D. UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE ENTRAVÉ PAR LA PERSISTANCE D'UN DÉFICIT DE LISIBILITÉ ET D'ÉVALUATION DES ACTIONS ENGAGÉES

1. Un déficit de lisibilité particulièrement préjudiciable au suivi des crédits par la représentation nationale

Depuis le lancement des investissements d'avenir, le suivi des montants alloués aux politiques publiques de la recherche et de l'innovation se révèle particulièrement ardu . En effet, structurellement, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans un référé du 28 juillet 2021 21 ( * ) , « les spécificités qui subsistent en matière budgétaire [...] conduisent à faire coexister dans le budget de l'État deux catégories de budgets d'investissements - ceux des missions PIA et ceux des ministères-, ce qui, comme la Cour l'a fréquemment relevé de façon plus générale ne facilite pas l'appréciation de l'ensemble des moyens consacrés à une politique publique donnée ».

Dans le cadre du PIA 3, ces difficultés ont été aggravées par la double comptabilité induite par l'architecture retenue, mais également par la dispersion des crédits , ainsi que par l'ampleur et de la fréquence des redéploiements opérés en cours de gestion.

Avec le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir, alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs, le suivi des crédits est devenu encore plus complexe.

En effet, avec la coexistence de deux programmes au sein de la même mission budgétaire, et les débudgétisations supplémentaires que comporte le PIA 4, la nouvelle maquette se révèle encore moins lisible que la précédente :

- les crédits relevant des PIA 1 et 2 continuent d'être contractualisés et décaissés par les opérateurs, le suivi de ces opérations se faisant par le biais d'une comptabilité ad hoc ;

- les crédits des PIA 3 , qui font l'objet d'un suivi budgétaire jusqu'en 2028, doivent encore être engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs ;

- les crédits du PIA 4, qui ne sont pas tous budgétisés sur la mission « Investissements d'avenir » - les intérêts générés par le FII et les dotations non consommables, représentant 3,427 milliards d'euros sur 5 ans, font l'objet d'un suivi extrabudgétaire - doivent également être engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs.

Le chevauchement de deux programmes d'investissement d'avenir donne ainsi lieu à des financements croisés , rendant malaisé le traçage des crédits et l'identification des dispositifs existants .

Ainsi, certains dispositifs sont financés par des crédits en provenance des deux PIA - comme par exemple le fonds Sociétés de projets industriels 2, opéré par Bpifrance, qui mobilisera des enveloppes du PIA 3 ayant fait l'objet d'un reclassement, ainsi que des crédits nouveaux issus du PIA 4.

En parallèle, plusieurs dispositifs sont toujours ouverts au titre du PIA 3, alors même que les actions du PIA 4 ont vocation à prendre leur relais. À titre d'exemple, l'action 01 « Programmes et équipement prioritaires de recherche » du volet dirigé du PIA 4 doit prendre le relais des actions 02 « Programmes prioritaires de recherche » et 03 « Équipements structurants de recherche » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche » du PIA 3, au titre desquels des appels à projets sont encore en cours de dépôt.

Ainsi, non seulement la concomitance de deux programmes d'investissement d'avenir obère considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits , mais en plus, elle peut se révéler préjudiciable pour les acteurs économique s, confrontés à une multiplication des appels à projets se traduisant inévitablement par des besoins décuplés en matière d'ingénierie.

2. Une évaluation encore insuffisante de l'impact des investissements consentis

Le déficit de lisibilité des investissements d'avenir est d'autant plus problématique que, comme l'a rappelé le Comité de surveillance, compte tenu du caractère dérogatoire du cadre budgétaire applicable, la pérennisation des investissements d'avenir ne pourra être acceptable vis-à-vis du Parlement que si « les exigences en termes de reporting et d'évaluation des actions sont respectées » 22 ( * ) .

À cet égard, le récent bilan dressé par la Cour des comptes dans le référé susmentionné est sans appel : « la principale faiblesse relevée tient au caractère tardif et encore limité de la démarche d'évaluation des actions financées alors même qu'elle était inscrite dès l'origine au coeur de ce qui devait faire l'originalité et la valeur ajoutée du PIA . [...] Plus de dix ans après le lancement du programme, l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs ».

Ainsi, plus de dix ans après le lancement des investissements d'avenir, si les travaux disponibles font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation, ce dernier demeure difficile à quantifier . Toujours selon la Cour des comptes : « certaines comparaisons internationales font état d'une amélioration globale, quoique contrastée, des performances de la France, sans que l'on puisse en déduire un effet direct du PIA ».

Alors que le lancement d'un quatrième programme semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels - avec notamment la création d'un volet « structurel », destiné à assurer un financement récurrent aux structures de recherche et d'innovation issues des premiers programmes - il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus étayés - évaluations socio-économiques ex-ante et ex-post notamment, pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger ou non ces programmes dans les années à venir.


* 21 Cour des comptes, 20 juillet 2021, « La mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (2010 - 2020) ».

* 22 Ibid.

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