EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 25 MARS 2015

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons tout d'abord le rapport de Simon Sutour la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau autorisant les officiers d'état civil à célébrer des mariages dans les annexes de la mairie.

M. Simon Sutour , rapporteur . - Espérons que cette proposition de loi ne sera pas comme beaucoup d'autres satellisée dans la stratosphère, mais parviendra au bout de la navette, car elle répond à un problème concret, soulevé par de nombreux élus. Le droit en vigueur impose que les mariages soient célébrés dans le bâtiment de l'hôtel de ville ou les dépendances appartenant au même ensemble immobilier. Les dérogations à ce principe, très peu nombreuses, sont strictement encadrées : l'article 75 du code civil prévoit la célébration au domicile ou à la résidence de l'un des époux uniquement en cas d'empêchement grave ou de péril imminent de mort de l'un des futurs époux. Une troisième hypothèse est prévue par l'instruction générale relative à l'état civil : si, en raison de travaux sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période, les célébrations peuvent se dérouler ailleurs.

Le souci qui domine est de limiter les risques de perte ou de destruction des registres de l'état civil qui peuvent se produire à l'occasion de leur déplacement. L'utilisation désormais fréquente de feuilles mobiles du registre, ainsi que la dématérialisation de la conservation des données, font disparaître toute raison valable de refuser une évolution des textes.

La proposition de loi autorise les mariages dans des annexes de la mairie. Cette possibilité devrait faire l'objet d'une délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République. De nombreuses communes souhaiteraient en effet, pour des raisons pratiques - une salle des mariages exiguë ou difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite par exemple - pouvoir célébrer des mariages en dehors de l'hôtel de ville.

Dès 2012, lors de l'examen de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, nous avions en commission donné un avis favorable à un amendement autorisant la célébration de mariages dans une annexe de la mairie pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cet amendement avait été retiré avant la séance.

Je recommande l'adoption du texte sous réserve d'un amendement, auquel l'auteur a donné son accord. Il inscrit ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales plutôt que dans le code civil, dont l'article 75 ne doit pas être alourdi. La disposition nouvelle trouverait mieux sa place parmi les articles du code des collectivités territoriales relatifs aux attributions du conseil municipal. Distinguer dans le code civil les mariages célébrés à la mairie et ceux célébrés dans un autre local amoindrirait l'unité et la portée symbolique des termes utilisés. Tout mariage sera célébré, quel que soit le lieu choisi, dans la « maison commune », lors d'une cérémonie républicaine, en présence de l'officier d'état civil. Les termes de « mairie » ou de « maison commune » devraient donc s'entendre désormais de l'hôtel de ville, mais également du local affecté à la célébration de mariages.

Je vous proposerai en outre de remplacer l'expression « annexe de la mairie » par « local adapté à la célébration de mariages » car, dans le code général des collectivités territoriales, la notion d'annexe de mairie désigne les annexes des communes déléguées créées au sein de communes nouvelles, ou les annexes de quartier dans les communes de plus de 100 000 habitants. La portée de la présente proposition de loi en serait nettement limitée : aucun mariage ne pourrait être célébré hors de l'hôtel de ville dans les nombreuses communes qui n'ont pas d'annexes !

La proposition de loi prévoit une simple transmission de la délibération du conseil municipal au procureur de la République. Dans la mesure où nous passons d'une interdiction de principe de la célébration de mariages hors de la mairie à la mise en place d'une possibilité pour le conseil municipal de choisir librement le lieu de ces célébrations, je vous proposerai d'introduire une autorisation préalable du procureur : il est indispensable qu'il contrôle le lieu choisi et garantisse une certaine pérennité de son affectation.

Je vous proposerai enfin de renvoyer à un décret la fixation des conditions que doit satisfaire le local : être conforme à la solennité qui s'attache à la cérémonie du mariage et être doté, notamment, des symboles républicains.

M. Philippe Bas , président . - Merci pour ce rapport, qui éclaire un sujet dont l'importance symbolique ne doit pas être sous-estimée.

