Rapport n° 234 (2010-2011) de M. Michel HOUEL , fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 19 janvier 2011

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N° 234

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de loi , MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relative à la solidarité dans les domaines de l' alimentation en eau et de l' assainissement ,

Par M. Michel HOUEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 228 (2008-2009), 242 , 243 et T.A. 59 (2009-2010)

Deuxième lecture : 147 et 235 (2010-2011)

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

Première lecture : 2305 , 2982 et T.A. 567

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) a consacré dans son article premier l'existence d'un droit à l'eau pour tous. Ce droit, qui a tardé à être pris en compte dans les textes constitutionnels français, n'en constitue pas moins un droit essentiel. M Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, rappelait ainsi dans le rapport d'activité de 2010 1 ( * ) consacré à l'eau et son droit, que « la maîtrise des eaux et l'approvisionnement de la population en eau potable demeurent l'une des responsabilités principales reconnues de nos jours aux États et l'un des éléments de cohésion des sociétés » , ajoutant « qu'en plusieurs points du globe, la pénurie d'eau accélère leur déliquescence, voire l'avènement de la guerre civile » .

Notre collègue Christian Cambon a déposé le 18 février 2009 une proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau 2 ( * ) . Cette dernière comportait un article unique visant à renforcer la solidarité des communes pour l'approvisionnement en eau des personnes en situation de précarité résidant en France, sans discrimination entre les usagers, qu'ils soient abonnés directs ou non des services publics de l'eau et de l'assainissement. Elle poursuivait notamment les objectifs suivants : compléter les moyens déjà ouverts aux services publics de l'eau et de l'assainissement pour développer une « action sociale » sur la facture d'eau et replacer les communes et leur maire « au centre du dispositif de solidarité locale » .

Cette proposition de loi ambitionnait surtout de traduire juridiquement le droit d'accès à l'eau potable consacré par la LEMA « pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous » . Si les ménages les plus défavorisés doivent faire face à des difficultés bien plus nombreuses, le paiement de leur facture de consommation en eau devient, dans un nombre croissant de cas, de plus en plus lourd à supporter.

Le système actuellement en vigueur repose sur un dispositif « curatif » d'aide a posteriori du paiement des factures en eau des personnes en situation d'impayés, prévu par l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles et que la présente proposition de loi vise à renforcer.

Le texte qui revient au Sénat pour une deuxième lecture a été enrichi par l'Assemblée nationale et votre rapporteur s'en réjouit. Cette dernière n'est en outre pas revenue sur les apports auxquels avait procédé notre Haute assemblée en première lecture : une inscription du mécanisme d'aide dans les dispositifs existants via un système de conventionnement entre les FSL et les services publics d'eau, une inclusion des immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés, une fixation à 0,5 % des recettes perçues au titre des redevances du taux de contribution volontaire proposé et une information du maire par le gestionnaire du fonds.

L'Assemblée nationale a néanmoins introduit des modifications à commencer par celle du titre de la proposition de loi, prenant acte du fait que le dispositif adopté met en place une solidarité des gestionnaires des services de distribution d'eau et donc in fine de leurs usagers davantage que des communes pour garantir le droit à l'eau.

Elle a en outre amélioré la proposition de loi sur deux aspects importants. Elle est en effet revenue sur le système d'avis simple du maire prévue par le texte adopté au Sénat en première lecture sans pour autant sacrifier le mécanisme d'information mutuelle du maire et du gestionnaire du FSL en matière d'attribution des aides. Ce dernier est en effet tenu de ne se fonder que sur des éléments relatifs à la situation financière du demandeur pour décider d'attribuer ou non une aide.

Elle a en outre inséré un article additionnel prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois, relatif aux différentes pistes envisageables pour la mise en place d'un volet « préventif » au dispositif d'aide actuellement prévu en matière d'accès à l'eau.

Votre rapporteur se félicite à cet égard qu'un consensus se dégage aujourd'hui pour compléter le dispositif actuel par une aide a priori des ménages les plus fragiles pour les aider à régler eux-mêmes leurs factures de consommation d'eau.

Le Comité national de l'eau, dans son avis du 15 décembre 2009 comme le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport de 2009 sur les usages domestiques de l'eau ont étudié différentes pistes envisageables en la matière pour la mise en place d'une tarification sociale pour l'eau, comme cela existe déjà par exemple pour le téléphone ou pour l'électricité. Ces propositions méritent d'être approfondies afin de compléter utilement les jalons déjà posés par le présent texte afin de pouvoir se reposer, à terme, sur un double système d'aide : un volet « curatif » solide et un volet « préventif » qui devra bénéficier d'un financement équivalent.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE TEXTE VOTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

A. LE CONTEXTE DE LA RECONNAISSANCE D'UN DROIT À L'EAU

La proposition de loi initiale relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau déposée par M. Christian Cambon s'inscrit dans le contexte d'une reconnaissance nouvelle d'un droit à l'eau pour tous .

Longtemps ignoré des textes internationaux et constitutionnels, ce droit a été récemment affirmé et reconnu avec force dans une résolution du 28 juillet 2010 de l'Assemblée générale des Nations Unies. Par ailleurs, si le droit à l'eau n'a pas, en France, le rang de principe ou d'objectif à valeur constitutionnelle, il peut indirectement se rattacher à deux principes de valeur constitutionnelle : le droit au logement et le droit à la protection de la santé publique.

La décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995 du Conseil constitutionnel a en effet tiré du Préambule de la Constitution de 1946 que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ». Et la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 a conféré à la protection de la santé publique le statut d'objectif à valeur constitutionnelle.

Plus récemment, l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques adoptée en 2006 a consacré un « droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiques acceptables par tous » .

C'est dans l'objectif de traduire juridiquement ce nouveau droit à l'eau que la présente proposition de loi a proposé de renforcer le dispositif d'aide actuellement en vigueur et de remédier à ses limites et ses dysfonctionnements.

Le prix moyen du mètre cube d'eau distribuée en France en 2008 s'élève à 3,39 euros, dont 1,51 euro pour l'eau potable, 1,35 euro pour l'assainissement et 0,53 euro de taxes et redevances. Ce prix a connu environ 3,3 % d'augmentation en moyenne par an entre 2004 et 2009, rendant son accès aux ménages les plus défavorisés de plus en plus difficile.

Il convient tout de même de rappeler que l'eau, qui représente 0,8 % du budget des ménages français, ne constitue pas le premier poste de dépenses (la facture annuelle moyenne d'un ménage français s'élève à 290 euros) et que les impayés d'eau représentent un poids financier relativement faible, à savoir moins de 0,7 % au 31 décembre 2006. Enfin, le prix de l'eau potable demeure raisonnable en France. S'élevant à 3,01 euros par mètre cube, il est en dessous de la moyenne européenne pondérée, qui est de 3,40 euros, certains pays comme l'Allemagne et le Danemark dépassant les 5 euros.

B. LE RENFORCEMENT DU DISPOSITIF CURATIF.

Alors que le texte initial organisait une contribution des distributeurs d'eau, dans la limite de 1 % de leurs recettes, aux communes et centres communaux et intercommunaux d'action sociale, la commission de l'économie du Sénat a transféré cette possibilité de versement de cette contribution aux fonds de solidarité pour le logement (FSL). Partant du constat selon lequel, aujourd'hui, les sommes allouées au volet « Eau » des FSL ne permettent pas de répondre aux objectifs dévolus en aidant les personnes qui connaissent des difficultés, le Sénat a donc adopté en première lecture, le principe d'une contribution volontaire et encadrée des opérateurs de l'eau au FSL .

Sur proposition de votre rapporteur, le Sénat avait baissé la limite de cette contribution à 0,5 % des redevances perçues hors taxes par les opérateurs . En effet, le taux de 1 % apparaissait élevé « par rapport aux abandons de créance pour les seuls abonnés directs en situation d'impayés compte tenu de difficultés financières (que l'on peut estimer à 0,1 - 0,2 %) 3 ( * ) ».

Il avait par ailleurs estimé qu'une telle « diminution du plafond financier était d'autant plus fondée que le dispositif préventif d'aide au paiement des factures devrait, s'il est mis en place, réduire le nombre de personnes en situation d'impayés » .

Le dispositif adopté par le Sénat, en outre :

- s'appuyait sur les structures existantes en instaurant un système de conventions entre les opérateurs du service public de l'eau et les FSL ;

- permettait aux services de l'eau d'appuyer l'action du FSL en définissant par convention un mode de calcul de la contribution aux charges d'eau en logement collectif afin d'inclure les immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés ;

- permettait d'étendre le dispositif proposé, sur une base volontaire toujours, aux régies et aux délégataires.

Enfin, le Sénat a adopté en première lecture les dispositions insérées en commission, toujours sur proposition de votre rapporteur, permettant de replacer le maire au coeur du dispositif en obligeant le gestionnaire des aides à informer le maire et à solliciter son avis avant de procéder à l'attribution des aides (cet avis étant réputé favorable, sans réponse de ce dernier dans un délai d'un mois). Ce dispositif permettait également au maire de saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d'une demande d'aide en particulier.

II. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Prenant acte que l'examen du texte en première lecture par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat avait conduit à une évolution du dispositif, qui relève désormais « plutôt de la solidarité entre les usagers du service public de l'eau, appelés indirectement à financer une contribution sur leur facture, afin de permettre aux fonds de solidarité pour le logement de mettre en oeuvre une réelle solvabilisation des ménages en difficulté » 4 ( * ) , l'Assemblée nationale a, au préalable, modifié le titre de la proposition de loi en supprimant la référence aux « communes ».

Le texte s'intitule ainsi désormais « proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement ».

Outre ce changement d'appellation, l'Assemblée nationale, sans revenir sur le coeur du dispositif adopté au Sénat basé sur une contribution volontaire des opérateurs de l'eau au FSL dans la limite de 0,5 % des redevances hors taxes perçues, a adopté un certain nombre de modifications.

A. LES MODIFICATIONS AU DISPOSITIF D'ATTRIBUTION DE L'AIDE

Outre une modification rédactionnelle, adoptée en commission des lois à l'initiative du rapporteur, permettant de supprimer les répétitions par rapport aux dispositions déjà prévues par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et par le code de l'action sociale et des familles, l'Assemblée nationale est revenue sur le rôle du maire au sein du dispositif d'attribution de l'aide .

