III. RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE : CHANGER D'ÉCHELLE POUR RÉDUIRE RÉELLEMENT LES CONSOMMATIONS DES BÂTIMENTS

A. MAPRIMERÉNOV' : UN DISPOSITIF À MIEUX ÉVALUER ET MIEUX CIBLER

1. Un dispositif plébiscité des Français et bénéficiant majoritairement aux plus défavorisés

Le soutien à la rénovation énergétique des bâtiments a connu un tournant important avec la création en 2020 d'une prime directe aux ménages effectuant des travaux de rénovation énergétique dans leurs logements, MaPrimeRénov' (MPR) versée par l'Agence nationale de l'habitat ( ANAH ) et issue de la fusion avec les aides de son programme « Habiter Mieux » et de la suppression depuis le 1 er janvier 2021, du crédit d'impôt pour la transition énergétique ( CITE ). Réservée dans un premier temps aux propriétaires occupants, MPR a été rendue accessible, dès le 1?? octobre 2020, à l'ensemble des propriétaires, quels que soient leurs revenus, qu'ils occupent leur logement ou qu'ils le mettent en location.

Depuis la mise en place de ce dispositif jusqu'au 30 septembre 2022, plus de 5,60 Md€ (pour un total de 1,35 million de dossiers ) ont ainsi été engagés dans la rénovation des logements via les différents programmes de MPR (MPR « général », MPR Sérénité et MPR Copropriété).

La dernière enquête réalisée auprès des ménages ayant eu recours à MPR (IPSOS, 2021) atteste également d'un taux élevé de satisfaction 4 ( * ) .

Ces chiffres illustrent l'indéniable succès du dispositif auprès des Français, signe d'une prise de conscience des ménages quant aux bénéfices de la rénovation énergétique. Ce succès administratif devrait également faciliter la structuration de la filière.

Le PLF 2023 consacre une pérennisation bienvenue du dispositif , avec 2,45 Md€ en autorisations d'engagement (AE) et 2,3 Md€ de crédits de paiement (CP) 5 ( * ) , en augmentation par rapport à 2022 6 ( * ) .

Le rapporteur salue par ailleurs la réorientation opportune des aides de MPR vers les ménages des premiers déciles de revenus , alors que le bénéfice fiscal du mécanisme antérieur - le CITE - était essentiellement capté par les ménages les plus aisés.

Un dispositif recentré sur les ménages aux ressources très modestes 7 ( * ) et modestes 8 ( * ) ( chiffres du 1 er janvier au 31 juillet 2022 )

Source : Agence nationale de l'habitat.

La prolongation du dispositif en 2023 pour tous les ménages , sans condition de ressources - proposée par l'Assemblée nationale (deuxième loi de finances rectificative pour 2022) - n'en demeure pas moins bienvenue : elle permettra de poursuivre le soutien apporté par MPR à des projets à forts potentiels énergétiques (forfaits « rénovation globale » pour les revenus intermédiaires et élevés et financements aux copropriétés).

2. Des résultats énergétiques largement insuffisants
a) Des travaux mono-gestes et des changements de vecteurs énergétiques très majoritaires

Une rénovation énergétique performante des bâtiments implique, en principe, des travaux d'amélioration et de décarbonation du vecteur énergétique et des travaux d'amélioration de l'isolation de l'enveloppe du bâtiment.

Or, MPR finance pour l'essentiel des travaux de rénovation portant sur le chauffage et l'eau chaude sanitaire (85 % des économies d'énergie et 76 % des gestes en 2021), là où l'isolation des murs, toitures ou combles ne représente que 14 % des économies d'énergie permises en 2021, cette part ayant doublé par rapport à 2020.

Par ailleurs, selon les chiffres de l'ANAH, en 2022, 75 % des travaux entrepris ont été « mono-gestes » , alors que les rénovations globales ne représentaient que 7,2 % du total des dossiers traités.

b) Des gains énergétiques trop limités

En 2021, les économies d'énergie associées à MPR atteignaient 5,5 MWh/an par logement aidé, soit une augmentation de 30 % par rapport au CITE en 2019 9 ( * ) . Doit-on, pour autant, en conclure que les résultats de MPR en termes de performance énergétique sont encourageants ? Il est permis d'en douter : en partant des données mises à disposition par l'ONRE, les économies d'énergie permises par MPR ne représenteraient en 2021 que 0,45 % de la consommation totale du parc résidentiel 10 ( * ) .

