Avis n° 117 (2022-2023) de MM. Jean-Pierre GRAND et André GATTOLIN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme
adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Action de la France en Europe et dans le monde (Programme 105)

Par MM. Jean-Pierre GRAND et André GATTOLIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

RETROUVER LA CAPACITÉ DE PILOTER LA DIPLOMATIE !

Avec une augmentation de crédits de 6,6 % en CP en 2023 contre 2 % en 2022, le programme 105, qui atteint 2,08 Mds€, est une priorité de la mission Action extérieure de l'État qui progresse de 5,2 % en CP en 2023. Le P105 se caractérise cette année par trois évolutions réclamées par la commission : la création de 106 ETP, l'augmentation de la budgétisation des crédits d'entretien de l'immobilier, et la poursuite de la remontée des contributions volontaires françaises aux organisations internationales.

Ces trois points sont les conditions indispensables à l'arrêt de l'érosion de notre outil diplomatique, dans un monde où la compétition internationale s'exacerbe et où les crises, y compris sanitaires, se multiplient.

Ces améliorations posent toutefois la question de leur efficacité qui appelle des remarques spécifiques, telles que la nécessaire décorrélation des AE et des CP pour permettre la mise en oeuvre d'une politique immobilière pluriannuelle efficace, plus encore au moment où la spécificité des parcours des diplomates est remise en cause par la suppression de l'ENA.

I. L'EFFORT EN FAVEUR DE L'OUTIL DIPLOMATIQUE EST RÉEL MAIS SE HEURTE AUX DÉFIS DE L'INFLATION ET DE LA RÉFORME DU HAUT ENCADREMENT DE LA DIPLOMATIE

Représentant 0,55% de la fonction publique d'État , et animant le 3ème réseau diplomatique mondial, les personnels du ministère ont facilité le retour de 370 000 Français lors de la première vague de la pandémie, et évacué près de 3 000 personnes d'Afghanistan .

Le P105 progresse plus vite que la mission

première création nette depuis 1993

supplémentaires pour la communication stratégique

Supplémentaires pour le réseau diplomatique

La déflation des effectifs du P105 stoppée pour la première fois depuis 20 ans en 2021 cède enfin la place, en 2023, à une création nette d'emploi . L'augmentation est très raisonnée et modeste puisqu'il s'agit de 106 ETP, qui doivent être mis en relation avec la perte de 3 000 postes depuis 2007 .

Le programme « Action publique 2022 » aura permis la mutualisation et la réduction des fonctionnaires en poste à l'étranger, quel que soit leur ministère de rattachement, et le placement sous l'autorité de l'ambassadeur des services de soutien ainsi rénovés. L'unification des fonctions support a sans doute donné des leviers intéressants de gestion mais n'a pas été sans alourdir les tâches des personnels , notamment des secrétaires généraux d'ambassade , essentiels au bon fonctionnement du réseau.

Le schéma d'emplois ministériel devra donc permettre de redimensionner le réseau en réduisant les risques psycho-sociaux et en répondant aux priorités de l'action diplomatique française :

- le renforcement de la présence française dans l'Indopacifique et de la capacité d'analyse politique ,

- la lutte contre les attaques cyber et la manipulation de l'information,

- et la sécurisation des emprises françaises à l'étranger .

Réouverture des crédits annulés sur les réserves de précaution, inflation, couverture de change : les recommandations de la CAED sont suivies !

Les moyens du réseau ont été renforcés en gestion, suivant les recommandations constantes de la commission et font l'objet de provisions pour 2023. Les principales mesures à retenir sont les suivantes :

Annulés sur les réserves de précaution du P105, 40,7 M€ ont été réouverts en loi de finances rectificative du 16 août 2022, comme le demandait la commission dans son communiqué de presse de mars 2022.

Sont prévus 15 M€ en 2022 et 27,9 M€ en 2023 pour couvrir le risque change-prix

De plus, 90% du risque de change des contributions internationales et des opérations de maintien de la Paix (CIOMP) ont été couverts en 2022 et ont ainsi sécurisé le PLF 2023, grâce à la convention de couverture de risque de change entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et l'agence France Trésor du 12 avril 2018. En mai 2022, le MEAE a ainsi passé des ordres d'achat à terme de devises pour 486 M$ et 37,6 MCH à échéance 2023 .

