TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture
et de la souveraineté alimentaire
(Mercredi 9 novembre 2022)

Mme Sophie Primas , présidente . - Dans le cadre de nos auditions budgétaires, nous entendons M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui vient nous présenter le projet de budget de son ministère pour 2023.

Je vous précise que cette audition est diffusée en vidéo en direct sur le site internet du Sénat et sera disponible ensuite en vidéo à la demande.

Monsieur le ministre, c'est la première fois que la commission des affaires économiques vous entend dans vos éminentes fonctions, même si nous avons déjà eu l'habitude de travailler avec vous en tant que ministre des relations avec le Parlement pendant près de quatre ans.

Nul doute que mes collègues profiteront de cette audition pour faire un tour de l'actualité agricole - elle est très riche : mise en oeuvre bloquée de retenues d'eau, crises inflationnistes et crise énergétique, conséquences de la sécheresse et des incendies, influenza aviaire, prédation du loup, crise du bio, négociations commerciales à venir, et j'en passe. Mais je vous demanderai, mes chers collègues, de vous concentrer autant que possible sur le budget.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget en très forte hausse, puisque la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'accroît de 30 %, passant de 3 milliards à 3,9 milliards d'euros.

Nous aurions été ravis de pouvoir nous féliciter avec vous de cette hausse... si elle ne s'expliquait pas essentiellement par des mesures de périmètre ! Sur les 880 millions de hausse, 430 millions s'expliquent par la simple budgétisation de l'exonération de cotisations sociales pour l'embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d'emplois, le TO-DE, auparavant compensée à la sécurité sociale par l'affectation d'une fraction de TVA. Cette évolution est réalisée au nom de la lisibilité - mais où est la lisibilité quand nous sommes amenés à comparer d'une année sur l'autre, pardonnez-moi cette image alimentaire, des choux et des carottes ?

Pour le reste, le programme 206 sur la sécurité sanitaire de l'alimentation augmente de 7 %, porté notamment par la mise en oeuvre de la police unique de la sécurité sanitaire des aliments. Le programme 215 sur les fonctions support augmente lui aussi de 7 %. En somme, les crédits n'augmentent guère beaucoup plus que l'inflation. Pis, certaines lignes peu onéreuses au profit de dispositifs qui avaient démontré leur efficacité, semblent moins abondées que l'an passé - la rapporteure Françoise Férat en citera quelques-unes.

Le programme 149, qui porte notamment les 250 millions de crédits budgétaires mis sur la table pour la réforme de l'assurance récolte, augmente de 21 %. Il faut souligner cet effort budgétaire notable, je le dis sincèrement. Et dire aussi que malgré tout le compte ne semble pas y être entièrement - je laisserai le rapporteur Laurent Duplomb revenir sur ce point.

Dans les quelques évolutions supplémentaires non pas votées par les députés, mais retenues par le Gouvernement, on trouve la hausse attendue de 10 millions d'euros en faveur de l'Office national des forêts (ONF), concrétisant l'engagement du Gouvernement à consacrer plus de moyens à la défense des forêts contre l'incendie - mes collègues Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann ne manqueront pas de vous interroger à ce propos.

Cette année, il est clair que c'est au Sénat que le débat sur le budget agricole aura lieu, puisqu'à l'Assemblée nationale l'article 49 alinéa 3 a été activé en plein milieu des débats agricoles, et avant que les amendements les plus importants aient pu être discutés.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, j'aimerais donc vous entendre sur les réelles avancées de ce budget, et je suis sûre qu'il y en a.

Et au-delà de cette mission budgétaire, sur laquelle les trois co-rapporteurs Laurent Duplomb, Françoise Férat et Jean-Claude Tissot vous questionneront plus en détail, j'aurais voulu vous entendre sur l'ensemble des crédits portés par le ministère mais qui échappent à la mission « Agriculture ». Les montants sont considérables et il nous manque un panorama d'ensemble.

Je pense en particulier au plan de relance, qui a financé le monde agricole et forestier à hauteur de 1,5 milliard d'euros, mais aussi au plan France 2030, qui consacre 2,9 milliards d'euros à ces thématiques sur une période plus longue, ou encore aux divers crédits débloqués en urgence en lois de finances rectificatives pour faire face à la crise de l'énergie, à la sécheresse, au gel ou à la grêle.

