'activité d'innovation subissent une baisse régulière depuis 2009 , avec la mise en gestion extinctive de plusieurs dispositifs rattachés au Fonds de compétitivité des entreprises (FCE). En loi de finances pour 2019, le Fonds unique interministériel (FUI) qui soutenait les projets collaboratifs des pôles de compétitivité, a également été mis en extinction . La diminution des restes à payer sur le FUI et le FCE explique la baisse de la dotation en CP.

Le schéma d'emplois opérateurs du programme est positif à hauteur de 8 ETP, dont 6 pour le Groupe Mines Télécom (GMT) qui perçoit en outre un abondement de 6,5 millions d'euros en AE et CP pour faire face à l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et 2 pour le Groupe des écoles nationales d'économie et statistiques (GENES).

A ucune AE n'est inscrite depuis 2022 au titre du plan Nano , qui s'est achevé en 2022, conformément à l'accord donné par la Commission européenne.

En 2023, la compensation de l'allègement des cotisations sociales patronales pour les personnels participant aux projets de recherche des jeunes entreprises innovantes (JEI) augmente de 54,4 millions d'euros , afin d'accompagner la forte dynamique de ce dispositif. Une provision de 31,3 millions d'euros est par ailleurs inclue, afin d'apurer une partie de la dette qui risque d'être constituée en gestion vis-à-vis de l'ACOSS. Cette augmentation est bienvenue , le coût du dispositif JEI ayant été constamment sous-évalué au cours des dernières années .

Les exonérations d'impôt du régime « Jeune entreprise innovante »

Depuis le 1 er janvier 2004, les jeunes entreprises indépendantes (PME) qui consacrent plus de 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement bénéficient d'un soutien qui se décline en deux volets : un volet « social », qui consiste en une exonération de cotisations sociales pour les emplois de personnels de recherche et d'appui à la recherche ; et un volet « fiscal », qui propose des exonérations d'impôt sur les sociétés (IS) ou d'impôt sur le revenu (IR) aux entreprises sur leurs deux premiers exercices bénéficiaires.

Le volet social, qui est financé par des crédits budgétaires, représente le principal poste de dépense de la JEI (environ 95 % de son coût). Le volet fiscal fait l'objet en PLF 2023 d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 2025, sachant que son coût pour l'État est estimé à environ 12 millions d'euros pour l'année 2020 et 10 millions d'euros pour l'année 2021.

Le coût anticipé de ce dispositif pour 2023 devrait atteindre 291 millions d'euros selon les dernières prévisions de l'ACOSS, contre 277 millions en 2022 et 252 millions en 2021. Ce dynamisme s'explique principalement par la hausse croissante du nombre de bénéficiaires. Le nombre d'entreprises bénéficiant du régime JEI est en effet passe de 1 300 à sa création à plus de 4 500 en 2021 (+14 % en moyenne par an). Au total, près de 13 000 PME ont bénéficié du dispositif entre 2004 et 2020.

C. UNE HAUSSE DE 11 % DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME 142

Le programme 142 est rattaché au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . De même que le programme 192, il finance pour partie des établissements d'enseignement supérieur (écoles d'enseignement supérieur agricoles et vétérinaires) et pas uniquement des thématiques de recherche.

Son budget atteindra 426,5 millions d'euros en AE et 424,4 millions d'euros en CP , soit une hausse de respectivement 11,5 % et 12,3 % par rapport à 2022. La hausse est totalement absorbée par l'action 01 - Enseignement supérieur, l'action 02 - Recherche étant en baisse de 0,3 % en AE comme en CP.

Les dépenses de personnel du programme 142 sont fixées pour le PLF 2023 à 174,64 millions d'euros (hors contribution au CAS Pensions) contre 164,16 millions d'euros inscrits en LFI 2022, soit une évolution de + 6,4 %. Le schéma d'emplois de devrait être augmenté de 8 ETP destinés à renforcer l'encadrement pédagogique au sein des écoles nationales vétérinaires.

Les dépenses d'intervention à destination des établissements sont quant à elles en hausse de 35 % et expliquent majoritairement l'évolution des crédits du programme 142.

D. UN RAPATRIEMENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE DUALE SUR LE PROGRAMME 191 QUI MASQUE UN RETOUR AU NIVEAU DE CRÉDITS DE 2021

En 2021 et 2022, les crédits du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » ont été déplacés sur le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ». Ils figurent de nouveau sur la MIRES en 2023.

