Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Thierry MEIGNEN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 17

INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030

Rapporteur spécial : M. Thierry MEIGNEN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. UNE MISSION REGROUPANT DEUX PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

A. UNE MISSION DOTÉE DE 3,5 MILLIARDS D'EUROS DE CP EN 2022

La mission « Investissements d'avenir » comprend, depuis 2021, deux programmes d'investissements d'avenir distincts :

- le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), adopté en loi de finances initiale pour 2017, doté de 10 milliards d'euros ;

- le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4), issu de la loi de finances initiale pour 2021, regroupant 20 milliards d'euros.

En 2022, le montant de crédits de paiements (CP) demandés pour la mission « Investissements d'avenir » s'élève à 3 505,1 millions d'euros , contre 3 976,0 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2021, soit une diminution de 12 % .

B. UN BUDGET INFÉRIEUR À LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE

S'agissant du PIA 3, le budget 2022 est inférieur de 772 millions d'euros à l'objectif fixé dans la programmation triennale 2020-2022, en raison des nombreux redéploiements de crédits effectués notamment dans le contexte de la crise sanitaire.

Pour ce qui est du PIA 4, l'échéancier initial des crédits de paiement prévoyait l'ouverture de 3 938 millions d'euros en 2022 , soit un montant près de deux fois supérieur au budget pour 2022 , qui s'élève à 1 996 millions d'euros.

Programmation triennale 2020-2022
et au-delà

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Échéancier des crédits de paiement
du PIA 4

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

II. PLUS DE QUATRE ANS APRÈS SON LANCEMENT, UN PIA 3 AMORÇANT DÉSORMAIS SA DERNIÈRE LIGNE DROITE

Entre 2018 et 2020, plus de 4,70 milliards d'euros de CP ont été exécutés pour couvrir les 10,16 milliards d'euros d'AE ouvertes en 2017, auxquels s'ajoutent les 1,75 milliard d'euros de CP votés en loi de finances initiale pour 2021. Partant, au 31 décembre 2021 - et nonobstant les aléas de l'exécution 2021 - la couverture en CP des AE initiales s'élèvera à 63,5 % .

Le PIA 3 est par ailleurs engagé à hauteur de 6,3 milliards d'euros, contractualisés à hauteur de 4,9 milliards d'euros et décaissés à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Enfin, la quasi-totalité du PIA 3 est à ce jour programmée - c'est-à-dire que les crédits qui ne sont pas encore décaissés sont fléchés vers des dispositifs ouverts, en cours de lancement ou d'instruction.

Dans ce contexte, l'année 2022 devrait être caractérisée par :

- un ralentissement du versement des crédits de paiement. Jusqu'en 2023, des CP resteront à ouvrir en subventions et en fonds, mais au-delà de cette date, seuls les crédits de paiement en dotations décennales seront à ouvrir - et ce au maximum jusqu'en 2028 ;

- une intensification des décaissements, puisqu'une grande partie des fonds a d'ores et déjà été engagée et que le plan de relance implique des versements à très courte échéance.

III. UN PIA 4 DONT LES CONTOURS SE SONT PRÉCISÉS EN 2021, LAISSANT AUGURER D'UNE ACCÉLÉRATION EN 2022

A. UNE ARCHITECTURE JURIDIQUE ET UNE GOUVERNANCE DÉSORMAIS FINALISÉES

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, le premier semestre 2021 a été essentiellement consacré à l'adoption du cadre juridique applicable au PIA 4 , préalable à la mise en oeuvre par action et au lancement des premiers appels à projets.

L'architecture juridique a été profondément réformée, et repose dorénavant sur un nombre restreint de conventions entre l'État et les opérateurs , dont la majorité ont été signées et publiées au Journal officiel - les conventions financières par opérateur et les conventions plus spécifiques encadrant les fonds propres demeurant en cours d'élaboration.

L'adoption de ce nouveau cadre juridique devrait permettre de consommer en grande partie les 16,56 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale pour 2021.

Le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir s'est également accompagné de l'élaboration d'une nouvelle gouvernance , avec notamment la création d'un nouvel échelon de supervision, le Conseil interministériel de l'innovation, présidé par le Premier ministre.

B. UN VOLET « DIRIGÉ » DONT LES GRANDES LIGNES SEMBLENT DÉSORMAIS ARRÊTÉES, EN DÉPIT D'UNE BUDGÉTISATION ENCORE TRÈS INDICATIVE

Doté de 12,5 milliards d'euros dont 2,5 milliards d'euros en fonds propres, le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » (volet « dirigé » du PIA 4) a vocation à financer des investissements exceptionnels dans le cadre de stratégies d'accélération permettant de mobiliser tous les leviers de l'intervention publique .

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, un certain nombre de stratégies étaient évoquées, mais aucune n'avait été officiellement validée. Dans le budget 2022, le volet « dirigé » tend à se préciser, puisque 19 stratégies ont été validées par le comité exécutif du Conseil interministériel de l'innovation, dont 10 ont pu faire l'objet d'une présentation détaillée .

En 2022, comme en 2021, 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement sont demandés au titre de ce programme. Au sein de chaque action, ces crédits ont vocation à être répartis entre les opérateurs au prorata de l'enveloppe totale qui leur est affectée. Il ressort néanmoins des travaux du rapporteur spécial que le contenu de ces actions demeure encore très indicatif, les dispositifs étant encore, pour la plupart, en cours de construction .

C. UN VOLET « STRUCTUREL » DESTINÉ À RENDRE PLUS LISIBLE LE FINANCEMENT DES ÉCOSYSTÈMES DE RECHERCHE ET D'INNOVATION

Le programme 425 « Financement des écosystèmes d'innovation », est doté de 7,5 milliards d'euros, qui se répartissent en deux actions :

- l'action 01 « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation » , visant à garantir un financement récurrent aux structures issues des précédents PIA, bénéficie de 1,25 milliard d'euros de crédits budgétaires sur 5 ans, auxquels s'ajoutent les intérêts des dotations non consomptibles (DNC) issues des PIA 1 et 2, pour un montant de 3 milliards d'euros entre 2021 et 2025, soit un total de 4,25 milliards d'euros .

Financement des écosystèmes d'innovation (action 01)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

- l'action 02 « Aides à l'innovation bottom-up » , pour laquelle 2,812 milliards d'euros (en AE) sont inscrits, a vocation à centraliser les aides publiques aux entreprises innovantes, auparavant portées par différents instruments : le PIA 3, les budgets interministériels et les intérêts du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

Répartition des aides à l'innovation « Bottom-up »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En 2022, ces deux actions bénéficieront, respectivement, de 125 millions d'euros et 437,5 millions d'euros en CP .

IV. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LE VOLET « DIRIGÉ » DU PIA 4 : EN DÉPIT D'AVANCÉES INDÉNIABLES DANS L'ÉLABORATION DES STRATÉGIES, UNE BUDGÉTISATION TOUJOURS AUSSI OPAQUE

Un an après le lancement du PIA 4, le volet dirigé s'est largement précisé, avec la présentation détaillée d'une dizaine de stratégies d'accélération. Néanmoins, ce programme n'est pas encore finalisé, puisqu'à ce stade, seuls 6,3 milliards d'euros de stratégies d'accélération ont été formellement validés , sur les 10 milliards d'euros qui y seront finalement consacrés, hors fonds propres.

Dans ce contexte, la répartition des crédits par outil et par stratégie n'a pu être communiquée au rapporteur spécial. La budgétisation pour 2022 revêt donc un caractère particulièrement opaque , puisqu'elle n'indique pas l'emploi des crédits demandés autrement que par outil d'intervention, sans préciser les montants qui seront alloués à chaque stratégie.

Il est regrettable que, près d'un an après le lancement du PIA 4, le Parlement ne soit toujours pas en mesure de disposer d'une vision d'ensemble des stratégies qui seront déployées , et ce alors même que par construction, la sélection des stratégies et la définition des moyens financiers destinés à les accompagner échappent entièrement à son contrôle.

B. UNE PRISE EN COMPTE ACCRUE DES TERRITOIRES, QU'IL CONVIENDRA DE CONFIRMER DANS LES ANNÉES À VENIR

Parmi les principales caractéristiques du PIA 4 figurait le doublement de l'enveloppe « régionalisée » , permettant de cofinancer des projets avec les Conseils régionaux, laissant augurer d'une intensification de la territorialisation des investissements d'avenir.

Cet effort en faveur d'une territorialisation plus marquée des investissements d'avenir, qui n'en était qu'à ses prémices lors du lancement du PIA 4 , tend désormais à se concrétiser , le SGPI ayant entrepris plusieurs actions afin de faire connaître les PIA dans les territoires, d'y favoriser l'émergence de projets éligibles à un financement au titre des PIA, et enfin de mieux détecter ces projets.

Ces initiatives, encore très récentes et relativement timides, témoignent de la volonté d'accorder une place accrue aux territoires ; il faudra néanmoins veiller à ce qu'elles se concrétisent effectivement dans les années à venir. Pour le rapporteur spécial, l'effort de territorialisation des investissements d'avenir doit demeurer une des priorités du SGPI.

C. DEUX POINTS DE VIGILANCE IDENTIFIÉS : L'ALOURDISSEMENT DE LA GOUVERNANCE ET LA MOBILISATION INTENSE DES OPÉRATEURS

Les observations relatives à la mise en route du PIA 4 permettent de dégager deux points de vigilance, qui devront faire l'objet d'un suivi attentif dans les mois à venir : le caractère opérationnel de la gouvernance et la capacité des opérateurs à mener de front de très nombreux dispositifs.

1. Conserver une gouvernance simple et agile pour le PIA 4

La nouvelle gouvernance mise en place dans le cadre du PIA 4 présente l'intérêt d'associer tous les opérateurs ainsi que plusieurs directions ministérielles pour garantir une plus grande cohérence dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques d'innovation.

Néanmoins, la multiplication des instances dans la gouvernance du PIA 4 - conseil interministériel de l'innovation, comité exécutif, comités stratégiques, comités techniques - pourrait à terme engendrer des lourdeurs préjudiciables à une mise en oeuvre rapide et fluide des stratégies d'accélération .

2. Prévenir tout risque de surchauffe des opérateurs

Les opérateurs du PIA 4 ont fait face à une importante surcharge de travail au cours des derniers mois , avec la mise en oeuvre du PIA 3, les travaux relatifs à l'élaboration des stratégies du PIA 4, mais aussi la participation au plan d'urgence, puis au plan France Relance, qui se sont traduits par l'ouverture de très nombreux appels à projets en 2021.

Une certaine vigilance s'impose donc à l'avenir : les opérateurs doivent être en mesure de remplir correctement les missions qui leurs sont confiées au titre du PIA, en consacrant notamment des effectifs suffisants à l'instruction et au suivi des dossiers - ces derniers devant être rigoureusement sélectionnés pour satisfaire aux critères d'excellence.

D. UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE ENTRAVÉ PAR LA PERSISTANCE D'UN DÉFICIT DE LISIBILITÉ ET D'ÉVALUATION DES ACTIONS ENGAGÉES

1. Un déficit de lisibilité particulièrement préjudiciable au suivi des crédits

Depuis le lancement des investissements d'avenir, le suivi des montants alloués aux politiques publiques de la recherche et de l'innovation se révèle particulièrement ardu .

Or, ces difficultés ont été aggravées par le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir, alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs. En effet, le chevauchement de deux programmes d'investissement d'avenir donne lieu à des financements croisés , rendant malaisé le traçage des crédits et l'identification des dispositifs existants .

Pour le rapporteur, non seulement cette situation obère ainsi considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits , mais en plus elle peut se révéler préjudiciable pour les acteurs économiques .

2. Une évaluation encore insuffisante de l'impact des investissements consentis

Comme l'a rappelé le Comité de surveillance, compte tenu du caractère dérogatoire du cadre budgétaire applicable, la pérennisation des investissements d'avenir ne pourra être acceptable vis-à-vis du Parlement que si « les exigences en termes de reporting et d'évaluation des actions sont respectées » 1 ( * ) .

À cet égard, le récent bilan dressé par la Cour des comptes dans un référé du 28 juillet 2021 2 ( * ) est sans appel . Ainsi, plus de dix ans après le lancement des investissements d'avenir, si les travaux disponibles font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation, ce dernier demeure difficile à quantifier .

Alors que le lancement d'un quatrième programme semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels, il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus étayés pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger ou non ces programmes dans les années à venir.

E. UNE ARTICULATION À CLARIFIER ENTRE LES PIA ET LES AUTRES PLANS D'INVESTISSEMENT

Le PIA 4 devait initialement contribuer à hauteur de 11 milliards d'euros sur trois ans au plan de relance. Néanmoins, deux inflexions significatives ont été actées dans la manière de comptabiliser les actions du PIA participant au plan de relance :

- les données présentées pour la mise en oeuvre du plan de relance correspondront finalement aux engagements opérationnels autorisés auprès des lauréats bénéficiaires, et non aux crédits budgétaires ouverts en loi de finances ;

- toutes les décisions prises depuis le lancement du plan de relance en septembre 2020 seront valorisées dans le suivi général de la relance sans établir de distinction entre le PIA 3 et le PIA 4.

Pour le rapporteur spécial, si ces clarifications vont dans le bon sens en permettant de rendre compte plus sincèrement de l'état d'avancement du PIA dans l'effort de relance , elles témoignent également du caractère peu réaliste des annonces réalisées à l'automne 2020 , ainsi que du retard pris dans la mise en oeuvre du PIA 4 .

La question de l'articulation entre les PIA et le plan « France Relance » s'inscrit, dans la problématique, plus large, de la multiplication des programmes publics d'investissement à visée générale ou sectorielle, qui semble peu compatible avec la définition, dans le cadre des PIA, d'une stratégie unique et globale d'investissement de l'État .

Réunie le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » et l'article 42 quaterdecies

Au 10 octobre 2021, le rapporteur spécial avait reçu la totalité des réponses au questionnaire budgétaire.

I. UNE MISSION BUDGÉTAIRE REGROUPANT DEUX PROGRAMMES D'INVESTISSEMENT D'AVENIR

A. DEUX PROGRAMMES RÉGIS PAR DES MODALITÉS DE BUDGÉTISATION DÉROGATOIRES

La mission « Investissements d'avenir » comprend, depuis 2021, deux programmes d'investissements d'avenir distincts :

- le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), adopté en loi de finances initiale pour 2017 et doté de 10 milliards d'euros ;

- le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4), issu de la loi de finances initiale pour 2021, regroupant 20 milliards d'euros .

Ces programmes succèdent ainsi au PIA 1, lancé en 2010 3 ( * ) et doté de 35 milliards d'euros et au PIA 2, lancé en 2014 4 ( * ) et doté de 12 milliards d'euros , portant le montant total consacré aux programmes d'investissements d'avenir à 77 milliards d'euros .

Le premier PIA était lui-même issu du rapport « Juppé-Rocard » 5 ( * ) de 2009, publié au lendemain de la grande crise financière et proposant, pour augmenter le potentiel de croissance de l'économie française , de mobiliser massivement l'investissement public en faveur de projets ciblés, principalement dans les domaines de la recherche, du numérique, de l'industrie et du développement durable .

Il s'agit notamment, dans le domaine de la recherche, d'augmenter la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD), qui s'élève aujourd'hui à 2,22 % du PIB - soit un montant bien deçà de l'objectif des 3 % fixé dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.

Historique des Programmes d'investissements d'avenir

(en milliards d'euros)

PIA
(année de lancement)

Montant
(en milliards d'euros)

PIA 1 (2010)

35

PIA 2 (2014)

12

PIA 3 (2017)

10

PIA 4 (2021)

20

Total

77

Source : commission des finances du Sénat

Au 30 juin 2021, sur l'enveloppe des 73,47 milliards d'euros que totalisent les PIA, plus de 49 milliards d'euros ont fait l'objet d'une décision du Premier ministre, permettant de formaliser l'engagement financier .

Plus de 45,6 milliards d'euros ont été contractualisés et près de 29 milliards d'euros ont été décaissés , dont 4,8 milliards d'euros d'intérêts issus des dotations non consommables.

Situation financière des investissements d'avenir au 30 juin 2021
par nature de financement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du bilan financier des programmes d'investissements d'avenir au 30 juin 2021

1. L'inscription de la majorité des crédits au sein de la mission « Investissements d'avenir »

Dès l'origine, le rapport « Juppé-Rocard » préconisait le respect d'un « principe d'additionnalité » et d'un « principe d'étanchéité » du PIA. Fondés sur le constat selon lequel le financement public de projets d'avenir nécessite un effort budgétaire supplémentaire, ces principes veulent que les crédits des PIA s'additionnent aux crédits « habituels » des ministères et ne s'y substituent pas, d'où le fait qu'ils soient exclusivement portés par des opérateurs et fléchés vers des actions prédéfinies .

Les crédits du PIA obéissent donc à une logique largement extrabudgétaire, ce qui soulève la question de leur budgétisation dans les textes financiers.

En pratique, les crédits budgétaires portés par les PIA 1 et 2 ont initialement été répartis sur des programmes éphémères au sein de chaque mission. A contrario , lors de l'élaboration du PIA 3, le choix a été fait de créer une mission budgétaire pérenne , regroupant dans leur grande majorité les crédits issus des PIA.

De ce point de vue, le PIA 4 s'inscrit dans la continuité du PIA 3, puisque son lancement en 2021 s'est accompagné de la création de deux nouveaux programmes budgétaires au sein de la mission « Investissements d'avenir », portant 83 % des crédits afférents au PIA 4 - le solde étant composé des versements provenant des dotations non consommables des PIA 1 et 2 et des intérêts versés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

2. Une ouverture intégrale des autorisations d'engagement, associée à un vote annuel sur les crédits de paiement

Pour les PIA 1 et 2, les crédits ont été votés en autorisations d'engagement et crédits de paiement, puis intégralement consommés l'année de leur ouverture .

En revanche, pour le PIA 3, les autorisations d'engagement ont été ouvertes dès 2017, les crédits de paiement faisant ensuite l'objet d'un vote annuel.

