Rapport n° 367 (2014-2015) de M. Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 mars 2015

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N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 mars 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Roland COURTEAU et plusieurs de ses collègues tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie ,

Par M. Simon SUTOUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

556 (2012-2013) et 368 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 25 mars 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. Simon Sutour , et établi son texte sur la proposition de loi de M. Roland Courteau tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie n° 556 (2012-2013) .

La commission des lois a approuvé ce texte qui apporte une réponse aux difficultés rencontrées par bon nombre de communes qui souhaiteraient, pour des raisons pratiques - une salle des mariages exiguë ou difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite par exemple -, pouvoir célébrer des mariages en dehors de la mairie.

Elle a cependant adopté un amendement de son rapporteur tendant à la réécriture de l'article unique du texte afin de le modifier sur plusieurs points.

Elle a tout d'abord choisi d' inscrire ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales plutôt que dans le code civil , estimant qu'elles concernaient principalement les modalités d'affectation, par le conseil municipal, d'un local à la célébration de mariages. Elle a ainsi entendu préserver la portée symbolique qui s'attache à l'article 75 du code civil relatif au déroulement de la célébration du mariage, en n'y introduisant pas de distinction entre les mariages célébrés dans le bâtiment de la mairie et ceux célébrés dans un autre local choisi à cet effet.

Elle a ensuite souhaité que ces dispositions puissent s'appliquer à l'ensemble des communes du territoire et pas seulement aux communes dont la mairie est dotée d' « annexes » au sens du code général des collectivités territoriales.

Enfin, elle a considéré que la mise en place d'une possibilité pour le conseil municipal de décider librement d'affecter tout local adapté à la célébration de mariages rendait nécessaire un contrôle préalable du choix de ce lieu par le procureur de la République .

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Mesdames, Messieurs,

Le droit en vigueur impose la célébration des mariages à la mairie. Les dérogations à ce principe sont strictement encadrées.

Or, certaines communes souhaiteraient pouvoir organiser ces célébrations dans d'autres locaux, pour palier le caractère exigu ou difficilement accessible de leur salle des mariages.

Déjà, en 2012, lors du débat relatif à la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales 1 ( * ) , votre commission des lois s'était prononcée en faveur d'un amendement tendant à assouplir le principe de l'interdiction de célébrer des mariages hors de l'hôtel de ville. Cet amendement avait cependant été retiré par ses auteurs.

L'examen de la proposition de loi de M. Roland Courteau, signée par l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à permettre la célébration de mariage dans des annexes de la mairie (n° 556, 2012-2013) est l'occasion pour votre commission de revenir sur cette question.

Les considérations qui justifiaient le caractère strict des dérogations au principe du mariage à la mairie, comme la volonté d'éviter tout déplacement des registres de l'état civil, doivent être aujourd'hui reconsidérées, au regard notamment du développement de l'utilisation de feuilles mobiles du registre et de la dématérialisation de la conservation de ces données.

Dans cette perspective, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a approuvé l'assouplissement proposé tout en adoptant plusieurs modifications au dispositif, conjuguant pragmatisme et sécurité juridique.

I. DES HYPOTHÈSES DE CÉLÉBRATIONS DE MARIAGES HORS DE LA MAIRIE STRICTEMENT ENCADRÉES PAR LE DROIT EN VIGUEUR

Le premier alinéa de l'article 75 du code civil impose à l'officier d'état civil de célébrer les mariages « à la mairie » 2 ( * ) . Au sens strict, la mairie est constituée du bâtiment de la commune qui porte cette appellation et des dépendances qui font partie du même ensemble immobilier.

Cependant, le deuxième alinéa de cet article permet de déroger à cette règle en célébrant le mariage « au domicile ou à la résidence de l'une des parties » dans deux situations seulement : « en cas d'empêchement grave » ou « en cas de péril imminent de mort de l'un des futurs époux ».

Ces deux hypothèses sont strictement encadrées . Dans le premier cas, il appartient au procureur de la République de requérir l'officier d'état civil de se transporter sur les lieux. Dans le second cas, l'officier d'état civil peut s'y transporter sans intervention du procureur de la République, à condition qu'il lui fasse ensuite part, « dans le plus bref délai [...] de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune ».