Il est finalement apparu que les dispositions adoptées par le Sénat, qui prévoyaient pour le maire un triple rôle de saisine, d'information et d'avis simple préalable, étaient soit redondantes soit incompatibles avec le dispositif de gestion du FSL prévu par la loi du 31 mai 1990.

Le texte amendé par l'Assemblée nationale modifie ainsi le premier alinéa de l'article 6-2 de la loi du 31 mai 1990 et prévoit désormais un système d'échanges d'informations. La demande d'aide sera en effet notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d'action sociale de la commune de résidence du demandeur. Ceux-ci, en retour, pourront communiquer au gestionnaire du fonds, avec copie à l'intéressé, le détail des aides déjà fournies ainsi que toute information en leur possession susceptible d'éclairer le gestionnaire du fonds sur les difficultés rencontrées par le demandeur.

A l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a en outre précisé l'application différenciée du dispositif outre-mer.

En effet, les dispositions de la loi du 31 mai 1990 et le dispositif de FSL ne sont actuellement pas en vigueur à Mayotte. Cependant, le projet de loi relatif au département de Mayotte prévoit que des ordonnances prises dans le cadre de l'article 38 de la Constitution pourront rendre applicables, avec d'éventuelles adaptations, certaines législations dont la loi du 31 mai 1990.

L'Assemblée nationale a donc adopté un amendement visant à prévoir que les dispositions relatives à la contribution volontaire des opérateurs de l'eau seront applicables à partir de la création d'un FSL à Mayotte.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu, sur proposition du rapporteur en commission des lois, une entrée en vigueur du dispositif le 1 er janvier 2012 afin de permettre un délai de mise en place des conventions et des modifications du système de facturation des opérateurs de l'eau induites par la loi.

B. RÉFLEXION SUR LA MISE EN PLACE D'UN VOLET « PRÉVENTIF »

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a inséré un article additionnel prévoyant que le Gouvernement doit remettre au Parlement, un rapport proposant des pistes afin de compléter cette proposition de loi par un volet préventif.

L'amendement adopté par la commission des lois prévoyait de laisser au Gouvernement un délai de trois mois pour remettre son rapport, délai repoussé à six mois en séance, à l'initiative du rapporteur, pour permettre au Gouvernement de mener une large concertation avec les représentants des collectivités territoriales (communes et départements), les fédérations représentant les opérateurs de l'eau, les associations et les organismes sociaux.

La proposition de loi n° 109 visant à mettre en oeuvre le droit à l'eau a été déposée dans ce sens par notre collègue Evelyne Didier et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et les sénateurs du Parti de gauche le 24 novembre 2009.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, dans l'exposé des motifs de son amendement, rappelle que l'objectif est de « disposer d'un ensemble opérationnel et exemplaire garantissant l'accès à l'eau pour tous avant le rendez-vous international que sera le sixième Forum mondial de l'eau, qui se tiendra à Marseille en mars 2012 » .

A ce sujet, le Gouvernement s'est engagé, lors des débats en séance à l'Assemblée nationale, à présenter dans le projet de loi de finances pour 2012, les dispositions législatives qui apparaitront alors nécessaires pour la mise en place de ce volet préventif.

EXAMEN DES ARTICLES

A l'initiative de la commission des lois, saisie au fond, l'Assemblée nationale a modifié le titre de la proposition de loi , considérant que le dispositif qu'elle prévoit repose davantage, afin de garantir un accès à l'eau pour tous, sur une solidarité des gestionnaires des services de distribution d'eau et donc de leurs usagers que sur une solidarité des communes.

La référence aux communes a donc été supprimée au profit de l'intitulé suivant : « Proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement ».

Article 1er - Subvention des opérateurs des services publics d'eau potable et d'assainissement au fonds de solidarité pour le logement

Commentaire : Cet article vise à autoriser les opérateurs en charge des services publics d'eau potable et d'assainissement à verser volontairement une subvention au fonds de solidarité pour le logement.

I. Le texte voté par le Sénat en première lecture

La proposition de loi adoptée par le Sénat comporte un article unique complétant l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, relatif à la tarification des services d'eau.

Le dispositif mis en place par cet article crée une contribution volontaire des opérateurs en charge des services publics d'eau potable et d'assainissement - communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes et délégataires, publics ou privés - au FSL afin de contribuer au financement des aides attribuées aux personnes ou aux familles éprouvant des difficultés particulières pour disposer de la fourniture d'eau, en raison notamment de l'insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence.

Les premiers alinéas précisent ce nouveau mécanisme de financement :

- il repose tout d'abord sur un système de convention passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement (FSL) , mentionné à l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 : cette dernière fixe les règles de calcul et les modalités d'attribution et de versement de cette subvention ;

- cette subvention est volontaire et ne doit pas dépasser la limite de 0,5 % des montants hors taxes des redevances d'eau et d'assainissement perçues par les services d'eau.

Ce système de convention permet d'inclure les immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés, qui ne sont pas concernés aujourd'hui par les aides attribuées par le volet « eau » du FSL.