Il en va de même pour le PIA 4, puisque l'intégralité des autorisations d'engagement a été ouverte en loi de finances pour 2021 (voir infra ). Néanmoins, à la différence du PIA 3 pour lequel aucun crédit de paiement n'était prévu l'année de lancement, la création du PIA 4 s'est accompagnée de l'ouverture de 2 063 millions d'euros de crédits de paiement dès 2021 6 ( * ) , à savoir 1 500 millions d'euros pour le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » et 562,5 millions d'euros pour le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation ».

3. Une gestion des crédits dérogeant largement aux règles budgétaires

Les règles budgétaires applicables au PIA 3 et au PIA 4 dérogent largement aux grands principes des finances publiques , à commencer par les principes d'annualité et d'universalité budgétaires.

Ainsi, les crédits inscrits ne sont pas soumis à la régulation budgétaire et, de ce fait, ne peuvent faire l'objet de mise en réserve .

Par ailleurs, la gestion des crédits du PIA reste très largement extrabudgétaire :

- les fonds sont directement versés aux opérateurs , sans transiter par le budget des ministères ;

- les décisions d'investissement ou de réallocation sont prises par le Premier ministre, si bien que les ministres ou directeurs d'administration ne sont pas les ordonnateurs des crédits ;

- les procédures d'allocation des investissements sont plus sélectives et innovantes que les procédures administratives classiques.

Enfin, la mission « Investissements d'avenir » ne fait pas l'objet de lettre de cadrage dans le cadre du projet de loi de finances.

B. UN PIA 3 DOTÉ DE 10 MILLIARDS D'EUROS, STRUCTURÉ EN 3 PROGRAMMES ET INTÉGRÉ AU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT

Contrairement à la structuration par thématiques qui avait présidé à l'élaboration des précédents PIA, les trois priorités du PIA 3 ont été structurées selon une logique « d'amont vers l'aval » , déclinée dans les trois programmes de la mission :

- le programme 421, doté de 2,9 milliards d'euros en AE en loi de finances initiale pour 2017 soutient les progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- le programme 422, bénéficiant d'une enveloppe de 3 milliards d'euros en AE, finance la valorisation de la recherche ;

- le programme 423, portant 4,1 milliards d'euros en AE, vise l'accélération de la modernisation des entreprises .

Répartition des autorisations d'engagement du PIA 3 en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Actions

AE 2017 (actualisés) 7 ( * )

Programme 421 Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche

Nouveaux cursus à l'université

280

Programmes prioritaires de recherche

400

Équipements structurants pour la recherche

340

Soutien des grandes universités de recherche

700

Constitution d'écoles universitaires de recherche

300

Création expérimentale de "sociétés universitaires et de recherche"

250

"Territoires d'innovation pédagogique

277

Total programme 421

2 547

Programme 422
Valorisation de la recherche

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

Fonds national post-maturation "frontier venture"

500

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

1 774

Nouveaux écosystèmes d'innovation

125

Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants

960

Total programme 422

3 509

Programme 423
Accélération de la modernisation des entreprises

Soutien à l'innovation collaborative

600

Accompagnement et transformation des filières

1 181

Industrie du futur

0

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

91

Concours d'innovation

388

Fonds national d'amorçage n° 2

500

Fonds à l'internationalisation des PME

100

Fonds de fonds "Multicap croissance" n° 2

600

Grands défis

650

Total programme 423

4 110

TOTAL POUR LA MISSION

10 166

Source : projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances
pour 2019

À la suite du changement de majorité, et suivant les préconisations du rapport « Pisany-Ferry 8 ( * ) », le PIA 3 était intégré au Grand plan d'investissement entre 2018 et 2020, date à laquelle ce dernier a été remplacé par le plan France Relance.

Du Grand plan d'investissement (GPI) au plan France Relance

Le Grand plan d'investissement (GPI), annoncé par le Premier ministre le 25 septembre 2017, prévoyait, sur la période 2018-2022, de mobiliser 57 milliards d'euros sur 4 axes de transformation prioritaires pour le gouvernement : transition écologique, compétences, compétitivité et innovation, et transition numérique de l'État.

Le GPI reposait en grande partie sur la mobilisation d'enveloppes de crédits budgétaires ministériels (33,2 milliards d'euros) et du troisième volet du Programme d'investissements d'avenir (PIA 3, 10,3 milliards d'euros), mais aussi sur le fléchage de crédits de l'Assurance maladie (3,9 milliards d'euros), et enfin des instruments financiers de prêts ou de fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, de Bpifrance, de la Banque européenne d'investissement (BEI) (9,7 milliards d'euros).

Le plan France Relance, doté de 100 milliards d'euros en réponse à la crise sanitaire de 2020, s'est inscrit dans la continuité des principes du GPI en instaurant une gouvernance interministérielle ad hoc et un suivi régulier des résultats et des impacts .

Le plan France Relance , qui reprend une large partie des thématiques du GPI (transition écologique, accès à l'emploi, compétitivité, innovation, santé et État numérique) s'est donc substitué au label GPI .

Source : Jaune budgétaire sur l'évaluation des grands projets d'investissements publics

C. UN PIA 4 PORTANT 20 MLLIARDS D'EUROS, COMPOSÉ DE DEUX PROGRAMMES ET CONTRIBUANT AU PLAN FRANCE RELANCE

Élaboré à la lumière des recommandations formulées en 2019 par le Comité de surveillance des investissements d'avenir 9 ( * ) , le quatrième programme d'investissements d'avenir a partiellement rompu avec la logique poursuivie jusqu'alors s'agissant des PIA .

En effet, composé d'un nombre réduit de programmes et d'actions, le PIA 4 répond à deux finalités distinctes et complémentaires :

- financer des investissements exceptionnels , en suivant une doctrine d'investissement innovant ;

- garantir, grâce à des dotations en capital, un financement pérenne aux écosystèmes d'enseignements supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par le PIA, afin de « faire de la France le terreau le plus fertile en Europe pour les chercheurs et les entrepreneurs » 10 ( * ) .

Le PIA 4 est ainsi doté d'une enveloppe de 20 milliards d'euros , soit deux fois plus que les deux derniers programmes, en provenance de trois sources de financement :

- 16,56 milliards d'euros de crédits budgétaires ouverts au titre de la mission « Investissements d'avenir » ;

- 3,0 milliards d'euros issus des intérêts générés par les dotations non consommables ouvertes dans le cadre des PIA 1 et 2 ;

- 437 millions d'euros correspondant aux revenus annuels générés par le fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

Budgétisation du PIA 4

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

Le PIA 4 devait initialement contribuer à hauteur de 11 milliards d'euros au plan France Relance (voir infra ).

Répartition des autorisations d'engagement du PIA 4 en 2021

(en millions d'euros)

Programmes

Actions

AE 2021

Programme 424 Financement des investissements stratégiques

Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

Maturations de technologies

1 500

Démonstration en conditions réelles

2 500

Soutien au déploiement

3 000

Accélération de la croissance (fonds propres)

2 500

Total programme 424

12 500

Programme 425
Financement structurel des écosystèmes d'innovation

Financement structurel de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche et sa valorisation (ESRI)

1 250

Aides aux entreprises innovantes

2 812,5

Total programme 425

4 063

Total PIA 4 dans mission “Investissements d'avenir”

16 563

Crédits hors mission IA

(dotations non consomptibles des PIA 1 et 2 et intérêts du FII)

3 437

TOTAL PIA 4

20 000

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

D. UNE MISSION BÉNÉFICIANT DE 3,5 MILLIARDS D'EUROS EN 2022, SOIT UN MONTANT INFÉRIEUR À LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE

En 2022, le montant de crédits de paiements demandés pour la mission « Investissements d'avenir » s'élève à 3 505,1 millions d'euros , contre 3 976,0 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2021, soit une diminution de 12 % .

Évolution des crédits de paiement de la mission

(en millions d'euros et en %)

Programmes

AE (actualisés) 11 ( * )

CP 2021
(actualisés) 12 ( * )

CP 2022

Variation 2021/2022

Programme 421

Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche

2 547

220

245

11%

Programme 422
Valorisation de la recherche

3 509

610

845,8

39%

Programme 423
Accélération de la modernisation des entreprises

4 110

924

418,5

-55%

TOTAL PIA 3

10 166

1 724

1 509,3

-14%

Programme 424
Financement des investissements stratégiques

12 500

1 500

1 500

0 %

Programme 425
Financement structurel des écosystèmes d'innovation

4 062

562

496

- 12 %

TOTAL PIA 4

16 562

2 062

1 996

- 3 %

TOTAL mission "Investissements d'avenir"

27 079

3 976,00

3 505,10

- 12 %

Source : projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2022

S'agissant du PIA 3, le budget 2022 est inférieur de 772 millions d'euros à l'objectif fixé dans la programmation triennale 2020-2022 .

Programmation triennale 2020-2022 et au-delà

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

Cet écart s'explique essentiellement par les nombreux redéploiements de crédits effectués depuis 2018, au regard notamment des nouveaux dispositifs qui ont été lancés en réponse à la crise sanitaire.

En effet, selon les informations transmises au rapporteur spécial, près de 1 534 millions d'euros ont ainsi été mobilisés par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) pour faire face à la crise . Étant donné le fonctionnement spécifique du PIA, ces mesures d'urgence ne se sont pas traduites par des ouvertures de crédits supplémentaires, mais par la réorientation de dispositifs existants, ainsi que le redéploiement des crédits entre les différentes actions du PIA 3.

La mobilisation des PIA dans le contexte de la crise sanitaire

Au cours de l'année 2020, le SGPI a pris trois types de mesures complémentaires destinées à soutenir l'économie française :

- la mise en place de mesures d'urgence afin d'adapter les dispositifs et les modalités de financement des lauréats du PIA ;

- le lancement de dispositifs spécifiques afin de soutenir les entreprises en difficulté et la recherche en santé ;

- le soutien accordé à certaines filières pour la reprise.

S'agissant des mesures d'urgence , les appels à projets du PIA ont été prolongés , afin de permettre aux porteurs de projets de candidater sur une durée plus longue. Dans le même temps, les remboursements des avances octroyées aux entreprises ont fait l'objet de reports allant jusqu'à 6 mois.

Le versement de près de 250 millions d'euros d'aides à l'innovation a été accéléré , les opérateurs ayant la possibilité de verser par anticipation, pour un montant allant jusqu'à 80 % de l'aide totale, les tranches encore non distribuées pour les dossiers déjà validés.

Enfin, une enveloppe de 160 millions d'euros a été consacrée au financement des start-ups en cours de levée de fonds . De la même manière, près de 45 millions d'euros ont été mobilisés pour renforcer les fonds propres des entreprises impactées par la crise, via le fonds de renforcement des petites et moyennes entreprises (FRPME).

Des dispositifs spécifiques ont également été créés pour les entreprises en difficulté ou en mesure de développer des solutions innovantes face à la crise. Près de 300 millions d'euros ont ainsi été mobilisés en faveur de la recherche et de la production de traitements contre le Covid-19, par le biais de deux dispositifs - un appel à projets pour développer des solutions thérapeutiques contre le Covid-19 dans le cadre de l'action « Soutien à l'innovation collaborative », un appel à manifestation d'intérêt intitulé « Capacité building » pour soutenir les projets innovants dont le potentiel repose sur le développement de nouvelles capacités de fabrication en France - et du concours d'innovation i-Nov , qui s'est adapté pour se mettre au service du monde médical .

Enfin, le SGPI a dégagé des moyens financiers pour accompagner la transformation de l'appareil productif français ainsi que le développement de nouvelles solutions pour l'industrie et la transition écologique . Une enveloppe de 450 millions d'euros a permis de prolonger les financements des Instituts de recherche technologique (IRT) et des Instituts pour la transition énergétique (ITE), tandis que 100 millions d'euros ont été consacrés à l'innovation dans les filières industrielle, par le biais des aides aux projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC).

En parallèle, le PIA a contribué aux différents plans de relance sectoriels :

- le plan automobile a bénéficié de 150 millions d'euros, afin de soutenir en urgence l'activité de recherche et développement des industriels de l'automobile ;

- le plan aéronautique s'est vu doté de près de 135 millions d'euros, dont notamment 70 millions d'euros pour financer les premiers travaux préfigurateurs du lancement d'une nouvelle gamme d'avion commerciaux à propulsion hydrogène d'ici 2035 ;

- le plan Tech a été soutenu par la création d'une enveloppe « French Tech Souveraineté » de 150 millions d'euros pour soutenir les entreprises développant des technologies d'avenir à caractère souverain.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

S'agissant du PIA 4, l'échéancier initial des crédits de paiement prévoyait l'ouverture de 3 938 millions d'euros en 2022 , soit un montant près de deux fois supérieur au budget pour 2022 , qui s'élève à 1 996 millions d'euros.

Échéancier des crédits de paiement du PIA 4

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cet écart traduit notamment l'adoption d'une nouvelle méthode de comptabilisation pour suivre la participation des investissements d'avenir au plan de relance, se fondant sur les engagements opérationnels autorisés auprès des bénéficiaires, et non plus sur les crédits de paiement exécutés (voir infra ). Dans ce contexte, le rythme d'ouverture des crédits de paiement du PIA 4 a été revu à la baisse, et davantage lissé dans le temps.

II. PLUS DE QUATRE ANS APRÈS SON LANCEMENT, UN PIA 3 AMORÇANT DÉSORMAIS SA DERNIÈRE LIGNE DROITE

Entre 2018 et 2020, plus de 4,70 milliards d'euros de crédits de paiement ont été exécutés pour couvrir les 10,16 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes en 2017 13 ( * ) , auxquels s'ajoutent les 1,75 milliards d'euros de CP votés en loi de finances initiale pour 2021 .

Partant, au 31 décembre 2021 - et nonobstant les aléas de l'exécution 2021 - la couverture en CP des AE initiales s'élèvera à 63,5 % , seules 36,5 % des AE restant à exécuter, c'est-à-dire 3,703 milliards d'euros.

Consommation des crédits de paiement du PIA 3

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Le PIA 3 est par ailleurs engagé à hauteur de 6,3 milliards d'euros, contractualisé à hauteur de 4,9 milliards d'euros et décaissé à hauteur de 1,7 milliard d'euros .

État d'avancement du PIA 3

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Enfin, selon les informations transmises au rapporteur spécial, la quasi-totalité du PIA 3 est à ce jour programmée - c'est-à-dire que les crédits qui ne sont pas encore décaissés sont fléchés vers des dispositifs ouverts, en cours de lancement ou d'instructions.

Dans ce contexte, l'année 2022 devrait être caractérisée par :

- un ralentissement du versement des crédits de paiement , dont près des deux tiers auront été ouverts d'ici la fin de l'année 2021. Des crédits de paiement en subventions et en fonds resteront à verser jusqu'en 2023 mais au-delà de cette date, seuls les crédits de paiement en dotations décennales seront à ouvrir - et ce au maximum jusqu'en 2028 ;

- une intensification des décaissements , puisqu'une grande partie des fonds a d'ores et déjà été engagée et que le plan de relance implique des versements à très courte échéance. Ainsi, en un an - entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 - 1 milliard d'euros ont été décaissés par les opérateurs du PIA.

Tous les programmes n'en sont néanmoins pas au même stade d'avancement, comme le montre le graphique suivant.

Taux de couverture des AE en CP du PIA 3

(en %)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

A. LE PROGRAMME 421 « SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE » : UNE PROGRESSION MODÉRÉE DES CRÉDITS ALLANT DE PAIR AVEC UNE PROGRAMMATION ENCORE PARTIELLEMENT INACHEVÉE

Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » a pour objectif de soutenir l'émergence d'acteurs répondant aux meilleurs standards internationaux dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche , par le biais notamment des Initiatives d'excellence (IDEX), Laboratoires d'excellence (LABEX), Équipements d'excellence (IDEX) et Initiatives d'excellence en formations innovantes (IDEFI).

Les crédits de paiement demandés pour 2022 ont essentiellement vocation à financer la poursuite des dispositifs existants qui sont, pour la majorité, en phase de contractualisation ou de mise en oeuvre.

Évolution des crédits du programme 421
« Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche »

(en millions d'euros)

Actions

AE (actualisés) 14 ( * )

CP 2021

CP 2022

Taux de couverture des AE en 2022

Nouveaux cursus à l'université

280

35

25

52,5%

Programmes prioritaires de recherche

400

35

45

45,8%

Équipements structurants pour la recherche

340

40

45

52,9%

Soutien des grandes universités de recherche

700

30

70

30,7%

Constitution d'écoles universitaires de recherche

300

30

30

43,3%

Création expérimentale de "sociétés universitaires et de recherche"

250

0

0

40,0%

Territoires d'innovation pédagogique

277

50

30

60,3%

Total

2 547

220

245

44,1%

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cependant, trois actions ne sont pas encore finalisées : l'action 02 « Programmes prioritaires de recherche » (PPR), l'action 03 « Équipements structurants pour la recherche » et l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique ».

S'agissant des PPR, tous les dispositifs ne sont pas encore clôturés ; ainsi, les appels à projets relatifs aux programmes « Océan et Climat » et « Autonomie : vieillissement et situations de handicaps » sont actuellement en phase de dépôt, tandis que le programme portant sur l'antibiorésistance est en cours de finalisation. En parallèle, les PPR relatifs aux sciences pour l'éducation et aux outre-mer n'ont pas encore été initiés.

Pour ce qui est de l'action 03 , destinée à financer des équipements d'envergure nationale au service de la recherche scientifique (stockage de données, transition numérique, etc.), le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt de 224 millions d'euros en décembre 2019 a abouti à la sélection de 52 projets au premier semestre 2021, pour une enveloppe de 460 millions d'euros. Ces derniers sont actuellement en cours de contractualisation.

