EXAMEN DES ARTICLES

Art. 82
Prise en charge par l'Etat du financement de l'allocation de parent isolé (API)

Cet article prévoit le versement d'une subvention du budget de l'Etat à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) afin de prendre en charge le versement de l'allocation parent isolé (API).

L'API est une allocation différentielle qui permet d'assurer un revenu au moins égal à 150 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales pour le parent isolé et à 50 % de la même base par enfant à charge, ce qui correspond à un montant de 4.264 francs par mois pour un parent isolé avec un enfant à charge.

L'API est donc distribuée sous condition de ressources et prend la forme d'une allocation différentielle tendant à assurer un minimum mensuel garanti de ressources de même que le revenu minimum d'insertion. Ces caractéristiques ne permettent pas de considérer comme anormal que le financement de l'API soit assuré par la solidarité nationale.

Sur le plan des principes, il est possible cependant de s'interroger sur le choix du Gouvernement de transférer sur le budget de l'Etat le financement d'une allocation qui est liée à la présence de l'enfant dans une famille monoparentale et qui vise à favoriser l'exercice du rôle parental dans les situations difficiles 16( * ) .

L'essentiel est que cette prise en charge s'inscrit dans le champ des échanges financiers complexes établis entre la branche famille, l'Etat et les familles à l'occasion de la suppression de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales qui entraînera un surcoût de l'ordre de 4,7 milliards de francs pour la branche famille.

Il importe de souligner que cette mesure est accompagnée de la diminution du plafond du quotient familial qui devrait rapporter 3,9 milliards de francs au budget de l'Etat au détriment des familles.

D'un point de vue général, votre commission a désapprouvé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que le retour attendu à l'universalité de versement des allocations familiales ait été accompagné de dispositions pénalisantes pour les familles du fait de la réforme du quotient familial.

Toutefois, elle ne peut que constater que la suppression du présent article entraînerait ipso facto une charge supplémentaire sur la branche " famille " qui doit déjà assumer le coût de la suppression des conditions de ressources.

Dans ces conditions, votre commission a émis un avis de sagesse sur cet article .

Art. 83
Limitation à 60 ans de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés pour les allocataires relevant de l'article L. 812-2
du code de la sécurité sociale

L'AAH est une allocation différentielle destinée à assurer un revenu minimum aux personnes handicapées, sans ressources ou disposant de revenus modestes, qui ne peuvent prétendre à un avantage de vieillesse ou d'invalidité ou une rente d'accident du travail d'un montant au moins égal à cette allocation.

Au titre de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, l'AAH est versée aux adultes handicapés qui n'ont plus droit à l'allocation d'éducation spéciale (âgés de plus de 20 ans) et dont l'incapacité permanente est au moins de 80 % .

Par ailleurs, peuvent également bénéficier de l'AAH en application de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, les personnes dont l'incapacité sans atteindre 80 % est au minimum égale à 50 % mais qui sont, compte tenu de leur handicap, dans l'impossibilité reconnue par la COTOREP de se procurer un emploi.

Il convient de préciser néanmoins que, selon la jurisprudence, l'activité exercée par un handicapé dans un CAT ne constitue pas un emploi au sens de l'article L. 821-2 précité. Au demeurant, l'article L. 821-1 susvisé dispose que, pour les personnes exerçant une activité en CAT, l'AAH peut être cumulée avec la garantie de ressources dans des conditions fixées par décret.

L'AAH est une allocation d'un montant mensuel de 3.470,91 francs versée dès lors que les ressources de la personne handicapée n'excèdent pas 42.193 francs par an (soit 3.516 francs par mois). Ce plafond est majoré de 100 % pour le conjoint et de 50 % par enfant à charge.

Actuellement, les handicapés qui travaillent en CAT ont la faculté de travailler au-delà de l'âge minimum de départ à la retraite et jusqu'à 65 ans notamment pour améliorer le niveau de leur pension de vieillesse.

Cet article propose de revenir sur cette faculté.

