TROISIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
LE DÉFI DE LA MISSION :
ENTRE PRAGMATISME ET PRÉVISIBILITÉ,
ENTRE URGENCE ET LISIBITÉ

Le rapporteur spécial tient à souligner le caractère ambitieux de la mission tant dans ses objectifs (le soutien à l'innovation tout au long de la chaine de valeur, de la recherche à l'industrialisation) que dans ses moyens (54 milliards d'euros ouverts en LFI pour 2021 et 2022).

Il prend acte du véritable défi d'avoir intégré à la mission, en LFI pour 2022, les crédits de France 2030 , puis d'avoir procédé au lancement de projets ainsi qu'à la conclusion de nouvelles conventions avec les opérateurs, dans les plus brefs délais.

Toutefois, il constate que les crédits de France 2030 ont été « injectés » dans le PIA 4, sans remise en cause de l'architecture de la mission. Cette dernière reposant désormais sur de nouvelles orientations et paradigmes, certains ajustements seront nécessaires à l'avenir .

I. UNE LISIBILITÉ DES STRATÉGIES PERFECTIBLE POUR UN MEILLEUR SUIVI DES CRÉDITS

Dans le cadre de l'examen de la mission l'an dernier, le rapporteur spécial déplorait le manque de visibilité des stratégies de PIA4 conduisant à un certain manque de prévisibilité pour les opérateurs.

« Un an après le lancement du PIA 4, il est indéniable que le volet dirigé s'est largement précisé, avec la présentation détaillée d'une dizaine de stratégies d'accélération. Néanmoins, ce programme n'est pas encore finalisé, puisqu'à ce stade, seuls 6,3 milliards d'euros de stratégies d'accélération ont été formellement validés , sur les 10 milliards d'euros qui y seront finalement consacrés, hors fonds propres.

Dans ce contexte, la répartition des crédits par outil et par stratégie n'a pu être communiquée au rapporteur spécial. La budgétisation pour 2022 revêt donc un caractère particulièrement opaque, puisqu'elle n'indique pas l'emploi des crédits demandés autrement que par outil d'intervention, sans préciser les montants qui seront alloués à chaque stratégie.

Pour le rapporteur spécial, la construction des stratégies « au fil de l'eau » participe d'une intention louable , puisqu'il s'agit d'associer autant que possible les parties prenantes à la définition de ces stratégies, tout en conservant une certaine souplesse quant à l'affectation des moyens du PIA 4.

Il est néanmoins regrettable que, près d'un an après le lancement du PIA 4, le Parlement ne soit pas en mesure de disposer d'une vision d'ensemble des stratégies qui seront déployées , et ce alors même que par construction, la sélection des stratégies et la définition des moyens financiers destinés à les accompagner échappent entièrement à son contrôle.

Cette situation se révèle également préjudiciable pour les opérateurs du programme , puisqu'elle engendre des incertitudes quant au montant de l'enveloppe budgétaire qu'ils devront in fine gérer et partant, sur les moyens humains qu'il leur faudra mobiliser dans les mois à venir.

Dans ce contexte, si la flexibilité de PIA constitue évidemment un atout, le rapporteur spécial rappelle que l'efficacité des actions conduites par les opérateurs et les acteurs économiques dépend également de la visibilité dont ils disposent, ainsi que de la stabilité des financements qui leur sont alloués . » 32 ( * )

Le rapporteur spécial prend acte des efforts fournis en matière de définition des stratégies du PIA 4, eu égard à l'intégration des dotations de France 2030 dans les programmes 424 et 425 . Ces derniers doivent mettre en oeuvre la nouvelle orientation de soutenir l'innovation non seulement depuis le stade de la conception et de la recherche mais jusqu'à son déploiement et son éventuelle industrialisation.

Il salue également l'initiative d'avoir modifié la méthode de calibrage des CP par souci d'une meilleure gestion des crédits.

La lisibilité du suivi des crédits sur les programmes 424 et 425 est toutefois perfectible. En effet, le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de conserver ces deux programmes, issus de la maquette de la mission d'Investissements d'avenir, alors que cette dernière a désormais intégré les crédits pour France 2030, reposant sur une autre logique stratégique, organisés autour de dix objectifs répondant à une triple priorité de « Mieux produire », « Mieux vivre » et « Mieux comprendre le monde ».

PIA 4 et France 2030 répondent à deux orientations différentes, l'une se situe en amont dans le cadre du soutien à la recherche, tandis que l'autre se projette en aval, sur les débouchés industriels de cette recherche.

Une organisation thématisée de la maquette en trois programmes, correspondants aux trois priorités précitées, permettrait de gagner en lisibilité.

Toutefois, le rapporteur spécial convient qu 'une telle refonte de la nomenclature et de la maquette entrainerait celle du cadre juridique et budgétaire, incompatible avec l'exigence d'une mise en oeuvre rapide des nouvelles orientations.

Elle sera toutefois, probablement nécessaire à plus ou moins court terme, afin d'améliorer le suivi des dotations allouées alors que la coexistence du PIA 3 et PIA 4 posait déjà des problèmes en ce domaine , comme le mentionnait le rapporteur spécial l'an dernier :

« Dans le cadre du PIA 3, ces difficultés ont été aggravées par la double comptabilité induite par l'architecture retenue, mais également par la dispersion des crédits, ainsi que par l'ampleur et de la fréquence des redéploiements opérés en cours de gestion.

Avec le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir, alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs, le suivi des crédits est devenu encore plus complexe.

En effet, avec la coexistence de deux programmes au sein de la même mission budgétaire, et les débudgétisations supplémentaires que comporte le PIA 4, la nouvelle maquette se révèle encore moins lisible que la précédente [...]»

Enfin, le rapporteur spécial relève qu'au 1 er septembre 2022, un montant de 17,4 milliards d'euros n'a pas encore été affecté aux opérateurs . Cette affectation devrait toutefois intervenir avant la fin de l'année.

S'agissant des opérateurs, il tient, en outre, à renouveler sa vigilance quant à leur « risque de surchauffe », compte tenu de l'intégration des dotations de France 2030 à la mission. Il constatait déjà l'an dernier que « les opérateurs du PIA 4 - ANR, Ademe, Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance - ont fait face à une importante surcharge de travail au cours des derniers mois, avec la mise en oeuvre du PIA 3 (pour lequel plusieurs dispositifs doivent encore être initiés), les travaux relatifs à l'élaboration des stratégies du PIA 4, mais aussi la participation au plan d'urgence, puis au plan France Relance, qui se sont traduits par l'ouverture de très nombreux appels à projets en 2021 . »

Si beaucoup a été accompli ces deux dernières années, certains paramètres de la mission devraient certainement évoluer, comme la mesure de la performance.


* 32 Cf. Rapport général n° 163 (2021-2022), du 18 novembre 2021, de M. Thierry MEIGNEN, fait au nom de la commission des finances.

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