Par ailleurs, la proposition de loi initiale entendait avant tout « replacer le maire au coeur du dispositif d'aide » à travers un système d'information et de consultation de ce dernier par le FSL. A cet égard, le texte adopté par le Sénat prévoit que le gestionnaire du FSL communique au maire les dossiers de demande d'aide au titre du volet « eau » provenant de ses administrés et sollicite son avis avant de décider de l'attribution des aides. Si le maire n'a pas émis d'avis dans un délai d'un mois, ce dernier est réputé favorable. En outre, le maire peut saisir le gestionnaire du fonds de sa propre initiative afin de lui faire examiner le dossier de l'un de ses administrés.

Enfin, pour des raisons de compétences spécifiques de certaines collectivités, les 2°, 3° et 4° de cet article prévoient que ces dispositions ne sont pas applicables à la collectivité départementale de Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin.

II. Les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté sur cet article quelques amendements rédactionnels, de coordination ou de précision visant notamment à :

- tenir compte, à l'alinéa 3 fixant le principe d'une subvention volontaire au fonds de solidarité pour le logement, des dispositions déjà prévues par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et par le code de l'action sociale et des familles tout en précisant que cette contribution sera bien imputée sur les budget des services publics d'eau et d'assainissement et en veillant à ce que son inscription dans le code des général des collectivités territoriales n'ait pas pour conséquence d'exclure toute autre forme de financement du FSL ;

- simplifier la rédaction de l'alinéa 4 relatif à la convention ;

- tenir compte de la renumérotation du code général des collectivités territoriales par le projet de loi relatif au département de Mayotte ;

- préciser les références du 4°du présent article.

En dehors de ces ajustements mineurs, l'Assemblée nationale a apporté des modifications au rôle du maire au sein du dispositif d'attribution des aides prévu par l'article.

En effet, le triple rôle du maire - de saisine, d'information et d'avis - prévu par le texte adopté au Sénat, après avoir été purement et simplement supprimé en commission à l'Assemblée nationale, a finalement été remplacé, en séance, par un système d'échanges d'informations.

Plusieurs difficultés ont été relevées par M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la commission des lois :

- le maire a déjà la possibilité, via les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS) notamment, de saisir le FSL : la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 prévoit en effet que le FSL peut être saisi directement par les personnes en difficulté ou « avec leur accord, par toute personne ou organisme y ayant intérêt ou vocation » , ce qui inclut notamment les CCAS et CIAS ; en outre, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ont la possibilité de participer au financement du FSL et de demander au conseil général la création d'un fonds local dont ils prendraient en charge la gestion et l'attribution des aides sur délégation du FSL ;

- la délivrance d'un avis par le maire dans un délai d'un mois pouvait également poser problème : outre les délais, voire les blocages, qu'une telle procédure risquait d'induire, il convient de relever que la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 interdit que les décisions d'octroi des aides du FSL reposent sur d'autres éléments que le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent. Toute décision de refus devrait être motivée et serait ainsi susceptible de recours. Ainsi, un avis défavorable du maire présentant une motivation insuffisante ou inadaptée pourrait conduire à l'annulation de la décision de refus.

M. Guy Geoffroy indique ainsi, dans l'exposé des motifs de son amendement, que « sans remettre en cause le rôle essentiel du maire dans la connaissance du terrain et la gestion de l'action sociale au niveau local, il apparaît que des dispositions de cette nature trouveraient plus leur place dans une révision de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 et non dans la section du code général des collectivités territoriales consacrée à la tarification des services d'eau et d'assainissement » .

Ce nouveau rôle du maire est mis en place par une modification de l'article 6-2 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Un nouvel alinéa prévoit que la demande d'aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au CCAS ou au CIAS qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l'éclairer sur les difficultés rencontrées par le demandeur.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement fixant au 1 er janvier 2012 l'entrée en vigueur de la loi, afin de permettre aux opérateurs de modifier leur système de facturation d'eau et de prévoir un délai de mise en place des conventions.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur se réjouit du choix de l'Assemblée nationale de ne pas revenir sur le coeur du dispositif de la proposition de loi, c'est-à-dire sur le principe d'une contribution volontaire des services d'eau et d'assainissement plafonnée à 0,5 % des redevances hors taxes, comme le Sénat l'avait prévu dans son texte.

Le montant total des recettes perçues au titre de ces redevances étant de l'ordre de 10 milliards d'euros, ces 0,5 % représenteraient environ 50 millions d'euros ce qui permettra de couvrir l'ensemble des besoins. Votre rapporteur est d'ailleurs favorable, comme il l'avait indiqué en première lecture, au principe d'une seconde contribution volontaire de 0,5% pour instaurer un volet préventif.

Le rapport de l'Assemblée nationale souligne d'ailleurs que ce prélèvement est « très ambitieux, car il représenterait 23 % du total des aides distribuées actuellement par le FSL » mais qu'il pourra utilement « aussi servir à la mise en place d'un dispositif préventif » .