Le paragraphe I de cet article prévoit que tous les titulaires de l'AAH sont réputés " inaptes au travail " à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse qui, comme on le sait, est fixé à 60 ans (article L. 351-1 et R. 351-2 du code de la sécurité sociale). En d'autres termes, toute personne titulaire devrait cesser d'exercer une activité rémunérée dès 60 ans et ceci, quel que soit le niveau attendu de la retraite, que celle-ci soit à taux plein ou non et quels que soient ses choix professionnels.

Le paragraphe II de cet article prévoit de manière expresse que, pour les personnes handicapées entre 50 % et 80 % et relevant de l'article L. 821-2, le versement de l'AAH " prend fin " à l'âge de 60 ans : cette mention peu explicite a une conséquence pratique très claire : les intéressés ne bénéficient plus de la disposition protectrice prévue à l'article L. 821-1 disposant que lorsque " l'avantage vieillesse est d'un montant inférieur à l'AAH, celle-ci s'ajoute à la prestation sans que le montant total des deux avantages ne dépasse le montant de l'AAH " .

Le paragraphe III précise que la mesure s'applique non seulement aux personnes handicapées qui atteignent l'âge de 60 ans après le 1 er janvier 1999 mais également à toutes celles qui sont actuellement en activité entre 60 et 65 ans " lors du renouvellement de la demande d'AAH " (l'AAH est accordée pour une période d'au moins un an et de cinq ans au plus).

La mesure est présentée comme un simple transfert du budget de l'Etat vers le fonds de solidarité vieillesse (FSV), sachant que la retraite versée aux titulaires de l'AAH est en général modeste et qu'ils bénéficient du minimum vieillesse : l'économie attendue est de 31 millions de francs en 1999 et de 310 millions de francs sur les cinq années de mise en oeuvre.

La réalité est plus complexe, notamment pour tous les adultes handicapés qui travaillent en CAT.

Tout d'abord, dans certains cas, la mise en oeuvre de la mesure diminuera les ressources dont disposent les travailleurs handicapés .

Certes en principe, le montant du minimum vieillesse est strictement égal à celui de l'AAH, soit 3.470,91 francs par mois.

Mais en réalité, il apparaît tout d'abord que le montant des plafonds de ressources pris en compte pour le calcul des deux allocations n'est pas exactement le même. En particulier, les règles de prise en compte d'un conjoint à charge ne sont pas identiques : ainsi, en 1998, le plafond de ressources est-il fixé à 74.720 francs pour le calcul du minimum vieillesse d'un ménage, tandis qu'il est fixé à 84.386 francs pour bénéficier de l'AAH.

Mais surtout les ressources prises en compte ne sont pas les mêmes : s'agissant de l'AAH, il est fait référence au revenu imposable en tenant compte de la dotation forfaitaire et de l'abattement général ainsi que de l'abattement spécifique pour les personnes invalides.

Or, concernant le minimum vieillesse, l'ensemble des ressources sont prises en compte, à l'exception des prestations familiales, des pensions alimentaires, des majorations pour tierce personne et de l'allocation de logement.

Il peut donc arriver qu'une personne handicapée qui bénéficiait de l'AAH ne puisse pas avoir droit au minimum vieillesse, ce qui peut entraîner, selon le niveau de la pension de vieillesse qui lui est versée, une baisse nominale de revenus.

Lorsque la personne est titulaire de l'AAH au titre de l'article L. 821-1, elle bénéficie alors d'un complément d'AAH qui viendra compléter ses ressources afin d'éviter ce phénomène. En revanche, dans le cadre du présent article, les titulaires de l'AAH handicapés à plus de 50 % n'auront plus droit à l'allocation différentielle.

Certes, on peut considérer, comme le fait le rapporteur spécial de la commission des Finances à l'Assemblée nationale, que la mesure n'a qu'un " effet marginal " pour les allocataires de l'article L. 821-2 ; mais il n'est pas certain que les personnes qui subiront les conséquences du présent article, qui sont déjà affectées d'un handicap lourd et dont les revenus demeurent très modestes, perçoivent la baisse du revenu avec satisfaction.