Enfin, l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » a subi de nombreux redéploiements de crédits , se traduisant par une nette diminution de sa dotation initiale , de 500 millions d'euros en 2017 à 277 millions d'euros en 2021. Si tous les appels à projets sont désormais clôturés et en cours de mise en oeuvre, un appel à manifestation « Établissements de service » visant à développer l'action publique territoriale en matière d'éducation et de formation, demeure ouvert, pour un montant de 6 millions d'euros.

A contrario , les différents dispositifs relevant des actions 01 « Nouveaux cursus à l'université », 04 « Grandes universités de recherche » et 05 « Constitution d'écoles universitaires de recherche » sont désormais finalisés ; ils bénéficieront en 2022 d'un abondement conforme à la trajectoire prévue en dotations décennales.

Enfin, l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques », ne bénéficie d'aucune ouverture de crédits de paiement en 2022, dans l'attente d'une éventuelle réorientation . En effet, seuls trois dossiers ont été déposés en réponse à l'appel à manifestation d'intérêt ouvert en 2018.

B. LE PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE » : UN ABONDEMENT CONSÉQUENT EN 2022

Le programme 422 « Valorisation de la recherche » vise à faciliter l'appropriation de l'innovation par tous les acteurs. Il a donc vocation, en premier lieu, à poursuivre l'accompagnement des structures d'innovation et de transfert de technologie créées lors des PIA 1 et 2 - qu'il s'agisse des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) ou des instituts hospitalo-universitaires (IHU). En parallèle, il est également destiné à accompagner les territoires dans le domaine de la transition écologique, tout en apportant un soutien aux travaux sur le nucléaire de demain, à travers notamment les expérimentations et les démonstrateurs.

Les crédits de paiement demandés pour 2022 s'élèvent à 846 millions d'euros , contre 610 millions d'euros en 2021 (+ 39 %).

Évolution des crédits du programme 422 « Valorisation de la recherche »

(en millions d'euros)

Actions

AE (actualisés) 15 ( * )

CP 2021

CP 2022

Taux de couverture des AE en 2022

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

20

50

100,0%

Fonds national post-maturation "frontier venture"

500

0

150

80,0%

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

1 774

245

309

87,3%

Nouveaux écosystèmes d'innovation

125

45

6,8

80,6%

Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants

960

300

330

89,6%

Total

3 509

610

845,8

87,2%

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Parmi les éléments saillants de la budgétisation pour 2022, figure l'ouverture d'une enveloppe de 150 millions d'euros en fonds propres pour le Fonds national post-maturation « Frontier Venture » (action 02), géré par Bpifrance, pour soutenir les start-up en phase de post-maturation, conformément à la convention conclue par l'État et Bpifrance 16 ( * ) .

Les crédits de paiement alloués à l'action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants », qui concentre 30 % des AE du programme, connaissent également une progression notable, puisque 237 millions d'euros seront ouverts au profit du plan « Nano 2022 », opéré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et doté de 368 millions d'euros en AE.

Enfin, 309 millions d'euros de CP sont prévus pour l'action 03 « Territoires d'innovation » . Ce montant a notamment vocation à abonder :

- le volet « Démonstrateurs », pour un montant de 155 millions d'euros . En effet, dans le cadre de la stratégie nationale Hydrogène, un appel à projets relatif aux « Briques technologiques et démonstrateurs H2 » a été lancé en 2020, afin de préfigurer les futurs soutiens du PIA 4. Doté de 90 millions d'euros, il est actuellement en cours d'instruction, de même que 15 projets de démonstrateurs innovants en réponse à des appels à projets génériques et ciblés ;

- le volet « Nucléaire de demain », pour un montant de 84 millions d'euros. Cette dotation constitue le dernier versement réalisé auprès de l'ANR pour financer la construction du réacteur Jules Horowitz.

C. LE PROGRAMME 423 « ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES » : UNE BUDGÉTISATION TRADUISANT UN ÉTAT AVANCÉ DE CONSOMMATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » vise à accompagner les entreprises dans les réponses aux grands défis économiques auxquels elles sont confrontées. Pour 2022, 418,5 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés , contre 924 millions d'euros en 2021 (- 55 %).

Évolution des crédits du programme 423
« Accélération de la modernisation des entreprises »

(en millions d'euros)

Actions

AE (actualisés) 17 ( * )

CP 2021

CP 2022

Taux de couverture des AE en 2022

Soutien à l'innovation collaborative

600

144

91

76,5%

Accompagnement et transformation des filières

1 181

484

70

93,5%

Industrie du futur

0

0

0

0 %

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

91

6,7

7,5

91,4%

Concours d'innovation

388

89

0

100,0%

Fonds national d'amorçage n° 2

500

0

150

100,0%

Fonds à l'internationalisation des PME

100

0

0

100,0%

Fonds de fonds "Multicap croissance" n°2

600

100

0

100,0%

Grands défis

650

100

100

84,6%

Total

4 110

924

418,5

92,1%

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette budgétisation est révélatrice de l'état avancé de la consommation des crédits du programme, qui touche désormais à sa fin, les nouveaux dispositifs ayant désormais vocation à être financés par le PIA 4. En effet, quatre actions ne bénéficieront d'aucun crédit de paiement en 2022 :

- l'action 03 « Industrie du futur » , dont les crédits ont fait l'objet de redéploiements vers l'action « Concours d'innovation » et le plan « Nano 2022 » ;

- l'action 05 « Concours d'innovation » , dont les vagues 5 et 6 ont permis de financer 131 projets pour un montant de 76 millions d'euros, tandis que l'intégralité des crédits de paiement a été versée pour la vague 7, initiée au début de l'année 2021. Tous les nouveaux dispositifs - et notamment la vague 8 en préparation - seront désormais financés via le volet structurel du PIA 4 ;

- l'action 07 « Fonds à l'internationalisation des PME » ; le Fonds n'ayant pas trouvé son marché, il y est mis fin de façon anticipée ;

- l'action 08 « Fonds de fonds Multicap croissance n°2 », pour lequel il ne reste aucun CP à verser ; en effet, le succès rencontré par ce fonds a conduit à accélérer le rythme de financement pour atteindre dès 2019 la capacité d'investissement totale de 400 millions d'euros.

En parallèle, plusieurs actions ont été particulièrement sollicitées dans le contexte de la crise sanitaire ; les appels à projets sont désormais clôturés, et les nouveaux dispositifs ont désormais vocation à être décidés dans le cadre du volet dirigé du PIA 4. Néanmoins, des crédits de paiement sont demandés pour 2022, afin de financer les projets contractualisés ou en cours de mise en oeuvre :

- l'action 01 « Soutien à l'innovation collaborative » devrait ainsi bénéficier de 91 millions d'euros pour financer les projets retenus dans le cadre des appels à projets « nouvelles solutions thérapeutiques » ;

- l'action 02 « Accompagnement et transformation des filières » , qui a permis de financer, à hauteur de 165 millions d'euros, des projets liés à la fabrication de médicaments impliqués dans la prise en charge des patients Covid-19, se voit doté de 50 millions d'euros en subventions.

Les ouvertures de crédits les plus significatives, dans ce contexte, concernent :

- d'une part, à hauteur de 150 millions d'euros , l'action 06 « Fonds national d'amorçage n°2 » , dotée de 500 millions d'euros en AE, couverts à ce jour à hauteur de 350 millions d'euros en CP, afin de permettre la souscription de la dernière tranche ;

- d'autre part, à hauteur de 100 millions d'euros, le volet « Global Tech » de l'action 09 « Grands défis », qui vise à apporter des capitaux massifs à des fonds d'investissement prenant des participations dans des sociétés technologiques cotées.

III. UN PIA 4 DONT LES CONTOURS SE SONT PRÉCISÉS EN 2021, LAISSANT AUGURER D'UNE ACCÉLÉRATION EN 2022

A. UNE ARCHITECTURE JURIDIQUE ET UNE GOUVERNANCE DÉSORMAIS FINALISÉES

1. La signature des conventions entre l'État et les opérateurs, rendant possible la consommation des autorisations d'engagement ouvertes en 2021

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, le premier semestre 2021 a été essentiellement consacré à l'adoption du cadre juridique applicable au PIA 4 , préalable à la mise en oeuvre par action et au lancement des premiers appels à projets.

L'architecture juridique applicable au PIA 4 a été profondément réformée, et repose dorénavant sur un nombre restreint de conventions entre l'État et les opérateurs , quand les précédents programmes étaient régis par plus de 110 conventions sur la partie subventionnelle. Ainsi :

- une première convention encadre les dispositions communes relatives à la mise en oeuvre du PIA 4 (modalités de gouvernance et d'évaluation, mobilisation des différents outils, etc.). Cette convention a été adoptée et publiée au Journal officiel 18 ( * ) ;

- une convention par action budgétaire , conclue entre l'État et les opérateurs concernés, fixe le cadre général d'intervention (nature de l'action, gouvernance et procédure de sélection des projets, dispositions financières et comptables, suivi) ; à l'exception des conventions plus spécifiques encadrant les fonds propres - qui selon les informations transmises au rapporteur spécial, devraient être finalisées d'ici la fin de l'année 2021 - toutes les conventions par action budgétaire ont été adoptées et publiées au Journal officiel ;

- une convention financière par opérateur détermine les coûts de mise en oeuvre des actions, déterminés selon un référentiel refondu et forfaitaire. Ces dernières sont encore en cours d'élaboration .

L'adoption de ce nouveau cadre juridique devrait permettre de consommer en grande partie les 16,56 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale pour 2021.

En parallèle, la répartition des enveloppes par action et par opérateur a également été affinée ; l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations se verront ainsi attribuer respectivement 1,95 milliard d'euros, 5,05 milliards d'euros, 5,74 milliards d'euros et 1,32 milliard d'euros au titre du PIA 4 - 2,5 milliards d'euros restant à répartir au titre de l'action 05 « Accélération de la croissance ».

Enveloppes au 30 juin 2021 par opérateur

(en millions d'euros)

Ademe

ANR

BPI

CDC

Total

Programme 424 - Financement des investissements stratégiques

1 950

4 050

3 000

1 000

12 500

Programmes et équipements prioritaires de recherche

-

3 000

-

-

3 000

Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

200

700

600

-

1 500

Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

750

150

900

700

2 500

Soutien au déploiement

1 000

200

1500

300

3 000

Accélération de la croissance

En cours

2 500

Programme 425 - Financement des écosystèmes d'innovation

-

1 000

2 738

325

4 063

Financement structurel de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche et sa valorisation

-

1 000

-

750

1 250

Aides à l'innovation « bottom-up »

-

-

2 738

75

2 813

Total mission « Investissements d'avenir »

1 950

5 050

5 738

1 325

16 563

Source : commission des finances, à partir des documents transmis par le SGPI.

2. La mise en place d'une nouvelle gouvernance, faisant intervenir un échelon interministériel de supervision

Le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir s'est accompagné de l'élaboration d'une nouvelle gouvernance. Ainsi, un nouvel échelon de supervision a été créé, avec le Conseil interministériel de l'innovation , présidé par le Premier ministre. En parallèle, le Comité de surveillance du PIA s'est vu reconnaître une mission de conseiller du Gouvernement sur les choix d'investissement.

Toujours au niveau central, un comité exécutif , présidé par le secrétaire général pour l'investissement et réunissant plusieurs directions ministérielles (la direction générale des entreprises, le commissariat général au développement durable et la direction générale de la recherche et de l'innovation) se réunit tous les mois, afin notamment de valider les stratégies d'accélération et de suivre leur mise en oeuvre.

À ce comité exécutif s'ajoutent, pour le volet dirigé uniquement, des comités stratégiques - un par stratégie d'accélération - ainsi que des comités techniques . Enfin, pour chaque stratégie, un coordinateur national a été désigné, pour assurer la responsabilité de la mise en oeuvre opérationnelle du programme. Chaque coordinateur s'appuie sur un groupe d'experts, et vient régulièrement rendre compte devant le comité exécutif.

B. UN VOLET « DIRIGÉ » DONT LES GRANDES LIGNES SEMBLENT DÉSORMAIS ARRÊTÉES, EN DÉPIT D'UNE BUDGÉTISATION ENCORE TRÈS INDICATIVE

1. Des stratégies d'accélération en cours de finalisation

Doté de 12,5 milliards d'euros dont 2,5 milliards d'euros en fonds propres, le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » a vocation à financer des investissements exceptionnels sur l'ensemble du continuum de l'innovation .

En pratique, ce programme ambitionne donc de cibler certains secteurs, marchés ou technologies qui sont considérés comme prioritaires pour la résilience et la souveraineté de notre économie, ou pour la transition écologique et énergétique.

Le soutien apporté à ces secteurs s'inscrit dans le cadre de stratégies d'accélération cohérentes permettant de mobiliser tous les leviers de l'intervention publique de manière coordonnée , qu'il s'agisse de la fiscalité, les efforts de recherche, le besoin de formation, mais également les normes juridiques applicables.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, un certain nombre de stratégies étaient évoquées, mais aucune n'avait été officiellement validée. Dans le budget 2022, le volet « dirigé » tend néanmoins à se préciser, puisqu'à ce jour, 19 stratégies ont été validées par le comité exécutif du Conseil interministériel de l'innovation, dont 10 ont pu faire l'objet d'annonces politiques :

- technologies quantiques ;

- cybersécurité ;

- hydrogène décarboné ;

- enseignement et numérique ;

- ville durable et bâtiments innovants ;

- biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes ;

- maladies infectieuses émergentes - menaces nucléaires radiologiques et chimiques ;

- santé numérique ;

- 5G et futures technologies de télécommunication ;

- recyclage et réincorporation de matériaux recyclés.

En parallèle, les stratégies suivantes n'ont pour l'instant fait l'objet d'aucune annonce, ou sont encore en cours d'élaboration :

- décarbonation de l'industrie ;

- industries culturelles et créatives françaises ;

- produits biosourcés - carburants durables ;

- technologies avancées pour les systèmes énergétiques ;

- alimentation durable et favorable à la santé ;

- systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique ;

- digitalisation et décarbonation des mobilités ;

- cloud ;

- verdissement numérique.

2. Une budgétisation peu étayée, témoignant d'un programme encore en cours de construction

Le volet dirigé du PIA 4 présente donc la particularité de ne pas être sectorisé , contrairement à la pratique retenue jusqu'alors ; en effet les crédits portés par les PIA 1, 2 et 3 faisaient l'objet d'une répartition sectorielle , chaque ligne budgétaire renvoyant à une action spécifique (la création de nouveaux cursus à l'université), une structure bénéficiaire (par exemple les SATT) ou une politique publique (enseignement supérieur, recherche, transport, défense, etc.)

Le PIA 4 ambitionnant de soutenir les innovations selon leur degré de maturité , de l'amont vers l'aval, les cinq actions composant le programme 424 correspondent à des outils de financement distincts, ayant vocation à être mobilisés à tour de rôle dans le cadre du déploiement de chacune des stratégies d'accélération .

Répartition par actions des crédits du programme 424

(en millions d'euros)

Niveau d'intervention sur le continuum de l'innovation

Actions

AE

Sélection et financement des projets de recherche en amont, pour construire le leadership français

01 - Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

Soutien des programmes d'innovation de rupture, permettant de lever des verrous technologiques et aide à la valorisation

02 - Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500

Financement des premières commerciales, accompagnement des expérimentations en conditions réelles, développement d'incubateurs thématisés

03 - Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

2 500

Vérification de l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations afin de permettre leur déploiement à grande échelle

04 - Soutien au déploiement

3 000

Intervention en fonds propre, sur la phase aval

05 - Accélération de la croissance (fonds propres)

2 500

Total

12 500

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Concrètement, les stratégies d'innovation adoptées peuvent mobiliser les lignes budgétaires suivantes :

- « Programmes et équipements prioritaires de recherche », pour un montant total de 3,0 milliards d'euros sur 5 ans, afin de sélectionner et financer des projets de recherche. Cet instrument, qui s'inscrit dans la continuité des actions menées dans le PIA 3, est mis en oeuvre par l'Agence nationale de la recherche (ANR) , dans le cadre d'une convention avec l'État ;

- « Maturation de technologies, R&D et valorisation de la recherche », action dotée de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, et mise en oeuvre conjointement par l'ANR et Bpifrance, permettant de soutenir des programmes d'innovation de rupture sur le modèle des « grands défis » financés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), mais aussi d'accompagner des projets de recherche portés par des entreprises en partenariat avec des laboratoires de recherche publique ;

- « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales », action s'inscrivant dans le prolongement des actions du PIA 3 (notamment les « territoires d'innovation »), opérée par Bpifrance, l'Ademe et la Banque des territoires et bénéficiant de 2,5 milliards d'euros . Cet instrument a vocation à financer les premières commerciales (industrielles et de services), de façon à démontrer la viabilité des innovations dont les verrous technologiques ont été levés et d' accompagner les expérimentations en conditions réelles.

- « Soutien au déploiement », action disposant d'une enveloppe de 3,0 milliards d'euros. Ayant vocation à garantir l'effectivité des conditions de diffusion et d'adoption des innovations, permettant d'envisager un déploiement à grande échelle et de renforcer la souveraineté des modèles sur certaines chaînes de valeur stratégique, elle sera opérée selon les secteurs et les stratégies par Bpifrance, l'ANR, l'Ademe et la Banque des territoires.

Alors que les quatre premières actions constituent des instruments subventionnels, la dernière action « Accélération de la croissance » , prévoit une intervention en fonds propres , à hauteur de 2,5 milliards d'euros .

En 2022, comme en 2021, 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement sont demandés au titre du volet dirigé . Au sein de chaque action, ces crédits ont vocation à être répartis entre les opérateurs au pro-rata de l'enveloppe totale qui leur est affectée.