Qu'en est-il en particulier de la mise en oeuvre du plan « entrepreneurs du vivant » et du plan de résilience Ukraine ?

Pouvez-vous faire une synthèse des crédits débloqués pour faire face aux aléas climatiques et économiques ?

Le plan France 2030 joue-t-il son rôle de catalyseur ? Permet-il de dessiner l'agriculture de demain, par des investissements par exemple dans la recherche ou dans la robotique ? Ou vient-il seulement pallier d'éventuels arbitrages perdus ?

Enfin, si nous en avons le temps, nous aimerions que vous nous présentiez vos intentions et votre agenda pour les prochains mois - je pense à la loi d'orientation sur le renouvellement agricole, qui aura elle aussi des implications budgétaires.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je suis heureux de vous présenter ce budget, c'est un rendez-vous particulièrement utile dans le contexte que nous connaissons. L'aspect stratégique de notre capacité à produire pour nous nourrir a été de nouveau mis en évidence par la guerre en Ukraine et les crédits de cette mission revêtent par conséquent une importance particulière dans le moment que nous traversons.

Mais au-delà de ces grands bouleversements, je n'oublie pas l'urgence immédiate, en particulier le coût de l'énergie, et les risques sur la continuité de l'activité agricole. Je suis donc en contact étroit avec les filières agricoles, par exemple celle des endives, pour les soutenir et suivre l'évolution de leur situation, mais je suis également attentif aux situations particulières qui se présentent, c'est notamment le cas dans la Drôme avec le syndicat d'irrigation.

La première caractéristique de cette mission, c'est l'augmentation substantielle de ses crédits : ils s'élèvent cette année à 5,987 milliards d'euros, c'est 1 milliard d'euros en plus que l'année dernière.

Avec le plan de relance, France 2030, les financements européens et les dispositifs sociaux et fiscaux, ce sont 26 milliards d'euros qui sont alloués ou programmés pour le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

C'est un budget qui nous donne les moyens de financer nos priorités, pour bâtir notre souveraineté alimentaire, grâce à l'engagement sans faille des agents du ministère, des services déconcentrés et des opérateurs, qui viendront le traduire concrètement sur le terrain.

Et cette augmentation des crédits, c'est surtout un signal fort pour ce premier budget du quinquennat, car c'est un soutien très concret et décisif avec l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-récolte, la prolongation du TO-DE, le maintien des financements dédiés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, et pour continuer à dynamiser notre enseignement agricole ou améliorer notre politique forestière.

J'évoquerai en premier lieu le soutien à la forêt, c'est un aspect essentiel des crédits de cette mission, et je connais votre engagement sur le sujet, notamment avec le travail réalisé par le Sénat sur les feux hors normes de cet été. Le soutien appuyé à notre politique forestière, s'inscrit dans la droite ligne des annonces récentes du Président de la République sur l'objectif de renouvellement de 10 % de la forêt française d'ici 2030 pour faire face au changement climatique.

Je serai prochainement dans plusieurs départements pour traduire cette ambition de manière concrète, en présentant la feuille de route gouvernementale pour la planification forestière, et le volet forestier de France Nation Verte, autour de quatre axes.

Premier axe, la prévention des risques de feux de forêt : je réunirai prochainement les acteurs de la mise en oeuvre des obligations légales de débroussaillement, avant le lancement de travaux plus larges pour lutter contre l'émiettement de la propriété forestière. Le renforcement des moyens de l'ONF pour la lutte contre les feux naissants et la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) se traduit déjà concrètement dans ce budget avec la suspension des réductions de postes au sein de l'ONF et 10 millions d'euros supplémentaires prévus par cette loi de finances, auxquels s'ajoutent 10 millions suite à la première lecture à l'Assemblée nationale.

Deuxième axe, l'investissement dans les compétences. Pour être à la hauteur du défi forestier, nous avons besoin d'attirer les vocations, de soutenir la formation et les savoir-faire pour gérer durablement nos forêts.

Troisième axe, le grand chantier national de replantation de la forêt française : cela va permettre d'amplifier le travail de mon ministère depuis deux ans via le plan de relance et de renouvellement forestier, qui a permis de reconstituer près de 50 000 hectares. Et il nous faudra d'abord structurer pour cela notre filière graines et plants.

