N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6a

COHÉSION DES TERRITOIRES - LOGEMENT ET VILLE

(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, terr itoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » passent de 15,9 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2021 à 17,1 milliards d'euros dans le présent projet de loi de finances en crédits de paiement.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022 courant

PLF 2022 constant

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 411,9

2 174,5

2 785,8

2 818,3

+ 643,8

+ 29,6 %

0,0

CP

2 434,0

2 200,0

2 677,5

2 710,0

+ 510,0

+ 23,2 %

0,0

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 893,5

12 439,3

13 079,4

13 079,4

+ 640,1

+ 5,1 %

0,0

CP

13 893,5

12 439,3

13 079,4

13 079,4

+ 640,1

+ 5,1 %

0,0

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

592,6

523,5

530,3

531,8

+ 8,3

+ 1,6 %

535,0

CP

510,1

523,5

530,3

531,8

+ 8,3

+ 1,6 %

535,0

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

225,2

175,0

210,4

210,4

+ 35,4

+ 20,2 %

37,9

CP

266,6

230,0

240,0

240,0

+ 10,1

+ 4,4 %

37,9

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

83,7

40,8

48,4

47,0

+ 6,2

+ 15,1 %

48,7

CP

55,5

40,4

42,3

40,2

- 0,1

- 0,3 %

84,1

147 - Politique de la ville

AE

563,5

512,9

558,1

558,1

+ 45,2

+ 8,8 %

0,4

CP

565,1

512,9

558,1

558,1

+ 45,2

+ 8,8 %

0,4

Total mission

AE

17 770,3

15 866,0

17 212,4

17 245,0

+ 1 378,9

+ 8,7 %

622,0

CP

17 724,7

15 946,0

17 127,6

17 159,5

+ 1 213,5

+ 7,6 %

657,4

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement.
FDC : fonds de concours. ADP : attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Des augmentations de crédits importantes ont toutefois eu lieu lors de la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021, avec en particulier 700 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ».

Par rapport aux crédits qui devraient être finalement ouverts en 2021 , qui sont de 16,7 milliards d'euros en crédits de paiement, les crédits demandés pour 2022 sont en augmentation de 0,4 milliard d'euros seulement, soit 2,5 % .

I. LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT ET D'ACCÈS AU LOGEMENT (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Pour 2022, les crédits demandés par le projet de loi de finances sont de 2,8 milliards d'euros en autorisation d'engagement et de 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement .

Après une année 2021 exceptionnelle, marquée par l'ouverture supplémentaire de 700 millions d'euros en loi de finances rectificative du 19 juillet, les crédits demeurent à un niveau élevé en 2022 , en raison du niveau du parc d'hébergement atteint pendant la crise sanitaire et maintenu en 2022.

L'hébergement en hôtel , qui a été nécessaire pendant la crise sanitaire mais ne facilite pas les actions d'insertion des personnes, concerne plus de 70 000 personnes, contre 50 000 il y a deux ans et 20 000 il y a dix ans.

Évolution du nombre de nuitées d'hôtel

(en nombre de places)

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires

Le parc d'hébergement d'urgence, en application du principe d'inconditionnalité de l'accueil, reçoit encore une proportion importante de personnes qui devraient plutôt trouver leur place dans les structures du ministère de l'intérieur dédiées aux demandeurs d'asile ou aux personnes à droits incomplets.

Le conventionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) a pris du retard , en raison notamment de la crise sanitaire. Il conviendra de reporter la date limite, actuellement fixée au 31 décembre 2022.

II. LES AIDES AU LOGEMENT (PROGRAMME 109)

Le programme 109 porte les aides personnelles au logement (APL), soit 13,1 milliards d'euros sur le budget de l'État.

Action Logement a contribué deux années de suite au financement des APL, à hauteur de 1 milliard d'euros en 2021. Ce n'est pas le cas en 2022, ce qui doit être approuvé.

En conséquence, la participation de l'État augmente , mais de 583 millions d'euros seulement, car certains effets réduisent le coût des APL, en particulier le fait que la réforme du versement contemporain des aides sera pleinement en vigueur.

La recherche constante d'économies sur les APL est l'un des marqueurs du quinquennat : « rabot » de cinq euros sur les APL en 2017, transfert d'une partie du coût des APL aux organismes de logement social via une diminution du loyer (réduction de loyer de solidarité ou RLS), réforme techniquement difficile du versement contemporain des aides qui adapte les aides aux revenus de l'année (soit une économie de 1,25 milliard d'euros en année pleine).

Évolution du financement du fonds national des aides au logement
de 2017 à 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

III. LE PROGRAMME 135

Le programme 135 , pivot des politiques du logement et de l'urbanisme, porte des actions diverses relatives à la construction, l'habitat et l'urbanisme, pour un montant de crédits budgétaires relativement limité de 535 millions d'euros, mais complété par des fonds de concours de niveau équivalent et des dépenses fiscales d'un niveau prévisionnel de 13,3 milliards d'euros.

A. RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ET ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE

Le premier enjeu est celui de la rénovation énergétique , avec l'impact important de MaPrimeRénov, financé sur d'autres missions budgétaires, mais aussi les programmes de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), partiellement financés sur le programme 135. Le dynamisme des projets de l'ANAH pousse à une ouverture de crédits de 92 millions d'euros dans le second projet de loi de finances rectificative.