Évolution des crédits du programme 424

(en millions d'euros)

Actions

AE 2021

CP 2021

CP 2022

Variation 2021/2022

01 - Programmes et équipements prioritaires de recherche

3 000

300

300

0%

02 - Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche

1 500

150

150

0%

03 - Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales

2 500

250

250

0%

04 - Soutien au déploiement

3 000

300

300

0%

05 - Accélération de la croissance

2 500

500

500

0%

Total

12 500

1 500

1 500

0 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ces crédits de paiement ont vocation à financer les premiers engagements pris par les opérateurs du PIA ; en effet, plusieurs dispositifs ont été lancés au cours de l'année 2021 - même si aucun projet n'a encore été contractualisé ou décaissé :

- un premier appel à projet mené dans le cadre de l'action 01 « Programmes et équipements prioritaires de recherche », a permis de sélectionner quatre « stratégies exploratoires » sur la vingtaine de stratégies qui devraient in fine bénéficier d'un financement, chacune donnant lieu au lancement d'appels à projets ou appels à manifestation d'intérêt ;

- l'action 02 « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » a financé le lancement de plusieurs appels à projets au titre de la stratégie « Cybersécurité » (« Développement de technologies innovantes critiques », « Mutualisation et valorisation des données d'intérêt cyber » et « Projets innovants sur le Campus Cyber »). En parallèle, des procédures sont en cours de préparation pour les stratégies « quantique », « nucléaire » et « recyclabilité » ;

- enfin, plusieurs dispositifs ont été ouverts au titre de crédits inscrits sur les actions 03 « Démonstration en conditions réelles, amorçage et premières commerciales » et 04 « Soutien au déploiement » , comme l'appel à manifestation « Démonstrateurs numériques dans l'enseignement supérieur », qui s'inscrit dans la stratégie « Enseignement numérique », l'appel à projets « Solutions innovantes pour l'amélioration de la recyclabilité, le recyclage et la réincorporation des matériaux », qui participe de la stratégie éponyme ou encore un appel à projets « Industrialisation de produits et systèmes constructifs bois et autres biosourcés », dans le cadre de la stratégie « Solutions pour la Ville Durable et les Bâtiments Innovants ».

Il ressort néanmoins des auditions menées par le rapporteur spécial que le contenu de ces actions demeure encore très indicatif, les dispositifs étant encore, pour la plupart, en cours de construction . Ainsi, les dotations allouées aux différents appels à projets sont encore sujettes à discussion - les stratégies nationales n'ayant pas encore toutes été dévoilées.

Cela est encore plus vrai dans le cas de la dernière action, « Accélération de la croissance », pour laquelle les instruments envisagés n'ont pas encore été arrêtés . Selon les informations transmises au rapporteur spécial, trois fonds auraient vocation à prendre le relais des structures créées au titre du PIA 3 - à savoir un Fonds national d'amorçage n°3, un Fonds multicap croissance n°4 et un Fonds French Tech Souveraineté, prévoyant un dispositif d'investissements directs de l'État dans des entreprises technologiques.

En parallèle serait créé un fonds successeur du fonds Ecotech et du fonds « Ville de demain », pour couvrir toutes les classes d'actifs.

Enfin, les documents budgétaires précisent qu'une enveloppe dont le montant n'est pas encore été arrêté aura vocation à constituer une dotation de flexibilité sur les 5 ans du PIA , dans l'hypothèse où un besoin non identifiable aujourd'hui viendrait à émerger.

C. UN VOLET « STRUCTUREL » DESTINÉ À RENDRE PLUS LISIBLE LE FINANCEMENT DES ÉCOSYSTÈMES DE RECHERCHE ET D'INNOVATION

Le programme 425 « Financement des écosystèmes d'innovation », entend répondre à deux critiques récurrentes adressées aux programmes d'investissements d'avenir, à savoir :

- l'éclatement entre plusieurs programmes et missions, des sources de financement de l'innovation et de la recherche ;

- la fluctuation des moyens alloués aux différents dispositifs.

Ce second volet, doté de 4,062 milliards d'euros en autorisations d'engagement, poursuit donc deux objectifs .

L'action 01 « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation » vise en premier lieu à garantir un financement récurrent et constant aux structures de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation issues des précédents PIA (instituts et projets de recherche hospitalo-universitaires, instituts de recherche technologique, instituts de transition énergétique, organismes partenariaux réunissant industriels et acteurs de la recherche publique, sociétés d'accélération de transfert de technologies, etc.)

Cette action bénéficie de 1,25 milliard d'euros de crédits budgétaires sur 5 ans, auxquels s'ajoutent les intérêts des dotations non consomptibles (DNC) issues des PIA 1 et 2, pour un montant de 3 milliards d'euros entre 2021 et 2025 .

L'enveloppe totale allouée à ces structures s'élève donc in fine à 4,25 milliards d'euros , ce qui correspond à un budget annuel de 850 millions d'euros.

Financement des écosystèmes d'innovation (action 01)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En parallèle, le programme 425 a vocation à centraliser les aides publiques aux entreprises innovantes , auparavant portées par différents instruments : le PIA 3 (notamment dans sa partie régionalisée), les budgets interministériels et les intérêts du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

C'est l'objet de l'action 02 « Aides à l'innovation bottom-up », pour laquelle 2,812 milliards d'euros (en AE) sont inscrits, auxquels s'ajouteront les intérêts annuels du FII, pour un montant de 87,5 millions d'euros par an 19 ( * ) .

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, à ce jour, les autorisations d'engagement ouvertes sur ce programme ont été consommées sur décision du Premier ministre - modulo une marge réservée à l'ajustement en fonction revenus effectifs du FII - tandis que les premiers crédits de paiement ont été versés aux opérateurs.

Dans ce contexte, les crédits de paiement demandés pour 2022 s'élèvent à 487,5 millions d'euros , contre 562,5 millions d'euros en 2021.

Évolution des crédits du programme 425

(en millions d'euros)

Actions

2021

2022

Financement de l'écosystème ESRI et valorisation

AE

1 250

0

CP

125

125

Aides à l'innovation « Bottom-up »

AE

2 812,5

11,0

CP

437,5

362,5

Total

AE

4 062,5

11,0

CP

562,5

495,8

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

1. Une enveloppe de 125 millions d'euros pour la mise en oeuvre de trois appels à projets sur le volet « Financement de l'écosystème ESRI »

Selon les documents budgétaires, les 1,25 milliard d'euros dévolus à l'action 01 « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation » seront alloués dans le cadre de trois nouveaux dispositifs :

- un appel à projets « ExcellencES » , opéré par l'Agence nationale de la recherche, lancé en juin 2021 et doté de 800 millions d'euros , visant à soutenir les projets de transformation des établissements d'enseignement supérieur. Un montant de 400 millions d'euros doit être consacré aux projets portés par des établissements qui ne sont pas parties prenantes d'une initiative d'excellence labellisée IdEX ou ISITE ;

- un appel à projets dédié à soutenir la « diversification des ressources des établissements d'enseignement supérieur et de recherche », également opéré par l'ANR et doté d'une enveloppe allant de 200 à 250 millions d'euros sur 5 ans . Ce dernier, qui a vocation à accompagner la création ou la transformation des services dédiés à l'accompagnement dans le montage des projets et à abonder les financements reçus par les établissements, devrait être publié d'ici la fin de l'année 2021 ;

- un appel à manifestation d'intérêt portant sur les « Nouvelles formes scolaires », opéré par la Caisse des dépôts et consignations et doté d'un montant de l'ordre de 200 à 250 millions d'euros sur 5 ans , afin de financer des projets expérimentaux et des démonstrateurs associant des écoles et établissements publics locaux d'enseignement à des partenaires extérieurs dans le but d'améliorer durablement leur fonctionnement.

Les crédits de paiement demandés pour 2022, de l'ordre de 125 millions d'euros en subventions, seront versés à hauteur de 100 millions d'euros à l'Agence nationale de la recherche et de 25 millions d'euros à la Caisse des dépôts et consignations.

2. Une réorganisation opportune des aides à l'innovation

L'action 02 « Aides à l'innovation » est destinée à regrouper les aides à l'innovation , initialement financées depuis plusieurs sources différentes (PIA, budgets ministériels, Fonds pour l'innovation et l'industrie), au sein d'une enveloppe unifiée .

Le PIA 4 réorganise donc ces aides en trois volets distincts, dont la gouvernance est encadrée par trois conventions conclues entre l'État et Bpifrance :

- les aides à l'innovation de Bpifrance dites « aides guichets » , s'adressant aux start-up et PME, afin de financer des études de faisabilité, des travaux de recherche industrielle et/ou de développement expérimental, seront financées à hauteur de 313 millions d'euros par les crédits du programme 425 et à hauteur de 437 millions d'euros par les intérêts du FII, pour un total de 750 millions d'euros sur 5 ans ;

- les aides nationales , qui englobent d'une part les concours d'innovation à destination des start-up et PME et d'autre part, le soutien aux projets structurants de recherche et développement dans tous les secteurs, pour accompagner des projets collaboratifs associant des grandes entreprises avec des PME et ETI, pour un volume cible d'aide de 1,5 milliard d'euros sur 5 ans ;

- les aides régionales (i.e. le volet « territorialisé » du PIA) qui étaient jusqu'à présent réparties au sein de 4 actions du PIA 3, et seront désormais regroupées au sein d'un seul dispositif, géré par Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations, pour un total de 500 millions d'euros.

Répartition des aides à l'innovation « Bottom-up »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

Dans ce contexte, les crédits de paiement demandés pour 2022, qui s'élèvent à 362,5 millions d'euros , seront principalement versés à Bpifrance pour la mise en oeuvre de ces trois volets.

Cette réorganisation des aides à l'innovation présente l'avantage de sanctuariser les montants qui y sont alloués , auparavant sujets à des redéploiements internes au programme 192 - afin, notamment, de financer les dépassements constatés sur le dispositif des Jeunes entreprises innovantes (JEI).

La nouvelle architecture permet également d'identifier clairement les crédits dédiés au volet « régionalisé » , qui sont doublés par rapport au PIA 3 - passant de 250 millions d'euros à 500 millions d'euros pour la part État - et rassemblés en un seul et même dispositif.

À cet égard, le rapporteur note que le cadre juridique général qui vient d'être adopté avec la convention du 13 août 2021 entre l'État, l'EPIC Bpifrance, la société anonyme Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d'investissements d'avenir a vocation à se décliner sous forme de conventions tripartites entre l'État, l'opérateur en charge de la mise en oeuvre et chacune des régions . Ces conventions, actuellement en cours de discussion, constituent un préalable à la mise en oeuvre opérationnelle de ce volet.

Le principe reste toutefois le même que pour le PIA 3 : chaque région choisit, dans un pilotage commun avec l'État, une déclinaison régionale spécifique autour de 4 axes d'intervention (les projets de filière, les projets d'innovation, les projets collaboratifs de R&D et les projets de formation professionnelle). Cependant, en plus des trois volets inclus dans le PIA 3, le PIA 4 régionalisé intègre également les actions des projets structurants pour la compétitivité (PSPC) régionalisés.

Le volet territorialisé du PIA 3

L'enveloppe du PIA 3 régionalisé , dotée de 247,8 millions d'euros par l'État (après redéploiements) répartis sur 3 actions du programme 423, permet à chaque région de choisir, dans un pilotage commun avec l'État, une déclinaison régionale des actions du PIA. L'octroi des financements est codécidé, avec un principe de financement paritaire (1 euro de l'État correspond à 1 euro apporté par la région), si bien que le PIA 3 régionalisé mobilise in fine 500 millions d'euros au profit des entreprises.

Les financements issus de l'État se décomposent en trois volets distincts :

- un volet « projets d'innovation » (action 05 « concours d'innovation ») doté d'une enveloppe de 124,8 millions d'euros , pour la création de guichets, à parité avec les conseils régionaux, pour financer les projets inférieurs à 500 000 euros qui s'inscrivent dans les priorités des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Au 30 juin 2021, 888 entreprises ont été soutenues à parité entre l'État et les régions, la part État atteignant 117 millions d'euros. De nombreux appels à projets sont encore ouverts au niveau des régions associées ;

- un volet « structuration des filières (action 02 « accompagnement et transformation des filières »), bénéficiant de 81,3 millions d'euros . Au 30 juin 2021, 75 projets portés par des entreprises, des pôles de compétitivité et des organismes ont été soutenus, pour une aide totale de 33 millions d'euros ;

- un volet « ingénierie de formation », (action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre) pour lesquels 41,7 millions d'euros sont prévus . Au début de l'année 2021, près de 28 millions d'euros avaient déjà fait l'objet d'un conventionnement avec les régions, 6 appels à projets restant ouverts ou en cours de lancement.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

IV. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LE VOLET « DIRIGÉ » DU PIA 4 : EN DÉPIT D'AVANCÉES INDÉNIABLES DANS L'ÉLABORATION DES STRATÉGIES, UNE BUDGÉTISATION TOUJOURS AUSSI OPAQUE

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, le rapporteur regrettait que le Parlement soit amené à se prononcer sur l'affectation de crédits à des outils de financement, sans savoir au profit de quels secteurs ces derniers seraient in fine mobilisés , la liste des stratégies d'accélération n'étant alors pas arrêtée.

Un an après le lancement du PIA 4, il est indéniable que le volet dirigé s'est largement précisé, avec la présentation détaillée d'une dizaine de stratégies d'accélération. Néanmoins, ce programme n'est pas encore finalisé, puisqu'à ce stade, seuls 6,3 milliards d'euros de stratégies d'accélération ont été formellement validés , sur les 10 milliards d'euros qui y seront finalement consacrés, hors fonds propres.

Dans ce contexte, la répartition des crédits par outil et par stratégie n'a pu être communiquée au rapporteur spécial. La budgétisation pour 2022 revêt donc un caractère particulièrement opaque, puisqu'elle n'indique pas l'emploi des crédits demandés autrement que par outil d'intervention, sans préciser les montants qui seront alloués à chaque stratégie.

Pour le rapporteur spécial, la construction des stratégies « au fil de l'eau » participe d'une intention louable , puisqu'il s'agit d'associer autant que possible les parties prenantes à la définition de ces stratégies, tout en conservant une certaine souplesse quant à l'affectation des moyens du PIA 4.

Il est néanmoins regrettable que, près d'un an après le lancement du PIA 4, le Parlement ne soit pas en mesure de disposer d'une vision d'ensemble des stratégies qui seront déployées , et ce alors même que par construction, la sélection des stratégies et la définition des moyens financiers destinés à les accompagner échappent entièrement à son contrôle.

Cette situation se révèle également préjudiciable pour les opérateurs du programme , puisqu'elle engendre des incertitudes quant au montant de l'enveloppe budgétaire qu'ils devront in fine gérer et partant, sur les moyens humains qu'il leur faudra mobiliser dans les mois à venir.

Dans ce contexte, si la flexibilité de PIA constitue évidemment un atout, le rapporteur spécial rappelle que l'efficacité des actions conduites par les opérateurs et les acteurs économiques dépend également de la visibilité dont ils disposent, ainsi que de la stabilité des financements qui leur sont alloués .

B. UNE PRISE EN COMPTE ACCRUE DES TERRITOIRES, QU'IL CONVIENDRA DE CONFIRMER DANS LES ANNÉES À VENIR

Parmi les principales caractéristiques du PIA 4 figurait le doublement de l'enveloppe « régionalisée » , permettant de cofinancer des projets avec les conseils régionaux, afin d'intensifier la territorialisation des investissements d'avenir, comme le préconisait notamment le Comité de surveillance dans son rapport 20 ( * ) .

Cet effort en faveur d'une territorialisation plus marquée des investissements d'avenir, qui n'en était qu'à ses prémices lors du lancement du PIA 4, tend désormais à se concrétiser.

Ainsi, selon les informations transmises au rapporteur spécial, le SGPI a entrepris plusieurs actions afin de faire connaître les PIA dans les territoires, d'y favoriser l'émergence de projets éligibles à un financement au titre des PIA, et enfin de mieux détecter ces projets.

En premier lieu, un accord de méthode a été signé le 13 janvier 2021 par le Premier ministre et le président de l'association des Régions de France , de manière à pouvoir co-construire le volet régionalisé du PIA 4, mais également les stratégies d'accélération du PIA 4. Ainsi, dans le cadre du volet régionalisé, les décisions seront prises par un comité de pilotage local associant le préfet de région et le président du conseil régional.

En parallèle, l'élaboration des stratégies d'accélération a été précédée d'une large consultation auprès des régions , afin de relever les points de convergence avec les schémas régionaux et la structure socio-économique locale. Le SGPI a également entamé une coopération avec l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, France urbaine, Villes de France et Ville et banlieue à l'appui de la stratégie « Ville durable et bâtiment innovant ». Ces partenariats ont vocation à multiplier les canaux de diffusion de l'information relative au PIA, tout en diversifiant les sources de détection des projets susceptibles de bénéficier d'un financement dans ce cadre.

Enfin, le SGPI s'attache, depuis quelques mois, à renforcer les liens avec les services déconcentrés de l'État , afin de mieux accompagner les projets et encourager le déploiement de partenariats avec les collectivités locales. Travaillant habituellement avec les préfets de régions et les services déconcentrés en région, le SGPI cherche désormais à se rapprocher des préfets de département et à mieux les intégrer dans les démarches de l'État en faveur du développement local.

Ces inflexions, encore très récentes et relativement timides, témoignent de la volonté d'accorder une place accrue aux territoires ; il faudra néanmoins veiller à ce qu'elles se concrétisent effectivement dans les années à venir.

Pour le rapporteur spécial, l'effort de territorialisation des investissements d'avenir doit demeurer une des priorités du SGPI.

C. DEUX POINTS DE VIGILANCE IDENTIFIÉS : L'ALOURDISSEMENT DE LA GOUVERNANCE ET LA MOBILISATION INTENSE DES OPÉRATEURS

Les observations relatives à la mise en route du PIA 4 permettent de dégager deux points de vigilance, qui devront faire l'objet d'un suivi attentif dans les mois à venir : le caractère opérationnel de la gouvernance et la capacité des opérateurs à mener de front de très nombreux dispositifs.

1. Conserver une gouvernance simple et agile pour le PIA 4

La nouvelle gouvernance mise en place dans le cadre du PIA 4 répond, en partie, aux remarques formulées par le Comité de surveillance des investissements d'avenir. La création d'un Conseil interministériel de l'innovation présente ainsi l'intérêt d'associer tous les opérateurs - qui auparavant fonctionnaient en silos - ainsi que plusieurs directions ministérielles - pour garantir une plus grande cohérence dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques d'innovation.

