II. UNE SITUATION SOCIALE ET INSTITUTIONNELLE TENDUE

A. L'APPEL DE FORT-DE-FRANCE ENTENDU...

1. Un contexte de tension sociale face aux écarts de développement et à une pauvreté qui peine à se résorber

Face à la permanence voire l'aggravation des fragilités économiques, les tensions sociales se multiplient dans les territoires d'outre-mer depuis 2006 avec de nombreuses manifestations et mouvements de grève mais également une défiance accrue vis-à-vis du Gouvernement.

En attestent, récemment, le refus massif des populations ultra-marines de la vaccination contre le Covid-19 ou encore les résultats lors de élections présidentielles d'avril 2022 (plus de 50 % d'abstention et près de 60 %, en moyenne, des voix exprimées en faveur du rassemblement national au second tour (contre environ 24 % en 2017).

2. Une demande de changements structurels des élus locaux

Dans ce contexte de tensions qui perdurent, les présidents des régions de Guadeloupe, Réunion, Mayotte, Martinique, Saint-Martin et Guyane ont lancé, en mai 2022, un appel à l'État pour un changement des politiques d'aide au développement dans les territoires d'outre-mer . Ils y dénoncent "une situation de mal-développement structurel" et des inégalités "de plus en plus criantes" dont souffrent les populations.

Cette déclaration de Fort-de-France est un appel à une concertation avec les populations et les acteurs locaux pour agir autour de trois axes :

- refonder la relation entre les territoires d'outre-mer et la République par la définition d'un nouveau cadre permettant la mise en oeuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune des régions ;

- conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance des spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décision au plus près des territoires ;

- instaurer une nouvelle politique économique fondée sur les atouts des territoires d'outre-mer notamment géostratégiques et écologiques.

Les signataires de l'appel de Fort-de-France ont été reçus le 7 septembre 2022 par Emmanuel Macron et par Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des outre-mer afin d'évoquer la situation en matière de vie chère, d'accès aux soins, à l'éducation, à l'emploi ou au logement.

B. ... MAIS À CE STADE PEU SUIVI D'EFFETS IMMÉDIATS

1. Des mesures à destination de l'outre-mer très limitées dans la loi de finances rectificative d'août 2022

Les territoires d'outre-mer ne forment pas un ensemble homogène. Leurs caractéristiques démographiques et économiques diffèrent largement d'un territoire à l'autre et les besoins en termes d'investissements ou de politiques publiques sont également très variables. Il en résulte que les réponses apportées par le Gouvernement ne peuvent être indifférenciées, de même que le dialogue entre l'administration centrale et les acteurs locaux doit se construire de manière bilatérale. Cette différenciation est l'objectif principal de l'appel de Fort-de-France.

Pourtant, la loi n°2022-1158 du 16 aout 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et la loi n°2022-1157 du 16 aout 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoient plusieurs dispositifs de soutien au pouvoir d'achat des ménages ainsi que des mécanismes d'aides aux collectivités territoriales qui s'appliqueront de manière uniforme sur l'ensemble du territoire national en ne tenant compte que très à la marge des spécificités des territoires d'outre-mer.

Ainsi, un bouclier pour plafonner la hausse des loyers à 3,5 % maximum a été mis en place pendant un an, jusqu'au 30 juin 2023. Les députés ont abaissé ce plafond à 2,5 % pour les loyers outre-mer.

De surcroit, des crédits ont été ouverts à hauteur de 19 millions d'euros pour l'aide alimentaire en outre-mer dont 4 millions d'euros pour les territoires du pacifique.

Hormis ces deux mesures, aucun dispositif spécifique aux territoires d'outre-mer n'a été adopté.

2. Quelles perspectives pour l'avenir : une nouvelle relation à définir entre l'État et les collectivités d'outre-mer

Un agenda doit être mis en place pour travailler sur l'ensemble des problématiques des territoires d'outre-mer et refondre le système actuel.

La Première ministre a annoncé la tenue d'un comité interministériel consacré à l'outre-mer (CIOM) dans un délai de 6 mois afin d'acter une première série de décisions . La possibilité d'un Oudinot du pouvoir d'achat a également été évoquée.

Le Président de la République s'est également déclaré ouvert sur la question des évolutions institutionnelles et statutaires. La question institutionnelle outre-mer fera d'ailleurs l'objet d'un des volets du comité qui se réunira d'ici la fin de l'année 2022.

Page mise à jour le

Partager cette page