B. DES INTERROGATIONS PERSISTANTES SUR LES RÈGLES RÉGISSANT LES AVANCES

L'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances définit les règles applicables aux avances. Ainsi, une avance doit être accordée pour une durée déterminée et doit être assortie d'un taux ne pouvant être inférieur aux obligations du Trésor à même échéance 100 ( * ) . À ce taux initial s'ajoutent les frais de gestion ainsi que, dans certains cas, une prime de risque destinée à couvrir l'État en cas de défaillance du bénéficiaire. Seul un décret en Conseil d'État peut permettre de déroger à ces obligations. Dans les faits cependant, il arrive fréquemment que des avances soient octroyées sans prime, soit parce que le bénéficiaire a par le passé remboursé sans difficulté une précédente avance, soit parce qu'il dispose de ressources certaines, propres à lui permettre de faire face à ses obligations.

Les principaux indicateurs inscrits dans le projet annuel de performance du CCF ont trait aux deux conditions encadrant l'utilisation des avances : le respect de la neutralité budgétaire pour l'État et le respect de la durée initiale des avances . En effet, si ce dernier critère n'était pas respecté, l'avance se transformerait de facto en subvention. Le rapporteur spécial relève que le premier indicateur ne devrait pas être strictement respecté en 2021, ni même en 2022. Cet écart s'explique par la possibilité, en application d'un décret en Conseil d'État du 7 décembre 2020 101 ( * ) , d'assortir l'avance octroyée à Île-de-France Mobilités d'un taux d'intérêt inférieur à celui des obligations du bons du Trésor de même échéance.

Deux éléments sont à relever et invitent à s'interroger sur le fonctionnement de ces avances. Le premier concerne leur récurrence , au profit de plusieurs organismes - en excluant le Bacea de ce périmètre - qui bénéficient chaque année ou presque d'un droit de tirage. Pour certains, ces avances permettent d'apporter la trésorerie nécessaire au financement de projets d'investissement , alors même que leur qualité d'organismes d'administration centrale ne leur permet pas de recourir à l'emprunt pour une durée supérieure à un an.

Le deuxième concerne la durée des avances . Le recueil des normes comptables de l'État 102 ( * ) , dans la partie normative de sa règle n° 7, fixe la durée des avances à deux ans maximum, renouvelable une fois sur autorisation expresse. Sur une durée supérieure à quatre ans, l'État doit consentir un prêt. Or, comme indiqué précédemment, la plupart des avances octroyées cette année ou les années passées ont des durées qui excèdent très largement les deux et quatre ans. Ainsi, plus de 95 % des avances avaient une maturité résiduelle supérieure à cinq ans en 2021 . De même, le caractère répété des avances revient également à contourner cette limitation. Dans ces situations, l'octroi d'une avance s'éloigne de l'esprit du dispositif, supposé ne servir que de relais de trésorerie temporaire pour les organismes bénéficiaires.

Il ne s'agit pas ici de remettre en cause le bien-fondé de l'octroi de certaines avances sur une durée très longue, comme par exemple celles à destination des AOM, avec une clause de retour à meilleure fortune, ou encore du secteur aérien. Toutefois, ces dispositifs auraient très bien pu prendre la forme de prêts, sans conséquence aucune sur le taux d'intérêt ou sur les modalités de remboursement par rapport à l'octroi d'une avance . Dans la maquette budgétaire du projet de loi de finances, ces fonds seraient portés par un compte de prêts, et non d'avances, ce qui permettrait de clarifier ces différentes modalités et éviterait de voir les règles et le principe même des avances contournés de façon aussi systématique .


* 100 Le contexte des taux d'intérêts négatifs a conduit l'Agence France Trésor à appliquer un taux plancher de 0 % assorti d'une prime reflétant la différence de qualité entre la signature de l'État et du bénéficiaire. Deux raisons justifient ce choix : (1) ne pas faire peser une charge budgétaire supplémentaire pour l'État ; (2) ne pas déresponsabiliser les tiers bénéficiant d'une avance.

* 101 Décret n° 2020-1528 du 7 décembre 2020 relatif au taux d'intérêt du prêt accordé par l'État à l'établissement public « Ile-de-France Mobilités » à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19.

* 102 Recueil des normes comptables de l'État , à jour de l'arrêté du 28 juillet 2021 portant modification des règles relatives à la comptabilité générale de l'État.

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