Évolution des crédits dédiés à la recherche duale entre 2022 et 2023

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022 (programme 363)

PLF 2023 (programme 191)

Évolution 2023/2022
(en volume)

Évolution 2023/2022
(en %)

01 - Recherche duale en sciences du vivant

5,2

13,5

+ 8,3

+ 159,6

02 - Recherche duale en sciences et techniques de l'information et de la communication

5

5,4

+ 0,4

+ 8,0

03 - Recherche duale dans le domaine aérospatial

118,7

127,7

+ 9

+ 7,6

04 - Autres recherches et développements technologiques duaux

11,1

3,4

-7,7

-69,4

Total

140

150

+10

+ 7

Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le programme finance des actions menées par deux opérateurs : le Centre national d'études spatiales (CNES) pour l'action Recherche duale dans le domaine aérospatial et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour les actions « Recherche duale dans le domaine NRBC-E » et « Autres recherches et développements technologiques duaux ».

Répartition des crédits du programme 191 par opérateur

(en millions d'euros)

2022

2023

Évolution 2022/2023

Participation à la SCSP du CEA

21,3

22,3

+ 1

Participation à la SCSP du CNES

35,6

38,3

+ 2,7

Subvention pour charge d'investissement du CNES

83,1

89,4

+ 6,3

Total

140

150

+ 10

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les principaux projets financés en 2023 concernent dans le domaine sécurité et défense du CNES, la télécommunication par satellites (CASTOR) et la prochaine génération de charges utiles des satellites de communication, l'observation de la Terre (CO3D), la collecte et l'analyse des signaux AIS ( Automatic Identification System ), les opérations de proximité et l'exploitation des données spatiales, notamment à l'aide de l'intelligence artificielle. Concernant le CEA, les recherches prévues portent sur les technologies émergentes des composants électroniques, les technologies quantiques, la cybersécurité et l'efficience énergétique (stratégie hydrogène, autosuffisance des systèmes).

Si le rapporteur spécial se félicite du retour des crédits consacrés à la recherche duale sur la mission recherche, cela illustre le caractère artificiel du rattachement des mesures correspondantes à la mission « Plan de relance » , déjà dénoncé l'an passé.

La création de cette ligne sur la mission « Plan de relance » n'a donc pas permis d'accroître les moyens consacrés à la recherche duale en 2021 et 2022, mais a au contraire accompagné leur diminution , puisque les crédits artificiellement labellisés « plan de relance » marquent en fait un creux dans l'évolution des crédits de ce dispositif, avec de surcroît un manque de lisibilité dans l'utilisation des crédits budgétaires.

Les documents budgétaires indiquent que la hausse constatée entre 2022 et 2023 doit permettre d'accompagner les moyens des opérateurs dans le contexte inflationniste actuel. En réalité, après une baisse de 10 millions d'euros constatée entre 2021 et 2022, les crédits reviennent uniquement à leur niveau de 2021 et sont en légère baisse par rapport à 2020.

Crédits de la recherche duale civile et militaire en lois de finances initiales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales et du projet de loi de finances pour 2023

III. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE : UNE DÉPENSE FISCALE CRUCIALE POUR SOUTENIR L'INNOVATION

Le crédit d'impôt recherche (CIR) , créé en 1983 et réformé profondément de 2004 à 2008, est devenu la dépense fiscale rattachée à la recherche la plus importante en termes quantitatifs .

Depuis le 1 er janvier 2008, le CIR consiste en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros et 5 % au-delà .

Il bénéficiait en 2021 à 21 695 entreprises. Depuis 2008, la distribution de la dépense a évolué en faveur des services : la répartition de la créance entre les entreprises de l'industrie et celles des services est passée de 69 % en 2008 à 60 % en 2020.

Évolution de la créance fiscale liée au crédit d'impôt recherche et
au crédit d'impôt pour l'innovation depuis 2009

(en unités et en milliards d'euros)

Les données 2019 à 2022 sont des données provisoires. En effet, pour une année n, les données du CIR sont définitives en décembre n+4 car les entreprises ont trois ans pour déposer des déclarations rétroactives.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le coût du CIR est par ailleurs évalué à 7 031 millions d'euros pour l'année 2022 et 7 061 millions d'euros pour l'année 2023 . En moyenne, le coût du dispositif a augmenté de 7,3 % par an entre 2012 et 2022, à l'exception de l'année 2020.

