III.  UNE MISE À PLAT NÉCESSAIRE DES CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL

Comme il le fait chaque année, votre rapporteur a souhaité que cet avis permette de faire le point sur l'évolution des dépenses d'aide sociale prise en charge par les départements dans le cadre des lois de décentralisation.

En effet, aux termes de l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983, le département s'est vu transférer une compétence de droit commun dans le domaine des prestations d'aide sociale légale . Sous réserve des compétences maintenues à l'Etat, les départements ont donc reçu la responsabilité de l'aide médicale ( articles 179 et suivants du CFAS ), de l'aide sociale à l'enfance ( article 145 et suivants dudit code ), de l'aide sociale aux familles ( articles 150 et suivants dudit code ), de l'aide sociale aux personnes âgées ( article 157 du CFAS ) et de l'aide aux personnes handicapées adultes, l'aide à domicile et comprenant notamment l'hébergement en établissement.

S'agissant des données chiffrées exposées ci-après, votre rapporteur tient tout particulièrement à remercier l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) dont les travaux pertinents et toujours éclairants lui ont été, une fois encore, d'une grande utilité.

L'évolution prévisible des dépenses à venir rend nécessaire la mise en oeuvre d'un système d'enveloppes opposables pour financer le secteur social et médico-social qui devra être accompagné d'une mise à plat des facteurs structurels d'évolution des coûts.

A. LES DÉPENSES D'AIDE SOCIALE DÉPARTEMENTALE SONT ENTRÉES DANS UNE PÉRIODE D'ACCALMIE EN 1996-1997

Avant de présenter les données les plus récentes sur l'évolution des dépenses d'aide sociale départementale et les divers facteurs d'évolution, il convient de rappeler au préalable quelques précisions terminologiques.

Les données rassemblées par l'ODAS sont établies à partir des informations fournies par les responsables des services financiers de 29 départements.

Elles portent sur les dépenses nettes d'aide sociale qui sont égales aux dépenses brutes -c'est-à-dire au montant total des prestations versées par les départements- diminuées des recettes ultérieurement encaissées auprès des bénéficiaires de l'aide sociale, de leurs obligés alimentaires et des organismes de sécurité sociale.

Cette donnée apparaît la plus proche de la charge financière réelle qui pèse sur les départements.

Les dépenses indirectes d'aide sociale, correspondent aux dépenses de fonctionnement liées à l'exercice de leurs compétences par les départements.

1. La croissance des budgets sociaux départementaux poursuit son infléchissement

Selon l'ODAS, la dépense annuelle nette d'action sociale départementale s'est élevée à 78,5 milliards de francs en 1997 , soit une progression de 3,7 % par rapport à 1996 où elle atteignait 76 milliards de francs environ.

M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'ODAS, souligne que l'année 1997 montre la poursuite du mouvement de décélération de la hausse des dépenses.

Evolution de la dépense d'aide sociale des départements

(en milliards de francs)

L'ODAS met en évidence que, sur la période 1984-1995, pendant laquelle la dépense d'action sociale départementale a plus que doublé, trois périodes distinctes peuvent être distinguées.

- De 1984 à 1989, la dépense annuelle augmente de 3,5 % en moyenne , soit moins vite que l'inflation qui demeure à des niveaux relativement élevés : cette période fait apparaître dans certains cas des baisses d'activité dans les secteurs de l'aide sociale à l'enfance et de l'hébergement des personnes âgées tandis que simultanément le recouvrement des recettes est amélioré.

- De 1990 à 1995, la dépense sociale départementale augmente de plus de 8 % en moyenne en francs courants.

Votre rapporteur souligne que le ralentissement de l'inflation sur cette période joue comme un révélateur supplémentaire du caractère explosif des dépenses du secteur social et médico-social.

Cette période est marquée par la prise en charge de plus en plus lourde de l'insertion des bénéficiaires du RMI et de leurs frais d'assurance personnelle ainsi que par la mise en oeuvre, pour les personnels sous convention collective du secteur social et médico-social, des revalorisations d'indice prévues dans le cadre des " accords Durafour ".