M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà une heureuse initiative. Je m'étonne toujours qu'il soit aussi laborieux et difficile de mettre en oeuvre ce qui relève du bon sens. Malgré l'argumentaire de notre rapporteur, je préfère la rédaction initiale. Pourquoi une autorisation du procureur de la République serait-elle nécessaire ? Par ailleurs, le texte risque d'attendre sa deuxième lecture un certain temps ; s'il faut en outre un décret pour qu'il entre en application, nous ne sommes pas au bout de nos peines, alors que l'affaire n'est pas compliquée... Le conseil municipal est bien capable de désigner un local approprié. Pourquoi les collectivités devraient-elles toujours demander une permission ? Il est vrai que la compétence générale a du plomb dans l'aile...

M. Philippe Bas , président . - Pour toute question pouvant entraîner des contentieux sur la validité des mariages, et pour l'organisation des cérémonies matrimoniales, le procureur de la République est généralement compétent. C'est plutôt ne pas prévoir son intervention qui serait surprenant.

M. Jean-Patrick Courtois . - On pourrait envisager que le procureur soit simplement tenu informé. S'il doit faire le tour de toutes les salles annexes de toutes les mairies, pour autoriser celle-ci et refuser celle-là, cela prendra des années... et pendant ce temps il ne pourra se consacrer à d'autres tâches.

M. François Grosdidier . - Il faut déjà six mois pour obtenir l'agrément d'un policier municipal...

M. Jean-Patrick Courtois . - Prévoyons plutôt que, sauf opposition de sa part, l'affectation du local choisi par le conseil municipal est acquise.

M. Yves Détraigne . - Cette proposition de loi va dans le bon sens. Une précision, cependant : le conseil municipal désignera-t-il une fois pour toutes un local pour les mariages, ou autorisera-t-il au coup par coup qu'ils aient lieu ici ou là, par exemple dans la salle de classe de l'enseignante qui en aura fait la demande ?

M. Michel Mercier . - Ce texte est intéressant par la question qu'il pose, puisque des mariages sont très souvent célébrés dans les mairies annexes des communes nouvelles ou dans les mairies d'arrondissement des grandes villes comme Lyon ou Paris. Je suppose qu'il n'est pas possible dans ces cas-là de célébrer un mariage à la mairie centrale sans autorisation du procureur.

M. Jean-Jacques Hyest . - Les mairies d'arrondissement ne sont pas des annexes.

M. Michel Mercier . - Un seul point de la proposition de loi me contrarie : le maire célèbre les mariages en tant qu'agent de l'État, non de la commune ; il relève donc de l'autorité du procureur de la République. N'est-il pas dommage d'introduire le conseil municipal dans les actes d'état civil, où il n'a rien à faire ?

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit en effet d'une question de principe importante. On pourrait cependant arguer que, s'agissant de l'affectation, même temporaire, de locaux appartenant au patrimoine de la commune, il n'est pas absurde que le conseil municipal se prononce.

Mme Cécile Cukierman . - Cette proposition de loi répond à des besoins qui se rencontrent principalement dans les petites communes, où la salle des mariages de l'hôtel de ville est exigüe. Évitons de trop en alourdir le contenu : si le décret fixant les conditions à remplir par le local n'est jamais publié, on attendra longtemps l'entrée en vigueur.

Il est important que le conseil municipal soit associé, sans quoi l'on pourrait craindre que certains élus - une petite minorité, certes - décident de renvoyer tel ou tel mariage, pour telle ou telle raison, à un lieu annexe. Je n'en dirai pas plus.

M. François Pillet . - C'est une question que plusieurs d'entre nous, dont moi, avaient proposé au Gouvernement de régler depuis des années. Ce n'est jamais arrivé, signe que le bon sens ne s'impose que grâce au Sénat... Il est dommage qu'il faille en arriver à une proposition de loi pour une affaire si simple. Mon intervention informelle avait surtout été guidée par le souci de l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées : que la mère du marié en fauteuil roulant ne puisse assister à la cérémonie est déplorable. La proposition de loi y remédiera, en attendant que les communes disposent des fonds pour mettre tous leurs locaux aux normes. Que la décision soit confiée au conseil municipal ou au maire, celui-ci pourra toujours en recevoir la délégation. Entre l'autorisation du procureur et sa simple information, il existe une solution intermédiaire : l'avis.