Il souligne également que ce qui constituait un des aspects essentiels de la proposition de loi initiale déposée par M. Christian Cambon, à savoir le rôle central du maire au sein du dispositif d'attribution de l'aide au paiement des factures en eau pour les personnes en difficulté, a été préservé. En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne remet pas en cause la possibilité, pour le maire de saisir, de sa propre initiative, le FSL afin de lui soumettre le dossier d'un administré. La notification à l'intéressé, prévue de la même manière par l'article 6-2 de la loi du 31 mai 1990, n'est pas non plus remise en cause.

Les communes demeurent donc bien au coeur du dispositif de solidarité locale.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (nouveau) - Rapport au Parlement sur la mise en place d'une allocation de solidarité pour l'eau

Commentaire : Cet article additionnel prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en place d'un volet « préventif » en matière d'aide aux personnes en difficulté.

I. Le texte voté par l'Assemblée nationale

La présente proposition de loi prévoit de simplifier et de renforcer un dispositif « curatif » d'aide aux foyers les plus modestes en matière de solidarité dans le domaine de l'accès à l'eau en facilitant l'aide au paiement des factures d'eau des personnes en situation d'impayés.

Elle ne prévoit pas en effet de dispositif « préventif » d'aide à ces personnes, comme cela existe par exemple pour d'autres produits de première nécessité (réduction sociale téléphonique, tarif de première nécessité pour l'électricité, tarif spécial de solidarité pour le gaz naturel, prime à la cuve pour le fuel).

Prenant acte de cette limite, l'Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article additionnel qui prévoit que le Gouvernement doit remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l'application d'une allocation de solidarité pour l'eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d'eau potable et d'assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale.

Le Comité national de l'eau (CNE) a rendu un avis le 15 décembre 2009 sur l'accès à l'eau des personnes démunies. Cet avis, qui reprend une recommandation du Programme des Nations Unies pour le Développement 5 ( * ) qui préconise que la part des ressources d'un ménage consacrée à la fourniture en eau ne doit pas dépasser 3 % de ses revenus, s'articule autour de plusieurs axes :

- un renforcement du dispositif actuel d'aide basé sur une approche curative (ce que fait la proposition de loi) ;

- la mise en place d'un dispositif d'aide « préventive » pour lequel deux pistes peuvent être envisagées : la piste d'une tarification sociale (comme par exemple la gratuité de la première tranche, la tarification progressive ou encore la gratuité de la part fixe pour certains usagers) et la piste d'une allocation pour le paiement des factures d'eau, qui a été privilégiée par le CNE.

Ces propositions ont pour objectif de donner une traduction juridique concrète au « droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » (article L. 210-1 du code de l'environnement introduit par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006).

En contrepartie des six mois accordés par cet article au Gouvernement pour travailler sur un rapport de propositions en vue de l'élaboration d'un dispositif préventif, ce dernier s'est engagé à présenter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront.

La présente proposition de loi a donc vocation, par le biais de ce nouvel article 2, à être prolongée et complétée par un dispositif préventif, dont les pistes de mise en oeuvre seront remises par le Gouvernement au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est conscient que le volet curatif de l'aide aux personnes les plus démunies pour se fournir en eau, s'il est renforcé et simplifié par la présente proposition de loi, n'est pas suffisant. Il doit être complété par un dispositif préventif d'aide dont le financement devra être garanti.

Votre rapporteur rejoint ainsi les principaux représentants des opérateurs en eau qui se sont montrés favorables à une contribution volontaire globale de 1 %, c'est-à-dire de 0,5 % pour le volet curatif et 0,5 % pour instaurer un volet préventif.

Plusieurs pistes apparaissent :

- la mise en place d'un système d'allocation différentielle afin que la dépense correspondant à la quantité nécessaire d'eau ne représente pas plus de 3 % des revenus nets d'une famille ;

- la mise en place d'un système de tarification sociale.

En introduction à son rapport d'activité de 2010, M. Jean-Marc Savué, vice-président du Conseil d'État, soulignait également que, « s'agissant du droit à l'eau potable et à l'assainissement, il convient de garantir l'accès à l'eau des sans-abri et d'adopter une tarification sociale ou de créer une aide directe à la prise en charge de la facture d'eau des plus démunis » .

Mais une réelle étude de l'impact et des conséquences de ces différentes solutions doit être menée, afin de ne pas perdre, en adoptant de manière précipitée un dispositif préventif bancal, les économies en coûts de gestion gagnées par la simplification du volet curatif permise par la présente proposition de loi.

Ainsi par exemple, si le Conseil national de l'eau a identifié les caisses d'allocations familiales comme possibles opérateurs, ces dernières semblent réticentes à l'idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.

Votre rapporteur approuve ainsi pleinement l'insertion d'un tel article additionnel, dans la mesure où il permettra au Gouvernement de travailler sérieusement sur un sujet important et de proposer au Parlement des pistes solides, qui permettront de débattre de ce volet préventif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

Il rappelle qu'aura lieu en mars 2012 le Congrès mondial de l'eau à Marseille et il souhaite que notre législation soit dotée, d'ici là, d'un dispositif complet, préventif et curatif, d'aide à la fourniture en eau des personnes les plus démunies.

C'est pourquoi votre rapporteur est favorable à ce nouvel article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

*

* *

Réunie le 19 janvier 2011, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux, les groupes socialiste et communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.

