B. UNE MOBILISATION LOUABLE DES POUVOIRS PUBLICS, QUI DOIT S'INSCRIRE DANS LA DURÉE

1. Une mobilisation importante des pouvoirs publics nationaux et européens depuis 2020

En 2020, pour soutenir les associations d'aide alimentaire confrontées à un fort afflux des demandes , deux plans d'urgence ont été adoptés, représentant un montant total de 94 millions d'euros (voir l'encadré ci-dessous) .

En 2021, la mission « Plan de relance » prévoit en outre la constitution d'un fonds d'aide aux associations de lutte contre la pauvreté, doté de 100 millions d'euros et en CP, fortement tourné vers l'aide alimentaire . Un premier appel à projets a été lancé dès la fin 2020. Alors qu'il ne devait initialement porter que sur la moitié de l'enveloppe, le nombre et la qualité des projets déposés a conduit le ministère des solidarités et de la santé à consacrer la totalité de l'enveloppe au premier appel à projets (AAP). Le second appel à projets initialement prévu a donc été annulé. 741 projets ont finalement été sélectionnés, sur un total de 2 611 candidatures. Sur les 741 projets sélectionnés dans ce cadre, 164 projets, représentant près de 18 % de l'enveloppe consommée à ce stade, concernent exclusivement la lutte contre la précarité alimentaire . Au total, ce sont même 430 projets qui comportent exclusivement ou non la thématique « précarité alimentaire »

Les associations de lutte contre la pauvreté ont salué la mise en place de ce fonds, qui a permis le financement de projets de développement et de modernisation structurants. Néanmoins, en termes de méthode, l'annulation du second AAP a pu être critiquée : en effet, sachant que deux AAP étaient à prévoir, certaines structures avaient fait le choix d'attendre le second pour approfondir la préparation de leur projet, et n'ont donc finalement jamais pu le présenter.

Les plans d'urgence en faveur de l'aide alimentaire en 2020

Un premier plan de soutien à l'aide alimentaire de 39 millions d'euros lancé en avril 2020 a permis de financer :

- la compensation, à hauteur de 25 millions d'euros, des surcouts supportés par les associations d'aide alimentaire et engendrés par la crise ;

- des mesures spécifiques pour les outre-mer (4 millions d'euros) ;

- l'achat de chèques d'urgence alimentaire qui ont été distribués, pour pallier l'urgence de la situation de territoires en tension, principalement en direction des habitants des QPV de 18 départements (10 millions d'euros).

Un second plan d'urgence de 55 millions d'euros a été lancé en juillet dont plus de 80 % délégués aux services déconcentrés afin de permettre de soutenir les actions spécifiques menées sur les territoires pour maintenir l'accès aux biens essentiels des publics précaires (alimentation, hygiène) dans le contexte de crise. Ce plan a vocation à financer les dispositifs d'aide alimentaire généralistes et la montée en charge des dispositifs visant les personnes sans domicile sans ressource afin qu'ils prennent le relais de la distribution des chèques services dans le cadre du dispositif mobilisé par le ministre de la ville et du logement lors des premiers mois de la crise.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, la Commission européenne a lancé fin mai 2020 une initiative REACT-EU visant à abonder les fonds de cohésion pour la période 2020-2022 en réponse à la crise sanitaire et économique. Cela a permis d'allouer au FEAD français 132 millions d'euros de crédits financés à 100 % par l'UE permettant à l'opérateur FranceAgrimer d'effectuer des achats complémentaires de denrées. Sur cette initiative, 126 millions d'euros ont été engagés à ce jour.

Au niveau européen, un accord a été trouvé pour un plan pluriannuel très ambitieux de financement de l'aide alimentaire, dans le cadre de l'inclusion du FEAD dans le nouveau Fonds social européen plus (FSE +) à compter de 2022. Pour la France, une dotation de 647 millions d'euros dans le cadre du nouveau FSE + (dont 110 millions d'euros de crédits nationaux), soit un montant supérieur de 172 millions d'euros à celui prévu pour la campagne 2014-2020 du FEAD. Le taux de co-financement européen sur les achats de denrées a également été relevé à 90 % (contre 85 % sur la précédente campagne).