De la même manière, la désignation d'un coordinateur national pour chaque stratégie d'accélération répond à la nécessité d'orienter les acteurs économiques vers les instruments adaptés à leurs besoins, de manière à créer un point d'entrée unique, tout en faisant le lien entre les différents opérateurs.

Néanmoins, la multiplication des instances dans la gouvernance du PIA 4 - conseil interministériel de l'innovation, comité exécutif, comités stratégiques, comités techniques - pourrait, à terme, engendrer des lourdeurs préjudiciables à une mise en oeuvre rapide et fluide des stratégies d'accélération . Il conviendra notamment de veiller à ce que les obligations de « reporting » des opérateurs auprès de ces instances demeurent réalistes.

Plus largement, le succès des programmes d'investissement d'avenir tient en grande partie à l'agilité qui les caractérise ; pour le rapporteur spécial, il importe que la nouvelle gouvernance du PIA 4 demeure simple et efficace .

2. Prévenir tout risque de surchauffe des opérateurs

Les opérateurs du PIA 4 - ANR, Ademe, Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance - ont fait face à une importante surcharge de travail au cours des derniers mois , avec la mise en oeuvre du PIA 3 (pour lequel plusieurs dispositifs doivent encore être initiés), les travaux relatifs à l'élaboration des stratégies du PIA 4, mais aussi la participation au plan d'urgence, puis au plan France Relance, qui se sont traduits par l'ouverture de très nombreux appels à projets en 2021.

Or, il y a fort à craindre que les opérateurs soient tout autant sollicités en 2022. En effet, chaque stratégie d'accélération a vocation à se décliner en plusieurs appels à projets, tandis que de nombreux crédits doivent encore être consommés au titre du plan France Relance.

Dans ce contexte, le SGPI a accompagné les opérateurs dans leurs négociations avec les ministères financiers pour obtenir un relèvement du plafond d'emploi et être en mesure d'embaucher des personnels supplémentaires en 2022 .

L'Agence nationale de la recherche devrait ainsi bénéficier, en 2022, d'une nouvelle augmentation de son plafond d'emploi (+ 44 ETPT), tandis que la Caisse des dépôts et consignations a indiqué qu'elle procéderait un recrutement sur contrats de projets de trente personnes - soit une augmentation de 50 % des effectifs - pour faire face aux besoins supplémentaires. Bpifrance, de son côté, ne se voit pas appliquer de plafond d'emploi, et pourra donc librement procéder à des recrutements.

Une certaine vigilance s'impose néanmoins à l'avenir : les opérateurs doivent être en mesure de remplir correctement les missions qui leurs sont confiées au titre du PIA, en consacrant notamment des effectifs suffisants à l'instruction et au suivi des dossiers - ces derniers devant être rigoureusement sélectionnés pour satisfaire aux critères d'excellence.

Plus largement, la PIA 4 engendre dès à présent une charge de travail conséquente pour les opérateurs, et cette dernière doit être compensée par l'octroi de moyens financiers adéquats. Le rapporteur spécial prendra donc connaissance avec attention de la convention financière sur les frais de gestion conclue entre le SGPI et les opérateurs, définissant les tarifs des différentes prestations fournies par ces derniers, qui devrait être publiée d'ici la fin de l'année 2021.

D. UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE ENTRAVÉ PAR LA PERSISTANCE D'UN DÉFICIT DE LISIBILITÉ ET D'ÉVALUATION DES ACTIONS ENGAGÉES

1. Un déficit de lisibilité particulièrement préjudiciable au suivi des crédits par la représentation nationale

Depuis le lancement des investissements d'avenir, le suivi des montants alloués aux politiques publiques de la recherche et de l'innovation se révèle particulièrement ardu . En effet, structurellement, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans un référé du 28 juillet 2021 21 ( * ) , « les spécificités qui subsistent en matière budgétaire [...] conduisent à faire coexister dans le budget de l'État deux catégories de budgets d'investissements - ceux des missions PIA et ceux des ministères-, ce qui, comme la Cour l'a fréquemment relevé de façon plus générale ne facilite pas l'appréciation de l'ensemble des moyens consacrés à une politique publique donnée ».

Dans le cadre du PIA 3, ces difficultés ont été aggravées par la double comptabilité induite par l'architecture retenue, mais également par la dispersion des crédits , ainsi que par l'ampleur et de la fréquence des redéploiements opérés en cours de gestion.

Avec le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir, alors même que l'intégralité des crédits de paiement du PIA 3 n'a pas encore été versée aux opérateurs, le suivi des crédits est devenu encore plus complexe.

En effet, avec la coexistence de deux programmes au sein de la même mission budgétaire, et les débudgétisations supplémentaires que comporte le PIA 4, la nouvelle maquette se révèle encore moins lisible que la précédente :

- les crédits relevant des PIA 1 et 2 continuent d'être contractualisés et décaissés par les opérateurs, le suivi de ces opérations se faisant par le biais d'une comptabilité ad hoc ;

- les crédits des PIA 3 , qui font l'objet d'un suivi budgétaire jusqu'en 2028, doivent encore être engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs ;

- les crédits du PIA 4, qui ne sont pas tous budgétisés sur la mission « Investissements d'avenir » - les intérêts générés par le FII et les dotations non consommables, représentant 3,427 milliards d'euros sur 5 ans, font l'objet d'un suivi extrabudgétaire - doivent également être engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs.

Le chevauchement de deux programmes d'investissement d'avenir donne ainsi lieu à des financements croisés , rendant malaisé le traçage des crédits et l'identification des dispositifs existants .

Ainsi, certains dispositifs sont financés par des crédits en provenance des deux PIA - comme par exemple le fonds Sociétés de projets industriels 2, opéré par Bpifrance, qui mobilisera des enveloppes du PIA 3 ayant fait l'objet d'un reclassement, ainsi que des crédits nouveaux issus du PIA 4.

En parallèle, plusieurs dispositifs sont toujours ouverts au titre du PIA 3, alors même que les actions du PIA 4 ont vocation à prendre leur relais. À titre d'exemple, l'action 01 « Programmes et équipement prioritaires de recherche » du volet dirigé du PIA 4 doit prendre le relais des actions 02 « Programmes prioritaires de recherche » et 03 « Équipements structurants de recherche » du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche » du PIA 3, au titre desquels des appels à projets sont encore en cours de dépôt.

Ainsi, non seulement la concomitance de deux programmes d'investissement d'avenir obère considérablement la capacité de la représentation nationale à suivre et contrôler effectivement l'emploi des crédits , mais en plus, elle peut se révéler préjudiciable pour les acteurs économique s, confrontés à une multiplication des appels à projets se traduisant inévitablement par des besoins décuplés en matière d'ingénierie.

2. Une évaluation encore insuffisante de l'impact des investissements consentis

Le déficit de lisibilité des investissements d'avenir est d'autant plus problématique que, comme l'a rappelé le Comité de surveillance, compte tenu du caractère dérogatoire du cadre budgétaire applicable, la pérennisation des investissements d'avenir ne pourra être acceptable vis-à-vis du Parlement que si « les exigences en termes de reporting et d'évaluation des actions sont respectées » 22 ( * ) .

À cet égard, le récent bilan dressé par la Cour des comptes dans le référé susmentionné est sans appel : « la principale faiblesse relevée tient au caractère tardif et encore limité de la démarche d'évaluation des actions financées alors même qu'elle était inscrite dès l'origine au coeur de ce qui devait faire l'originalité et la valeur ajoutée du PIA . [...] Plus de dix ans après le lancement du programme, l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs ».

Ainsi, plus de dix ans après le lancement des investissements d'avenir, si les travaux disponibles font ressortir un impact réel du PIA sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation, ce dernier demeure difficile à quantifier . Toujours selon la Cour des comptes : « certaines comparaisons internationales font état d'une amélioration globale, quoique contrastée, des performances de la France, sans que l'on puisse en déduire un effet direct du PIA ».

Alors que le lancement d'un quatrième programme semble augurer d'une pérennisation de ces outils d'investissement originellement conçus pour demeurer exceptionnels - avec notamment la création d'un volet « structurel », destiné à assurer un financement récurrent aux structures de recherche et d'innovation issues des premiers programmes - il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus étayés - évaluations socio-économiques ex-ante et ex-post notamment, pour se prononcer sur l'opportunité de prolonger ou non ces programmes dans les années à venir.

E. UNE ARTICULATION À CLARIFIER ENTRE LES PIA ET LES AUTRES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENT

Le PIA 4 devait initialement contribuer à hauteur de 11 milliards d'euros sur trois ans au plan de relance , soit 6,5 milliards d'euros en provenance du programme 424 et 4,5 milliards d'euros en provenance du programme 425.

Répartition des crédits du PIA 4 dédiés au plan de relance en CP

(en millions d'euros)

Priorité du plan de relance

Mesure du PIA

Programme budgétaire concerné

2021

2022

2023

Total

Écologie

Développement des innovations et technologies vertes

Programme 424

1000

2 500

2 500

3 400

Compétitivité

Résilience et souveraineté économiques

2 600

Soutien des écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation

Programme 425
(action 01)

725

913

913

2 550

Cohésion

Accompagnement des entreprises innovantes à chaque étape de leur développement

Programme 425
(action 02)

525

712,5

712,5

1 950

Fonds propres affectés à la relance

500 23 ( * )

500

Total

2 750

4 125,5

4 125,5

11 000

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial regrettait alors le caractère relativement imprécis de la ventilation des crédits, tout en relevant que les investissements d'avenir ne pouvaient constituer un outil de relance , étant donné le décalage temporel entre la consommation des crédits de paiement (qui correspond au versement des fonds aux opérateurs) et le décaissement des montants au profit des bénéficiaires.

À titre d'exemple, près de quatre ans après le lancement du PIA 3, si 6,45 milliards d'euros de crédits de paiement ont été consommés, seuls 1,7 milliard d'euros ont été décaissés .

Dans ce contexte, le rapporteur spécial relève que deux inflexions significatives ont été actées dans la manière de comptabiliser les actions du PIA participant au plan de relance :

- les données présentées pour la mise en oeuvre du plan de relance correspondront aux engagements opérationnels autorisés par décision du Premier ministre auprès des lauréats bénéficiaires, et non aux crédits budgétaires ouverts en loi de finances ;

- toutes les actions initiées depuis le lancement du plan de relance en septembre 2020 seront valorisées (et non uniquement les actions financées dans le cadre du PIA 4), sans établir de distinction entre le PIA 3 et le PIA 4 dans le suivi général de la relance.

À l'aune de cette nouvelle méthode de comptabilisation, au 31 août 2021, les investissements d'avenir auraient contribué à hauteur de 3 754 millions d'euros au plan de relance .

Participation des PIA au plan de relance au 30 août 2021

(en millions d'euros)

Aides d'Etat

Fonds propres

Volet écologie

Volet dirigé

319

-

Volet structurel

234

-

Volet compétitivité

Volet dirigé

1 271

385

Volet structurel

458

-

Volet cohésion

Volet structurel

1 088

-

TOTAL PIA

3 369

385

Source : SGPI

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, ce montant devrait progresser pour atteindre plus de 6 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2021 et plus de 13 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2022 .

Si ces clarifications vont dans le bon sens en permettant de rendre compte plus sincèrement de l'état d'avancement du PIA dans l'effort de relance , elles témoignent également du caractère peu réaliste des annonces réalisées à l'automne 2020 .

De manière plus large, la question de l'articulation entre les PIA et le plan « France Relance » s'inscrit, dans la problématique de la multiplication des programmes publics d'investissement à visée générale ou sectorielle - Grand plan d'investissement, plan France Relance, plan France 2030, ou encore, à l'échelle européenne, plan InvestEU .

Cette inflation semble in fine peu compatible avec la définition, dans le cadre des PIA, d'une stratégie unique et globale d'investissement de l'État . Pour le rapporteur, une clarification s'impose , faute de quoi les PIA tendront à devenir un outil d'investissement parmi d'autres - ce qui nuirait inévitablement à la cohérence de l'action publique et à l'efficience des investissements consentis.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant d'abonder de 34 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement, au titre du plan France 2030, sur la mission « Investissements d'avenir ». Toujours à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant le nom de la mission « Investissements d'avenir », qui s'intitulera désormais « Investir pour la France de 2030 ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 42 quaterdecies (nouveau)

Extension aux crédits du plan France 2030 des règles de gouvernance
et de gestion des fonds applicables
aux programmes d'investissements d'avenir

. Le présent article prévoit d'étendre aux crédits du plan France 2030 les règles de gouvernance et de gestion des fonds applicables pour les programmes d'investissements d'avenir, définis à l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, tout en leur apportant quelques compléments.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES RÈGLES DE GOUVERNANCE ET DE GESTION SPÉCIFIQUES POUR LES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Les investissements d'avenir ont été créés dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2010 24 ( * ) ; un montant de 35 milliards d'euros avait alors été inscrit dans le budget de l'année, pour constituer les crédits consacrés au grand « emprunt national » décidé pour relancer l'investissement. Ce dispositif est directement issu des travaux menés par MM. Alain Juppé et Michel Rocard , co-présidents de la commission chargée de mener une réflexion sur les investissements porteurs d'avenir, et qui ont remis leur rapport 25 ( * ) le 19 novembre 2009.

Depuis, trois autres programmes ont vu le jour :

- un deuxième programme a été ouvert dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 26 ( * ) , pour un montant de 12 milliards d'euros ;

- en loi de finances initiale pour 2017 27 ( * ) , un troisième programme a été créé, présentant la particularité de constituer une mission budgétaire spécifique au sein du projet de loi de finances . Initialement doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement, ce dernier programme bénéficie chaque année d'une ouverture progressive en crédits de paiement ;

- enfin, la loi de finances initiale pour 2021 28 ( * ) a créé un quatrième programme , doté de 20 milliards d'euros en autorisations d'engagement et également inscrit sur la mission « Investissements d'avenir ».

La gestion des investissements d'avenir obéit à des règles budgétaires dérogatoires du droit commun , la création de ces programmes ayant été guidée par la volonté de préserver l'investissement de long terme , qui risquait d'être sacrifié sous le coup de la crise économique. L'idée était, in fine , de sanctuariser les montants inscrits au titre des investissements d'avenir et de les prémunir contre tout arbitrage négatif en cours d'année.

Le PIA repose également sur des modalités de gouvernance spécifiques, notamment fixées à l'article 8 de la loi précitée de finances rectificative pour 2010. Les dispositions concernent à la fois les conditions de gestion et d'utilisation des fonds et les modalités d'information et de contrôle du Parlement.

A. DES MODALITÉS DE GESTION ET D'UTILISATION DES FONDS RÉGIES PAR DES CONVENTIONS CONCLUES ENTRE L'ÉTAT ET LES OPÉRATEURS

La gestion des fonds est confiée par l'État à des opérateurs , dont le nombre est limité à quatre depuis le PIA 3 : l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et Bpifrance.

Les conditions de gestion et d'utilisation des fonds du PIA font l'objet, pour chaque action engagée et préalablement à tout versement, d'une convention conclue entre l'État et l'opérateur désigné, qui comprend nécessairement :

- les objectifs à atteindre et les indicateurs retenus pour mesurer les résultats obtenus ;

- les modalités d'instruction des dossiers et les « dispositions prises pour assurer la transparence du processus de sélection » ;

- les modalités d'utilisation des fonds et les conditions de contrôle et, le cas échéant, de décision en dernier ressort par l'État ;

- les modalités de suivi et d'évaluation de la rentabilité des projets d'investissement présentés, avec les conditions d'organisation, le cas échéant, d'un intéressement pour l'État ;

- l'organisation comptable, les modalités de suivi comptable et d'information préalable de l'État ;

- les conditions de placement des fonds en vue de la production d'intérêts.

Ces conventions ne pouvaient initialement être conclues pour une durée supérieure à quinze ans . Néanmoins, l'article 233 de la loi de finances pour 2021 29 ( * ) a autorisé, à titre exceptionnel, la prolongation pour cinq ans de la durée des conventions entre l'État et les organismes gestionnaires des fonds des trois premiers programmes d'investissements d'avenir.

Les fonds confiés par l'État aux opérateurs sont obligatoirement déposés chez un comptable du Trésor , y compris ceux qui sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations et ceux qui sont attribués par l'Agence nationale de la recherche à certains de ses bénéficiaires.

B. UN SUIVI OPÉRÉ PAR LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL POUR L'INVESTISSEMENT

L'article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2010 a également prévu la création d'un Comité de surveillance des investissements d'avenir . Ce dernier comprend quatre députés, quatre sénateurs et huit personnalités qualifiées, issues de la société civile, nommées par arrêté du Premier ministre pour une durée de deux ans renouvelable.

Le Comité de surveillance est notamment chargé d'évaluer le programme d'investissements et de « dresser un bilan annuel de son exécution », qui est remis au Premier ministre et aux deux assemblées parlementaires.

Il s'appuie sur les informations transmises par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) , organe spécifiquement institué pour mettre en oeuvre ces investissements d'avenir. Ainsi, en vertu du décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010, le Secrétariat général pour l'investissement « veille sous l'autorité du Premier ministre, à la cohérence de la politique d'investissement de l'État ».

Ainsi, selon l'article 1 er du décret précité, le secrétaire :

- prépare les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l'État et les organismes chargés de la gestion des fonds consacrés aux investissements d'avenir ;

- coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets et vérifie leur cohérence avec l'action du Gouvernement en matière d'investissements d'avenir et de réforme des politiques publiques ;

- coordonne l'instruction des projets d'investissement et formule des avis et propositions ;

- veille à l'évaluation, a priori et a posteriori , des investissements, et notamment de leur rentabilité ;

- dresse un bilan annuel de l'exécution du programme.