En gestion en 2022, 15 M€ ont permis de couvrir le risque change-prix. En 2023 27,9 M€ sont prévus, dont 24 M€ pour les dépenses de personnel. Ainsi 3 M€ couvriront les effets de l'inflation sur la rémunération des agents de droit local (ADL) en monnaie locale, et 21 M€ les effets change--prix sur les indemnités de résidence à l'étranger. Enfin, une provision de 3,9 M€ est budgétée pour couvrir les effets de l'inflation sur les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique, soit une prévision d'inflation mondiale pondérée à 3,4% .

Or, en 2023, une hausse de 25 % des dépenses d'énergie et 18 % pour les contrats de dépenses courantes est attendue. Il est à craindre que les provisions prévues au PLF 2023 ne soient pas suffisantes .

Les États généraux de la diplomatie objet de l'attention de la commission

L'application de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État au ministère des affaires étrangères a suscité des incompréhensions , le MEAE étant déjà un ministère caractérisé par son importante ouverture à l'extérieur : 20 % des ambassadeurs et 40 % des chefs de service du MEAE ne sont pas des diplomates.

Elle a également suscité des inquiétudes sur le risque de fragilisation de l'appareil diplomatique et d'affaiblissement du rayonnement de la France qui tient son rang de puissance du Conseil de sécurité des Nations unies de l'excellence de ses personnels diplomatiques plus que de ses performances économiques ou militaires. Un rapport de votre commission 1 ( * ) recommandait, notamment, de reprendre le dialogue avec les personnels et d'associer le Parlement à la réflexion.

Satisfaction a été donnée à la commission avec le lancement des États généraux de la diplomatie qui visent à mener une réflexion commune et approfondie afin de trouver des pistes pour enrichir la réforme. Jérôme Bonnafont a été nommé rapporteur général des États généraux, dont le secrétariat général a été confié à Florian Escudié.

Trois groupes de travail thématiques sont prévus : le premier sur les défis de la diplomatie et sur la définition du métier de diplomate au XXI ème siècle, le deuxième sur les conditions d'exercice du métier, le déroulement des carrières et les méthodes de travail, et le troisième sur le rôle du ministère comme chef de file interministériel de l'action extérieure de l'État et des interactions avec les partenaires non étatiques.

Deux phases se succèderont : la première phase dite de consultation a débuté le 27 octobre par une séance de travail hybride, avec une partie des agents en présentiel et l'association des diplomates du réseau en visioconférence. Elle doit associer les autres parties prenantes de la diplomatie, selon des modalités non encore précisées. La deuxième phase dite d'exploitation doit débuter en fin d'année. Elle a pour ambition de formuler une vision partagée des enjeux d'adaptation du métier, de l'action et des conditions de travail des diplomates. Des recommandations concrètes et opérationnelles devraient être formulées au plus tard à la fin du premier trimestre 2023 . Lors des auditions menées par votre commission, l'association du Parlement à cette réflexion a été prévue. Elle est indispensable aux regards des enjeux et des efforts déployés pour renforcer l'efficacité de l'action diplomatique française.

II. LES EFFORTS DÉPLOYÉS POUR RETROUVER UNE CAPACITÉ DE PILOTAGE DU P105 SE CONFIRMENT ET COMMENCENT À PORTER LEURS FRUITS

Le programme 105 est le programme support du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il regroupe toutes les dépenses de fonctionnement des services en administration centrale et des implantations à l'étranger ainsi que les contributions obligatoires de la France aux organisations européennes et internationales et aux opérations de maintien de la paix (CI-OMP) . Cette structure budgétaire laisse très peu de marge de manoeuvre pour piloter la politique mise en oeuvre dans le cadre du P105.

Un pilotage contraint par le poids du réseau et des contributions internationales qui représentent près de 70 % du P105

Les contributions internationales progressent plus vite que le programme 105, soit une hausse de 8,47 % contre 6,61 %. Elles représentent 33,9 % des CP du programme. Les crédits du réseau diplomatique représentent 35,5 % du P105.