M. Jean-Pierre Sueur . - La cérémonie civile est souvent la seule, désormais, qui consacre les mariages. Beaucoup de maires ont donc à coeur qu'elle soit entourée d'une certaine solennité. Pour les maires, les mariages présentent le charme peu commun que leurs administrés viennent à la mairie contents, et en repartent contents. En plus des textes obligatoires, d'autres sont parfois lus et accompagnés de musique, afin de donner à cette circonstance le caractère d'une véritable cérémonie, non d'une simple formalité. « Un local adapté » signifie donc : approprié à la dignité et à la solennité d'un mariage civil dans la République.

M. François Bonhomme . - Les règles d'accessibilité des lieux publics ne seront-elles pas désormais contournées au prétexte d'un « empêchement grave » ?

M. Simon Sutour , rapporteur . - Je suis agréablement surpris de l'intérêt que suscite ce texte. Il s'agit bien de désigner un local une fois pour toutes, non au cas par cas. Je me suis beaucoup interrogé avant de vous faire ces propositions.

M. Simon Sutour , rapporteur . - J'ai retenu l'intervention en amont du procureur de la République pour cadrer les choses ; celle du conseil municipal est importante pour la publicité qu'elle confère. Je maintiens donc mon amendement en l'état.

Mme Catherine Tasca . - Je suggère un complément : l'expression « tout local adapté à la célébration de mariage » serait opportunément précisée par les mots : « par sa solennité et son accessibilité ». Ce sont deux objectifs concrets.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ne convient-il pas d'écrire « les conditions auxquelles doit satisfaire... » plutôt que « les conditions que doit satisfaire... » ?

M. Jean-Pierre Sueur . - L'écriture de M. Sutour est grammaticalement exacte.

M. Philippe Bas , président . - Nous pourrions suivre la suggestion de M. Hyest. Que faut-il entendre par ailleurs au juste par la « solennité » d'un lieu ?

M. Yves Détraigne . - Que ce ne doit pas être le gymnase.

M. Pierre-Yves Collombat . - Quand on connaît l'état de certaines mairies, on peut craindre que le procureur n'exige pour une annexe un état de décoration que l'hôtel de ville lui-même ne peut s'offrir. Gardons-nous d'aboutir à un texte qui compliquerait encore la situation et rendre plus difficile la célébration des mariages.

M. Philippe Bas , président . - Je mets donc au vote l'amendement n° 1 de notre rapporteur sous-amendé par M. Hyest.

M. André Reichardt . - Nous n'avons pas tranché la question de l'autorisation du procureur de la République. Ne vaut-il pas mieux en rester à une simple information ?

M. Michel Mercier . - J'approuve la première partie de l'amendement du rapporteur mais pas la seconde. Je ne vois pas pourquoi on laisserait au pouvoir réglementaire le soin de fixer des conditions pour le local. On va vers des complications...

M. Philippe Bas , président . - Accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, de supprimer le dernier alinéa de votre amendement ?

M. Simon Sutour , rapporteur . - Entendu.

M. Philippe Bas , président . - Nous accomplissons ici un travail collégial de qualité.

M. Jacques Bigot . - Pour des raisons d'accessibilité ou d'espace, certains maires célèbrent déjà des mariages hors de leur mairie. Des procureurs de la République en ont-ils déjà fait un motif de nullité ? Ils ont mieux à faire ! Contentons-nous de leur avis, sans leur demander une autorisation.

M. Pierre-Yves Collombat . - Que devient l'autorisation du procureur ?

M. Philippe Bas , président . - Le vote vous le dira.

L'amendement n° COM-1 rectifié est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. SUTOUR,
rapporteur

COM-1 rect.

Récriture de l'article unique

Adopté

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