L'article 233 de la loi de finances pour 2021 30 ( * ) a étendu les missions du Comité de surveillance des investissements d'avenir . Ce dernier est désormais également chargé de conseiller le Gouvernement sur les priorités d'investissement du programme.

Sa composition a par ailleurs été modifiée par le décret du 7 janvier 2021 31 ( * ) ; le Comité de surveillance comprend désormais dix personnalités qualifiées nommées par arrêté du Premier ministre pour une durée de deux ans renouvelable.

C. UN CONTRÔLE DE L'UTILISATION DES CRÉDITS DÉVOLU AU PARLEMENT

Le Parlement contrôle l'exécution des programmes d'investissements d'avenir à partir des documents annexés annuellement au projet de loi de finances .

Le Gouvernement doit en premier lieu indiquer, au sein du rapport économique, social et financier (RESF), les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts.

Il doit également transmettre à la représentation nationale une annexe budgétaire relative à la mise en oeuvre des investissements d'avenir . Correspondant à un « jaune budgétaire », cette dernière présente pour chaque mission :

- les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l'état d'avancement des investissements ;

- les montants dépensés , les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en oeuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ;

- les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ;

- les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, avec la justification des indicateurs utilisés à cet effet ;

- les retours sur investissements attendus et obtenus, y compris également les méthodes d'évaluation utilisées ;

- le rôle des opérateurs , les résultats du contrôle par l'État de la qualité de leur gestion ainsi que le contenu et la mise en oeuvre des conventions.

L'article 134 de la loi de finances initiale pour 2017 32 ( * ) a ajouté à cette liste la présentation des abondements réellement opérés pour chaque programme, comparés aux prévisions initialement établies dans la convention entre l'État et l'opérateur, ainsi que « le financement effectif de la contribution au développement durable » pour chaque mission concernée.

D. LA TRANSMISSION PÉRIODIQUE D'INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES AUX COMMISSIONS DES FINANCES

Les commissions des finances, ainsi que les autres commissions compétences des deux assemblées sont également destinataires des projets de conventions , en amont de leur signature entre l'État et les opérateurs, ainsi que leurs éventuels avenants ( B du II de l'article 8 précité ).

En vertu de l'article 134 de la loi de finances initiale pour 2017 33 ( * ) , ces conventions doivent notamment préciser le « rythme prévisionnel d'abondement des fonds des programmes de la mission "Investissements d'avenir" [...] » afin d'améliorer l'information dont dispose le Parlement.

Les commissions sont également informées des projets de redéploiements de crédits qui modifient la répartition initiale des fonds entre les différentes actions des programmes, avant d'être approuvés par le Premier ministre ( III de l'article 8 précité ). À la réception de ces documents, les commissions ont la possibilité d'adresser au Premier ministre « toutes observations qui leur paraissent utiles ».

En parallèle, le Secrétariat général pour l'investissement transmet trimestriellement à ces commissions un bilan des financements des PIA , en présentant à la fois les engagements et les décaissements, par nature de financement, par opérateur et par action, ainsi que le taux de cofinancement.

Enfin, les commissions concernées sont informées chaque trimestre de la situation et les mouvements des comptes au trésor sur lesquels sont déposés les fonds des organismes gestionnaires ( III de l'article 8 précité ).

L'article 233 de la loi de finances pour 2021 34 ( * ) a par ailleurs prévu un renforcement des obligations d'information à destination du Parlement, avec la transmission annuelle aux commissions des finances ainsi qu'aux autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat d'une liste récapitulative des conventions et avenants signés entre l'État et les organismes gestionnaires et publiés au Journal officiel .

E. LA FORMALISATION, EN LOI DE FINANCES POUR 2021, D'UNE DOCTRINE D'INVESTISSEMENT POUR LES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENT D'AVENIR

L'article 233 précité de la loi de finances pour 2021 a énoncé une nouvelle doctrine d'investissement pour les programmes d'investissements d'avenir, formalisée en cinq points.

1. Des investissements réservés aux financements innovants

Le premier point de la doctrine se réfère à la nature des projets financés. Ces derniers doivent être innovants et destinés à poursuivre un des trois objectifs suivants :

- augmenter le potentiel de croissance de l'économie ;

- accélérer la transition écologique ;

- augmenter la résilience de l'organisation socio-économique du pays.

2. Une sélection transparente des projets financés

La doctrine s'attache également à préciser le mode de sélection des projets soutenus par les crédits des PIA. Ces derniers doivent être retenus au terme de procédures « ouvertes et objectives, favorisant la concurrence ».

Cette exigence se traduit par la publication des critères de sélection et l'évaluation systématique des projets , dans leur potentiel comme dans leurs risques, par « des experts indépendants ou des jurys comprenant le cas échéant des personnalités étrangères ».

Parmi les critères appréciés figurent notamment la capacité d'entraînement des projets , qui doivent contribuer à structurer la coopération entre acteurs tout au long du continuum enseignement-recherche-innovation.

Enfin, les processus de sélection et de suivi des projets font l'objet d'un examen périodique destiné à accroître leur efficacité.

3. La recherche d'un retour sur investissement

Les programmes d'investissements d'avenir se distinguent des autres types d'investissement public en ce que les projets sélectionnés doivent présenter un retour sur investissement , financier ou extrafinancier .

Concrètement, cette exigence implique :

- de privilégier la constitution d'actifs financiers (matériels ou incorporels) ;

- d'exiger un engagement à long terme des porteurs de projets , lorsque la constitution d'actifs tangibles n'est pas envisageable, de manière à garantir la pérennité des projets ;

- de réserver les subventions et avances remboursables à la phase la plus amont de l'innovation , afin d'obtenir un retour financier en cas de succès.

Il est également précisé dans les documents budgétaires que le retour sur investissement peut prendre la forme d'une externalité positive bénéficiant à l'ensemble de la société .

4. L'obligation de cofinancer les projets

Les projets doivent être cofinancés . L'origine de ces cofinancements peut être privée, publique ou européenne.

5. La publicité des décisions d'investissement

Le choix des investissements doit être fait en toute transparence et ainsi, les décisions d'investissement ainsi que les éléments ayant contribué à leur sélection sont rendues publiques , « dans le respect des dispositions relatives au secret des affaires ».

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE UNIFICATION DES RÈGLES DE GOUVERNANCE ET DE GESTION DES FONDS APPLICABLES AUX PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR ET AU PLAN FRANCE 2030

À l'initiative du Gouvernement, et avec un avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à modifier le nom de la mission « Investissements d'avenir », qui s'intitulera désormais « Investir pour la France de 2030 », ainsi qu'un amendement destiné à unifier les programmes d'investissements d'avenir et le plan France 2030 sous une doctrine et une gouvernance partagées.

À l'initiative de Mme Dalloz, et avec un double avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également adopté deux sous-amendements de coordination.

A. UNE DOCTRINE D'INVESTISSEMENT ÉTENDUE AU PLAN FRANCE 2030 ET SENSIBLEMENT MODIFIÉE

1. Une doctrine d'investissement étendue au plan France 2030

Le I du présent article modifie le B du I de l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010, qui définit la doctrine d'investissement pour les programmes d'investissement d'avenir.

Ainsi, le 1 du I du présent article prévoit que cette doctrine ne s'applique plus uniquement au « programme d'investissements d'avenir » mais aux « programmes mentionnés au A du I », c'est-à-dire, en pratique aux programmes d'investissement d'avenir 1 et 2, ainsi qu'aux « fonds abondés par les programmes de la mission « Investissements d'avenir ».

Dans la mesure où les crédits du plan France 2030 sont désormais inscrits sur la mission « Investissements d'avenir » , le 1 du I du présent article revient à étendre la doctrine d'investissement des PIA aux fonds du plan France 2030 .

2. Des investissements étendus aux projets de développement et de transformation de la base industrielle du pays

Le 2 du I du présent article complète le premier point de la doctrine, relatif à la nature des projets financés, en prévoyant que les programmes pourront également « financer des projets de développement et de transformation de la base industrielle du pays ».

Le présent article élargit ainsi considérablement le champ des actions éligibles à un financement en provenance de la mission « Investissements d'avenir » , initialement limité aux seuls projets innovants , pour inclure des projets situés plus en aval de la chaîne de production - sans que ces derniers présentent nécessairement un caractère innovant.

Il résulte également de cette disposition que les financements octroyés dans le cadre de France 2030 devront se conformer aux autres points de la doctrine d'investissement - à savoir une sélection transparente des projets, la recherche d'un retour sur investissement, l'obligation de co-financer les projets et la publicité des décisions d'investissements.

B. UNE EXTENSION AU PLAN FRANCE 2030 DU RÉGIME DE REDÉPLOIEMENT DES CRÉDITS DES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Le III du présent article étend au plan France 2030 les modalités de redéploiement des crédits entre les différentes actions , qui comprennent une information préalable des commissions chargées des finances et des autres commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, ces dernières pouvant adresser des observations au Premier ministre, qui approuve in fine le redéploiement.

C. LE RENFORCEMENT DE L'ÉVALUATION DE L'EMPLOI DES FONDS POUR L'ENSEMBLE DES PROGRAMMES

Le II du présent article modifie le A du II de l'article 8 de la loi de finances rectificative, qui détermine le contenu des conventions de gestion et d'utilisation de fonds conclus entre l'État et chacun des organismes gestionnaires des programmes d'investissements d'avenir.

Alors que ces dernières se bornaient jusqu'à présent à fixer « les modalités du suivi et de l'évaluation de la rentabilité des projets d'investissement financés », elles devront désormais obligatoirement prévoir un dispositif renforcé d'évaluation, comprenant une évaluation « a priori, en cours de déploiement et a posteriori » des actions financées. Il sera ainsi possible de renforcer le pilotage des moyens sur la base d'une analyse de la performance en cours d'exécution.

En pratique, les documents budgétaires précisent qu'une quinzaine d'indicateurs de performance seront définis pour chacune des stratégies d'accélération du PIA 4 , dans le but de mesurer les résultats et les impacts des investissements de l'État.

À ces indicateurs de performance s'ajouteraient également :

- des indicateurs environnementaux ;

- un indicateur sur la part des soutiens apportés à des acteurs émergents .

Le déploiement de ces indicateurs ira de pair avec la mise en place de systèmes de collectes de données, permettant de nourrir un exercice annuel de revue des stratégies , dont la première édition devrait avoir lieu en juin 2022.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE BUDGÉTISATION COHÉRENTE MAIS MALHEUREUSEMENT PEU LISIBLE POUR LE PLAN FRANCE 2030, LAISSANT PERSISTER DE NOMBREUSES INCONNUES

A. UN AMENDEMENT DE CRÉDITS OUVRANT L'INTÉGRALITÉ DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT DU PLAN FRANCE 2030 SUR LA MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR »

1. Un abondement de 34 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP au sein des programmes 424 et 425 du PIA 4

Les trois amendements présentés prévoient l'ouverture de 34 milliards d'euros d'AE et 3,5 milliards d'euros de CP sur la mission « Investissements d'avenir » , dont 28 milliards d'euros en AE et 2,58 milliards d'euros en CP au profit du programmes 424 « Financement des investissements stratégiques » et 6 milliards d'euros en AE et 0,92 milliard d'euros en CP sur le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation » du PIA 4.

Répartition des AE par programmes et actions

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ainsi, la mission « Investissements d'avenir » verra ses AE progresser de 170 % , pour atteindre 56 milliards d'euros - soit un montant comparable à la somme des trois premiers programmes d'investissements d'avenir.

Répartition des CP pour 2022 par programmes et actions

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En 2022, le rattachement de France 2030 à la mission « Investissements d'avenir » se traduirait par un abondement de 3,5 milliards d'euros de CP, pour un total de 5,495 milliards d'euros (+ 175 %) .

S'agissant du programme 424, les dotations supplémentaires allouées, qui concernent 4 des 5 actions préexistant à l'annonce du plan France 2030, ont vocation à « compléter, amplifier et accélérer » les stratégies nationales d'ores et déjà initiées - dans les domaines notamment de l'hydrogène décarboné, des biothérapies et de la bioproduction de thérapies innovantes. Il est également indiqué que de nouvelles priorités seront financées, comme la robotique industrielle, le nouvel espace ou l'exploration des grands fonds marins.

Par ailleurs, une action 06 « Industrialisation et déploiement », dotée de 13 milliards d'euros en AE et 1 milliard d'euros de CP en 2022 , sera créée, afin de soutenir l'industrialisation et le déploiement des projets stratégiques plus « aval » que ceux qui sont actuellement financés. Dans le détail, cette action aurait vocation à soutenir plus particulièrement « la décarbonation de l'industrie, le développement de véhicules connectés zéro émission, les puces électroniques, les contenus culturels et le renouvellement forestier ».

Pour ce qui est du programme 425, les documents budgétaires avancent que les crédits de France 2030 seront mis en oeuvre dans le cadre de dispositifs éprouvés du PIA 4, c'est-à-dire :

- le financement des écosystèmes d'enseignement, de recherche et de valorisation (action 01, + 120 millions d'euros en CP) ;

- les nouveaux appels à projets simplifiés dans le cadre des aides aux entreprises innovantes (action 02, + 200 millions d'euros en CP).

Il est par ailleurs prévu de créer une action 03 « Aides à l'innovation bottom-up (fonds propres) », dotée de 3 milliards d'euros en AE et 600 millions d'euros de CP en 2022 , afin de soutenir la croissance de start-ups et d'apporter un financement en fonds propres aux projets d'accélération des implantations de ces dernières.

À l'avenir, les aides aux entreprises innovantes seront ainsi distinguées selon la forme qu'elles prennent : les subventions et prêts seront financés par l'action 02, et les interventions en fonds propres par l'action 03.

2. Une ventilation des crédits destinée à déployer toutes les priorités dès 2022

Les 34 milliards d'euros d'AE ouverts en 2022 se décomposent en dix priorités stratégiques , qui représentent 18,9 milliards d'euros en AE et 1,925 milliard d'euros en CP pour 2022, et quatre « conditions indispensables à leur réalisation » , dotées de 15,1 milliards d'euros en AE et 1,575 milliard d'euros en CP, dont la ventilation est présentée dans le tableau ci-après .

Ventilation des crédits par stratégie et conditions de réalisation

(en millions d'euros)

AE 2022

CP 2022

Faire émerger en France d'ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets

1 000

100

Devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030

2 300

340

Décarboner notre industrie

5 000

50

Produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides

2 500

270

Produire en France, à l'horizon 2030, le premier avion bas-carbone

1 200

150

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

1 500

205

Produire en France au moins 20 bio-médicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l'âge et créer les dispositifs médicaux de demain

3 000

440

Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs

600

265

Prendre tout notre part à la nouvelle aventure spatiale

1 500

65

Investir le champ des fonds marins

300

40

Total « Priorités stratégiques »

18 900

1 925

Sécuriser l'accès aux matières premières

2 000

125

Sécuriser l'accès aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

5 500

260

Développer les talents en construisant les formations de demain

2 500

350

Capital-Innovation de rupture, start-ups industrielles et accélération de la croissance

5 100

840

Total « Conditions de réalisation et socle industriel, technologique, humain et capital »

15 100

1 575

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les documents budgétaires précisent également la répartition des crédits par action budgétaire, donc par outil d'intervention, pour chaque stratégie. Cet effort est d'autant plus appréciable que, s'agissant des stratégies d'accélération du PIA 4 lancées il y a un an, cette ventilation est encore inconnue à ce jour .

Ventilation des AE par axes stratégiques de France 2030

(en milliards d'euros)

Programme 424

Programme 425

Grands axes

Objectif

France 2030

424.2

424.3

424.4

424.5

425.6

425.1

425.2

425.3

Dix objectifs de France 2030

Réacteurs nucléaires de petite taille

AE

1

1

CP

0,1

0,1

Hydrogène vert

AE

2,3

0,4

1,2

0,7

CP

0,34

0,02

0,02

0,2

Décarboner notre industrie

AE

5

5

CP

0,05

0,05

Avion bas-carbone

AE

1,2

1,2

CP

0,15

0,15

Véhicules électriques et hybrides

AE

2,5

1

1,6

CP

0,27

0,05

0,22

Alimentation saine, durable et traçable

AE

1,5

1

0,5

CP

0,205

0,145

0,06

Biomédicaments

AE

3

0,15

0,25

0,95

0,6

1

CP

0,44

0,02

0,03

0,28

0,03

0,08

Contenus culturels et créatifs

AE

0,6

0,2

0,1

0,3

CP

0,265

0,005

0,01

0,25

Aventure spatiale

AE

1,5

0,9

0,65

CP

0,065

0,04

0,025

Fonds marin

AE

0,3

0,1

0,1

0,1

CP

0,04

0,01

0,03

Conditions de réalisation

Accès aux matières premières

AE

2

0,25

0,5

0,5

0,7

CP

0,125

0,01

0,03

0,085

Composants stratégiques

AE

5,5

0,25

0,7

0,5

4,1

CP

0,26

0,04

0,055

0,165

Talents et formations

AE

2,5

2,5

CP

0,35

0,35

Capital-Innovation de rupture

AE

5,1

1

1

3

CP

0,84

0,04

0,2

0,6

Total

AE

34

1,5

5

7,5

1

13

2

1

3

CP

3,5

0,17

0,39

0,96

0,06

1

0,12

0,2

0,6

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La budgétisation opérée prévoit ainsi que la quasi-intégralité 35 ( * ) des AE ouvertes soient couvertes par des CP en 2022 , de manière à assurer un déploiement rapide des priorités stratégiques .

B. LE RATTACHEMENT DU PLAN FRANCE 2030 À LA MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR » : UN CHOIX COMPRÉHENSIBLE, AUX CONSÉQUENCES NÉANMOINS TRÈS PROBLÉMATIQUES

1. Un choix cohérent, présentant des avantages indéniables en termes de déploiement et de gestion

Le PIA 4 et le plan France 2030 présentent des convergences incontestables, puisque parmi les 10 priorités stratégiques autour desquelles s'est construit France 2030, seules les thématiques « espace » et « fonds marins » ne sont à ce jour pas couvertes par une ou plusieurs des stratégies d'accélération élaborées dans le cadre du PIA 4 .