Sur les 707,47 M€ dédiés aux CI-OMP, les 15 principales contributions présentées ci-dessous représentent 628,92 M€ des crédits du P105 en 2023.

Les contributions volontaires ont permis à la France de gagner trois places dans le classement des contributeurs internationaux

En 2020, aux Nations unies, la France était :

- le 6e contributeur obligatoire , du fait de la baisse de la quote-part française au budget des OMP (5,2894% contre 5,6124% pour la période 2019--2021) et au budget régulier de l'ONU (4,32% contre 4,43%) ;

- le 9 e contributeur volontaire . La faiblesse de notre effort comparativement à ceux de l'Allemagne et du Royaume-Uni , qui versaient respectivement dix et cinq fois plus de contributions volontaires que la France en 2020, et la baisse de nos quotes-parts doivent nous conduire à poursuivre notre engagement financier pour garantir le maintien de notre influence ;

- le 7 e contributeur global (contributions obligatoires et volontaires). Elle a regagné trois places par rapport à 2019 (10e contributeur) mais reste deux places en retrait par rapport à 2015 (5e).

Depuis 2017, le MEAE s'est doté d'un comité de pilotage des contributions internationales et opérations de maintien de la paix (CIOMP) pour définir et programmer les contributions volontaires à verser dans l'année, s'assurer de leur cohérence et complémentarité et exprimer les priorités politiques .

Pour 2023 , les contributions volontaires du P105 sont portées à 58,3 M€. Elles représentent aujourd'hui 7% des contributions internationales versées sur le programme 105. Elles ont augmenté de +30,8 M€ sur la période 2020-2023 (+3 M€ en 2020, +17,2 M€ en 2021, +9,6 M€ en 2022 et 1 M€ en 2023).

de contributions volontaires en 2023

places regagnées dans le classement international

Les contributions volontaires financent les quatre secteurs-clés suivants :

- le renforcement des outils de maintien de la paix , de prévention et de médiation des conflits en soutien à l'agenda Paix durable . Ceci permet d'asseoir les positions françaises de plus en plus contestées dans les enceintes multilatérales ;

- l'approfondissement du soutien aux organisations actives dans le champ de la sécurité internationale , au premier rang desquelles l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). De même les efforts sont accrus dans les domaines de la cybersécurité et de la défense européenne ;

- le placement de personnel , conformément à la décision prise par le Président de la République de doubler le nombre de jeunes experts associés (JEA). Pour 2023, une mesure nouvelle de 1 M€ portée par le P105 sera ainsi affectée au programme des jeunes experts associés (JEA), afin de faire face à la concurrence internationale par un plan de recrutement ambitieux visant à doubler le nombre de JEA français . Une mesure nouvelle de 1 M€ sur le programme 209 s'ajoute et permettra d'atteindre le seuil de 40 recrutements de nouveaux JEA en 2023 (on compte déjà une centaine de JEA) et rapprocher ainsi la France des contributeurs majeurs ;

- et le renforcement de l'attractivité de la France pour les organisations internationales . La compétition entre pays s'est considérablement accrue pour accueillir ces organisations, en raison des retombées économiques et des gains de notoriété et d'influence pour les territoires dans lesquels elles sont implantées.

L'effort impulsé depuis plusieurs années a déjà produit des résultats tangibles .

Dans le domaine du maintien de la paix , on constate :

- le renouvellement de Jean Pierre Lacroix à la tête du Département des opérations de paix,

- le soutien décisif au lancement par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale d'une enquête sur la situation en Ukraine,

- l'intégration du groupe des 12 plus grands contributeurs au Fonds de consolidation pour la paix, donnant voix délibérative pour fixer ses orientations stratégiques, et donc faire porter davantage encore l'effort sur les zones prioritaires pour nos intérêts (Balkans, Sahel),

- et le lancement, à l'initiative de la France, de la stratégie des Nations unies sur la lutte contre la désinformation, permis notamment grâce à la position de la France comme premier contributeur aux actions du Département des opérations de paix.