La baisse observée en 2020 s'explique à la fois par la modification du dispositif et par la crise économique . En 2020, le taux forfaitaire des frais de fonctionnement diminue de 50 % à 43 %, pour les dépenses de recherche comme pour celles d'innovation, entraînant une perte de créance de 220 millions d'euros. Les effets de la crise économique, simulés à progression constante du CIR recherche, sont estimés à une perte de 2,8 %, soit près de 190 millions d'euros.

Coût du crédit impôt-recherche

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Étant donné le dynamisme de cette dépense fiscale et son coût pour les finances publiques - le crédit d'impôt recherche représente près de 60 % des aides publiques à l'innovation selon la CNEPI -, plusieurs études ont entrepris d'évaluer son impact sur les dépenses de recherche.

Les travaux les plus récents sur le sujet ont été menés par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), d'une part et la direction générale du Trésor d'autre part.

Ainsi, le 7 mars 2019, la CNEPI a publié un avis de synthèse sur le crédit d'impôt recherche , dont il ressortait que les entreprises qui bénéficiaient déjà du CIR avant la réforme de 2008 « ont augmenté leurs dépenses de recherche et développement d'un montant égal ou légèrement supérieur à celui de l'aide fiscale reçue ».

La CNEPI ayant néanmoins considéré que l'évaluation du CIR devait être poursuivie à travers d'autres études, une seconde étape d'évaluation du CIR a été engagée, dont les principales conclusions ont été publiées en juin 2021 13 ( * ) .

Il ressort de ces travaux que la réforme du CIR a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de R&D et le chiffre d'affaires :

- pour les entreprises déjà bénéficiaires du CIR avant 2008, les effets de la réforme sont significatifs sur les PME, mais ne le sont pas sur les grandes entreprises ;

- pour les entreprises entrées dans le dispositif après 2008, les études dénotent des gains de performance économique (investissement, chiffre d'affaires et exportations) sans qu'il soit toutefois possible d'établir un lien de cause à effet entre ces derniers et le CIR.

Les auteurs de l'étude relèvent cependant que le CIR n'a « pas suffi à contrecarrer la perte d'attractivité du site France pour la localisation de la R&D des multinationales étrangères » :

- si les multinationales françaises ont proportionnellement accru davantage leurs dépenses de R&D en France qu'à l'étranger, vraisemblablement en partie grâce au CIR, le poids relatif des groupes français au sein des 2 000 principaux champions mondiaux de la R&D a chuté d'un tiers sur la période 2005 - 2019 , contrairement à d'autres grands groupes européens ou américains ;

- s'agissant des multinationales étrangères, l'augmentation de la R&D réalisée en France se révèle plus faible que celle de la R&D des entreprises françaises d'une part, et de la R&D de ces mêmes groupes dans le monde d'autre part .

En parallèle, dans une note publiée en septembre 2021 et intitulée « Évaluation de la réforme du Crédit d'impôt recherche de 2008 » 14 ( * ) , la direction générale du Trésor relève que la réforme du CIR aurait eu un effet positif :

- sur l'activité à moyen terme, puisqu'à horizon 2023, elle entrainerait un rehaussement de 0,5 point du PIB et la création de 30 000 emplois ;

- sur l'activité à long terme , en soutenant cette dernière à hauteur de 0,8 point de PIB et en permettant de créer 60 000 emplois.

Si les résultats des dernières études réalisées doivent être analysés avec une certaine prudence, ils s'accordent pour souligner le rôle déterminant joué par cette dépense fiscale dans le soutien à l'innovation.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Rapin et de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Claude Raynal , président . - Nous passons à l'examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur »

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Les deux programmes qui portent les crédits dédiés à l'enseignement supérieur bénéficient cette année encore d'une hausse importante, pour atteindre 18 milliards d'euros. L'augmentation s'élève à près de 750 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une progression de 4,3 % par rapport à 2022.

Compte tenu de la masse salariale des universités, près de la moitié des nouveaux crédits sont consacrés à la mise en place pour 2023 de la compensation de la hausse du point d'indice pour les établissements d'enseignement publics. Il est à noter qu'aucune mesure de compensation n'aura été mise en place pour les mois de juillet à décembre 2022, pour lesquels les universités devront mobiliser leurs fonds propres.

Je partage avec mon collègue Jean-François Rapin la satisfaction de voir que l'ensemble des engagements figurant dans la loi de programmation de la recherche (LPR) sont respectés dans ce budget. La poursuite de la mise en oeuvre de cette LPR contribue, en effet, à la croissance de la mission « Enseignement supérieur » à hauteur de 140 millions d'euros. Ces crédits sont essentiellement destinés aux personnels, via des mesures de revalorisation salariale et d'élargissement des voies de recrutement. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit, en outre, la création de 413 emplois, dont 385 au titre de la LPR.

