III. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN DE RELANCE EUROPÉEN : UN POINT D'ÉTAPE SUR UNE CRÉATION BUDGÉTAIRE INÉDITE

Compte tenu de la mobilisation historique du budget européen pour mettre en oeuvre un plan de relance pour soutenir l'économie européenne face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, le rapporteur spécial a souhaité conduire, au cours des derniers mois, des travaux de contrôle budgétaire relatifs au suivi de la mise en oeuvre de ce plan de relance européen . Néanmoins, l'entrée en vigueur tardive de la décision relative aux ressources propres, base légale indispensable à la Commission européenne pour lever ces ressources sur les marchés financiers, ne permet aujourd'hui que de dresser un premier point d'étape.

A. « NEXT GENERATION EU », UN ACCORD SANS PRÉCÉDENT POUR FAIRE FACE À UNE CRISE INÉDITE

Lors de l'examen du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne prévu par le projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur spécial avait souligné que le Conseil européen de juillet 2020 avait constitué un tournant historique majeur , tant en ce qu'il a permis d'aboutir sur les négociations pour le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, que parce qu'il a défini les contours du plan de relance européen, intitulé « Next Generation EU ».

En effet, à cette occasion les 27 États membres se sont accordés sur un CFP « socle » dont le montant s'élève à 1 074 milliards d'euros 22 ( * ) en crédits d'engagement , et 1 061 milliards d'euros en crédits de paiement , et ils ont conservé l'enveloppe de 750 milliards d'euros dédiée à l'instrument de relance.

Plus précisément, l'enveloppe de 750 milliards d'euros se répartit entre 360 milliards d'euros de prêts , et 390 milliards d'euros de subventions , dont la principale composante est la « facilité pour la reprise et la résilience » (FRR). La clé d'allocation de celle-ci est séquencée en deux phases :

- 70 % des subventions fournies par la FRR seront engagés en 2021 et 2022 et alloués selon la clé initialement proposée par la Commission européenne ;

- les 30 % restants seront engagés avant 2023 en remplaçant le critère du taux de chômage observé entre 2015 à 2019 par celui de la perte de PIB en 2020 et la perte de PIB cumulée entre 2020 et 2021 , afin de mieux tenir compte des effets économiques de la crise sanitaire.

Accord du Conseil européen du 21 juillet 2020 sur le CFP 2021-2027
et l'instrument de relance

(en milliards d'euros (prix 2018), et en crédits d'engagement)

Accord du 21 juillet 2020 entre les États membres

CFP « socle »

« Next Generation EU »

Total

CFP « socle » + « Next Generation EU »

Rubrique 1 « Marché unique, innovation et économie numérique »

132,8

10,6

143,4

Rubrique 2 « Cohésion et Valeurs », dont :

377,8

721,9

1 099,7

Fonds européen de développement régional

200,4

-

200,4

Fonds de cohésion

42,6

-

42,6

Fonds social européen

88,0

-

88,0

Erasmus

21,2

-

21,2

Facilité pour la reprise et la résilience

-

672,5*

672,5

REACT-EU

-

47,5

47,5

RescEU

1,1

1,9

3

Rubrique 3 « Ressources naturelles et environnement » dont :

356,4

17,5

373,9

Fonds européen agricole de garantie (FEAGA)

258,6

-

258,6

Fonds européen agricole de développement rural (FEADER)

77,9

7,5

85,4

Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP)

5,4

-

5,4

Fonds pour une transition juste

7,5

10

17,5

Rubrique 4 « Migration et Gestion des frontières »

22,7

-

22,7

Rubrique 5 « Résilience, sécurité et défense » dont :

13,2

-

13,2

Fonds européen de défense

7,0

-

7,0

Rubrique 6 « Le voisinage et le monde »

98,4

-

98,4

Rubrique 7 « Administration publique »

73,1

-

73,1

Total

1074,3

750

1824,3

* dont 360 milliards d'euros de prêts.

Note de lecture : la somme des arrondis n'est pas égale à l'arrondi de la somme.

Source : direction du budget, à partir des conclusions du Conseil européen des 17 au 21 juillet 2020

Ainsi la France devrait bénéficier d'une enveloppe de 40 milliards d'euros courants au titre de la FRR , soit 37,4 milliards d'euros constants 23 ( * ) .

Deuxièmement, la FRR fait l'objet d'une une gouvernance spécifique. En effet, l'allocation des crédits de la FRR nécessite que les États membres présentent à la Commission européenne des plans nationaux détaillant leurs programmes de réformes et d'investissement pour les années 2021 à 2023 (le « plan national de relance et de résilience », PNRR). La Commission européenne dispose ensuite d'un délai de deux mois pour évaluer ces plans , et examiner leur cohérence avec les recommandations par pays réalisées dans le cadre du Semestre européen. L'évaluation des plans est ensuite approuvée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée , dans un délai de quatre semaines après la proposition de la Commission européenne.

S'agissant du décaissement des crédits de la FRR, celui-ci s'étalera entre 2021 et 2026 , « au fur et à mesure de l'atteinte de cibles targets » quantitatives) et étapes clés milestones » qualitatives) » figurant dans le plan national de chaque État membre. « Deux fois par an, un État membre pourra solliciter auprès de la Commission européenne le déclenchement des décaissements correspondants aux cibles et étapes clés atteintes à date. Leur réalisation fera alors l'objet d'un examen et d'une décision de la Commission , et d'un avis du Conseil Ecofin , composé des ministres de l'économie et des finances de tous les États membres » 24 ( * ) .

La France a transmis le 28 avril dernier à la Commission européenne son PNRR, et celle-ci l'a formellement approuvé le 13 juillet. En août 2021, la France a ainsi pu bénéficier du premier versement, au titre du préfinancement, s'élevant à 5,1 milliards d'euros .

Le rapporteur spécial avait déjà exprimé ses inquiétudes quant à ce schéma de gouvernance, notamment au regard du poids prépondérant des exécutifs des États membres, au détriment du Parlement européen et des parlements nationaux, dans la mise en oeuvre de la FRR . Eu égard à l'importance de l'enveloppe qui devrait être allouée à la France, le rapporteur spécial avait demandé au Gouvernement que le Parlement soit étroitement associé à chaque étape de cette procédure .

Or, le PNRR transmis par la France à la Commission européenne n'a pas fait l'objet d'une concertation rapprochée avec le Parlement , le Gouvernement estimant que la stratégie décrite s'inscrivait en cohérence avec le plan de relance national, qui avait lui-même été débattu au Parlement 25 ( * ) .


* 22 Prix de 2018.

* 23 Prix de 2018. D'après les estimations réalisées par la Commission européenne.

* 24 Annexe au projet de loi de finances pour 2021 « Relations financières avec l'Union européenne ».

* 25 Le plan national de résilience et de relance indique, p. 721 : « Il faut rappeler que le plan France Relance fait notamment l'objet d'une mission budgétaire dédiée au sein de la loi de finances, au sens de la loi organique relative aux lois de finances du 1eraoût 2001, et a été débattu et adopté par le Parlement dans le cadre de l'examen des lois de finances rectificatives pour 2020, de la loi de finances pour 2021 et, pour ce qui concerne les mesures portées par les administrations de sécurité sociale, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le Parlement a donc été pleinement associé à l'exercice de définition du plan France Relance ».

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