Dans le domaine de la sécurité internationale , le soutien accru français accordé à l'AIEA a constitué un complément utile aux efforts menés sur le dossier du nucléaire iranien. Nos contributions volontaires à l'OIAC ont permis de soutenir le travail de terrain, tant sur le dossier chimique syrien, que plus récemment en Ukraine. Enfin, la France a fait inscrire à l'agenda international de l'ONUDC notre priorité dans la lutte contre la criminalité environnementale.

Ces résultats plaident pour la poursuite de ces contributions volontaires dont les effets sont conséquents .

III. L'ACTION IMMOBILIÈRE EST PAR NATURE PLURIANNUELLE DONC INCOMPATIBLE AVEC LE FONCTIONNEMENT ACTUEL DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

La politique immobilière à l'étranger est à réinventer de toute urgence . Elle est grevée par le choix qui a été fait pendant plusieurs années de faire dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles et du fonctionnement du compte d'affectation spéciale 723 qui sert à financer les investissements immobiliers du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il est alimenté par les produits de cessions de biens situés à l'étranger mis à disposition du BOP ministériel sur la base d'une programmation de dépenses, dans le cadre d'un dialogue de gestion avec la direction de l'immobilier de l'État .

En 2022 et 2023, le MEAE prévoit de réserver environ 22 M€ pour des d'opérations nouvelles à l'étranger, sur le P723. Toutefois, les disponibilités sur le P723 restent très limitées car les ventes de biens restant à céder sont désormais les plus complexes.

Un compte d'affectation spéciale devenu inopérant ?

Les plus belles ventes ont déjà été réalisées. En 2018, 12 cessions de biens domaniaux à l'étranger ont été opérées pour un montant total de 30,3 M€ . En 2019 , les encaissements des produits de cession ont représentés 4 M€ , 13,5 M€ en 2020 , 22,6 M€ en 2021 , et 5,96 M€ en 2022 (à mi-septembre). Sont en cours de finalisation cette année les ventes de l'ancien logement du service économique régional à Séoul (7,8 M€) et de l'ancien logement du consul général à Barcelone (2,2 M€). Sont encore prévues les ventes de la villa Westlands à Nairobi (1,1 M€) et de la villa du service économique en Indonésie (3,3 M€).

Pour 2023, plusieurs ventes sont prévues : des parcelles à Dakar, des villas à Oslo et Tunis, des locaux de bureaux à St Pétersbourg, et à Bruxelles, l'ex-consulat général à Bilbao, d'anciens logements à Londres et au Brésil (Rio et Brasilia), l'annexe du Consulat à New York et la villa du service économique à New Delhi.

En 2022, une dotation exceptionnelle sur le CAS de 36 M€, sans contrepartie de remboursement attendue n'a pas été versée et pourrait être reprogrammée en 2023 . Or, en 2023, les marges de manoeuvre sur le CAS seront réduites, car les droits de tirage disponibles seront préemptés pour le financement du projet d'extension-réhabilitation de l'Aile des Archives (ERA) comme le souligne votre commission depuis des années. La phase travaux d'ERA est actuellement chiffrée à 60,8 M€ sans préjudice d'éventuels surcoûts liés à l'envolée des cours des matières premières et de l'énergie, ainsi qu'à d'autres aléas inhérents à une opération de cette envergure.

Un rebasage budgétaire des crédits immobiliers à augmenter, notamment en autorisations de paiement

Le financement par cessions appauvrit l'État et est en voie d'essoufflement au point qu'il est désormais nécessaire , pour pallier le manque à financer dû aux cessions non réalisées , d'augmenter les crédits budgétaires. Le financement budgétaire doit être privilégié par rapport au financement sur produits de cessions.

La LFI pour 2022 prévoyait l'inscription de 41,7 M€ de CP consacrés à l'entretien lourd à l'étranger . Les autorisations d'engagement étaient strictement égales aux CP ce qui ne permettait pas la programmation pluriannuelle des travaux prévus par le schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (SDIPE). Cette dotation était insuffisante.

En LFI 2023, 50,2 M€ de CP et 56,7 M€ d'AE sont prévus . L'écart entre les AE est les CP ne permet toujours pas la programmation pluriannuelle des travaux .