Nous pouvons, je le pense, nous féliciter du renforcement des moyens consacrés aux universités, qui contribue à leur redonner des marges de manoeuvre et à limiter les tensions sur leur masse salariale.

Nouveauté de ce budget, 35 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels avec une dizaine d'universités. L'idée me semble être intéressante, mais les montants destinés à être contractualisés sont à ce stade extrêmement faibles à l'échelle des crédits accordés aux universités. Nous n'en sommes pour l'instant qu'à la phase de définition de cette expérimentation, mais nous serons attentifs à la négociation en cours entre le ministère et les universités.

Permettez-moi toutefois de souligner un point de vigilance. Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur sont particulièrement touchés par la crise énergétique. Le surcoût en 2022 s'élèverait à 40 à 50 % de plus par rapport à 2021, soit 100 millions d'euros. Concernant 2023, et bien que l'évaluation des surcoûts potentiels soit un exercice délicat, le ministère estime que le surcoût énergétique s'élèvera à 400 millions d'euros par rapport à 2022.

En 2022, les universités devront mobiliser leurs fonds de roulement pour tenir compte de ces hausses. En 2023, elles devraient bénéficier du fonds de compensation du surcoût de l'énergie qui devrait être créé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR). La ministre avait annoncé un fonds doté de 275 millions d'euros, dont plus de 200 pour les établissements d'enseignement supérieur. Cette aide devrait être versée au prorata des surcoûts aux universités, en fonction de la situation financière ad hoc de chacune d'entre elles et du coût de l'énergie dans leurs dépenses.

Si, sur le principe, cela semble être un signal très positif pour les universités, seuls 150 millions d'euros de nouveaux crédits sont en réalité ouverts par ce PLFR. Il semblerait que les 125 millions complémentaires soient en partie financés sur les crédits dégagés par la baisse du nombre d'étudiants boursiers.

Le constat de la vulnérabilité des établissements d'enseignement supérieur aux difficultés énergétiques m'amène à évoquer les enjeux cruciaux en matière d'investissement dans le patrimoine immobilier universitaire. J'ai déjà souligné à plusieurs reprises l'ampleur du défi, considérant le caractère parfois vétuste et souvent énergivore du patrimoine immobilier universitaire. Alors qu'il est impératif de lancer un plan massif de rénovation de ce patrimoine, seuls 30 millions d'euros supplémentaires sont consacrés, dans le PLF, à l'immobilier universitaire. Cet effort ponctuel demeure insuffisant et ne permettra pas à la France de respecter les objectifs ambitieux qu'elle s'est fixés en matière de transition énergétique. Le coût de l'inaction serait bien supérieur à celui des dépenses engagées par anticipation, et nous devons tenir compte de plusieurs décennies de délaissement du patrimoine immobilier universitaire. Je vous le redis, nous ne pourrons repousser indéfiniment le plan de rénovation immobilière de grande ampleur qui s'avère indispensable.

J'en viens maintenant aux moyens consacrés à la vie étudiante, qui constituent l'autre pan de la mission pour son volet « Enseignement supérieur ». En 2021 et 2022, ils avaient enregistré une hausse très importante. Le PLF 2023 prévoit cependant une stabilisation des crédits.

Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée de 2022, afin de tenir compte de l'inflation. Le coût de cette mesure s'élèvera à 85,1 millions d'euros en 2023, mais les crédits dédiés restent cependant identiques à ceux qui ont été prévus l'année dernière, du fait de la baisse attendue du nombre d'étudiants boursiers. En outre, cette revalorisation ne permettra pas de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

En parallèle, la subvention versée au réseau des oeuvres universitaires progressera de 35,6 millions d'euros par rapport à 2022 pour financer notamment la prolongation du ticket de resto U à 1 euro pour les étudiants boursiers et du gel des loyers dans les résidences étudiantes. Le coût du repas à 1 euro s'élèvera à 51 millions d'euros en 2023, pour 430 000 étudiants bénéficiaires.

La situation financière du réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), qui avait été très exposé pendant la crise sanitaire, continue de s'améliorer. Là encore, je voudrais soulever un point d'attention. La hausse des coûts des denrées alimentaires pourrait engendrer un effet ciseaux, puisque le nombre de repas servis augmenterait alors de façon parallèle. Les prévisions à date du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) font état d'une possible répercussion à la hausse des effets du repas à 1 euro pour la fin de l'année, pour un coût total de l'ordre de 50 millions d'euros. La fréquentation des restaurants universitaires croît en parallèle très rapidement, l'activité à la rentrée 2022 étant supérieure de 20 %, voire 30 %, à l'année précédente.