Un autre enjeu s'impose, qui concerne les collectivités encore plus que l'État : celui de la lutte contre l'artificialisation des sols , avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), fixé par la loi « Climat et résilience ». Le succès du fonds « friches », augmenté de 300 à 650 millions d'euros, démontre que les collectivités ne manquent pas de projets, et il faudra que soient rapidement déterminées les modalités de sa pérennisation annoncée par le président de la République, car son véhicule budgétaire actuel, la mission « Plan de relance », a vocation à disparaître.

Les établissements publics fonciers , financés sur ce programme à hauteur de 182,3 millions d'euros, en compensation de la diminution du produit des taxes spéciales d'équipement, ont tout leur rôle à jouer. Leur financement devra être maintenu sur la durée.

Il faudra aussi que l'État accompagne mieux les collectivités locales face à ce défi, qui demandera de réviser les documents d'urbanisme : or les aides de l'État à ce titre sont en baisse.

B. DU CHOC D'OFFRE À LA CRISE DE L'OFFRE

Le secteur de la construction, qui bénéficie d'une demande très forte, manque d'offre de logements :

- les permis de construire sont en baisse ;

- le bâtiment doit faire face à la montée du coût des matériaux de construction (augmentation de 10 % de l'indice de l'INSEE qui les mesure) ;

- le surcoût réglementaire est estimé à 30 000 euros par logement.

Alors que le quinquennat avait débuté sur la promesse d'un « choc d'offre », le parc de logements progresse de moins en moins vite en France , malgré la progression du logement collectif.

Évolution annuelle moyenne du nombre de logements par type d'habitat

(en pourcentage)

Lecture : entre 2016 et 2021, le nombre de logements individuels augmente en moyenne de 0,6 % par an. Champ : France métropolitaine.

Sources : commission des finances, à partir des chiffres Insee / ministère de la Transition écologique et solidaire

Il est de plus en plus difficile de se loger en France : 12,8 années de revenu disponible sont nécessaires pour acquérir un logement de 100 mètres carrés (7,8 années en l'an 2000).

C. LE LOGEMENT SOCIAL VA DEVOIR FAIRE FACE À LA QUESTION DE SON FINANCEMENT

Le projet de loi de finances rectificative (article 42 quater ) met en oeuvre une compensation aux communes , pendant une durée de dix ans pour les projets produits entre 2021 et la mi-2026, de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficie le logement social, mesure attendue de tous les acteurs qui devrait faciliter l'acceptabilité locale des projets.

Toutefois, avec l'instauration de la réduction de loyer de solidarité , qui affecte l'équilibre économique des opérations de logement social, la situation des organismes a été préservée grâce à des mesures de soutien de la part d'Action Logement et de la Caisse des dépôts et consignations, mais au prix d'un prolongement de l'endettement à long terme .

En outre le soutien massif du groupe Action Logement aux politiques publiques ne pourra pas se prolonger indéfiniment . Cet organisme, dont les marges ont été rognées par les politiques menées ces dernières années, risque de ne plus pouvoir contribuer au même niveau, notamment, au fonds national des aides à la pierre (FNAP, à hauteur de 350 millions d'euros par an jusqu'en 2022) et au fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL, 10 millions d'euros jusqu'en 2022).

La question du financement du logement social devra être posée en 2022.

Les principaux financeurs du fonds national des aides à la pierre

(en millions d'euros)

Ressources SRU : fraction des prélèvements SRU et de la majoration des prélèvements SRU affectée au FNAP (montant 2022 supposé identique, par convention, au montant estimé en 2021). Certaines ressources exceptionnelles, notamment en 2021, ne sont pas indiquées.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La méthode de surcompensation des aides d'État dont bénéficient les bailleurs sociaux, que le Gouvernement a renoncé à inscrire dans le projet de loi de finances, devra également faire l'objet de décisions en 2022.

Au total, il apparaît que l'objectif fixé par le Gouvernement d'agréer 250 000 logements sociaux en deux ans ne sera certainement pas atteint . Cet objectif correspondait pourtant essentiellement à un rattrapage du niveau très bas atteint en 2020 (87 500).

IV. LE PROGRAMME 147

Le programme 147 porte les crédits de la politique de la ville , pour un montant de crédits de 558 millions d'euros en 2022, en hausse de 45 millions d'euros.

L'enveloppe financière attribuée à l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) pour la réalisation du nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU) est augmentée de 10 à 12 milliards d'euros (article 42 ter du projet de loi de finances rectificative). Action Logement qui assurera la majeure partie du financement. L'État doit apporter au total 1,2 milliard d'euros, mais ne verse que 15 millions d'euros en 2022 sur le programme 147, comme au cours des années précédentes.

Schéma de financement du NPNRU

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

L'attractivité des quartiers n'a guère progressé depuis 2008 . Un rapport d'évaluation de la Cour des comptes montre que les problèmes d'insécurité perdurent, que les résultats scolaires restent insatisfaisants et que les actions publiques demeurent insuffisantes ou mal perçues.

La rénovation urbaine améliore tout de même l'habitat et le cadre de vie des quartiers. L'augmentation de l'enveloppe financière permettra de traiter plus complètement certains quartiers, et de mieux financer des projets régionaux.

Réunie le mardi 16 novembre, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et d'adopter, sans modification, les articles 42 bis à 42 quater . Elle a confirmé son vote le jeudi 18 novembre 2021.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 93 % des réponses étaient parvenues en ce qui concerne les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ». Il convient de souligner le niveau élevé de ce taux, par rapport au taux plus faible de réponses observé sur certains de ces programmes il y a quelques années.

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