EXAMEN DES AMENDEMENTS ET ADOPTION DU TEXTE DE LA COMMISSION

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée , la commission examine le rapport et le texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 147 (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

M. Michel Houel, rapporteur . - Le 18 février 2009, notre collègue Christian Cambon déposait au Sénat une proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, dont j'ai eu l'honneur d'être nommé rapporteur par notre commission de l'économie.

Cette dernière comportait initialement un article unique et elle nous revient aujourd'hui, en seconde lecture, après une navette qui l'a enrichie d'un article supplémentaire.

Je voudrais, au préalable si vous me le permettez, revenir un instant sur le contexte dans lequel intervient l'examen de ce texte.

Si l'eau est globalement peu chère en France, comparé au reste de l'Europe - 3,01 euros le mètre cube contre 3,44 en moyenne en Europe - la facture d'eau constitue tout de même une charge importante pour les plus démunis. Pour 200 000 foyers, elle dépasse 3 % du revenu total du ménage. Or, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) recommandent que la facture d'eau ne représente pas plus de 3 % du budget, objectif qui a d'ailleurs été repris par la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier, les élus communistes, républicains, citoyens et les sénateurs du parti de gauche visant à mettre en oeuvre le droit à l'eau.

Le prix de l'eau a en effet augmenté au cours des dernières années, principalement en raison des normes environnementales de plus en plus exigeantes en matière de qualité. En outre, la disparité des prix de l'eau amplifie ce déséquilibre social, la moyenne départementale oscillant en effet entre moins de 2,5 euros et plus de 4 euros le mètre cube.

Dans ce contexte, et alors qu'il a été longtemps ignoré des textes internationaux et constitutionnels, le droit à l'eau a été récemment reconnu et affirmé avec force dans une résolution du 28 juillet 2010 de l'Assemblée générale des Nations Unies. Par ailleurs, je vous rappelle que, si le droit à l'eau n'a pas, en France, le rang de principe ou d'objectif à valeur constitutionnelle, il peut, indirectement, se rattacher à deux principes de valeur constitutionnelle : le droit au logement et le droit à la protection de la santé publique.

Plus récemment, l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) adoptée en 2006 a consacré un « droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous » .

C'est dans l'objectif de traduire juridiquement ce nouveau droit à l'eau et notamment des termes « dans des conditions économiquement acceptables par tous » , que la proposition de loi de notre collègue proposait de renforcer le dispositif d'aide actuellement en vigueur et de remédier à ses limites et ses dysfonctionnements.

J'en viens maintenant au dispositif.

La proposition de loi initiale visait à renforcer le dispositif curatif actuellement en place en matière de solidarité dans le domaine de l'eau pour les foyers les plus modestes qui permet de faciliter l'aide au paiement des factures des personnes en situation d'impayés dans le cadre de l'article L.115-3 du code de l'action sociale et des familles. Elle partait d'un constat largement partagé : les sommes allouées au volet « eau » des Fonds de solidarité logement (FSL) ne permettent pas de répondre aux objectifs dévolus en aidant les personnes qui connaissent des difficultés financières, notamment en ce que le dispositif exclut les personnes en immeubles collectifs d'habitation. Composée d'un article unique, elle proposait une contribution des distributeurs d'eau, dans la limite de 1 % de leurs recettes, aux communes et centres communaux et intercommunaux d'action sociale afin de leur permettre d'aider les personnes les plus démunies à régler leurs factures d'eau.

La proposition de loi initiale a été enrichie, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, par notre commission sur plusieurs points importants tels que l'inscription du mécanisme d'aide dans le cadre des dispositifs existants (c'est-à-dire le transfert de cette contribution au FSL), l'inclusion des immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés, la diminution du taux de contribution proposé à 0,5%, l'extension du dispositif proposé aux régies et aux délégataires et la mise en place d'un système d'information et d'intervention sous forme d'avis simple du maire au gestionnaire du FSL.

Conformément aux principes de la navette parlementaire, le texte a ensuite été transféré à l'Assemblée nationale, examiné par la commission des lois, modifié et adopté en séance publique le 1 er décembre 2010.

Je crois que nous pouvons nous réjouir, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale ne soit pas revenue sur le coeur du dispositif de la proposition de loi, c'est-à-dire sur le principe d'une contribution volontaire des services d'eau et d'assainissement plafonnée à 0,5% des redevances hors taxes.

Le rôle central du maire au sein du dispositif d'attribution de l'aide au paiement des factures en eau pour les personnes en difficulté a également été préservé. Sans le remettre en cause, ce rôle a néanmoins été modifié et ce, pour plusieurs raisons pratiques :

- le maire a en effet déjà la possibilité, via les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS) notamment, de saisir le FSL ;

- le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Guy Geoffroy, a relevé que la procédure de l'avis simple du maire au FSL risquait d'alourdir le dispositif dans la mesure où la loi du 31 mai 1990 interdit que les décisions d'octroi des aides du FSL reposent sur d'autres éléments que le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent.