Au-delà de ces quelques remarques, la mission dans son volet « Enseignement supérieur » bénéficiant de hausses de crédits conséquentes, permettant le respect de la trajectoire définie en loi de programmation, je vous propose d'en adopter les crédits.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Les crédits des programmes « Recherche » de la mission devraient atteindre, en 2023, 12,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus de 7 % par rapport à l'année précédente. Cette évolution résulte essentiellement de l'enveloppe supplémentaire de 330 millions d'euros allouée aux organismes de recherche du programme 172, ainsi que de la forte hausse des crédits dédiés à la recherche spatiale.

Avant d'entrer dans les détails, je tire deux premiers constats de cette augmentation.

D'abord, j'exprimerai une satisfaction. La trajectoire proposée pour 2023 respecte la hausse prévue par la LPR. Ce sera la troisième année que cette loi sera mise en oeuvre : nos avions alors salué l'ambition inscrite sur le papier en faveur de la recherche. À l'échelle de la mission, ce sont ainsi 400 millions d'euros supplémentaires qui sont prévus pour 2023 afin de respecter les engagements pris dans le cadre de cette loi, et nous pouvons nous en féliciter.

Cependant, la trajectoire de la LPR a été établie en 2020 en volume, c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation. À l'époque, en tant que rapporteur pour avis sur ce texte, je vous avais averti sur les risques qui en découlaient. Il est vrai que l'inflation était alors très faible, ce que n'avait pas manqué de mettre en avant le Gouvernement, mais elle devrait s'élever cette année à 5,4 %. En euros constants, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR en 2023 équivalent ainsi à 385 millions d'euros en 2022.

En conséquence, la loi de programmation aura surtout protégé la mission « Recherche et enseignement supérieur » d'une érosion de ses moyens par l'inflation. La clause de revoyure figurant dans ce texte prévoyait une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans - j'espère que cette occasion sera saisie en 2023.

Par ailleurs, de nombreuses infrastructures de recherche sont très consommatrices d'électricité et seront donc très impactées par la hausse des coûts énergétiques en 2023. À titre d'exemple, la hausse du coût de l'énergie est estimée à 60 millions d'euros pour le seul nucléaire civil par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le PLFR que nous discuterons la semaine prochaine prévoit que 55 millions d'euros devraient revenir en 2022 aux établissements de recherche, intégralement couverts par l'annulation de la réserve de précaution.

L'enjeu pour les organismes est donc de stabiliser au minimum les activités de recherche afin de maintenir la continuité de l'activité expérimentale. Espérons que la mobilisation des ressources propres des opérateurs et le dégel de la réserve y pourvoiront.

J'en viens maintenant aux détails de ce budget.

Les organismes de recherche bénéficient au total de plus de 7 milliards d'euros de crédits, en hausse de 370 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Une part importante est destinée à financer la hausse du point d'indice en 2023, à hauteur de 130 millions d'euros. Les efforts portés par la LPR expliquent le reste de l'augmentation constatée en 2023. Celle-ci concerne notamment l'amélioration des carrières dans la recherche, la rémunération des doctorants et l'augmentation des moyens alloués aux laboratoires et aux grandes infrastructures de recherche nationales et internationales.

Il est indéniable que ces moyens nouveaux redonneront des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Alors que la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs subissait une lente érosion année après année, le budget pour 2023 confirme l'inversion de tendance qui avait pu être espérée en 2022.

J'évoquerai maintenant le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui se poursuit cette année.

En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP, soit une hausse de 15,4 % en AE et de 8,6 % en CP.

Les hausses de crédits des deux dernières années permettront d'atteindre un taux de succès sur les appels à projets de 23,7 % en 2023, contre 16 % en 2020. Le taux de préciput - dont je rappelle qu'il s'agit de la somme versée aux organismes de recherche lorsqu'une de leur équipe a remporté un appel d'offre, afin d'inciter les organismes de recherche à se porter candidats - a également progressé, pour atteindre 25 % dès 2021, contre 19 % en 2020. Il s'élèvera à 200 millions d'euros et 28,5 % en 2023.

De manière générale, le redressement financier de l'ANR constitue un signal très encourageant pour nos chercheurs. Il me semble que nous devons être attentifs aux enjeux d'articulation avec les appels à projets européens, afin que les appels à projets nationaux et européens ne se concurrencent pas.