Une troisième exception est prévue par l'instruction générale relative à l'état civil 3 ( * ) . « Si, en raison de travaux à entreprendre sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période , il appartient au conseil municipal , autorité compétente pour statuer sur l'implantation de la mairie, de prendre, après en avoir référé au parquet , une délibération disposant que le local extérieur qui lui apparaît propre à suppléer l'habituelle salle des mariages rendue indisponible recevra l'affectation d'une annexe de la maison commune [...] et que les mariages pourront y être célébrés. Dans ce cas, le procureur donnera une autorisation générale pour le déplacement des registres. »

Cette dérogation ne peut être que temporaire et entraîne le transfert de la célébration de l'ensemble des mariages dans ce bâtiment de remplacement.

À ces dérogations s'ajoutent des dispositions spécifiques pour la célébration des mariages des personnes détenues.

L'interdiction de principe de la célébration des mariages hors de la maison commune s'explique, selon les éléments transmis à votre rapporteur, par les services du ministère de la justice, par la nécessité de respecter la compétence territoriale de l'officier de l'état civil, qui ne peut procéder à une célébration en dehors de son ressort territorial, et par la volonté d'éviter tout déplacement des registres de l'état civil, limitant ainsi les risques de perte ou de destruction.

II. UN ASSOUPLISSEMENT BIENVENU DES RÈGLES APPLICABLES PAR LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi déposée par M. Roland Courteau 4 ( * ) et cosignée par l'ensemble des membres du groupe socialiste, modifie l'article 75 du code civil pour prévoir que le mariage peut être célébré dans l'une des annexes de la mairie . Cette possibilité doit faire l'objet d'une délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République .

Deux autres textes avaient été déposés sur ce sujet au cours des dernières années : une proposition de loi de M. Philippe Nachbar 5 ( * ) et une proposition de loi de M. Alain Gournac et plusieurs de ses collègues 6 ( * ) .

1. Une réponse apportée à de fortes attentes exprimées par les parlementaires

Le mariage pourrait désormais être célébré « à la mairie ou dans l'une de ses annexes ».

Comme le précisent les auteurs de la proposition de loi, il n'est pas ici question de délocaliser l'ensemble des mariages dans un autre lieu que l'hôtel de ville, mais bien de permettre que, « parallèlement à la maison commune, des mariages puissent être célébrés dans une annexe de la mairie désignée à cette fin par le conseil municipal » et, ainsi, de « conférer clairement à ce dispositif la souplesse que commande le pragmatisme ».

Cette possibilité répond à une forte attente exprimée à plusieurs reprises par les parlementaires, à travers les propositions de loi précitées mais également des questions écrites adressées au Gouvernement. Dans sa réponse à une question qui lui était adressée par M. Jean Louis Masson 7 ( * ) , le ministre chargé des collectivités territoriales avait estimé que « des considérations tant juridiques que pratiques peuvent justifier que, parallèlement à la mairie, des mariages puissent être célébrés dans une annexe désignée dans ce but par le conseil municipal. À cette fin, une proposition de loi visant à modifier l'article 75 du code civil et à ouvrir cette possibilité a été déposée au Sénat le 29 mars 2010 par M. Roland Courteau ».

La possibilité de célébrer des mariages en dehors de l'hôtel de ville permettrait en particulier d' apporter un début de réponse aux mairies qui ne disposent pas de salle de mariages accessible à tous . Comme le soulignait notre collègue François Pillet dans une question écrite adressée au ministre chargé des collectivités territoriales 8 ( * ) , « beaucoup de communes ne possèdent pas de salle de mariages adaptée à l'accueil du public, notamment aux personnes handicapées, en particulier lorsque celle-ci se situe à l'étage du bâtiment communal ».

Or, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances a posé un objectif d'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées. Cet objectif est décliné à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation qui dispose que « les établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant doivent être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public. »

Le présent texte entend également apporter une réponse adaptée aux petites communes dotées d'une salle de mariages exiguë, qui ne peut accueillir tous les invités de la noce.

2. Une volonté affirmée de sécuriser le dispositif mis en place

La présente proposition de loi précise que la désignation de l'annexe dans laquelle le mariage pourrait être célébré ferait l'objet d'une « délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République ».

Comme le soulignent les auteurs du texte, cette affectation doit s'inscrire dans la durée en permettant ainsi d'« éviter au conseil municipal de réitérer régulièrement sa décision de "délocalisation" (avec les conséquences qui en résultent, en termes de lourdeurs, tant pour les services municipaux que pour ceux du parquet ) ». 9 ( * )

L'information du procureur de la République est également justifiée par le fait qu'en principe, les registres de l'état civil « doivent toujours rester en mairie » 10 ( * ) . Actuellement, en cas d'installation temporaire de la salle des mariages dans un local extérieur en raison de travaux à la mairie ou pour toute autre cause, le procureur est compétent pour donner une autorisation générale pour le déplacement de ces registres ( cf. supra ) 11 ( * ) .