Enfin, dernier axe, le « Faire filière » évoqué par le Président de la République : avec une première réunion du Conseil supérieur de la forêt et du bois rassemblant tous les acteurs de la filière forêt-bois, que je présiderai le 1 er décembre prochain.

Au-delà de la politique forestière, je voudrais évoquer trois axes forts de cette mission.

Premier axe, le soutien aux filières et aux exploitations agricoles.

J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport du Sénat sur la compétitivité de la « ferme France » et j'ai reçu leurs auteurs au ministère. La compétitivité est une dimension importante, et c'est par exemple pour cela que nous avons réalisé des investissements massifs avec France relance - 1,6 milliard d'euros - et France 2030 - 2,9 milliards d'euros -, mais l'enjeu de souveraineté alimentaire suppose de ne pas opposer production de masse et montée en gamme. C'est le revenu agricole qui en est la clé de voûte et dans cette logique, il nous faut produire plus, mais aussi produire mieux, et assumer les transitions écologiques et sociales, pour créer de nouveaux débouchés.

J'en viens à la réforme de l'assurance récolte, élément structurant de ce budget et du système assurantiel. Nous sommes parvenus, grâce au travail des deux chambres, à un texte qui nous place aux côtés des agriculteurs face aux effets du changement climatique, le récent collectif budgétaire confirme notre soutien en abondant les dispositifs d'accompagnement, notamment suite à la sécheresse.

Mais plus encore, nous apportons une réponse structurelle, avec la réforme de l'assurance récolte, qui résulte du Varenne de l'eau, lequel avait évoqué trois piliers : la refonte d'un système assurantiel parce que le système actuel va dans le mur, compte tenu de la multiplication des aléas ; l'accompagnement des transitions agricoles pour faire face aux dérèglements climatiques, nous avons déjà commencé avec France relance et nous souhaitons poursuivre dans France 2030 ; enfin, troisième pilier, l'accès à l'eau, élément déterminant de la stratégie que nous devons mettre en oeuvre pour faire face aux dérèglements climatiques.

Afin de financer ce nouveau système, l'effort de l'État fait plus que doubler. Il atteint 256 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 185 millions d'euros de crédits européens et aux 120 millions d'euros de taxe affectée, soit un total de 560 millions d'euros - avec une trajectoire que nous voulons atteindre à 600 millions d'euros, telle qu'annoncée, et la capacité d'aller jusqu'à 680 millions d'euros si la réforme connaît un succès plus ample encore que ce que nous souhaitons. Ce nouveau système de gestion doit s'accompagner d'une nécessaire adaptation des filières.

Deuxième élément, la PAC. Sans citer l'ensemble des avancées de la nouvelle PAC, je voudrais évoquer le soutien au développement de l'agriculture biologique, avec un objectif de 18 % de la surface agricole utile certifiée en 2027. Pour y parvenir, les soutiens dédiés à l'agriculture biologique ont été augmentés de 36 % par rapport à la précédente programmation, soit 340 millions d'euros en moyenne par an. La dotation du fonds avenir bio est stabilisée avec 5 millions d'euros supplémentaires suite à l'examen en première lecture.

Je mentionnerai également deux avancées majeures de la nouvelle PAC, même si cela ne relève pas à proprement parler des crédits de cette mission : la conditionnalité sociale, qui vise le respect des règles dans le domaine du droit du travail ; le droit à l'erreur, qui est un élément important de la crédibilité et de la confiance qu'on doit réinstaurer entre l'administration et les agriculteurs.

Troisième élément, la prolongation du TO-DE pour trois ans. Elle est déterminante pour les activités fortement utilisatrices de main-d'oeuvre saisonnière pour lesquelles le coût du travail est un enjeu important de compétitivité.

Enfin, des moyens pour l'Outre-mer. Les moyens du crédit d'impôt outre-mer (Ciom) ont été maintenus, comme le budget européen du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) pour répondre notamment aux enjeux d'autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Nous avons aussi sensiblement augmenté le budget alloué aux filières sucre de La Réunion et des Antilles avec 19 millions d'euros supplémentaires.

Deuxième axe de notre action : assurer la sécurité sanitaire de nos aliments.