Mais le plus grave est l'effet de stigmatisation que comporte cet article sur les personnes handicapées qui exercent une activité . Elles seront la seule catégorie de travailleurs considérée comme automatiquement inaptes à l'âge de 60 ans, quelles que soient leurs aptitudes, leurs qualités ou leur volonté de continuer à travailler.

Il est frappant de constater que les titulaires d'une pension d'invalidité du régime général de la sécurité sociale peuvent faire opposition à la transformation de cette pension en pension de vieillesse à l'âge de 60 ans lorsqu'ils exercent une activité professionnelle. Alors que les handicapés s'efforcent, y compris en milieu protégé, de conquérir difficilement une identité dans une société où le travail est constamment valorisé, ils se verraient ainsi dénier ce droit d'option.

Doit-on insister sur le fait qu'une personne handicapée en CAT trouve un milieu professionnel, un entourage, un rôle social, tant d'éléments qui risqueront de lui manquer cinq ans de sa vie ?

Il n'existe aucun motif pour appliquer brutalement un régime de mise à la retraite d'office pour ceux qui souhaiteraient poursuivre leur activité au-delà de cet âge. Au demeurant, les CAT ont souvent prévu au-delà de 60 ans des régimes de travail à temps partiel qui permettent une cessation progressive d'activité et l'adaptation à un nouvel environnement dans des conditions satisfaisantes pour des personnalités qui souffrent trop souvent de ce regard " différent " que nous portons sur eux.

Pour ces motifs, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Article additionnel après l'article 83
Réforme de la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale des départements

Cet article additionnel a pour objet d'étendre aux secteurs social et médico-social financés par l'aide sociale des conseils généraux un dispositif de taux directeur opposable dans des conditions similaires à ce qui est prévu dans le projet de loi de finances (article 84 ci-après) et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les autres établissements sociaux et médico-sociaux.

Votre rapporteur a exposé au III supra de cet avis les raisons pour lesquelles la mise en oeuvre du taux directeur était devenue indispensable.

Cet article modifie la loi du 30 juin 1975 afin de permettre au président du conseil général de fixer un objectif d'évolution aux dépenses du secteur social et médico-social dans son département qui pourrait donner lieu à un refus ou à un retrait d'habilitation de l'établissement.

Bien entendu, le département, dans sa délibération, pourra moduler le taux en fonction des catégories d'établissements ou de prestations.

La référence faite de l'objectif d'évolution au niveau législatif permettra aux départements de donner une valeur juridique aux mesures prises pour maîtriser l'évolution de la dépense médico-sociale.

Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.

Art. 84 (nouveau)
Réforme de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale de l'Etat

Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement a pour objet d'étendre aux établissements et services sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale obligatoire de l'Etat (CAT et CHRS) un dispositif de régulation des dépenses dans le cadre d'enveloppes budgétaires limitatives analogue à celui prévu à l'article 27 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 relatif aux établissements financés par l'assurance maladie.

Votre rapporteur a présenté dans son avis (Cf. III supra ) les raisons pour lesquelles ce nouveau mode de tarification jouerait un rôle utile pour permettre une meilleure maîtrise de l'évolution des dépenses dans le secteur social et médico-social.

Le présent article insère un article additionnel à la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 qui précise que les dotations de fonctionnement des établissements sont déterminées par le montant inscrit en loi de finances à caractère limitatif.

Le montant total annuel doit être réparti en dotations régionales limitatives par le ministre chargé de l'action sociale. Chaque dotation régionale devra être répartie par les préfets de région en dotations départementales, lesquelles seront distribuées par le préfet des départements.

Il est précisé que les préfets et les gestionnaires d'établissements peuvent préciser, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des établissements.

Il est prévu également la possibilité pour le préfet de mettre fin à l'autorisation de fonctionnement d'un établissement lorsque le budget de celui-ci présente des charges injustifiées ou excessives compte tenu des enveloppes de crédit.

M. Bernard Kouchner a souligné en séance publique que la procédure aurait un caractère contradictoire et que les gestionnaires auraient des garanties contentieuses.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

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