Enfin, concernant la publicité obligatoire de la cérémonie, votre rapporteur estime que la présente proposition de loi ne pose pas de difficultés particulières.

S'agissant de la publication des bans, tout d'abord, l'article 63 du code civil, dans sa rédaction actuelle, est parfaitement adapté au nouveau dispositif qui serait mis en place, puisqu'il dispose que « l'officier de l'état civil fera une publication par voie d'affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré . »

Dès lors, toute personne intéressée pourra prendre connaissance du lieu du mariage, quand bien même il ne serait pas célébré à l'hôtel de ville mais dans un local désigné à cet effet par le conseil municipal.

S'agissant ensuite du caractère public de la cérémonie elle-même, il suffirait que les portes du local restent ouvertes, comme le prescrit actuellement l'instruction générale relative à l'état civil 12 ( * ) , qui prévoit que « quand un mariage est exceptionnellement célébré en dehors de la mairie, il convient que les portes du local où la célébration a lieu demeurent ouvertes pendant la durée de la cérémonie, et que l'observation de cette publicité soit indiquée dans l'acte de mariage . »

III. UN RENFORCEMENT PAR VOTRE COMMISSION DE L'EFFICACITÉ DU DISPOSITIF PROPOSÉ

En 2012, lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales 13 ( * ) , votre commission avait donné un avis favorable à l'adoption d'un amendement de séance permettant, dans les communes de moins de 3 500 habitants, la célébration de mariages dans une annexe de la mairie spécialement désignée à cet effet 14 ( * ) . Cet amendement avait ensuite été retiré avant la séance par ses auteurs.

Conformément à la position qui était déjà la sienne en 2012, votre commission s'est montrée favorable , dans son principe, à l'adoption de la présente proposition de loi . Elle a néanmoins, adopté un amendement de son rapporteur apportant plusieurs modifications à son dispositif.

1. Le choix d'inscrire les dispositions de la proposition de loi dans le code général des collectivités territoriales

La présente proposition de loi modifie directement l'article 75 du code civil, qui fixe les règles relatives au déroulement de la célébration du mariage, pour prévoir que si le mariage peut être célébré à la mairie, il peut également l'être dans l'une de ses annexes, désignée par délibération du conseil municipal.

L'affectation d'un lieu autre que la mairie à la célébration de mariages relevant d'une délibération du conseil municipal, votre commission a estimé que cette disposition pourrait opportunément être insérée dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), au sein des dispositions relatives aux attributions du conseil municipal, sous forme d'un nouvel article L. 2121-30-1.

Par voie de conséquence, les notions de « mairie » ou de « maison commune » utilisées à l'article 75 du code civil devraient désormais s'entendre de l'hôtel de ville mais également de tout autre local affecté à la célébration de mariages , qui n'en serait que le prolongement.

En effet, votre commission n'a pas souhaité opérer une distinction explicite, au sein de l'article 75 du code civil, entre les mariages célébrés à la « mairie » en tant que telle et ceux célébrés dans un autre local, pour conserver l'unité et la portée symbolique des termes utilisés. Tout mariage sera célébré, quel que soit le lieu choisi, dans la « maison commune », lors d'une cérémonie républicaine, en présence de l'officier d'état civil.

2. Le remplacement du terme « annexe » par celui de « local » pour permettre au texte d'atteindre l'objectif qu'il poursuit

Votre rapporteur s'est ensuite interrogé sur l'utilisation de la notion d' « annexe » de la mairie . En effet, dans le code général des collectivités territoriales, cette notion vise des structures particulières : les annexes des communes déléguées créées au sein de communes nouvelles, dans lesquelles les mariages peuvent d'ores et déjà être célébrés (art. L. 2113-11 du CGCT) 15 ( * ) ou les annexes de quartier des communes de plus de 100 000 habitants, dans lesquelles aucune opération d'état civil impliquant le déplacement des registres ne peut être réalisée (art. L. 2144-1 et L. 2144-2 du CGCT).