L'Assemblée nationale a donc adopté, en séance, un amendement modifiant l'article 6-2 de la loi de 1990 : ce nouveau dispositif prévoit que la demande d'aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au centre communal ou intercommunal d'action sociale (CCAS ou CIAS) qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l'éclairer sur les difficultés rencontrées par le demandeur.

Elle a par ailleurs simplifié la rédaction de l'article 1 er en précisant notamment que la contribution sera imputée sur les budget des services publics d'eau et d'assainissement et en veillant à ce que son inscription dans le code général des collectivités territoriales n'ait pas pour conséquence d'exclure toute autre forme de financement du FSL.

Enfin, l'Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article additionnel qui prévoit que le Gouvernement doit remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l'application d'une allocation de solidarité pour l'eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d'eau potable et d'assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale.

Nous avions déjà évoqué lors de nos débats de première lecture, mes chers collègues, cette nécessité d'une action pragmatique à deux niveaux dans le domaine de l'accès à l'eau. Le premier niveau, d'ordre préventif, consiste à faciliter l'accès à l'eau pour les plus défavorisés, afin d'éviter que la facture d'eau ne représente plus de 3 % de leur revenu. Le deuxième niveau, d'ordre curatif, a trait à la solidarité et fait l'objet de notre proposition de loi.

Le Comité national de l'eau, vous le savez, s'est emparé des questions relatives à la prévention, et plusieurs pistes ont été dégagées. Des propositions de loi ont été déposées sur le sujet. Je crois néanmoins que le délai de six mois laissé au Gouvernement pour nous remettre un rapport lui permettra de mettre à plat les différentes pistes envisageables, celle d'une tarification sociale, celle d'une tarification progressive ou encore la mise en place d'une allocation différenciée, tout en lui laissant le temps de consulter les collectivités territoriales, les fédérations représentant les opérateurs de l'eau et les organismes sociaux. Un grand nombre de points techniques doivent être notamment étudiés. Le comité national de l'eau par exemple, dans son avis de décembre 2009 a identifié les caisses d'allocations familiales comme possibles opérateurs, or ces dernières semblent réticentes à l'idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est par ailleurs engagé, en contrepartie, à présenter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront, afin de pouvoir disposer, lors du Congrès mondial de l'eau qui aura lieu en mars 2012 à Marseille, d'une législation dotée d'un droit à l'eau (depuis 2006) garanti, en amont, par un volet préventif, et en aval, par un volet curatif.

En conclusion, mes chers collègues, je crois que nous avons aujourd'hui un texte qui renforce de manière significative le dispositif curatif d'aide au paiement des impayés pour les factures d'eau des ménages les plus fragiles et qui replace les communes au centre de ce système d'action sociale. Il est à mon sens nécessaire d'adopter cette proposition de loi en l'état, afin que le volet préventif, sur lequel le Gouvernement s'est engagé à faire des propositions législatives concrètes à la fin de l'année, puisse rapidement venir compléter le dispositif. Je crois que nous pourrons alors nous reposer sur un système complet d'aide aux foyers les plus démunis en matière d'accès à l'eau, le volet préventif n'excluant pas le volet curatif, mais bien au contraire les deux se renforçant pour permettre une mise en application concrète de ce droit à l'eau consacré par la LEMA de 2006.

M. Philippe Leroy. - Je ne suis pas opposé aux objectifs de cette proposition de loi, à savoir faciliter le paiement des factures d'eau par les foyers les plus modestes.

Le dispositif que nous examinons aujourd'hui va cependant plus loin que la proposition de loi initiale. Il bouleverse le droit actuel : les maires semblent prendre l'autorité et les compétences en utilisant le FSL, alors que les ressources de ce dernier sont essentiellement issues du budget départemental.

Le volet préventif étant reporté à plus tard, je préférerais que l'examen de la proposition de loi soit également reporté, afin que l'ensemble du dispositif puisse être traité de manière coordonnée. En cas contraire, il existe un risque de conflit de compétences entre les conseils généraux et certains maires.

M. Michel Houel, rapporteur. - La présente proposition de loi ne modifie pas le rôle du FSL : elle prévoit simplement une concertation avec le maire.

Mme Evelyne Didier. - Je ne pense pas que le dispositif soit bouleversé : les modalités d'intervention du FSL ne sont pas modifiées.

Je trouve moi aussi dommage que le volet préventif ne soit pas traité par ce texte. On nous demande aujourd'hui d'approuver un système, en espérant qu'un des volets sera mis en place plus tard. Il est essentiel que la dépense d'eau, qui constitue un besoin vital, ne dépasse pas 3 % des revenus des ménages. Ce niveau est aujourd'hui dépassé en plusieurs endroits du territoire : il est regrettable qu'il n'existe pas de péréquation nationale en matière d'approvisionnement en eau.

M. Michel Houel, rapporteur. - Il est nécessaire que le Gouvernement prenne des engagements fermes sur le volet préventif.

M. Daniel Raoul. - Monsieur le rapporteur, vous nous proposez donc un vote conforme du texte adopté par l'Assemblée nationale ?

M. Michel Houel, rapporteur. - Tout à fait.

M. Paul Raoult. - Je regrette que l'aspect préventif soit remis à plus tard, alors que des réflexions ont été menées sur ce sujet depuis de nombreuses années.

