B. MALGRÉ LA FIN DES RESTRICTIONS D'ACTIVITÉ, LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION EST TOUCHÉ PAR LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE

1. Le secteur de la construction, après le « trou d'air » de la crise sanitaire, fait face à un manque d'offre plus que de demande

Le secteur de la construction, atteint en 2020 par le confinement, a pu ensuite reprendre son activité rapidement, sans toutefois retrouver les niveaux d'activité antérieurs à la crise. Selon la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) 26 ( * ) , les ventes au deuxième trimestre 2021 étaient supérieures de 27,2 % au second trimestre de 2020, marqué par le premier confinement, mais inférieures de 14,1 % à celles du second trimestre de 2019 .

Cette diminution doit certes s'apprécier par rapport au niveau exceptionnellement élevé atteint au cours des années 2015 à 2019 , de sorte que l'année 2020 elle-même était, malgré l'arrêt de l'activité au printemps, légèrement supérieure à la moyenne des 25 dernières années sur le marché du neuf, et n'a pas affecté le nombre de transactions de logements anciens 27 ( * ) .

Sur le long terme, l'évolution des réservations de logements semble dépendante de la conjoncture (effondrement ponctuel en 2008), mais aussi de l'évolution des dispositifs fiscaux favorables à l'investissement (dispositifs Robien-Borloo au milieu des années 2000, Scellier autour de 2010 et Pinel depuis 2015, prenant la suite du dispositif Duflot moins incitatif).

Total des réservations de logements au détail brutes 28 ( * )

(en nombre de logements réservés)

Source : commission des finances, à partir des données FPI / Commissariat général au développement durable (CGDD)

La diminution relative par rapport à 2019 proviendrait, selon la profession, d'une limitation de l'offre de logements plutôt que de la demande, celle-ci étant portée notamment par l'épargne accumulée par les ménages pendant la crise sanitaire et une aspiration à changer de logement apparue chez beaucoup de personnes pendant le confinement.

Le niveau d'activité élevé dans le secteur de l'immobilier et de la construction est un bon signe . Il convient de s'en réjouir d'autant plus qu'il s'agit d'un gisement d'emplois non délocalisable, ayant un effet d'entraînement sur les autres secteurs de l'économie.

Les signaux inquiétants se multiplient toutefois avec des tensions croissantes sur les approvisionnements.

2. Les projets de construction doivent faire face à la hausse des coûts des matériaux et de l'énergie

La Cour des comptes, dans une étude récente sur les coûts de construction des logements sociaux, constate que les coûts de construction ont connu une hausse modérée, d'environ 0,9 % par an et par logement, depuis 2014, principalement due au foncier. Depuis 2019, toutefois, les coûts de construction ont commencé à croître et la nouvelle réglementation environnementale, ainsi que l'objectif de zéro artificialisation nette pourraient accroître à plus long terme le prix de revient des logements sociaux. Elle ne constate pas, pour le moment, d'impact significatif de la crise sanitaire sur les coûts de construction constatés à la signature des prêts accordés aux bailleurs, mais prévoit la hausse de ces coûts à partir de 2021 29 ( * ) .

Les représentants du groupe Action Logement, auditionnés par le rapporteur spécial, ont estimé pour leur part les surcoûts actuels à 1 % pour le neuf et 2 % pour la réhabilitation, soulignant les coûts que va représenter l'entrée en vigueur de la réglementation environnementale 2020 des bâtiments neufs (RE 2020).

De fait, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages a estimé que l'impact de la RE 2020 sur les coûts de la construction pourrait être de + 5 % pour les maisons individuelles et + 4 % pour les logements collectifs entre 2022 et 2024, pour aller jusqu'à + 8 % pour les maisons individuelles et + 15 % pour les logements collectifs à partir de 2031, estimations qui pourraient toutefois être revues à la baisse avec un effet d'apprentissage des filières 30 ( * ) .

Une note diffusée par l'Union sociale pour l'habitat (USH) en juin 2021 alerte également sur l'impact conjugué de la tension actuelle sur les approvisionnements et des surcoûts attribués aux dispositions réglementaires récentes .

Le surcoût réglementaire (accessibilité, sécurité incendie, ventilation, mobilité, environnement...) est estimé à près de 30 000 euros par logement, soit 30 % du coût de production médian d'un logement neuf de 65 mètres carrés par les organismes de logement social. Ces surcoûts concernent le logement collectif, l'étude étant réalisée sur le périmètre du logement social.

L'augmentation récente du coût des matériaux, elle, qui est due à plusieurs facteurs (reprise de l'activité en Chine, qui attire une part croissante de la production d'acier et de bois de construction, taxation du bois canadien qui attire le bois européen vers le marché américain, manque de stocks après l'arrêt des filières pendant le confinement, suivi d'une reprise rapide des chantiers, phénomènes climatiques...) a entraîné une hausse du prix de l'acier de 15 à 20 % ces derniers mois, un renchérissement des matières premières du plastique de 11 % en février dernier, du bois de construction de 10 % à 30 % selon les essences. Les délais d'approvisionnement augmentent également. Cette hausse se reflète dans les indices de l'INSEE.

Évolution des coûts des matériaux de construction

(référence 100 en 2015)

Indices ICM-412 (coûts des matériaux dans la construction de bâtiments) et ICM-43R (coûts des matériaux dans la rénovation de bâtiments).

Source : commission des finances, à partir des données de l'INSEE

Le secteur subit enfin, comme d'autres secteurs économiques et les ménages eux-mêmes, les effets de la hausse récente des coûts de l'énergie : l'indice ICE-TP du coût de l'énergie dans les travaux publics est passé du niveau de 97,6 en mai à 118,8 en juin 2021, soit une hausse de 22 %, après toutefois une baisse importante au cours des années précédentes puisque cet indice atteignait 129,3 en octobre 2018.


* 26 Fédération des promoteurs immobiliers, Les chiffres du logement neuf au 2 e trimestre 2021 , 16 septembre 2021.

* 27 Le nombre de transactions de logements anciens a été en 2020 de 1,02 million, niveau très proche du record historique de 2019 (1,07 million), alors que le nombre annuel de transactions n'avait jamais dépassé 850 000 entre 2000 et 2016, selon les réponses au questionnaire budgétaire.

* 28 Réservations à la vente avec dépôts d'arrhes. Ces données ne tiennent pas compte des désistements.

* 29 Banque des territoires, Coûts de construction des logements sociaux : un prix de revient en hausse modérée , Éclairages n° 25, octobre 2021.

* 30 CEREMA, Présentation de la réglementation environnementale 2020 , 25 mai 2021. Voir également le rapport d'information n° 434 (2020-2021) , de Daniel Grémillet, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur l'impact économique de la règlementation environnementale 2020, 10 mars 2021.

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