- Depuis 1996, s'observe une progression ralentie de la dépense de l'ordre de 3,5 % par an tandis que l'inflation demeure à des niveaux modérés.

Les services départementaux recherchent une " meilleure réponse aux besoins qui se traduit par une prise en charge plus axée sur le maintien à domicile " . Corrélativement, les dépenses liées au RMI tout en se maintenant à un niveau élevé, évoluent moins vite et les revalorisations salariales sont entrées en vigueur.

Si l'ODAS considère que l'année 1998 pourrait s'inscrire dans le mouvement " d'accalmie " observé depuis 1996, votre rapporteur souligne néanmoins la réapparition de facteurs de hausse potentiels de la dépense sociale des collectivités locales.

Dépenses nettes d'aide sociale

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Total action sociale départementale dont :

49,8

54,1

58,4

63,2

68,2

73,0

75,7

78,5

Evolution

9,93 %

8,63 %

7,95 %

8,22 %

7,91 %

7,04 %

3,70 %

3,70 %

2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale confirme le ralentissement des dépenses liées à l'insertion

Le tableau ci-dessous, transmis par l'ODAS, permet d'analyser les différentes composantes de l'action sociale des départements en 1997.

Evolution des dépenses nettes d'aide sociale en 1997

(en milliards de francs)

 

Dépense nette 1996

Dépense nette 1997

Evolution
1996-1997

ASE

24,9

25,7

3,21 %

Dont placement familial

5,7

5,9

3,51 %

Dont placement en établissement

13,0

13,4

3,08 %

PERSONNES ÂGÉES

13,7

13,7

0 %

Aide ménagère

1,2

1,2

0 %

A.S. hébergement (2)

6,1

6,4

4,92 %

A.C.P.A. (1)

6,4

6,1

- 4,69 %

PERSONNES HANDICAPÉES

13,5

14,2

5,19 %

A.S. hébergement (2)

10,5

11,1

5,71 %

A.C.P.H. (1)

3,0

3,1

3,33 %

INSERTION

9,7

10,4

7,22 %

Aide médicale

6,6

6,9

4,55 %

RMI

3,1

3,5

12,9 %

AUTRES (4)

13,9

14,5

4,32 %

TOTAL

75,7

78,5

3,70 %

Source : ODAS

(1) Estimation du nombre de personnes âgées de plus de 60 ans bénéficiant de l'ACTP.

(2) Aide sociale à l'hébergement.

(3) Bénéficiaires de l'ACTP âgés de moins de 60 ans et de la PSD pour 1997.

(4) Prévention PMI, frais communs et d'action sociale facultative.

a) L'aide sociale à l'enfance (ASE) demeure le poste principal de dépenses de l'aide sociale des départements

Les dépenses d'ASE sont constituées par :

- les frais de prise en charge des enfants, faisant l'objet d'une décision de placement en établissement d'éducation spécialisée ou en famille d'accueil, financés par le département. En 1997, ces dépenses représentent 70 % des dépenses d'ASE ;

- les dépenses liées au soutien en milieu ouvert, qu'il s'agisse des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), du recours aux travailleuses familiales ou des aides aux associations.

L'ASE représente près de 26 milliards de francs en 1997 et constitue encore le premier poste de l'action sociale départementale même si sa part relative tend à régresser.

La progression s'élève à 3 % en 1997 sous l'effet de l'accueil de 10.000 enfants supplémentaires par an comme c'est le cas depuis 1992 (137.000 enfants accueillis en 1997).

Comme le souligne l'ODAS, l'accroissement de la précarité a des conséquences directes sur l'évolution des dépenses d'ASE :

Dépenses d'aide sociale à l'enfance

(en milliards de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Dépense nette d'aide sociale à l'enfance

16,8

17,6

18,6

20,5

21,9

22,9

23,9

24,9

25,7

Dépenses brutes en établissements et autres lieux d'accueil

8,9

9,3

10,2

10,8

11,5

12,2

12,4

13,0

13,4

Dépenses brutes de placement familial

3,4

3,5

3,7

4,6

4,8

5,1

5,4

5,7

5,9

Autres dépenses brutes

5,1

5,4

5,2

5,4

6,0

6,2

6,6

7,0

7,2

Source : ODAS

b) Les dépenses d'aide sociale aux personnes âgées continuent à enregistrer une augmentation des aides à l'hébergement

Selon l'ODAS, l'aide sociale aux personnes âgées représente un coût total de 13,7 milliards en tenant compte du montant de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) lorsque celle-ci est versée à des personnes âgées de plus de 60 ans ainsi que de la PSD.