Le FSL reste le pivot de la distribution de l'aide. Il faut cependant noter que tous les départements ne sont pas dotés d'un FSL et que tous les départements dotés d'un FSL n'ont pas un volet « eau ». Il conviendrait d'être plus contraignant en la matière.

J'attire également votre attention sur le fait que, parmi les personnes en situation d'extrême précarité, nombre d'entre eux ne font plus de dossiers.

M. Michel Houel, rapporteur. - Je regrette moi aussi que certains départements n'aient pas de FSL. La proposition de loi pourrait, de ce point de vue, avoir une vertu incitative.

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi. - C'est toujours émouvant de voir un texte dont on est l'auteur arriver au terme de son examen. Je remercie le président et le rapporteur de la commission, ainsi que les sénateurs de tous les groupes. Je souhaite apporter quelques précisions :

- je suis bien conscient que cette proposition de loi ne règle pas l'ensemble des problèmes de l'accès à l'eau, et notamment l'aspect préventif. Pour autant ce texte est une avancée : il est facile d'application et peut être mis en oeuvre rapidement ;

- l'application des normes, notamment en matière d'assainissement, conduit aujourd'hui à une augmentation importante du prix de l'eau ;

- l'application de l'article 40 de la Constitution à l'Assemblée nationale a entraîné le retrait de l'aspect préventif, ce dernier devant revenir dans le débat d'ici six mois ;

- il était essentiel que le maire soit introduit dans le dispositif : les maires sont en effet au contact direct des familles en difficulté ;

- à la faveur des renégociations de contrat, il est possible pour les collectivités d'obliger les délégataires à apporter leur contribution en matière de solidarité. Il est donc tout à fait possible d'aller plus loin que la proposition de loi.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Je regrette pour ma part que le volet étiologique soit absent du texte.

La question importante est selon moi : pourquoi l'eau est si chère ? Au vu de l'évolution du pouvoir d'achat, l'eau risque de devenir difficilement accessible à tous. Comment également encourager les communes à revenir vers un système de régie ?

M. Michel Houel, rapporteur. - La question des régies et des délégations de service public n'a pas vraiment de lien avec la proposition de loi.

M. Martial Bourquin. - L'introduction du maire dans le dispositif est un élément très positif.

Par ailleurs, il existe encore des droits d'usage, qui sont complètement illégaux. Certaines collectivités sont en litige sur cette question avec de grands opérateurs : certaines familles continuent donc à payer un droit de l'eau qui est illégal. Qu'on se situe dans le cas d'une régie ou d'une délégation de service public, certaines choses ne devraient plus exister.

M. Michel Houel, rapporteur. - On ne peut que partager votre avis.

M. Benoît Huré. - Je salue le fait que le maire soit associé au dispositif. Il est regrettable que tous les départements ne se soient pas dotés d'un FSL. Enfin, ce texte doit nous permettre de nous interroger, par exemple, sur les comportements en matière de consommation de l'eau.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

3

Obligation pour les services publics d'eau et d'assainissement de participer au financement du Fonds social pour le logement.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

5

Abondement exclusif par les contributions volontaires des services d'eau du volet "eau" des FSL.

Rejeté

Mme DIDIER et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche

1

Rétablissement du taux de contribution de 1 % initialement prévu par la proposition de loi,.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

4

Identique au précédent.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

6

Suppression du délai d'entrée en vigueur du dispositif.

Rejeté

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article(s) additionnel(s) après Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

7

Instauration d'un tarif social de l'eau pour certaines catégories d'usagers.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

8

Adaptation du tarif de l'eau en fonction de la catégorie d'usagers.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

9

Possibilité de versement préventif de l'aide prévue à l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles.

Rejeté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DIDIER et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche

12

Remise d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre d'une allocation de solidarité pour l'eau avant le 28 février 2011.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

11

Précision du champ du rapport pour la limitation des charges d'eau à 3 % du revenu des ménages.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

10

Réduction de six à trois mois du délai de dépôt du rapport au Parlement.

Rejeté

M. RAOULT et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

12

Étude, par le rapport au Parlement, des différentes voies de financement de l'allocation de solidarité pour l'eau.

Rejeté

L'article 2 est adopté sans modification.

M. Philippe Leroy. - Je reste réservé sur ce texte.

M. Paul Raoult. - Le texte marque une certaine avancée mais qui est insuffisante. Le groupe socialiste a choisi une abstention positive, en espérant que la réflexion se poursuive et aboutisse. Tous les maires sont confrontés à des problèmes sur cette question.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Je m'abstiendrai. Je considère pour autant que ce texte constitue une occasion manquée.

La proposition de loi est adoptée sans modification, les groupe socialiste et communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche s'abstenant.


* 1 Conseil d'État, Rapport public 2010 - Volume 2 : L'eau et son droit, juin 2010.

* 2 Proposition de loi n°228 (2008-2009) relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers.

* 3 Rapport n° 242 fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, par M. Michel Houel (2009-2010).

* 4 Rapport de l'Assemblée nationale n° 2982 (treizième législature) fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers par M. Guy Geoffroy.

* 5 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain, 2006, Au-delà de la pénurie : Pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l'eau.

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