La question ne se pose pas pour Paris, Marseille et Lyon car, en application de l'article L. 2511-26 du CGCT, le maire d'arrondissement et ses adjoints sont dotés des attributions relevant du maire de la commune en matière d'état civil. Ils sont officiers d'état civil dans l'arrondissement et peuvent également exercer ces fonctions sur l'ensemble du territoire de la commune.

Votre rapporteur a estimé que la référence aux « annexes » de la mairie limiterait de manière importante la portée de la présente proposition de loi et ne permettrait pas la célébration de mariages hors de la mairie dans les communes qui ne disposent pas d'annexes au sens du CGCT, c'est-à-dire dans de nombreuses collectivités territoriales.

Or, telle ne semble pas être la volonté des auteurs du texte 16 ( * ) , ni des auteurs des autres propositions de loi déposées sur ce sujet, qui visaient notamment à permettre la célébration de mariages hors de l'hôtel de ville, dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Pour résoudre cette difficulté, votre commission a remplacé la notion d'« annexe » par les termes « local adapté ».

Une rédaction proche est d'ailleurs retenue dans l'instruction générale relative à l'état civil. Si, en raison de travaux sur les bâtiments de la mairie, ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période ( cf. supra ), une délibération du conseil municipal peut affecter à la célébration des mariages un « local extérieur qui paraît propre à suppléer l'habituelle salle des mariages ».

3. Un renforcement de la sécurité juridique du dispositif par la mise en place d'une autorisation préalable du procureur de la République à l'affectation du local

Alors que la proposition de loi ne prévoit qu'une simple transmission de la délibération du conseil municipal au procureur de la République, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a prévu l' obligation pour la commune d'obtenir son autorisation en amont de la décision.

Dans la mesure où l'affectation d'un autre local que l'hôtel de ville à la célébration de mariages pourrait être décidée librement par le conseil municipal, alors qu'à l'heure actuelle cette possibilité est strictement encadrée ( cf. supra ), votre commission a jugé nécessaire que le procureur contrôle le lieu choisi et garantisse une certaine pérennité de son affectation.

L'objectif de l'intervention du procureur n'est plus tout à fait, comme par le passé, lié au déplacement des registres et aux préoccupations concernant leur conservation.

En effet, comme le soulignent les services du ministère de la justice dans la contribution transmise à votre rapporteur, « la majorité des communes conservent désormais, en sus du format papier, les données des actes de l'état civil sous format électronique et procèdent à leur mise à jour par les mentions apposées sur l'acte contenu dans le registre ».

Cependant, l'existence de ces bases de données n'est fondée sur aucune base légale. La mise en place de ce cadre juridique devrait être proposée au Parlement lors de l'examen du projet de loi relatif à la justice du XXI ème siècle.

En tout état de cause, même si la dématérialisation des registres reste encore un objectif, le risque de perte ou de destruction est actuellement minimisé par l'utilisation de feuilles mobiles du registre par les communes, qui permet de recevoir un acte hors de l'hôtel de ville, sans déplacement du registre tout entier. Cette faculté découle de l'article 1 er du décret n° 62-921 du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives aux actes de l'état civil, qui prévoit que « les actes de l'état civil peuvent aussi, sauf opposition du procureur de la République ou du ministère des affaires étrangères en ce qui concerne les agents diplomatiques et consulaires, être inscrits sur des feuilles mobiles également tenues en double qui sont ensuite reliées en registre . »

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 25 MARS 2015

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons tout d'abord le rapport de Simon Sutour la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau autorisant les officiers d'état civil à célébrer des mariages dans les annexes de la mairie.

M. Simon Sutour , rapporteur . - Espérons que cette proposition de loi ne sera pas comme beaucoup d'autres satellisée dans la stratosphère, mais parviendra au bout de la navette, car elle répond à un problème concret, soulevé par de nombreux élus. Le droit en vigueur impose que les mariages soient célébrés dans le bâtiment de l'hôtel de ville ou les dépendances appartenant au même ensemble immobilier. Les dérogations à ce principe, très peu nombreuses, sont strictement encadrées : l'article 75 du code civil prévoit la célébration au domicile ou à la résidence de l'un des époux uniquement en cas d'empêchement grave ou de péril imminent de mort de l'un des futurs époux. Une troisième hypothèse est prévue par l'instruction générale relative à l'état civil : si, en raison de travaux sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période, les célébrations peuvent se dérouler ailleurs.