Sans empiéter sur l'excellent rapport de M. Alain Vasselle consacré à la vieillesse dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les données fournies par l'ODAS font apparaître :

- que les dépenses liées à la prise en charge de l'hébergement des personnes âgées s'accroissent, non pas tant en raison du nombre de personnes accueillies -qui demeure globalement stable (135.000 personnes âgées accueillies en 1997)-, que de l'augmentation des coûts d'hébergement due au vieillissement des personnes en établissement ;

- que, s'agissant des versements d'allocation, l'année 1997 demeure une année de transition entre les dispositifs de l'ACTP et de la PSD au cours de laquelle les données disponibles doivent être analysées avec précaution.

Il convient enfin d'évoquer les dépenses d'aide à domicile effectuées sous la forme du versement de l'allocation représentative de services ménagers, réservée aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le minimum vieillesse, soit 42.658 francs par an, et qui représente 60 % du coût des services ménagers ou 30 heures d'aide ménagère par mois. Cette aide est en diminution constante depuis plusieurs années en raison de la diminution du public potentiel et s'élève en 1997 à 1,2 milliard de francs .

Dépense nette d'aide sociale aux personnes âgées

(en milliards de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Dépense nette d'aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

9,3

10,1

10,7

11,5

11,9

12,5

13,1

13,7

13,7

Aide sociale à l'hébergement

4,6

4,7

4,8

4,9

5,1

5,5

5,7

6,1

6,4

Aide ménagère

1,5

1,5

1,5

1,5

1,4

1,3

1,3

1,2

1,2

ACPA

3,2

3,9

4,4

5,1

5,4

5,7

6,1

6,4

6,1

Source : ODAS

c) L'aide sociale aux personnes handicapées connaît une progression toujours soutenue.

L'aide sociale aux personnes handicapées donne lieu à une répartition de compétence complexe entre l'Etat, l'assurance maladie et les départements. La prise en charge des enfants handicapés fait l'objet d'un financement intégralement assuré par la sécurité sociale tandis que celui-ci est partagé avec les départements pour l'hébergement des personnes handicapées adultes.

Le département assure les frais d'hébergement des handicapés adultes au sein de diverses structures telles que les foyers de vie, les foyers occupationnels et les hospices, à l'exception toutefois des maisons d'accueil spécialisé (MAS) qui, parce qu'elles sont réservées aux handicaps les plus lourds, sont financées par l'assurance maladie. Par ailleurs, les centres d'aide par le travail (CAT) et les ateliers protégés, comme on l'a vu plus haut, relèvent de la responsabilité de l'Etat.

De plus, les foyers dits à double tarification (FDT) connaissent, au sein d'un même établissement, un financement assuré par l'Etat pour la prise en charge des soins et par le département pour les frais d'hébergement.

Le poste le plus important est celui des dépenses d'hébergement qui s'élève à 11,1 milliards de francs en 1997. Celles-ci connaissent une augmentation forte depuis 1984 en raison d'un effort soutenu de créations de places à la fois pour accueillir un nombre croissant d'adultes handicapés et résorber l'accueil dans les hospices.

En revanche, les dépenses d'allocations compensatrices -qui ne recouvrent ici par convention que les dépenses d'ACTP versée aux personnes âgées de moins de 60 ans- font preuve, comme le rappelle l'ODAS, d'une relative stabilité depuis la décentralisation, qui est confirmée en 1997 (3,1 milliards de francs).

L'APCG souligne en outre que le développement de formules de prises en charge diversifiées du handicap adulte, plus conformes aux souhaits des bénéficiaires, telles que le maintien à domicile, a certainement contribué à limiter des frais de structure plus lourds. L'APCG note également que le contrôle de l'effectivité de l'ACTP a également été à l'origine d'une moindre progression de la dépense ces dernières années.