De plus, la dotation budgétaire annuelle doit être fixée à un niveau nettement supérieur et correspondant aux besoins, c'est-à-dire au moins 80 M€ de CP par an et un niveau largement supérieur d'AE, soit 90 M€ , afin de permettre la réalisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière.

Enfin, le système de financement des dépenses de sécurisation du réseau par avance des crédits du CAS marque le pas : les produits de cessions sont difficiles à réaliser en période de pandémie, de guerre et d'inflation. Le plan pluriannuel de cessions décidé en 2019 dans le cadre du remboursement de « l'avance » de sécurité (67,8 M€) comportait une liste de 29 biens à vendre dont 9 ont été effectuées. En 2022, l'intégralité des crédits devrait être engagée d'ici la fin de l'année. La consommation des CP est à ce jour de 40,6 M€.

Le montant total des produits de cessions escomptés s'élève à 168 M€, dont 67,8 M€ consacrés au remboursement de l'avance de sécurité. Les produits de cessions restants seront quant à eux réaffectés au MEAE et contribueront au financement des opérations. L es droits de tirage disponibles sont fléchés vers l'opération d'extension et réhabilitation de l'aile des archives sur le site du Quai d'Orsay, dite QO XXI et désormais ERA.

Faute de ressources suffisantes sur le CAS 723 pour engager de nouvelles opérations, par exemple celles décidées dans le cadre des schémas directeurs immobiliers à l'étranger, aucune autre programmation n'a eu lieu sur ce programme en 2020, en 2021, en 2022. Aucune opération nouvelle n'est prévue pour 2023.

La gestion du CAS 723 doit donc être rénovée.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde - de la mission « Action extérieure de l'Etat » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2023.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur . - Monsieur le président, chers collègues, les moyens du réseau ont été renforcés en gestion, suivant les recommandations constantes de notre commission. Annulés sur les réserves de précaution du P105, 40,7 M€ ont ainsi été réouverts en loi de finances rectificative du 16 août 2022. De même, le ministère a fait oeuvre de bonne gestion en couvrant 90% du risque de change des contributions internationales et des opérations de maintien de la Paix (CIOMP). Ainsi, en mai 2022, le MEAE a passé des ordres d'achat à terme de devise pour 486 M$ et 37,6 MCH à échéance 2023.

Enfin, en 2023, 27,9 M€ sont prévus pour couvrir le risque change-prix. Mais, une hausse de 25 % des dépenses d'énergie et 18 % pour les contrats de dépenses courantes est attendue et il est à craindre que les provisions prévues ne soient pas suffisantes. Nous devrons être vigilants.

Un autre point d'attention, qui a été souligné plusieurs fois par notre Président, concerne l'application de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État au ministère des affaires étrangères. La commission recommandait, notamment, de reprendre le dialogue avec les personnels et d'associer le Parlement à la réflexion. Satisfaction nous a été donnée avec le lancement des États généraux de la diplomatie qui doivent aboutir au plus tard à la fin du premier trimestre 2023. Lors des auditions menées par votre commission, l'association du Parlement à cette réflexion a bien été prévue. Elle est indispensable aux regards des enjeux et des efforts déployés pour renforcer l'efficacité de l'action diplomatique française et nous pourrions au moins participer en tant qu'observateur à ces États généraux.

J'en viens maintenant à la politique immobilière à l'étranger. Elle reste à réinventer de toute urgence malgré des efforts de budgétisation des crédits. Le choix qui a été fait pendant plusieurs années de faire dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles et du compte d'affectation spéciale 723 doit être dénoncé. Le fonctionnement du compte d'affectation spéciale n'est d'ailleurs pas satisfaisant : les ventes deviennent difficiles à réaliser, leur produit est fléché vers le financement de la restauration de l'Aile des archives du Quai, le projet ERA qui s'élève à 60,8 millions d'euros, enfin la dotation exceptionnelle de 36 M€, sans contrepartie de remboursement attendue n'a pas été versée en 2022.