S'il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de rénovations performantes réalisées, en l'absence de contrôle systématique à l'issue des travaux, le rapporteur constate que seuls 6 700 bonus pour l'atteinte du niveau « Bâtiment basse consommation » ont été accordés en 2021 , soit 1 % de l'ensemble des dossiers...

D'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2023, seuls 2 100 logements sont sortis du statut de passoire thermique en 2021, très loin de l'objectif fixé pour cette année ( 80 000 ).

Les gains permis par MPR semblent manifestement insuffisants à l'atteinte de nos objectifs climatiques et de réduction de la consommation d'énergie.

3. Une performance énergétique devant être largement accrue et mieux évaluée

Le rapporteur invite donc à mieux évaluer et améliorer la performance environnementale du dispositif, en orientant plus massivement MPR vers les rénovations globales ou multi-gestes : les aides délivrées pour ces rénovations devraient toujours être plus avantageuses que l'addition d'aides demandées individuellement. À moyens constants, les forfaits et bonus opportunément introduits depuis les débuts du dispositif 11 ( * ) devraient donc bénéficier d'un soutien accru , aux dépens des rénovations mono-gestes.

« MaPrimeRénov' Sérénité » , dispositif ciblé sur les rénovations performantes et orienté vers les ménages très modestes, doit particulièrement être renforcé : « Sérénité », qui ne représentait en 2022 que 4,7 % des dossiers (pour 15,6 % des montants), permet des gains énergétiques de plus de 50 % 12 ( * ) !

Le déploiement du service France Rénov' , et à partir de 2023 d'un réseau d'accompagnateurs agréés doit également soutenir l'ambition des travaux. La massification de la rénovation énergétique passera parallèlement par la structuration des filières de rénovation et la montée en compétence des professionnels.


* 4 97 % des ménages sont satisfaits du confort du logement après travaux et 72 % d'entre eux constatent une réduction de leurs dépenses de chauffage. S'agissant de la mise en oeuvre du dispositif, l'enquête révèle un taux élevé de satisfaction parmi les ménages (88 % des ménages sont globalement satisfaits ; 82 % des ménages sont satisfaits du délai entre le dépôt du dossier et l'attribution de la prime ; 81 % sont satisfaits du délai entre l'envoi des factures et le versement de la prime).

* 5 Ces crédits inscrits à l'action n° 2 « Accompagnement de la transition énergétique » du programme 174 pourront être complétés par les reliquats de crédits du plan de relance. Par ailleurs MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriété sont financées sur les ressources de l'ANAH allouées au titre des aides à la pierre.

* 6 2,1 Md€ d'AE et 1,39 Md€ de CP.

* 7 Deux premiers déciles de niveaux de vie.

* 8 3 e et 4 e déciles de niveaux de vie.

* 9 Source : Observatoire de la rénovation énergétique (ONRE).

* 10 Économies d'énergie permises par MPR rapportées à la surface du parc des résidences principales, en 2021 : 0,079 MWh/100m². Consommation énergétique moyenne du parc des résidences principales : 1,74 MWh/100m².

* 11 Bonus pour les maisons individuelles lorsque les travaux permettent de sortir le logement du statut de passoire énergétique (étiquette énergie F ou G) ; bonus pour les maisons individuelles lorsque les travaux permettent d'atteindre un niveau « Bâtiment basse consommation » (étiquette énergie A ou B) ; création de forfaits « rénovation globale » pour les revenus intermédiaires et élevés réalisant des travaux associés à un gain en énergie primaire d'au moins 55 % ; forfait « Assistance à Maîtrise d'Ouvrage » (AMO).

* 12 L'objectif minimal de réduction de la consommation énergétique requis pour bénéficier de « MaPrimeRénov' Sérénité » est une baisse d'au moins 35 %.

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