B. FOCUS SUR L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968

Si la plupart des accords internationaux dont la France est partie en matière migratoire sont méconnus, tel n'est pas le cas de l'accord franco-algérien du 27 décembre 196817(*). La pertinence de cet accord, amendé à trois reprises en 1985, 1994 et 2001, est en effet régulièrement questionnée dans le débat politique français.

1. Un accord qui régit complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle des Algériens

L'accord de 1968 « régit de manière complète »18(*) les conditions d'admission au séjour, d'exercice d'une activité professionnelle et de circulation des ressortissants algériens en France. Seules les dispositions de droit commun de portée générale et qui ne sont pas incompatibles avec une disposition de l'accord de 1968 s'appliquent donc aux Algériens dans ces trois domaines. En revanche, ceux-ci sont bien soumis aux dispositions du droit commun en dehors du champ de l'accord, en particulier en matière d'éloignement ou d'asile.

2. Un statut spécial plutôt favorable aux Algériens sur certains points majeurs, sans que ce constat ne puisse être généralisé

Si les avenants successifs à l'accord de 1968 ont rapproché le statut spécial dont bénéficient les Algériens du droit commun, cette dynamique s'est interrompue après 2001, date de la dernière révision. Les modifications législatives intervenues depuis lors ne sont en effet pas applicables aux Algériens. Ils ne peuvent par exemple toujours bénéficier que de deux catégories de titres de séjour (les certificats de résidence valable un ou dix ans) et les cartes de séjour pluriannuelles créées en 2016 ne leur sont pas accessibles.

L'analyse de ces divergences appelle à la prudence en ce qu'elle ne permet pas d'aboutir à un constat définitif sur le régime le plus favorable. S'il est indéniable que les Algériens bénéficient de règles plus favorables sur certains aspects majeurs de l'admission au séjour, l'accord de 1968 est également moins disant que le droit commun sur de nombreux points.

Les quatre principaux points pouvant être regardés comme plus favorables aux Algériens que le droit commun sont :

l'existence de voies autonomes d'accès au séjour : on peut citer le droit à un certificat de résidence d'un an pour les Algériens justifiant de dix ans de présence habituelle en France ou la délivrance d'un certificat de dix ans aux Algériens résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans, qui n'a pas d'équivalent dans le Ceseda ;

des conditions de délivrance plus souples pour certains titres : c'est le cas s'agissant des titres délivrés aux conjoints de Français (pas de condition de communauté de vie pour le premier certificat de résidence délivré) ou aux parents d'enfants français (pas de condition de durée pour attester de la contribution aux besoins de l'enfant) ;

un accès facilité aux titres de séjour de longue durée : un certificat de résidence de dix ans peut ainsi être délivré au bout de trois ans de séjour contre cinq ans dans le droit commun. De même, le conjoint de Français accède à ce titre au bout d'un an de mariage contre trois ans dans le régime général ;

un régime de regroupement familial plus souple : la condition de résidence pour le regroupant est d'un an contre 18 mois en droit commun et, surtout, le titre délivré au regroupé est identique à celui du regroupant. Il en résulte qu'un certificat de résidence valable dix ans peut être primo-délivré.

A contrario, la comparaison est plutôt défavorable aux Algériens sur quatre éléments :

un régime des visas moins diversifié : les ressortissants Algériens ne bénéficient pas des « visas long-séjour valant titre de séjour » qui font office de titre de séjour pour la première année de séjour. Ils doivent donc toujours solliciter un certificat de résidence au cours de la période de validité de leur visa d'entrée ;

un régime moins favorable pour les étudiants : le certificat de résidence « étudiant » ne vaut pas autorisation de travail et, le cas échéant, les étudiants ne peuvent travailler que dans la limite de 50 % de leur temps (60 % dans le droit commun). Surtout, la carte de séjour pluriannuelle « étudiant » n'a pas d'équivalent dans l'accord de 1968, ce qui contraint à un renouvellement annuel du certificat de résidence ;

l'absence de titre pluriannuel intermédiaire : alors que les ressortissants d'autres États peuvent prétendre à une CSP valable quatre ans à l'issue de leur première année de séjour, les Algériens doivent procéder à des renouvellements annuels jusqu'à ce qu'ils soient éligibles à un certificat de résidence valable dix ans ;

des possibilités de délivrance immédiate d'un titre pluriannuel qui ne sont pas applicables aux Algériens : le dispositif des « passeports talents », valables quatre ans dès la première délivrance, ne s'applique notamment pas aux Algériens.

3. L'application de l'accord franco-algérien : des délivrances de titres stables

En termes statistiques, aucune inflexion majeure n'est observée sur les dix dernières années s'agissant de la délivrance de certificats de résidence à des ressortissants Algériens. La part des certificats de résidence dans le total des primo-délivrances est désormais inférieure à 10 % (29 246 certificats en 2022 pour 316 714 primo-délivrances, soit 9,2 % du total ; cette proportion était encore de 12,5 % en 2017). De la même manière, le volume total de certificats de résidence en cours de validité est stable sur les cinq dernières années, à un niveau proche des 600 000 (599 007 en 2022). L'écart demeure marginal si l'on remonte jusqu'à l'année 2000, où ce chiffre était de 545 000.

Part des titres de séjour délivrés aux Algériens
dans les primo-délivrances de titres et dans le stock de titres valides

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Primo-délivrances de titres

230 345

247 431

258 924

277 466

223 093

270 925

316 174

Dont algériens

28 709

30 869

29 207

27 439

23 919

25 783

29 216

En %

12,5%

12,5%

11,3%

9,9%

10,7%

9,5%

9,2 %

Stock de titres valides

-

3 122 834

3 292 367

3 352 433

3 451 804

3 704 613

Dont certificats de résidence

591 410

590 131

599 738

584 208

599 007

En %

18,9 %

17,9 %

17,9 %

16,9 %

16,2 %

Source : Commission des lois, à partir des données publiées par le ministère de l'intérieur

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La commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2024.


* 17 Voir l'ouvrage suivant : Gisti, Les droits des Algériennes et des Algériens en France (2015).

* 18 Voir Conseil d'État, 25 mai 1988, ministre de l'intérieur c/Ziani, n° 81420).

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