Je salue enfin la rebudgétisation au sein de la mission du programme 191 - Recherche duale pour 150 millions d'euros. Les crédits avaient été déplacés au profit de la mission « Plan de relance » en 2021 et 2022. Le passage par la mission « Plan de relance » de ces crédits ne se justifiait pas par leur nature et a permis de masquer une baisse des montants accordés au programme depuis 2020. En d'autres termes, la création de cette ligne sur la mission « Plan de relance » n'aura pas permis d'accroître les moyens consacrés à la recherche duale en 2021 et 2022, mais aura, au contraire, accompagné leur diminution.

Enfin, le budget de la recherche spatiale représenterait, en 2023, 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 74 millions d'euros à périmètre constant. Ainsi, les moyens globaux alloués au Centre national d'études spatiales (Cnes) progresseront en 2023 de 10 %.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA). Les fonds à destination de cette dernière devront d'ailleurs sans doute augmenter au cours des prochains mois, notamment pour financer le surcoût lié au retard du projet Ariane 6, estimé à environ 200 millions d'euros. La participation de la Russie au programme étant incertaine, il semble d'autant plus indispensable d'envisager que le budget soit réévalué.

En conclusion, dans la mesure où le budget 2023 se révèle conforme à la LPR, je souhaite que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission.

Mme Laure Darcos , rapporteure pour avis de la commission de la culture sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - La prééminence de la question des surcoûts énergétiques est revenue lors de chaque audition. Sur l'enveloppe supplémentaire de 275 millions d'euros annoncée par Sylvie Retailleau pour les opérateurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), 55 millions seront alloués aux seuls frais de surcoût énergétique. La ministre est ouverte à une clause de revoyure l'année prochaine, ce qui est de bon augure pour abonder le budget de cette mission dans les années à venir. Le « 1% culture scientifique » est très prisé par les appels à projets de l'ANR, ce qui permet de diffuser la culture scientifique auprès de nos concitoyens au travers de différents programmes. Je partage l'avis du rapporteur spécial sur le vote des crédits.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Je me réjouis de la convergence de points de vue entre les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les rapporteurs pour avis de la commission de la culture. J'attire votre attention sur la non-compensation du point d'indice en 2022 - près de 180 millions d'euros ne sont pas compensés - et celle du glissement vieillesse technicité (GVT) et les conséquences sur le budget des universités.

Concernant l'enveloppe supplémentaire de 275 millions d'euros obtenue par la ministre Retailleau, nous attendons d'en savoir plus sur la ventilation de ces crédits.

J'appelle à la mise en place depuis plusieurs années d'un grand plan Campus. Les passoires thermiques existent notamment en région parisienne. Sur le financement des Crous, il n'y a aucun lien entre la fréquentation des restaurants universitaires et la dotation accordée - la dotation est à moyens constants. Il est étonnant que l'on ne tienne pas compte de l'augmentation très significative de la fréquentation des restaurants universitaires depuis le confinement et qui s'explique également par le renchérissement du coût de la vie. J'ai également proposé à la commission de la culture d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Les problèmes d'énergie, de consommation et de dépenses supplémentaires vont-ils provoquer des fermetures anticipées d'établissement ou un possible retard de la rentrée universitaire ? Quelles sont les éventuelles annonces de soutien du Gouvernement, et à quelle hauteur ? Le bouclier énergétique va concerner quasiment tous les secteurs d'activité, qu'en est-il des universités ?

M. Antoine Lefèvre . - Je partage l'inquiétude de mes collègues à propos de l'insuffisance des crédits alloués à la rénovation de l'immobilier universitaire, et sur la question des passoires thermiques. Savez-vous combien d'universités envisageraient aujourd'hui, pour lutter contre le surcoût d'énergie, de revenir à des cours en distanciel ou d'allonger les périodes de vacances scolaires ?

M. Michel Canévet . - Les crédits supplémentaires sont principalement destinés à lutter contre le surcoût énergétique, mais où en est-on de la mise à niveau du parc immobilier ? Les 12 milliards d'euros des fonds de roulement des établissements d'enseignement supérieur sont-ils prévus pour anticiper des investissements ou pour couvrir les frais courants des établissements, car le montant est élevé ?

Par ailleurs, j'aimerais savoir si l'ANR est efficace pour relancer la recherche dans notre pays ou bien si elle est, au contraire, un frein à l'engagement d'autres actions de recherche.