Dépense nette d'aide sociale aux personnes handicapées

(en milliards de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Dépense nette d'aide sociale aux personnes handicapées

7,7

8,4

9,2

9,8

11,0

12,1

12,8

13,5

14,2

Hébergement

5,0

5,8

6,5

7,0

8,1

9,1

9,8

10,5

11,1

ACPH

2,7

2,6

2,7

2,8

2,9

3,0

3,0

3,0

3,1

Source : ODAS

d) Les dépenses d'insertion enregistrent une décélération mais demeurent à des niveaux élevés

L'ensemble des dépenses d'insertion prises en charge par les départements s'élève à 10,4 milliards de francs en 1997. L'augmentation demeure assez soutenue (+ 7 %) en raison de la poursuite de l'accroissement des effectifs du RMI.

Ces dépenses comprennent deux postes :

- les dépenses d'insertion liées au RMI dans le cadre de l'obligation qui est faite au département d'inscrire annuellement à son budget un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par l'Etat au titre de l'allocation attribuée à des personnes résidant dans le département : le montant de ces dépenses est évalué à 3,5 milliards de francs en 1997 ;

- les dépenses d'aide médicale se composent, tout d'abord, des dépenses des cotisations d'assurance personnelle des allocataires non affiliés à un régime de sécurité sociale et des dépenses financées dans le cadre des divers systèmes de " carte de santé " : ces dépenses s'élèvent à près de 7 milliards de francs en 1997.

Dépenses d'insertion

(en milliards de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Total des dépenses d'insertion

2,8

3,9

4,9

5,4

6,4

8,3

9,6

9,7

10,4

Aide médicale

2,6

3,2

3,6

3,6

4,2

5,6

6,6

6,6

6,9

RMI

0,2

0,7

1,3

1,8

2,2

2,7

3,0

3,1

3,5

Source : ODAS

e) Les dépenses de prévention et d'accompagnement social

Ce secteur de dépenses, -qui fait l'objet d'analyses plus poussées de la part de l'ODAS cette année-, porte sur les dépenses des services de protection maternelle et infantile (PMI), du service social départemental ainsi que sur les frais communs et d'action sociale facultative.

L'analyse de ce poste permet d'examiner l'évolution des dépenses de personnel affecté aux différentes missions de l'action sociale.

L'ODAS souligne que les dépenses dans ce secteur, qui ont fortement augmenté entre 1984 et 1989 puis se sont situés depuis dans la moyenne des autres dépenses, évoluent en raison de la revalorisation des salaires mais aussi de l'augmentation des effectifs.

M. Jean-Louis Sanchez, délégué de l'ODAS, souligne en effet que les départements, loin de fuir les responsabilités qui leur incombaient du fait de la décentralisation en matière d'action sociale, ont veillé à ajuster leurs effectifs de personnels sociaux aux besoins rencontrés.

Evolution du personnel social des conseils généraux
(source ODAS)

Assistantes sociales : 13.300

soit + 3.000 en 8 ans

dont 1.500 au titre du déconventionnement

et 1.500 au titre de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion

Educateurs spécialisés : 2.700

+ 700 en 8 ans

(aide à l'enfance en milieu ouvert - actions administratives)

Conseillères en économie sociale et familiale : 700

soit un triplement en huit ans

Secrétaires médico-sociales (SMS) (ou équivalent) : entre 5.500 et 6.000

L'ODAS voit trois raisons à l'augmentation des effectifs :

- la gestion de l'offre d'insertion au titre du RMI a nécessité l'embauche de personnels supplémentaires ;

- le déconventionnement du service social résultant des transferts de compétence et la fin des mises à disposition ont entraîné des embauches par compensation ;

- les équipes d'encadrement ont été renforcées dans le cadre de la territorialisation des interventions sociales.

Prévention et accompagnement social

(en milliards de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Prévention et accompa-gnement social

8,7

9,8

10,7

11,2

12,0

12,4

13,6

13,9

14,5


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