Le financement par cessions appauvrit l'État et s'essouffle. Il est donc nécessaire d'augmenter les crédits budgétaires. Portés à 50,2 M€ de CP et 56,7 M€ d'AE en 2023 ces moyens restent insuffisants. La dotation budgétaire annuelle doit être fixée à un niveau nettement supérieur, correspondant aux besoins, c'est-à-dire au moins 80 M€ de CP par an et un niveau largement supérieur d'AE, soit 90 M€, afin de permettre la réalisation des schémas pluriannuels de stratégie immobilière.

Nous recommandons l'adoption des crédits de la mission.

M. André Gattolin, rapporteur . - Monsieur le président, chers collègues, la couverture du risque de change que vient de mentionner mon co-rapporteur a été efficace en 2022, il faudra veiller à ce qu'elle le soit l'année prochaine également. Le programme 105 est une priorité de la mission Action extérieure de l'État et se caractérise cette année par des évolutions réclamées par notre commission : la création d'emplois et la poursuite de l'augmentation des contributions volontaires aux organisations internationales. En 2023, le programme connait une création nette d'emploi très raisonnée de 106 ETP qui doivent être mis en relation avec la perte de 3 000 postes depuis 2007.

Le pilotage du programme est contraint par le poids du réseau et des contributions internationales qui représentent près de 70 % des crédits. Dans ce contexte, un effort particulier est mené depuis 2017 pour retrouver des marges de manoeuvres et faire face à perte d'influence de la France. En 2020, aux Nations unies, la France était le 6 e contributeur obligatoire, du fait de la baisse de la quote-part française au budget des OMP (5,3% contre 5,6% pour la période 2019-2021) et au budget régulier de l'ONU. Nous ne sommes que le 9 e contributeur volontaire. L'Allemagne et du Royaume-Uni versent respectivement dix et cinq fois plus de contributions volontaires que la France en 2020.

Depuis 2017, le MEAE s'est doté d'un comité de pilotage des contributions internationales et opérations de maintien de la paix pour définir et programmer les contributions volontaires à verser dans l'année. Pour 2023, elles s'élèvent à 58,3 M€, et placent la France au 7e rang des contributeurs globaux (en ajoutant contributions obligatoires et volontaires). L'effort impulsé depuis plusieurs années a produit des résultats La France a ainsi regagné trois places par rapport à 2019.

Dans le domaine du maintien de la paix, Jean Pierre Lacroix a été renouvelé à la tête du Département des opérations de paix. La France a pu apporter un soutien décisif au lancement, par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale, d'une enquête sur la situation en Ukraine. Enfin, notre pays a intégré le groupe des 12 plus grands contributeurs au Fonds de consolidation pour la paix, ce qui nous donne voix délibérative pour fixer ses orientations stratégiques, et donc faire porter davantage l'effort sur les zones prioritaires pour nos intérêts (Balkans, Sahel). Nous avons encore été à l'initiative du lancement de la stratégie des Nations unies sur la lutte contre la désinformation, grâce à notre position de premier contributeur aux actions du Département des opérations de paix.

Dans le domaine de la sécurité internationale, le soutien accru français accordé à l'AIEA a constitué un complément utile aux efforts menés sur le dossier du nucléaire iranien. Nos contributions volontaires à l'OIAC ont permis de soutenir le travail de terrain, tant sur le dossier chimique syrien, que plus récemment en Ukraine. Enfin, la France a fait inscrire à l'agenda international de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime notre priorité dans la lutte contre la criminalité environnementale. Ces résultats plaident pour la poursuite de ces contributions volontaires dont les effets sont conséquents.

Nous recommandons donc l'adoption des crédits de la mission.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 8 novembre 2022

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

- M. Philippe ERRERA , Directeur général des affaires politiques et de sécurité,

- M. Jonathan LACÔTE , Directeur général adjoint des affaires politiques et de sécurité,

- Général Régis COLCOMBET , Directeur de la coopération de sécurité et de défense,

- M. Olivier PLANÇON , Directeur des immeubles et de la logistique,

- M. François REYDELLET , Sous-directeur des affaires domaniales et administratives,

- et Mme Carole DABROVSKI , Sous-directrice des opérations immobilières à l'étranger.


* 1 « Quel avenir pour le corps diplomatique ? » Rapport d'information n° 777 (2021-2022) du 13 juillet 2022 de MM. Jean-Pierre GRAND et André VALLINI.

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