N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme
adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Action de la France en Europe et dans le monde (Programme 105)

Par MM. Jean-Pierre GRAND et André GATTOLIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

RETROUVER LA CAPACITÉ DE PILOTER LA DIPLOMATIE !

Avec une augmentation de crédits de 6,6 % en CP en 2023 contre 2 % en 2022, le programme 105, qui atteint 2,08 Mds€, est une priorité de la mission Action extérieure de l'État qui progresse de 5,2 % en CP en 2023. Le P105 se caractérise cette année par trois évolutions réclamées par la commission : la création de 106 ETP, l'augmentation de la budgétisation des crédits d'entretien de l'immobilier, et la poursuite de la remontée des contributions volontaires françaises aux organisations internationales.

Ces trois points sont les conditions indispensables à l'arrêt de l'érosion de notre outil diplomatique, dans un monde où la compétition internationale s'exacerbe et où les crises, y compris sanitaires, se multiplient.

Ces améliorations posent toutefois la question de leur efficacité qui appelle des remarques spécifiques, telles que la nécessaire décorrélation des AE et des CP pour permettre la mise en oeuvre d'une politique immobilière pluriannuelle efficace, plus encore au moment où la spécificité des parcours des diplomates est remise en cause par la suppression de l'ENA.

I. L'EFFORT EN FAVEUR DE L'OUTIL DIPLOMATIQUE EST RÉEL MAIS SE HEURTE AUX DÉFIS DE L'INFLATION ET DE LA RÉFORME DU HAUT ENCADREMENT DE LA DIPLOMATIE

Représentant 0,55% de la fonction publique d'État , et animant le 3ème réseau diplomatique mondial, les personnels du ministère ont facilité le retour de 370 000 Français lors de la première vague de la pandémie, et évacué près de 3 000 personnes d'Afghanistan .

Le P105 progresse plus vite que la mission

première création nette depuis 1993

supplémentaires pour la communication stratégique

Supplémentaires pour le réseau diplomatique

La déflation des effectifs du P105 stoppée pour la première fois depuis 20 ans en 2021 cède enfin la place, en 2023, à une création nette d'emploi . L'augmentation est très raisonnée et modeste puisqu'il s'agit de 106 ETP, qui doivent être mis en relation avec la perte de 3 000 postes depuis 2007 .

Le programme « Action publique 2022 » aura permis la mutualisation et la réduction des fonctionnaires en poste à l'étranger, quel que soit leur ministère de rattachement, et le placement sous l'autorité de l'ambassadeur des services de soutien ainsi rénovés. L'unification des fonctions support a sans doute donné des leviers intéressants de gestion mais n'a pas été sans alourdir les tâches des personnels , notamment des secrétaires généraux d'ambassade , essentiels au bon fonctionnement du réseau.

Le schéma d'emplois ministériel devra donc permettre de redimensionner le réseau en réduisant les risques psycho-sociaux et en répondant aux priorités de l'action diplomatique française :

- le renforcement de la présence française dans l'Indopacifique et de la capacité d'analyse politique ,

- la lutte contre les attaques cyber et la manipulation de l'information,

- et la sécurisation des emprises françaises à l'étranger .

Réouverture des crédits annulés sur les réserves de précaution, inflation, couverture de change : les recommandations de la CAED sont suivies !

Les moyens du réseau ont été renforcés en gestion, suivant les recommandations constantes de la commission et font l'objet de provisions pour 2023. Les principales mesures à retenir sont les suivantes :

Annulés sur les réserves de précaution du P105, 40,7 M€ ont été réouverts en loi de finances rectificative du 16 août 2022, comme le demandait la commission dans son communiqué de presse de mars 2022.

Sont prévus 15 M€ en 2022 et 27,9 M€ en 2023 pour couvrir le risque change-prix

De plus, 90% du risque de change des contributions internationales et des opérations de maintien de la Paix (CIOMP) ont été couverts en 2022 et ont ainsi sécurisé le PLF 2023, grâce à la convention de couverture de risque de change entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et l'agence France Trésor du 12 avril 2018. En mai 2022, le MEAE a ainsi passé des ordres d'achat à terme de devises pour 486 M$ et 37,6 MCH à échéance 2023 .

En gestion en 2022, 15 M€ ont permis de couvrir le risque change-prix. En 2023 27,9 M€ sont prévus, dont 24 M€ pour les dépenses de personnel. Ainsi 3 M€ couvriront les effets de l'inflation sur la rémunération des agents de droit local (ADL) en monnaie locale, et 21 M€ les effets change--prix sur les indemnités de résidence à l'étranger. Enfin, une provision de 3,9 M€ est budgétée pour couvrir les effets de l'inflation sur les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique, soit une prévision d'inflation mondiale pondérée à 3,4% .

Or, en 2023, une hausse de 25 % des dépenses d'énergie et 18 % pour les contrats de dépenses courantes est attendue. Il est à craindre que les provisions prévues au PLF 2023 ne soient pas suffisantes .

Les États généraux de la diplomatie objet de l'attention de la commission

L'application de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État au ministère des affaires étrangères a suscité des incompréhensions , le MEAE étant déjà un ministère caractérisé par son importante ouverture à l'extérieur : 20 % des ambassadeurs et 40 % des chefs de service du MEAE ne sont pas des diplomates.

Elle a également suscité des inquiétudes sur le risque de fragilisation de l'appareil diplomatique et d'affaiblissement du rayonnement de la France qui tient son rang de puissance du Conseil de sécurité des Nations unies de l'excellence de ses personnels diplomatiques plus que de ses performances économiques ou militaires. Un rapport de votre commission 1 ( * ) recommandait, notamment, de reprendre le dialogue avec les personnels et d'associer le Parlement à la réflexion.

Satisfaction a été donnée à la commission avec le lancement des États généraux de la diplomatie qui visent à mener une réflexion commune et approfondie afin de trouver des pistes pour enrichir la réforme. Jérôme Bonnafont a été nommé rapporteur général des États généraux, dont le secrétariat général a été confié à Florian Escudié.

Trois groupes de travail thématiques sont prévus : le premier sur les défis de la diplomatie et sur la définition du métier de diplomate au XXI ème siècle, le deuxième sur les conditions d'exercice du métier, le déroulement des carrières et les méthodes de travail, et le troisième sur le rôle du ministère comme chef de file interministériel de l'action extérieure de l'État et des interactions avec les partenaires non étatiques.

Deux phases se succèderont : la première phase dite de consultation a débuté le 27 octobre par une séance de travail hybride, avec une partie des agents en présentiel et l'association des diplomates du réseau en visioconférence. Elle doit associer les autres parties prenantes de la diplomatie, selon des modalités non encore précisées. La deuxième phase dite d'exploitation doit débuter en fin d'année. Elle a pour ambition de formuler une vision partagée des enjeux d'adaptation du métier, de l'action et des conditions de travail des diplomates. Des recommandations concrètes et opérationnelles devraient être formulées au plus tard à la fin du premier trimestre 2023 . Lors des auditions menées par votre commission, l'association du Parlement à cette réflexion a été prévue. Elle est indispensable aux regards des enjeux et des efforts déployés pour renforcer l'efficacité de l'action diplomatique française.


* 1 « Quel avenir pour le corps diplomatique ? » Rapport d'information n° 777 (2021-2022) du 13 juillet 2022 de MM. Jean-Pierre GRAND et André VALLINI.

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