De la même manière, les « conditions indispensables à la réalisation » de ces priorités reprennent très largement des stratégies d'accélération existantes - à l'exception de l'axe « investir y compris en capital pour aider nos innovations à émerger et s'industrialiser et aider nos start-ups à accélérer leur croissance », comme le montre le tableau ci-après.

Stratégies d'accélération du PIA 4 et priorités stratégiques de France 2030

Stratégies d'accélération du PIA 4

Priorités stratégiques de France 2030

Hydrogène décarboné

Devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030

Biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes

Produire en France au moins 20 bio-médicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l'âge et créer les dispositifs médicaux de demain

Santé numérique

• Maladies infectieuses émergentes - menaces nucléaires, radiologiques et chimiques

• Décarbonation de l'industrie

Décarboner notre industrie

Industries culturelles et créatives françaises

Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs

Produits biosourcés - carburants durables

Produire en France, à l'horizon 2030, le premier avion bas-carbone

Technologies avancées pour les systèmes énergétiques

Faire émerger en France d'ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets

Alimentation durable et favorable à la santé

Innover pour une alimentation saine, durable et traçable

Systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique

• Digitalisation et décarbonation des mobilités

Produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides

Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale

Investir le champ des fonds marins

Stratégies d'accélération du PIA 4

Conditions indispensables à la réalisation des 10 priorités stratégiques

Technologies quantiques

Développer des solutions nationales en matière de logiciels, dans les domaines de l'intelligence artificielle, de la cybersécurité, du cloud et du calcul quantique

5G et futures technologies de télécommunication

• Cybersécurité

• Cloud

• Enseignement et numérique

Développer les talents en construisant les formations de demain

Recyclage et réincorporation de matériaux recyclés

Sécuriser, autant que possible, l'accès aux matériaux (métaux, plastiques, bois,...) ainsi qu'aux composants stratégiques, notamment électronique, robotique et machines intelligentes

Investir y compris en capital pour aider nos innovations à émerger et s'industrialiser et aider nos start-ups à accélérer leur croissance

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Étant donné le caractère très redondant de ces deux plans d'investissement et leur relative concomitance - puisqu'ils sont in fine lancés à une année d'intervalle seulement, la question de leur articulation revêt une importance cruciale .

Dans ce contexte, le choix de rattacher le plan France 2030 à la mission « Investissements d'avenir », donc de définir une seule institution pilote pour l'ensemble, à savoir le Secrétariat général pour l'investissement, semble relativement logique ; il eut été pour le moins inefficace de confier à deux entités distinctes le soin de procéder à des investissements similaires et simultanée . Ainsi, l'architecture choisie est de nature à faciliter le suivi et la coordination de la gestion, de l'allocation et du pilotage des fonds .

L'inscription des crédits des deux plans d'investissement au sein des mêmes programmes budgétaires présente également l'intérêt d'assurer une certaine porosité entre ces derniers ; il sera notamment plus aisé de procéder à des redéploiements de crédits pour tenir compte des évolutions dans les priorités au fil des années, ou mettre un terme au financement d'actions non-efficientes.

Par ailleurs, le premier semestre 2021 a été consacré à l'adoption du cadre juridique applicable au PIA 4, avec notamment l'élaboration puis la signature de toutes les conventions État-opérateurs nécessaires à l'engagement de fonds pour chaque action budgétaire - la consommation des crédits de paiement inscrits au titre de la mission correspondant à leur versement sur les comptes détenus par les opérateurs.

L'inscription des crédits France 2030 au sein de la mission « Investissements d'avenir » a ainsi vocation à en faciliter le déploiement, en s'appuyant sur l'architecture budgétaire et contractuelle existante . En pratique, les crédits inscrits sur les actions qui préexistaient au plan France 2030 pourront être immédiatement engagés et consommés ; en parallèle, les conventions nécessaires à l'exécution des deux actions créées pourront être rapidement signées, eu égard notamment à l'expérience acquise grâce aux conventions déjà publiées.

Enfin, la gestion centralisée de ces crédits a vocation à renforcer l'évaluation des investissements stratégiques (voir infra ).

2. Une budgétisation néanmoins peu lisible, laissant augurer d'un suivi laborieux de l'emploi des crédits

Le rapporteur spécial note cependant avec regret que la ventilation des crédits demeure très indicative ; à cet égard, l'extension au plan France 2030 du régime de redéploiement des crédits applicable à la mission « Investissements d'avenir » est très révélatrice. De surcroît, l'exposé des motifs précise explicitement que cette programmation correspond « à une première ébauche de répartition des crédits , en fonction de la nature des actions envisagées pour atteindre les objectifs de France 2030 ».

En réalité, la déclinaison opérationnelle des objectifs stratégiques de France 2030 n'en est encore qu'à ses prémices et, en tout état de cause, a vocation à se faire « au fil de l'eau », à l'instar des stratégies d'accélération du PIA 4.

Dans ces conditions, force est de constater que la représentation nationale est invitée à signer un chèque en blanc en faveur du Gouvernement . Cela est d'autant plus vrai qu'étant donné les nombreux mouvements de crédits en cours de gestion qui caractérisent les PIA, tout laisse à penser que la répartition des AE et des CP entre les différentes actions et les principaux objectifs stratégiques aura fortement évolué d'ici l'année prochaine.

La budgétisation opérée risque donc d'aggraver le déficit de lisibilité dont souffre la mission « Investissements d'avenir » . Désormais, trois programmes distincts cohabiteront au sein de cette mission : le PIA 3, qui amorce désormais sa dernière ligne droite, le PIA 4, lancé il y a tout juste un an, et le plan France 2030.

Le PIA 3 étant constitué de trois programmes budgétaires distincts, il demeurera possible d'isoler les crédits afférents et de réaliser un suivi ad hoc . Tel ne sera cependant pas le cas pour le PIA 4 et le plan France Relance, dont les crédits seront fondus au sein des mêmes programmes et actions budgétaires . Dès lors, le rapporteur s'interroge sur les conditions dans lesquelles il sera possible, pour le Parlement, de suivre et contrôler les moyens alloués à chacun des deux programmes.

En pratique, rien ne garantit qu'à l'avenir les documents budgétaires précisent pour chaque action la part qui revient au PIA 4 et celle qui correspond à France 2030. Au demeurant, quand bien même cette répartition serait indiquée, il demeurera très complexe d'évaluer l'avancement concomitant de ces deux programmes, abondés par les mêmes lignes budgétaires .

Pour le rapporteur spécial, le lancement, à seulement un an d'intervalle, de deux plans stratégiques portant sur des thématiques similaires témoigne d'une absence totale d'anticipation à la tête de l'État, voire d'une improvisation très préoccupante .

De deux choses l'une : si ces deux programmes ont vocation, à terme, à ne former qu'un seul et unique plan d'investissement, il eut été préférable de prévoir une refonte du PIA 4, associée à un abondement de crédits, sans conserver le label « France 2030 ». À l'inverse, si le PIA 4 et France 2030 sont destinés à conserver une identité distincte, rendant nécessaire un suivi différencié des moyens budgétaires alloués, il eut été plus cohérent de doter chaque plan de programmes budgétaires clairement identifiés.

3. Un abondement réalisé au cours de la discussion budgétaire : un procédé très contestable et faisant peu de cas de l'autorisation parlementaire

Pour le rapporteur spécial, la budgétisation opérée est d'autant plus contestable que ces ouvertures de crédits significatives - qui auront pour conséquence de doubler le budget de la mission « Investissements d'avenir » - sont demandées par voie d'amendement, après l'examen des crédits de la mission en commission, et à seulement quelques jours de la séance publique.

Ce procédé, qui restreint considérablement la capacité de la représentation nationale à analyser et débattre des ouvertures de crédits demandées, déroge gravement aux grands principes budgétaires - notamment d'unité et de sincérité - et fait bien peu de cas de l'autorisation parlementaire .

Il n'est pas acceptable qu'une telle évolution - le nombre d'AE alloués à la mission va être multiplié par trois - ne soit pas justifiée dans les documents budgétaires, et se concrétise par le dépôt d'un simple amendement de crédits au cours de la discussion .

C. UNE ÉVOLUTION CONTESTABLE DE LA DOCTRINE D'INVESTISSEMENT DES PIA

Tandis que les investissements d'avenir sont destinés à stimuler les innovations sur toute la chaîne valeur , France 2030 se concentre davantage sur des opérations plus « aval », comme l'émergence de nouveaux acteurs, le déploiement et l'industrialisation . En pratique, une partie des crédits de France 2030 aura donc vocation à abonder l'enveloppe dédiée aux projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) existants sur l'hydrogène décarboné, l'électronique ou la santé.

La doctrine d'investissement du PIA prévoyant explicitant que les investissements sont réservés aux projets « innovants et destinés à augmenter le potentiel de croissance de l'économie, accélérer la transition écologique et augmenter la résilience de l'organisation socio-économique du pays », force est de constater qu'au regard de leur caractère peu innovant , certaines des interventions envisagées dans le cadre de France 2030 ne pouvaient, en l'état, être réalisées dans le cadre des PIA .

Le présent article fait donc évoluer la doctrine d'investissement des PIA, afin qu'elle englobe également la démarche qui préside à France 2030, en autorisant le financement de « projets de développement et de transformation de la base industrielle du pays ». Ce faisant, elle étend considérablement le champ des projets éligibles à un financement au titre de la mission « Investissements d'avenir ».

Pour le rapporteur spécial, il est regrettable que le rattachement de France 2030 aux PIA se traduise par une évolution de la doctrine d'investissements de ces derniers, alors que cette dernière a été élaborée et formellement validée par un vote du Parlement il y a tout juste un an .

D. LE RENFORCEMENT DE LA DÉMARCHE D'ÉVALUATION : UNE INFLEXION OPPORTUNE, A LA PORTÉE ENCORE INCERTAINE

Dans un rapport récent 36 ( * ) , la Cour des comptes a insisté sur la nécessité de renforcer la démarche d'évaluation, soulignant que « la principale faiblesse relevée tient au caractère tardif et encore limité de la démarche d'évaluation des actions financées alors même qu'elle était inscrite dès l'origine au coeur de ce qui devait faire l'originalité et la valeur ajoutée du PIA . [...] Plus de dix ans après le lancement du programme, l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs ».

À l'heure où l'État demande l'ouverture d'une enveloppe de 34 milliards d'euros, dans le cadre de France 2030, la mise en place de modalités d'évaluation dites « in itinere » , permettant un meilleur pilotage, en cours d'exécution, des moyens alloués aux différents projets financés, parait indispensable pour garantir l'efficience des dépenses .

Le rapporteur spécial note cependant que ni les indicateurs de performance, ni les systèmes de collecte des données n'ont à ce jour été élaborés ; dès lors, il y a fort à craindre que la première revue annuelle des stratégies, qui aura lieu dès juin 2022, présente un caractère relativement artificiel, dans la mesure où elle ne pourra s'appuyer sur des données étayées.

De manière générale, si la mise en place de nouvelles modalités d'évaluation constitue un prérequis indispensable à une meilleure allocation des fonds, l'efficacité de cette démarche dépendra étroitement de l'impact réel que ces éléments d'évaluation auront sur le pilotage des moyens financiers et les décisions d'investissement.

Pour ne pas rester un voeu pieu, la démarche d'évaluation doit donc permettre d'interroger, à intervalles réguliers, la pertinence des stratégies déployées.

E. LA PERSISTANCE DE GRANDES INCONNUES SUR LA GOUVERNANCE DU PLAN FRANCE 2030

Le rattachement de France 2030 à la mission « Investissements d'avenir » laisse augurer d'une gouvernance globale et unifiée de ces programmes d'investissements, au sein de laquelle le secrétariat général pour l'investissement aurait vocation à occuper une place centrale.

Le Président de la République a cependant indiqué que la gouvernance des investissements stratégiques de l'État avait vocation à être complètement rénovée au cours des prochains mois, sans donner plus de précisions. Partant, de nombreuses questions demeurent sans réponse à ce stade :

- le Parlement sera-t-il davantage associé à la fixation des priorités stratégiques d'investissement et à l'évaluation de la mise en oeuvre des programmes , comme s'y est engagé le Président de la République ? Quelle forme prendra cette participation accrue de la représentation nationale au pilotage des crédits de France 2030 ?

- quel sera le rôle exact dévolu aux « personnalités extérieures qualifiées » , sur lesquelles devrait en grande partie reposer la nouvelle gouvernance des programmes ? Sur quels critères ces dernières seront-elles recrutées ?

- dans quelle mesure la gouvernance du PIA 4 , qui vient tout juste d'être rénovée, a-t-elle également vocation à évoluer ? Quel est l'avenir du Conseil interministériel de l'innovation, ainsi que des différents comités stratégiques et exécutifs récemment créés ?

- quelles seront les missions dévolues au SGPI ? Son organisation sera-t-elle modifiée, pour correspondre davantage au modèle de « commando » mis en exergue par le Président de la République ?

Ces questions revêtent en réalité une importance cruciale : le succès ou l'échec de France 2030 dépendront étroitement, in fine , des choix qui auront été réalisés en matière de gouvernance . Il est donc éminemment regrettable que la représentation nationale soit invitée à se prononcer au sujet des crédits de France 2030 alors même que tout reste à construire dans ce domaine .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Thierry Meignen , rapporteur spécial, sur la mission « Investissements d'avenir » (et article 42 quaterdecies rattaché).

Mme Christine Lavarde , président . - Je cède la parole à Thierry Meignen, pour la présentation de son premier rapport devant notre commission sur les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

M. Thierry Meignen , rapporteur spécial de la mission « Investissements d'avenir » . - Il s'agit en effet de mon premier rapport à la commission des finances. Je tenais à saluer le travail accompli par Nadine Bellurot, dont je reprends le flambeau sur cette mission.

Depuis l'année dernière, la mission « Investissements d'avenir » comprend deux programmes d'investissements d'avenir (PIA) distincts : le PIA 3, lancé en 2010 et doté de 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), et le PIA 4, lancé en 2021, pour une enveloppe de 20 milliards d'euros d'autorisations d'engagement.

La mission « Investissements d'avenir » est un peu particulière dans la mesure où nous ne votons que sur des crédits de paiement (CP) : les autorisations d'engagement sont consommées dans leur intégralité l'année de lancement du programme, tandis que les crédits de paiement sont alloués et exécutés annuellement jusqu'à la couverture complète des autorisations d'engagement.

Dans ce contexte, la mission bénéficiera en 2022 d'un abondement de 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement, dont 1,5 milliard d'euros pour le PIA 3 et 1,99 milliard d'euros pour le PIA.

Je retiendrai trois éléments saillants qui caractérisent le budget alloué en 2022 aux investissements d'avenir : la décélération progressive du PIA 3, la montée en puissance du PIA 4 et enfin, le lancement d'un plan France 2030 dont tout laisse à penser qu'il sera financé sur la mission « Investissements d'avenir ».

Je ne m'étendrai pas sur le PIA 3 ; vous le savez, ce programme d'investissements d'avenir succède aux PIA 1 et 2, qui représentaient respectivement 35 et 12 milliards d'euros. Les crédits de paiement demandés pour 2022 s'élèvent à 1,5 milliard d'euros, ce qui traduit un net ralentissement par rapport aux années précédentes.

En effet, plus de quatre ans après son lancement, le PIA 3 amorce désormais sa dernière ligne droite : entre 2018 et 2020, plus de 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ont été exécutés, auxquels s'ajoutent 1,75 milliard d'euros votés en loi de finances pour 2021. Ainsi, au 31 décembre 2021, 6,45 milliards d'euros de crédits de paiement auront été ouverts.

En parallèle, à la même date, et c'est l'une des spécificités des PIA, seuls 1,7 milliard d'euros auront été effectivement décaissés en faveur des bénéficiaires finaux.

Dans ce contexte, l'année 2022 sera caractérisée par un double mouvement, avec, d'une part, un ralentissement du versement des crédits de paiement et, d'autre part, une intensification des décaissements.

En 2022, les ouvertures de crédits les plus significatives concernent notamment le plan Nano 2022, qui bénéficiera de 237 millions d'euros au titre du PIA 3 ainsi que l'action « Territoires d'innovation », qui se voit dotée de 309 millions d'euros, afin de financer un appel à projets relatif à la stratégie Hydrogène et de poursuivre la construction du réacteur Jules Horowitz.

J'en viens maintenant à mon second point, à savoir la montée en puissance du PIA 4. Il m'a été indiqué que le premier semestre 2021 avait été consacré très largement à l'adoption du cadre juridique et de la gouvernance applicable à ce quatrième programme.

De la même manière, les grandes lignes des deux volets qui composent le PIA 4 sont désormais arrêtées.

En effet, comme vous le savez, ce PIA 4 est structuré en deux volets, qui répondent à des finalités distinctes : un premier volet, dit « dirigé » doté de 12,5 milliards d'euros, vise à financer des investissements exceptionnels ; un second volet, dit « structurel », bénéficiant de 7,5 milliards d'euros, doit garantir, grâce à des dotations en capital, un financement pérenne aux écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation mis en place par le PIA.

Lors du lancement du PIA 4, le contenu et la budgétisation du volet « dirigé » demeuraient encore très opaques, puisque les différentes stratégies d'accélération n'étaient pas encore validées.

Un an après le lancement du PIA 4, ce volet tend à se préciser, avec la présentation détaillée d'une dizaine de stratégies d'accélération. Néanmoins, ce programme n'est pas encore finalisé, puisqu'à ce stade, seuls 6,3 milliards d'euros de stratégies d'accélération ont été formellement validés, sur les 10 milliards d'euros qui y seront finalement consacrés, hors fonds propres.

Dans ce contexte, la répartition par outil et par opérateur des 1,5 milliard d'euros de crédits demandés pour 2022 n'a pu m'être communiquée ; je regrette que, un an après le lancement du PIA 4, le Parlement ne soit toujours pas en mesure de disposer d'une vision d'ensemble des stratégies qui seront déployées.