M. Rémi Féraud . - La jeunesse a été la grande abandonnée au cours de la crise du covid. Depuis, des centaines d'étudiants fréquentent des banques alimentaires, notamment à Paris. Or, face à l'inflation, les crédits alloués aux restaurants universitaires risquent d'être insuffisants en 2023. Le Sénat ne peut-il pas demander un effort budgétaire supplémentaire en faveur la vie étudiante ? Cela constituerait un symbole important et cela permettrait d'éviter l'écueil d'un budget sous-évalué.

M. Didier Rambaud . - Je souhaite attirer l'attention sur un volet méconnu de la recherche française, la recherche polaire. J'assiste dans mon département à la fonte et à la disparition de glaciers. Je rappelle que la France est une nation polaire grâce à l'excellence de sa recherche, par exemple avec l'Institut polaire Paul-Émile Victor. Il convient d'accorder les moyens nécessaires à la poursuite des recherches dans ce domaine.

M. Claude Raynal , président . - J'ai une interrogation à propos des montants transférés entre 1993 à 2020 du budget de la recherche vers l'ESA. L'année 2020 est-elle une exception ?

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - Les universités pourront bénéficier du fonds de compensation du surcoût de l'énergie qui sera créé dans le projet de loi de finances rectificative, mais son périmètre, ses modalités et les conditions d'éligibilité n'ont pas encore été définis précisément. Comme je l'ai indiqué, les crédits nouveaux ne représentent en réalité que 150 millions d'euros. Les établissements pourront également bénéficier du dispositif général appelé « amortisseur électricité ».

Certains d'entre vous nous ont interrogés sur une éventuelle modification des conditions d'enseignement pour réduire la facture énergétique. Je rappelle que les universités sont autonomes. Elles peuvent décider d'organiser des cours en distanciel ou en présentiel à leur choix. Le Gouvernement ne semble pas avoir le souhait de fermer les universités au-delà de la période des vacances universitaires. L'université de Strasbourg a annoncé qu'elle allait fermer ses portes deux semaines supplémentaires cet hiver pour faire face à l'envolée des prix de l'énergie. Il s'agit d'une initiative locale. La généralisation d'une telle mesure n'est pas envisagée, et ne me semble d'ailleurs pas souhaitable, tant pour des raisons d'ordre psychologique, dans la mesure où les étudiants ont déjà connu l'expérience du covid, que pour des raisons financières : en raison de l'inertie énergétique des bâtiments, il revient plus cher de remettre en marche des locaux après les avoir fermés une semaine supplémentaire que de les laisser ouverts. J'ajoute que fermer temporairement un établissement d'enseignement supérieur qui abrite des laboratoires de recherche risquerait de mettre en péril des expérimentations en cours.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Notamment dans le nucléaire !

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - M. Féraud a raison de souligner l'effet de ciseaux pour les Crous à cause de la hausse des coûts des denrées alimentaires, qui devrait s'établir à 10 % en 2023. Il faut financer les repas à 1 euro : alors que le coût d'un repas est de 8 euros environ, la compensation de l'État s'élève seulement à 3,5 euros, et la différence est à la charge des restaurants universitaires.

La Cour des comptes a publié un rapport sur le patrimoine immobilier des universités, dont les conclusions vont dans le même sens que notre rapport de 2020 : il manque 8 ou 9 milliards d'euros pour remettre à niveau les 18 millions de mètres carrés de locaux universitaires. Une part importante du parc immobilier est notée D ou moins dans le classement relatif à la performance énergétique des bâtiments, et comme le parc continue à se dégrader, on peut craindre que la situation n'empire.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Les établissements de recherche ne devraient pas fermer temporairement pour limiter les surcoûts énergétiques. Nous avons noté un « avant » et un « après » cette annonce lors des auditions que nous avons menées. Monsieur Canévet, le projet de loi de finances rectificative prévoit que 55 millions d'euros devraient revenir en 2022 aux laboratoires de recherche pour les aider à compenser le surcoût de l'énergie.

La France avait une dette importante envers l'Agence spatiale européenne en 2017. Celle-ci a été comblée en 2019 et 2020. La hausse de crédits en 2020 s'explique également par les engagements pris par la France lors de la conférence interministérielle de l'ESA à Séville cette même année.