Vous l'avez dit, l'augmentation de nos crédits atteint 7 %, ils comportent trois éléments principaux. D'abord, un budget complémentaire de 9,4 millions d'euros à compter de 2023 pour garantir la mise en oeuvre de la loi de santé animale. Nous allons poser les jalons d'une sécurité sanitaire européenne, qui constituera à terme un avantage compétitif pour notre agriculture. Ensuite, nous allons fortement renforcer nos contrôles et la surveillance des dangers sanitaires : influenza aviaire, peste porcine africaine, tuberculose bovine, salmonelles et brucellose. Enfin, les crédits de cette mission permettront la mise en place de la police unique en charge de la sécurité sanitaire dont mon ministère sera responsable. C'est une réponse forte aux préoccupations légitimes de nos concitoyens à la suite de scandales alimentaires récents.

Dernier axe, la préparation de l'avenir, à travers ces crédits et ceux de la mission « Enseignement scolaire », que j'aurai l'occasion de présenter la semaine prochaine devant la commission de la culture au Sénat. Le plafond du Casdar est maintenu à 126 millions d'euros mais j'ai obtenu de bénéficier de l'excédent de recettes 2022, qui devrait représenter 17 millions d'euros, ce qui permettra de renforcer la recherche appliquée et le développement pour favoriser l'adoption d'innovations et de changement de pratiques soutenant en particulier la transition agroécologique. Nous investissons également en soutenant la formation grâce aux moyens consacrés à l'enseignement et à la recherche qui, hors dépenses de personnel, s'élèvent en 2023 à 699 millions d'euros, en hausse de 4 %.

Les crédits de cette mission vont aussi nous permettre la revalorisation de 4 % des bourses pour critères sociaux, de la prime d'internat, l'élargissement de la bourse au mérite, l'amélioration des capacités d'accueil de nos établissements et de nos écoles vétérinaires, notamment pour les élèves en situation de handicap. Et tout cela va nous permettre d'amplifier la dynamique constatée dans l'enseignement agricole.

Enfin, je conclurai sur un sujet essentiel pour notre souveraineté alimentaire, celui du renouvellement des générations.

Le 9 septembre dernier, le Président de la République a annoncé les axes de la future loi d'orientation et d'avenir agricole : l'orientation et la formation, la transmission et l'installation, la transition et l'adaptation face au changement climatique et notamment par l'innovation.

Une large concertation va maintenant être engagée, pour aboutir à un pacte et une loi présentée à la fin du premier semestre de l'année prochaine. Cette concertation sera menée au niveau national et au niveau régional dans un partenariat avec les chambres d'agriculture, les régions et de l'État. Les chambres d'agriculture sont des opérateurs de la massification des pratiques et de très bons observateurs de ce qu'est la réalité agricole, quand l'État et les régions sont les deux acteurs de la transition qui disposent des outils d'intervention. Le renouvellement de génération concerne la moitié des agriculteurs dans les dix ans qui viennent, soit près de 200 000 agriculteurs qui vont partir à la retraite ; nous avons besoin de les installer, non pas simplement dans une transmission-reprise mais dans une transmission-transition pour s'assurer qu'ils continuent leur activité sous le régime du dérèglement climatique, donc dans des conditions qui assurent la durabilité des systèmes. Je sais que votre commission des affaires économiques prendra une part active à cette concertation, avec un objectif que nous partageons largement : celui de garantir à tous nos agriculteurs un système viable au service de notre souveraineté - car sans renouvellement de génération, il n'y aura pas de souveraineté agricole et alimentaire possible.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Les 200 millions d'euros supplémentaires que vous nous présentez pourraient laisser penser qu'enfin, les agriculteurs seraient entendus, mais, en réalité, ces crédits sont bien l'arbre qui cache la forêt de tout ce qui ne change pas.

L'assurance récolte requiert de la confiance, mais pour que les agriculteurs aient confiance, il faut leur en donner les moyens, donc commencer par un texte partagé. Or, ce texte, il est passé un peu au forceps et on attend toujours les décrets qui doivent traduire les engagements oraux pris dans l'hémicycle... Il y a certes la commission départementale d'expertise pour évaluer les calamités, mais le fait de n'inscrire aucun montant précis à la politique que vous prétendez conduire, n'aide pas à la confiance des agriculteurs. Vous demandez 120 millions d'euros d'effort aux agriculteurs mais vous n'inscrivez pas les 680 millions d'euros qui couvriraient les quatre taux que vous avez fini par accepter, c'est-à-dire les 20 % de franchise, les 70 % de subvention, et les 30 et 50 % de subvention de l'État. Pourquoi ne pas le faire ? Cela traduirait les engagements de l'État, même si la totalité de ces crédits devaient, finalement, ne pas être consommés.