Le souci qui domine est de limiter les risques de perte ou de destruction des registres de l'état civil qui peuvent se produire à l'occasion de leur déplacement. L'utilisation désormais fréquente de feuilles mobiles du registre, ainsi que la dématérialisation de la conservation des données, font disparaître toute raison valable de refuser une évolution des textes.

La proposition de loi autorise les mariages dans des annexes de la mairie. Cette possibilité devrait faire l'objet d'une délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République. De nombreuses communes souhaiteraient en effet, pour des raisons pratiques - une salle des mariages exiguë ou difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite par exemple - pouvoir célébrer des mariages en dehors de l'hôtel de ville.

Dès 2012, lors de l'examen de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, nous avions en commission donné un avis favorable à un amendement autorisant la célébration de mariages dans une annexe de la mairie pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cet amendement avait été retiré avant la séance.

Je recommande l'adoption du texte sous réserve d'un amendement, auquel l'auteur a donné son accord. Il inscrit ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales plutôt que dans le code civil, dont l'article 75 ne doit pas être alourdi. La disposition nouvelle trouverait mieux sa place parmi les articles du code des collectivités territoriales relatifs aux attributions du conseil municipal. Distinguer dans le code civil les mariages célébrés à la mairie et ceux célébrés dans un autre local amoindrirait l'unité et la portée symbolique des termes utilisés. Tout mariage sera célébré, quel que soit le lieu choisi, dans la « maison commune », lors d'une cérémonie républicaine, en présence de l'officier d'état civil. Les termes de « mairie » ou de « maison commune » devraient donc s'entendre désormais de l'hôtel de ville, mais également du local affecté à la célébration de mariages.

Je vous proposerai en outre de remplacer l'expression « annexe de la mairie » par « local adapté à la célébration de mariages » car, dans le code général des collectivités territoriales, la notion d'annexe de mairie désigne les annexes des communes déléguées créées au sein de communes nouvelles, ou les annexes de quartier dans les communes de plus de 100 000 habitants. La portée de la présente proposition de loi en serait nettement limitée : aucun mariage ne pourrait être célébré hors de l'hôtel de ville dans les nombreuses communes qui n'ont pas d'annexes !

La proposition de loi prévoit une simple transmission de la délibération du conseil municipal au procureur de la République. Dans la mesure où nous passons d'une interdiction de principe de la célébration de mariages hors de la mairie à la mise en place d'une possibilité pour le conseil municipal de choisir librement le lieu de ces célébrations, je vous proposerai d'introduire une autorisation préalable du procureur : il est indispensable qu'il contrôle le lieu choisi et garantisse une certaine pérennité de son affectation.

Je vous proposerai enfin de renvoyer à un décret la fixation des conditions que doit satisfaire le local : être conforme à la solennité qui s'attache à la cérémonie du mariage et être doté, notamment, des symboles républicains.

M. Philippe Bas , président . - Merci pour ce rapport, qui éclaire un sujet dont l'importance symbolique ne doit pas être sous-estimée.

M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà une heureuse initiative. Je m'étonne toujours qu'il soit aussi laborieux et difficile de mettre en oeuvre ce qui relève du bon sens. Malgré l'argumentaire de notre rapporteur, je préfère la rédaction initiale. Pourquoi une autorisation du procureur de la République serait-elle nécessaire ? Par ailleurs, le texte risque d'attendre sa deuxième lecture un certain temps ; s'il faut en outre un décret pour qu'il entre en application, nous ne sommes pas au bout de nos peines, alors que l'affaire n'est pas compliquée... Le conseil municipal est bien capable de désigner un local approprié. Pourquoi les collectivités devraient-elles toujours demander une permission ? Il est vrai que la compétence générale a du plomb dans l'aile...

M. Philippe Bas , président . - Pour toute question pouvant entraîner des contentieux sur la validité des mariages, et pour l'organisation des cérémonies matrimoniales, le procureur de la République est généralement compétent. C'est plutôt ne pas prévoir son intervention qui serait surprenant.

M. Jean-Patrick Courtois . - On pourrait envisager que le procureur soit simplement tenu informé. S'il doit faire le tour de toutes les salles annexes de toutes les mairies, pour autoriser celle-ci et refuser celle-là, cela prendra des années... et pendant ce temps il ne pourra se consacrer à d'autres tâches.

M. François Grosdidier . - Il faut déjà six mois pour obtenir l'agrément d'un policier municipal...

M. Jean-Patrick Courtois . - Prévoyons plutôt que, sauf opposition de sa part, l'affectation du local choisi par le conseil municipal est acquise.