En ce qui concerne l'ANR, mon opinion a évolué par rapport à quelques années plus tôt. On pouvait raisonnablement craindre que cet organisme ne parvienne pas à financer la recherche. Aujourd'hui, le taux de succès sur les appels à projets s'élève à près de 25 % et le montant des financements octroyés s'élève à plus de 1 milliard d'euros. On peut donc considérer que l'objectif a été atteint. L'ANR est un bon opérateur. Le taux de préciput a également progressé. Il s'élèvera à 200 millions d'euros et 28,5 % en 2023. Il est vrai qu'il existe une forme de concurrence avec les appels à projets européens. L'ANR en a pris conscience. Les opérateurs ont d'ailleurs souvent embauché des chargés de projets pour monter les dossiers et répondre aux appels à projets européens.

Les opérateurs de recherche sur les pôles doivent passer par l'ANR. Le champ de ses appels à projets est vaste.

Mme Laure Darcos , rapporteure pour avis . - L'Institut polaire français Paul-Émile Victor estime qu'il a besoin de 3 millions d'euros. Sylvie Retailleau a annoncé le déblocage d'une enveloppe d'urgence de 1 million d'euros. Nous devrons rester vigilants sur ce point.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Je précise que le fonds de compensation sera créé dans le PLFR. C'est pourquoi ses modalités restent encore imprécises.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de Mme Sylvie RETAILLEAU, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

- Mme Naomi PERES, directrice adjointe de cabinet ;

- Mme Louise THOMAS-VAILLANT, conseillère parlementaire, élus locaux et prospective ;

- M. Baptiste BOURBOULON, conseiller budgétaire.

Enseignement supérieur

Union des grandes écoles indépendantes (UGEI)

- M. Étienne CRAY, président ;

- Mme Sophie SAVIN, déléguée générale ;

- Mme Chloé JOUGLAS-GEINDREAU, conseil.

Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle

- Mme Anne-Sophie BARTHEZ, directrice générale ;

- Mme Laure VAGNER-SHAW, adjointe à la directrice, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante ;

- Mme Albane BORGIS, adjointe à la sous-directrice à la réussite et à la vie étudiante ;

- M. Philippe BURDET, sous-directeur du financement de l'enseignement supérieur ;

- M. Pierre-Olivier LEGRIS, chef du département de la synthèse budgétaire ;

- M. Géraud de MARCILLAC, chef du service de la stratégie de contractualisation, du financement et de l'immobilier.

CNOUS

- Mme Dominique MARCHAND, présidente ;

- M. Clément CADORET, directeur général délégué ;

- Mme Laurence SORRET, sous-directrice des finances et de la performance du Cnous.

France Universités

- M. Manuel TUNON DE LARA, président du bureau et du conseil d'administration

- M. Kevin Neuville, conseiller relations institutionnelles et parlementaires.

Recherche

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

- M. Antoine PETIT, président-directeur général ;

- M. Thomas BOREL, chargé des affaires publiques.

Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI)

- Mme Claire GIRY, directrice générale.

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

- M. François JACQ, administrateur général.

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

- M. Gilles BLOCH, président-directeur général.

Agence nationale de la recherche (ANR)

- M. Thierry DAMERVAL, président-directeur général ;

- Mme Cécile SCHOU, chargée de mission auprès de la direction générale.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

* 2 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 3 Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur ; avis n° 32 (2020-2021) de M. Jean-François RAPIN, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 octobre 2020.

* 4 Loi n°2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants.

* 5 Quelques autres établissements disposent également de ce statut et des communautés d'universités et d'établissements (COMUE) commencent, à leur tour, à passer aux responsabilités et compétences élargies (RCE).

* 6 Optimisation de la gestion de l'immobilier universitaire à l'heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l'enseignement à distance ; rapport d'information de Mme Vanina PAOLI-GAGIN, fait au nom de la commission des finances n° 842 (2020-2021) - 22 septembre 2021.

* 7 Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

* 8 Base 2010.

* 9 L'immobilier universitaire, du défi de la croissance à celui du transfert de propriété, Rapport public thématique Octobre 2022.

* 10 Ce périmètre inclut les dépenses des programmes "recherche" : 172, 193, 190, 191 et 186 et la part recherche des programmes 142 (action 2), 192 (actions 2 et 3) et 150 (actions n° 6 à 12 hors titre 2).

* 11 CNRS, Inserm, Inria, INED, Inrae, IRD.

* 12 CEA, CIRAD, Ifremer, BRGM.

* 13 Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation, Évaluation du crédit d'impôt recherche, juin 2021.

* 14 Claire LE GALL, William MEIGNAN, Guillaume ROULLEAU, Evaluation de la réforme du crédit d'impôt recherche de 2008 », Trésor Eco n° 290, septembre 2021.

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