Projection des financements européens au titre de l'aide alimentaire
sur la période 2021-2027

Enveloppe

Calendrier
de livraison

Financement UE

Co-financement national

Total

Reliquat du FEAD 2014-2020

recyclé pour une campagne 2021 supplémentaire

Septembre 2021

ð juin 2022

77 M€

(85 %)

13 M€

(15 %)

90 M€

React-EU

Relance européenne, pour les années 2020 - 2022

Juin 2021

ð juin 2022

132 M€

(100 %)

(0 %)

132 M€

FSE+

2021 - 2027

Septembre 2022

ð juin 2028

582 M€

(90 %)

65 M€

(10 %)

647 M€

Total

791 M€

78 M€

868 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour les années à venir , même si, au plan opérationnel, le fonctionnement du futur FSE + constitue encore un point de vigilance (voir infra ).

2. En PLF 2022, une stabilité des crédits du budget de l'État en faveur de l'aide alimentaire

Pour mémoire, le programme opérationnel FEAD prévoyait d'octroyer à la France une dotation de 587,39 millions d'euros pour la période 2014-2020. Cette dotation est financée par des crédits européens à hauteur de 499 millions d'euros (85 %), via un fonds de concours relevant du programme 304, ainsi que par des crédits nationaux à hauteur de 15 %. Ces crédits sont destinés en grande majorité à l'achat de denrées, réalisé par FranceAgriMer au profit des quatre associations têtes de réseau nationales habilitées (la Fédération Française des Banques Alimentaires, les Restos du Coeur, le Secours Populaire Français et la Croix-Rouge française) . Le solde permet de financer au niveau national le fonctionnement des têtes de réseau associatives ainsi que des projets d'approvisionnement en denrées, et au niveau régional le fonctionnement des associations habilitées localement.

Le reste des crédits est destiné à soutenir les épiceries sociales - celles-ci n'étant pas éligibles au FEAD 17 ( * ) -, à subventionner les têtes de réseau associatives nationales afin de prendre en charge une partie de leurs coûts de fonctionnement au titre de l'aide alimentaire (logistique, formation des bénévoles, etc.), à financer les services déconcentrés qui mettent en oeuvre la distribution de l'aide alimentaire, ainsi qu'à verser une subvention pour charges de service public à FranceAgriMer en tant qu'organisme intermédiaire de gestion du FEAD.

La contribution européenne au titre du FEAD représentera un montant brut de 122,5 millions d'euros en 2022 (contre 77,1 millions d'euros en 2021). Ainsi, en ajoutant les autres crédits nationaux, on constate au total une augmentation des crédits alloués à l'aide alimentaire en 2022 (158 millions d'euros) par rapport à 2021 (141,3 millions d'euros), hors plan de relance européen.

Comme l'indique le tableau ci-dessous, la baisse observée des crédits nationaux portés par le programme 304 en PLF 2022 porte intégralement sur la compensation à FranceAgriMer de dépenses financées sur appel de fonds mais finalement déclarées non éligibles au FEAD , et tiendrait donc seulement à une diminution du taux d'inéligibilité des dépenses présentées par l'opérateur, tandis que le soutien financier aux associations reste stable.

Cette stabilité peut néanmoins poser question, notamment pour ce qui concerne les épiceries sociales, qui ne sont pas concernées par le FEAD, et qui paraît contradictoire avec l'impulsion donnée par le Gouvernement en faveur de la création de ces structures . D'après les projections de l'Association nationale des épiceries solidaires, entendue par les rapporteurs spéciaux, le contraste entre la forte hausse prévisionnelle des structures d'une part et la stabilité de l'enveloppe aboutirait à une diminution de 35,3 % de la dotation par structure entre 2019 à 2022.

La Fédération française des banques alimentaires juge également que la progression des crédits qui lui sont alloués (+ 2 % sur 2021-2023) s'avère assez faible au regard de l'accroissement de l'activité des banques alimentaires.

Évolution des crédits nationaux en faveur de l'aide alimentaire
entre 2021 et 2022

(en millions d'euros)

LFI 2021

PLF 2022

P.304 - Action 14

64,5

56,7

dont contribution nationale au FEAD

13,5

12,3

Prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents

16
(exercices 2018 et 2019)

8,9
(exercices 2019 et 2020)

dont épiceries sociales

8,9

9,1

dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales

4,7

4,8

dont aide alimentaire déconcentrée

18,6

18,7

dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer

2,7

2,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 17 La gratuité de la distribution des denrées est imposée par le règlement du FEAD, ce qui exclut les épiceries sociales, qui soutiennent les personnes en difficulté contre une participation financière symbolique.

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