M. Yves Détraigne . - Cette proposition de loi va dans le bon sens. Une précision, cependant : le conseil municipal désignera-t-il une fois pour toutes un local pour les mariages, ou autorisera-t-il au coup par coup qu'ils aient lieu ici ou là, par exemple dans la salle de classe de l'enseignante qui en aura fait la demande ?

M. Michel Mercier . - Ce texte est intéressant par la question qu'il pose, puisque des mariages sont très souvent célébrés dans les mairies annexes des communes nouvelles ou dans les mairies d'arrondissement des grandes villes comme Lyon ou Paris. Je suppose qu'il n'est pas possible dans ces cas-là de célébrer un mariage à la mairie centrale sans autorisation du procureur.

M. Jean-Jacques Hyest . - Les mairies d'arrondissement ne sont pas des annexes.

M. Michel Mercier . - Un seul point de la proposition de loi me contrarie : le maire célèbre les mariages en tant qu'agent de l'État, non de la commune ; il relève donc de l'autorité du procureur de la République. N'est-il pas dommage d'introduire le conseil municipal dans les actes d'état civil, où il n'a rien à faire ?

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit en effet d'une question de principe importante. On pourrait cependant arguer que, s'agissant de l'affectation, même temporaire, de locaux appartenant au patrimoine de la commune, il n'est pas absurde que le conseil municipal se prononce.

Mme Cécile Cukierman . - Cette proposition de loi répond à des besoins qui se rencontrent principalement dans les petites communes, où la salle des mariages de l'hôtel de ville est exigüe. Évitons de trop en alourdir le contenu : si le décret fixant les conditions à remplir par le local n'est jamais publié, on attendra longtemps l'entrée en vigueur.

Il est important que le conseil municipal soit associé, sans quoi l'on pourrait craindre que certains élus - une petite minorité, certes - décident de renvoyer tel ou tel mariage, pour telle ou telle raison, à un lieu annexe. Je n'en dirai pas plus.

M. François Pillet . - C'est une question que plusieurs d'entre nous, dont moi, avaient proposé au Gouvernement de régler depuis des années. Ce n'est jamais arrivé, signe que le bon sens ne s'impose que grâce au Sénat... Il est dommage qu'il faille en arriver à une proposition de loi pour une affaire si simple. Mon intervention informelle avait surtout été guidée par le souci de l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées : que la mère du marié en fauteuil roulant ne puisse assister à la cérémonie est déplorable. La proposition de loi y remédiera, en attendant que les communes disposent des fonds pour mettre tous leurs locaux aux normes. Que la décision soit confiée au conseil municipal ou au maire, celui-ci pourra toujours en recevoir la délégation. Entre l'autorisation du procureur et sa simple information, il existe une solution intermédiaire : l'avis.

M. Jean-Pierre Sueur . - La cérémonie civile est souvent la seule, désormais, qui consacre les mariages. Beaucoup de maires ont donc à coeur qu'elle soit entourée d'une certaine solennité. Pour les maires, les mariages présentent le charme peu commun que leurs administrés viennent à la mairie contents, et en repartent contents. En plus des textes obligatoires, d'autres sont parfois lus et accompagnés de musique, afin de donner à cette circonstance le caractère d'une véritable cérémonie, non d'une simple formalité. « Un local adapté » signifie donc : approprié à la dignité et à la solennité d'un mariage civil dans la République.

M. François Bonhomme . - Les règles d'accessibilité des lieux publics ne seront-elles pas désormais contournées au prétexte d'un « empêchement grave » ?

M. Simon Sutour , rapporteur . - Je suis agréablement surpris de l'intérêt que suscite ce texte. Il s'agit bien de désigner un local une fois pour toutes, non au cas par cas. Je me suis beaucoup interrogé avant de vous faire ces propositions.

M. Simon Sutour , rapporteur . - J'ai retenu l'intervention en amont du procureur de la République pour cadrer les choses ; celle du conseil municipal est importante pour la publicité qu'elle confère. Je maintiens donc mon amendement en l'état.

Mme Catherine Tasca . - Je suggère un complément : l'expression « tout local adapté à la célébration de mariage » serait opportunément précisée par les mots : « par sa solennité et son accessibilité ». Ce sont deux objectifs concrets.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ne convient-il pas d'écrire « les conditions auxquelles doit satisfaire... » plutôt que « les conditions que doit satisfaire... » ?