S'agissant du volet « structurel », qui bénéficiera de 562,5 millions d'euros en 2022, je relève qu'il permet de centraliser et de réorganiser l'ensemble des aides à l'innovation - y compris l'enveloppe régionalisée -, qui étaient jusqu'à présent éparses sur plusieurs programmes budgétaires.

Un mot sur cette enveloppe « régionalisée », dotée de 500 millions d'euros contre 250 millions d'euros pour le PIA 3 : je ne vous apprends rien en soulignant que le PIA souffre depuis son lancement d'un important déficit de territorialisation. Le secrétariat général pour l'investissement a pris plusieurs initiatives pour y remédier, avec notamment l'ambition de favoriser l'émergence, dans tous les territoires, de projets éligibles à un financement du PIA. Ces actions témoignent de la volonté d'accorder une place accrue aux territoires ; il faudra néanmoins veiller à ce qu'elles se concrétisent effectivement dans les années à venir.

Je voudrais conclure sur le PIA 4 en vous faisant part de trois remarques d'ordre général.

En premier lieu, j'identifie deux points de vigilance relatifs à la mise en oeuvre de ce PIA 4. Le premier se rapporte à la nouvelle gouvernance mise en place, qui comprend de très nombreuses instances de pilotage. La multiplication des comités - techniques, stratégiques, exécutifs - pourrait se traduire à terme par des lourdeurs préjudiciables au déploiement des stratégies d'accélération. Le second a trait à la charge de travail des opérateurs du PIA que sont l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de la transition écologique (Ademe), la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance. Ces structures ont dû faire face à une importante surcharge de travail dans le contexte de la crise sanitaire puis du plan France Relance. Or, tout laisse à penser que la mise en oeuvre du PIA 4 sera également très chronophage pour ces opérateurs ; une certaine vigilance s'impose donc à mon sens.

Ma deuxième remarque nous concerne très directement, puisqu'il s'agit de nos capacités de suivi et de contrôle s'agissant des PIA. Depuis le lancement des investissements d'avenir, nous rencontrons de grandes difficultés à retracer précisément l'emploi des fonds que nous votons annuellement, eu égard notamment aux modalités de budgétisation dérogatoire dont bénéficient ces programmes.

Le lancement d'un quatrième programme, alors même que le troisième programme n'est pas achevé, se traduit par un déficit de lisibilité encore plus prégnant : le chevauchement des programmes donne lieu à des investissements croisés, certaines structures sont financées par les deux programmes... Tout cela est d'une complexité inouïe, ce qui rend notre tâche particulièrement ardue.

La Cour des comptes, qui a récemment publié un référé sur la mise en oeuvre des programmes d'investissement d'avenir, abonde dans ce sens et souligne en particulier le déficit d'évaluation. Je cite la Cour des comptes : « La principale faiblesse relevée tient au caractère tardif et encore limité de la démarche d'évaluation des actions financées par le PIA, alors même qu'elle était au coeur de ce qui devait faire l'originalité et la valeur ajoutée du PIA (...) Plus de 10 ans après le lancement du programme, l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs. ».

Alors que le lancement d'un quatrième programme d'investissements d'avenir semble augurer d'une pérennisation de ces outils qui devaient initialement demeurer exceptionnels, il est impératif que la représentation nationale dispose d'éléments d'appréciation plus étayés quant à l'impact réel des investissements consentis.

J'en viens à mon dernier point, à savoir l'articulation entre les PIA et les plans d'investissements pluriannuels qui tendent à se multiplier dernièrement : grand plan d'investissement, plan de relance, plan européen et maintenant plan France 2030.

Cette inflation de plans d'investissements me semble peu compatible avec la définition, dans le cadre des PIA, d'une stratégie globale et unique d'investissement de l'État. Les annonces très récentes relatives au lancement de France 2030 sont à cet égard particulièrement emblématiques : les thématiques annoncées comme faisant partie du plan France 2030 sont déjà largement couvertes par les stratégies d'accélération du PIA 4, à l'exception des fonds marins et de l'espace. Ces deux plans ne risquent-ils pas de se révéler redondants ? Ou alors est-ce qu'une partie des crédits du PIA 4 va être redéployée en faveur de France 2030 ?

Le Gouvernement évoque par ailleurs la mise en place d'une nouvelle gouvernance, mais sans préciser laquelle. Est-ce à dire que les crédits seront tous portés par la mission « Investissements d'avenir », mais gérés différemment que ceux des PIA 3 et 4 ?

Je regrette vivement que toutes ces questions demeurent sans réponse, alors même que nous devons nous prononcer sur l'adoption des crédits de la mission. Je le déplore d'autant plus que la méthode retenue me semble très contestable ; depuis plusieurs jours, on nous annonce qu'un montant de l'ordre de 2,3 milliards d'euros de crédits de paiement, ainsi que 30 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, pourrait être ouvert, par voie d'amendement, sur la mission « Investissements d'avenir ». Mais à ce jour, cet amendement n'a toujours pas été déposé !

Dans ce contexte, je vous propose de réserver le vote sur les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Mme Christine Lavarde , président . - Je ne peux qu'abonder dans votre sens. Un des opérateurs du PIA m'alertait sur les moyens humains pour gérer ces plans. Les opérateurs ont beaucoup recours aux intérimaires pour contourner le plafond d'emploi, mais cela coûte plus cher in fine .

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Les différents plans d'investissement s'enchevêtrent : PIA, plan de relance, France 2030, etc. Cela manque de lisibilité ! Comme vous l'avez souligné, nous avons beaucoup de difficultés à avoir une vision d'ensemble. Seriez-vous en mesure de nous dire combien de millions d'euros ont été décaissés au titre des PIA depuis leur lancement, et ce que cette somme représente sur le total des montants engagés ?

Vous avez dit qu'il était vraisemblable que la mission « Investissements d'avenir » accueille les crédits du plan France 2030. Avez-vous une idée de la manière dont ces crédits pourraient s'articuler entre eux ?

Enfin, je veux aussi vous interroger sur la territorialisation des PIA : l'enveloppe régionalisée se développe, mais reste faible. Quelle est la répartition des investissements d'avenir sur le territoire ? Toutes les régions en bénéficient-elles ? Sont-elles associées à la définition de cette politique ? Le succès du PIA dépend aussi de leur participation.

M. Bernard Delcros . - L'évaluation est insuffisante. Dispose-t-on malgré tout d'éléments d'évaluation des différents plans ? Avez-vous aussi des données sur la déclinaison territoriale des différents plans ? Ne serait-il pas préférable de procéder à une évaluation d'ensemble avant d'engager un nouveau plan d'investissement ?

M. Michel Canévet . - Je partage l'analyse de notre rapporteur. Je ne suis pas opposé au principe des investissements d'avenir - il est judicieux de vouloir préparer l'avenir -, mais la multiplication des dispositifs et des annonces ne peut que nous conduire à nous interroger. Les plans s'avèrent lourds à gérer. Cette tendance à vouloir tout gérer de manière administrative, en multipliant les instances et les comités de toute nature est révélatrice d'un travers français bien connu, qui aboutit à rigidifier les choses. Il est important que les régions soient davantage associées au déploiement des PIA. Cela renforcerait l'efficacité et la cohérence de ces politiques.

Mme Sylvie Vermeillet . - Notre pays a-t-il la capacité d'absorber ces milliards d'investissements à l'heure où une pression inflationniste se fait jour, où l'on manque parfois de main d'oeuvre et où les matières premières deviennent rares ? Le PIA 3 et le plan de relance ne sont pas terminés qu'on lance déjà le PIA 4. Cet argent sera-t-il vraiment utilisé ?

M. Jean-François Rapin . - Je suis rapporteur spécial des crédits « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur». Les PIA fonctionnent comme un tiroir-caisse pour les programmes de recherche et on pioche dedans au fil des demandes. Le PIA 4 permettra-t-il, selon vous, de mobiliser efficacement notre recherche dans le cadre des stratégies d'accélération sur le développement durable, l'énergie, la lutte contre le réchauffement climatique, etc. ?

M. Christian Bilhac . - Notre rapporteur a rendu clair ce qui ne l'est guère. Les plans se multiplient, avec une lourdeur bien française dans la gestion... Que de temps perdu dans la mise en oeuvre ! Les régions devraient être mieux associées, car elles sont plus réactives et plus proches des territoires ; elles portent des plans d'investissements ambitieux, comme pour l'hydrogène en Occitanie.

M. Stéphane Sautarel . - Les industriels sont-ils associés à la définition des projets du PIA ? Dans l'automobile, ils ne paraissent pas avoir été consultés. Les régions semblent aussi peu associées. Comment retrouver la confiance des territoires et des industriels ?

M. Jean-Marie Mizzon . - Comme vous l'avez rappelé, les règles de gestion des PIA sont dérogatoires au droit commun. En effet, les fonds sont directement versés aux opérateurs sans transiter par le budget des ministères ; les décisions sont prises par le Premier ministre, si bien que les ministres ou les directeurs d'administration ne sont pas les ordonnateurs des crédits ; et la mission ne fait pas l'objet d'une lettre de cadrage dans le cadre du projet de loi de finances. Comment se justifient ces dérogations ?

M. Emmanuel Capus . - Beaucoup d'investissements d'avenir concernent la transition écologique. La Commission européenne réfléchit en ce moment à la taxonomie verte. Cette réflexion a-t-elle été intégrée dans la définition des PIA ?

M. Thierry Meignen , rapporteur spécial . - Pour répondre à votre question, Monsieur le rapporteur général, sur l'enveloppe totale de 73,5 milliards d'euros pour les PIA 1, 2, 3 et 4, seuls 29 milliards d'euros ont d'ores et déjà été décaissés en faveur des bénéficiaires finaux.

En ce qui concerne l'articulation entre les PIA et France 2030, les PIA sont destinés à financer l'innovation. Encore faut-il parvenir à donner un caractère concret à ces découvertes. France 2030 devrait servir à créer, en aval, les conditions de l'industrialisation des innovations réalisées dans l'hydrogène, la robotique, le spatial, etc. L'enjeu est de remettre à niveau notre tissu industriel, de financer la construction de nouvelles usines et chaînes de production.

Monsieur Delcros, selon la Cour des comptes, les PIA ont eu un impact réel sur la mobilisation des écosystèmes de recherche et d'innovation ou sur la structuration d'organisations jusque-là dispersées. Cela a permis de rapprocher la France des standards internationaux, comme en matière de recrutement de postdoctorants ou de publications scientifiques, etc. Mais la Cour relève aussi des difficultés structurelles, comme l'insuffisante insertion professionnelle des chercheurs, ou les limites rencontrées en matière de transformation des innovations en solutions viables économiquement.

Vous avez été nombreux à soulever la question de l'articulation avec les régions. Dans le cadre du lancement du PIA 4, le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) s'est efforcé d'associer davantage les régions. Un accord de méthode a ainsi été signé le 13 janvier 2021 entre le Premier ministre et le président de Régions de France pour co-construire le volet régionalisé du PIA 4 ; dans ce cadre, les décisions seront prises par un comité de pilotage local associant le préfet de région et le président de la région. L'élaboration des stratégies d'accélération a été précédée d'une large consultation avec les régions pour identifier les points de convergence avec les schémas régionaux. Le SGPI a aussi entamé une coopération avec l'Assemblée des départements de France (ADF), l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, France urbaine et l'association des maires Villes et banlieues de France pour définir la stratégie « Ville durable et bâtiments innovants ». Ces partenariats ont vocation à démultiplier les canaux de diffusion de l'information relative aux PIA, tout en diversifiant les sources de détection des projets susceptibles de bénéficier d'un financement dans ce cadre. Le SGPI s'attache aussi à renforcer ses liens avec les services déconcentrés de l'État, afin de mieux accompagner les projets et d'encourager les partenariats avec les collectivités territoriales. Il est cependant encore trop tôt pour dresser un bilan de ces initiatives ; j'espère qu'elles se traduiront par une territorialisation accrue des PIA dans les années à venir.

Madame Vermeillet, la capacité d'engagement des crédits dépend des opérateurs. Ces derniers font face à une surcharge de travail en raison de la succession des plans. Cette situation constitue bien une source de difficulté pour absorber tous ces crédits d'investissement.

Monsieur Rapin, pour répondre précisément à votre question, voici les stratégies d'accélération qui ont été officiellement annoncées à ce jour : « technologies quantiques », « cybersécurité », « hydrogène décarboné », « enseignement et numérique », « ville durable et bâtiments innovants », « biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes », « maladies infectieuses émergentes », « santé numérique », « 5G et futures technologies de télécommunication » et « recyclage et réincorporation de matériaux recyclés ».

Monsieur Sautarel, sur la gouvernance, le SGPI nous a cité l'exemple du conseil stratégique des industries de santé : le comité de suivi comprend des experts, des représentants de start-up ou de grands laboratoires pharmaceutiques, des responsables d'hôpitaux, etc. L'idée est donc à l'avenir d'associer étroitement les parties prenantes - c'est-à-dire les chercheurs, les industriels, les collectivités territoriales - à la mise en oeuvre des investissements d'avenir.

Monsieur Mizzon, le caractère dérogatoire des règles budgétaires applicables aux PIA a vocation à inscrire ces investissements dans un cadre pluriannuel. Il s'agit in fine de sanctuariser les dépenses d'innovation, tout en offrant aux bénéficiaires des programmes une plus grande visibilité sur les moyens qui leurs seront alloués. Enfin, monsieur Capus, les réflexions de la Commission européenne sur la taxonomie verte ne sont pas, pour l'instant, prises en compte dans le PIA 4, mais elles le seront certainement à l'avenir.

Étant donné que nous ne disposons pas actuellement de l'ensemble des éléments relatifs à la budgétisation de la mission « Investissements d'avenir » pour 2022, je vous propose de réserver notre vote.

La commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » précédemment réservés.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » et l'article 42 quaterdecies .

Le compte rendu de la réunion peut être consulté sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général pour l'investissement

- M. Guillaume BOUDY, secrétaire général pour l'investissement ;

- Mme Sonia BAYADA, directrice financière ;

- Mme Camille MULLER, directrice financière adjointe.

BPI France

- M. Cédric LOWENBACH, directeur de développement à la direction de la stratégie et du développement ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, responsable des relations institutionnelles et du suivi des politiques publiques.

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

- M. Valentin DEVRIÈS, directeur adjoint des investissements d'avenir.

Agence nationale de la Recherche (ANR)

- M. Arnaud TORRES, directeur des grands programmes d'investissement de l'État ;

- Mme Cécile SCHOU, chargée de mission.

Caisse des dépôts et consignations

- M. Nicolas CHUNG, directeur de la mission PIA ;

- M. Adil TAOUFIK, adjoint au directeur des relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Comité de surveillance des investissements d'avenir, « Le programme d'investissements d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder, novembre 2019.

* 2 Cour des comptes, 20 juillet 2021, « La mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (2010-2020) ».

* 3 Article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 4 Article 59 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 5 Alain Juppé et Michel Rocard, « Investir pour l'avenir : priorités stratégiques d'investissement et d'emprunt » , Rapport au Premier ministre, novembre 2009.

* 6 Il s'agit ici des crédits nouveaux ; il n'est pas tenu compte des intérêts versés par les dotations non consomptibles et le FII.

* 7 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus et des 33,5 millions d'euros d'AE supplémentaires ouverts pour l'action « concours d'innovation » du programme 423 par la loi n° 2018-1104 du 18 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 8 Jean Pisani-Ferry, « Le Grand plan d'investissement 2018-2022 » , Rapport au premier ministre, septembre 2017.

* 9 Comité de surveillance des investissements d'avenir, « Le programme d'investissements d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder, novembre 2019.

* 10 Projet annuel de performances pour 2021.

* 11 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus en 2019, 2020 et 2021.

* 12 Après LFR 1 et transferts.

* 13 Au 1 er janvier 2021, après redéploiements et transferts.

* 14 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus en 2019 et 2020.

* 15 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus en 2019 et 2020.

* 16 La convention du 28 décembre 2017 entre l'État et Bpifrance relative au programme d'investissements d'avenir (action « Fonds national post-maturation “Frontier venture” ») prévoit une ouverture progressive, par tranche, des crédits de paiement, pour couvrir les 500 millions d'autorisations d'engagement ouvertes en 2017.

* 17 L'actualisation tient compte des redéploiements intervenus en 2019 et 2020.

* 18 Convention du 8 avril 2021 entre l'État, l'ADEME, l'Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations, l'EPIC Bpifrance et la société anonyme Bpifrance encadrant les dispositions communes aux conventions relatives à la mise en oeuvre du quatrième programme d'investissements d'avenir.

* 19 Il s'agit ici de la partie nominale du Fonds, qui n'est pas issue du dividende des participations de l'État.

* 20 « Une nouvelle génération d'investissements stratégiques gagnerait à privilégier des thématiques à fort impact territorial (...) la macro-allocation de la nouvelle génération d'investissements stratégiques [doit s'orienter] vers des déterminants de croissance de l'économie française qui gagneraient à bénéficier d'innovations et qui emportent une forte dimension territoriale ».

* 21 Cour des comptes, 20 juillet 2021, « La mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (2010 - 2020) ».

* 22 Ibid.

* 23 Selon les informations transmises au rapporteur spécial, il est également prévu de verser 500 millions d'euros de fonds propres en 2022 et 2023, mais ces crédits ne sont pas labellisés « plan de relance ».

* 24 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 25 Rapport au Président de la République, « Investir pour l'avenir, Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national ».

* 26 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 27 Article 134 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 28 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 29 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 30 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 31 Décret n° 2021-9 du 7 janvier 2021 modifiant le décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 relatif au secrétaire général pour l'investissement.

* 32 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 33 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 34 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 35 Seules les priorités « Fonds marins », « Accès aux matières premières » et « Composants stratégiques » bénéficieront d'ouvertures uniquement en AE sur certaines actions.

* 36 Cour des comptes, 20 juillet 2021, « La mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (2010 - 2020) ».

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