Le TO-DE, ensuite. Le Président de la République en annonce la pérennisation, mais il faut faire attention aux mots, au sens qu'on leur donne, qui peut varier ici et là. Il est vrai que le Président de la République a dit qu'il voulait pérenniser le TO-DE, qu'il estime être un bon système ; mais alors, pourquoi le Gouvernement ne l'a-t-il pas fait ? Les 430 millions d'euros figurent désormais au budget de l'agriculture, mais pourquoi a-t-il fallu attendre l'amendement d'un député Les Républicains pour pérenniser le TO-DE pendant trois ans, puis le passage au Sénat pour lever cette durée ? Même chose, pour la police alimentaire : j'y suis favorable, en particulier parce que c'est le moyen de faire respecter les clauses miroirs ; mais vous mettez les agents dans les départements, ce n'est pas là qu'ils vont régler le problème des produits importés qui ne respectent pas nos normes, c'est à Rungis et sur les frontières qu'il faut avoir des agents de la police alimentaire, plutôt que de leur demander d'embêter et contrôler toujours plus les agriculteurs qui s'arrachent à la tâche tous les jours !

En réalité, nous souffrons d'une sur-administration et d'une sur-transposition, au point que si, après des années on est parvenu à faire baisser la pénibilité physique du travail agricole, on en a considérablement augmenté la pénibilité psychologique. Je vais vous citer l'exemple de Cyril Testud, agriculteur en Ardèche : parce qu'une année, il a oublié de cocher une case dans le formulaire d'une indemnité qu'il touche sans discontinuer depuis des années, il a perdu 13 950 euros d'aide, sans possibilité de rattrapage : vous trouvez cela normal ?

Alors j'ai une proposition, monsieur le ministre. Les représentants de la restauration hors domicile me disent que l'inflation dépasserait 15 % pour leurs produits à compter d'avril prochain, ce qui augmenterait de 40 centimes le coût d'un repas de cantine ; ils me disent aussi que toutes les contraintes que nous leur avons ajoutées depuis quatre ans, en particulier dans les lois « Egalim », représenteraient 20 centimes de plus pour un repas de cantine. Alors, monsieur le ministre, quand on est, comme le dit le Président de la République, dans une économie de guerre, arrêtez de multiplier les injonctions contradictoires aux agriculteurs et donnez à la liberté d'entreprendre la possibilité de s'exprimer - ou bien nous serons dans une situation où il sera trop tard, les dégâts seront faits...

Mme Françoise Férat , rapporteure pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - À la suite de deux rapports dont j'étais co-rapporteure, je vous parlerai de la réforme de la police sanitaire unique et du soutien aux agriculteurs en difficulté, en particulier au monde de l'élevage.

On ne peut que se réjouir de la mise en place progressive, d'ici au 1 er janvier 2024, de la police sanitaire unique, qui était une demande ancienne de notre commission. Dans plusieurs rapports, je pense à celui de Laurent Duplomb sur le sésame à l'oxyde d'éthylène ou, plus récemment, à notre rapport transpartisan sur l'information du consommateur avec Fabien Gay et Florence Blatrix Contat, notre commission a appelé à clarifier la répartition des compétences entre Direction générale de l'alimentation (DGAL) et Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Voilà qui sera chose faite, et votre ministère obtient pour exercer ses nouvelles missions la création de 90 ETP ainsi que le transfert de 60 ETP de la DGCCRF.

Seulement cette réforme n'épuise pas la problématique de la sécurité sanitaire des aliments, comme l'ont rappelé les drames, heureusement rares et isolés, de cette année : Buitoni, Kinder...