M. Jean-Pierre Sueur . - L'écriture de M. Sutour est grammaticalement exacte.

M. Philippe Bas , président . - Nous pourrions suivre la suggestion de M. Hyest. Que faut-il entendre par ailleurs au juste par la « solennité » d'un lieu ?

M. Yves Détraigne . - Que ce ne doit pas être le gymnase.

M. Pierre-Yves Collombat . - Quand on connaît l'état de certaines mairies, on peut craindre que le procureur n'exige pour une annexe un état de décoration que l'hôtel de ville lui-même ne peut s'offrir. Gardons-nous d'aboutir à un texte qui compliquerait encore la situation et rendre plus difficile la célébration des mariages.

M. Philippe Bas , président . - Je mets donc au vote l'amendement n° 1 de notre rapporteur sous-amendé par M. Hyest.

M. André Reichardt . - Nous n'avons pas tranché la question de l'autorisation du procureur de la République. Ne vaut-il pas mieux en rester à une simple information ?

M. Michel Mercier . - J'approuve la première partie de l'amendement du rapporteur mais pas la seconde. Je ne vois pas pourquoi on laisserait au pouvoir réglementaire le soin de fixer des conditions pour le local. On va vers des complications...

M. Philippe Bas , président . - Accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, de supprimer le dernier alinéa de votre amendement ?

M. Simon Sutour , rapporteur . - Entendu.

M. Philippe Bas , président . - Nous accomplissons ici un travail collégial de qualité.

M. Jacques Bigot . - Pour des raisons d'accessibilité ou d'espace, certains maires célèbrent déjà des mariages hors de leur mairie. Des procureurs de la République en ont-ils déjà fait un motif de nullité ? Ils ont mieux à faire ! Contentons-nous de leur avis, sans leur demander une autorisation.

M. Pierre-Yves Collombat . - Que devient l'autorisation du procureur ?

M. Philippe Bas , président . - Le vote vous le dira.

L'amendement n° COM-1 rectifié est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

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Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. SUTOUR,
rapporteur

COM-1 rect.

Récriture de l'article unique

Adopté


* 1 Proposition de loi déposée par M. Éric Doligé, le 4 août 2011, n° 779 (2010-2011).

* 2 Le premier alinéa de l'article 75 dispose que « le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212 et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215, et de l'article 371-1 du présent code . »

* 3 Paragraphe n° 393 de l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999, NOR: JUSX9903625J.

* 4 Cette proposition de loi avait fait l'objet d'un premier dépôt au Sénat le 29 mars 2010, texte n° 368 (2009-2010). Ayant été déclarée caduque, elle a été redéposée dans les mêmes termes par son auteur le 29 avril 2013, texte n° 556 (2012-2013).

* 5 Proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie, déposée le 8 juillet 2014, n° 692 (2013-2014).

* 6 Proposition de loi visant à permettre la célébration des mariages dans l'annexe de la mairie des communes de moins de 3 500 habitants, déposée le 24 mars 2009, n° 296 (2008-2009).

* 7 Question écrite n° 16913, publiée au JO Sénat du 27 janvier 2011 p. 185.

* 8 Question écrite n° 15379, publiée au JO Sénat du 7 octobre 2010 p. 2582.

* 9 Exposé des motifs de la proposition de loi p. 4.

* 10 Cf. Instruction générale relative à l'état civil § 72-2.

* 11 Cf. Instruction générale relative à l'état civil § 393.

* 12 Cf. Instruction générale relative à l'état civil § 393.

* 13 Proposition de loi déposée par M. Éric Doligé, le 4 août 2011, n° 779 (2010-2011).

* 14 Amendement n° 4 de Mme Primas et M. Gournac, qui reprenait in extenso la proposition de loi de M. Alain Gournac précitée, examiné par la commission des lois au cours de sa réunion du 24 octobre 2012.

* 15 En application de cet article, sont établis dans cette annexe les actes de l'état civil concernant les habitants de la commune déléguée.

* 16 Les auteurs de la proposition de loi donnent comme exemple de lieu où pourrait être célébré un mariage, une salle des fêtes de la commune ( cf. p. 3 de l'exposé des motifs). Or, une salle des fêtes n'est pas une annexe de la mairie au sens du CGCT. De même, l'assouplissement du dispositif permettrait de répondre aux difficultés liées au caractère exigu de la salle de mariage de certaines petites communes ( cf. supra ).

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