La DGCCRF disposait de 100 ETP de plus pour effectuer les mêmes missions. Une partie non négligeable des contrôles sera déléguée par la DGAL à des prestataires privés, ce qui fait craindre une qualité disparate de ces contrôles. Vos services nous disent que cette délégation permettra aux équipes de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée - mais n'est-ce pas là un aveu que les contrôles ne sont pas encore pleinement pris au sérieux dans notre pays ? Alors qu'un oeil avisé, expérimenté, permettrait bien souvent de détecter ce qu'on ne croyait pas détectable. Pouvez-vous donc nous rassurer sur le fait que cette délégation, dont on comprend qu'elle est faite pour des raisons budgétaires, ne signifiera pas « perte de compétences » ?

Par ailleurs, nous nous inquiétons que la pression du contrôle ne soit pas exercée au bon endroit, à cause d'un mauvais diagnostic. Un peu à la manière de la Toinette de Molière, qui, grimée en médecin, s'obstine à voir dans le poumon l'unique cause des tourments d'Argan, Le Malade imaginaire (« Le poumon, le poumon, vous dis-je. »), nous continuons de voir chez nos producteurs, nos transformateurs, nos distributeurs et nos restaurateurs des coupables, alors que le maillon faible de la protection des consommateurs, c'est le contrôle des denrées importées. Nous voudrions donc que les effectifs que vous souhaitez déployer dans les départements soient un peu plus à Rungis à contrôler nos importations que sur le dos de nos professionnels. Or, les compétences restent éclatées entre les douanes et vos services, et il me semble que cela ne peut que nuire à l'efficience des contrôles. Comment, donc, comptez-vous renforcer la coordination entre les douanes et vos services ? Va-t-on réussir un jour à muscler pour de bon, avec une police aux frontières digne de ce nom, les contrôles des importations, en coopération avec nos voisins européens ? Les coupures possibles d'électricité inquiètent ; lors du salon de l'alimentation, vous avez dit que les secteurs agricoles seraient prioritaires. Il faut protéger les filières de produits périssables, vous évoquez des crédits, mais des instructions ont-elles été données aux préfets pour assurer qu'aucune coupure n'aurait lieu ?

Mon deuxième motif d'inquiétude est celui des agriculteurs en situation de détresse. Une feuille de route a été publiée en novembre 2021, nourrie notamment par le rapport que nous avions rendu avec Henri Cabanel. Un an après, en raison du caractère transversal des mesures, nous manquons cruellement de visibilité sur les traductions budgétaires de cette feuille de route, passées l'an dernier de 30 à 42 millions d'euros, éclatés en diverses actions, programmes et même missions. Il ne faudrait pas que ce soit « un coup de com' et puis s'en va ». Où en est-on de la mise en oeuvre de cette feuille de route ? Les crédits de paiement de l'aide à la relance des exploitations agricoles, qui avait été doublée l'an dernier, sont en perte de vitesse (5,2 contre 7,1 millions d'euros). Je remarque avec satisfaction que la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a effectué un focus thématique sur le service de remplacement, faisant siennes des recommandations que nous avions formulées avec Henri Cabanel pour le rendre plus attractif pour les exploitants. Nous sommes favorables à l'augmentation de l'incitation, via le crédit d'impôt. Mais en complément de cette intervention fiscale, quels autres outils voyez-vous pour en augmenter l'attractivité, tant du côté des agriculteurs que du côté des agents remplaçants ?

En somme, pouvez-vous nous donner une vision d'ensemble sur cette feuille de route, et nous rassurer sur le fait que son ambition est maintenue ? La mobilisation est-elle bien générale au sein des services de l'État ? Je pense à l'OFB, dont les contrôles stressent tellement nos agriculteurs qu'ils en arrivent, comme cela a été malheureusement le cas récemment, à commettre le pire ? C'est crucial pour notre agriculture et en particulier pour notre élevage, qui a beaucoup souffert ces derniers temps.

J'ajoute à propos de l'élevage, que sur l'aspect vétérinaire, nous nous étions félicités l'an dernier que les stages tutorés bénéficient d'un financement satisfaisant. On constate cette année une baisse de près d'un quart des crédits de paiement, pour un dispositif pourtant de bon sens et peu coûteux, permettant de lutter contre les déserts vétérinaires. Comment justifiez-vous cette baisse ?

Et enfin, je ne peux pas conclure sans dire un mot de la dramatique crise de l'influenza aviaire, qui a coûté plus d'1 milliard d'euros à l'État sur la saison 2021-2022, répartis en 300 millions d'euros d'aides sanitaires et en 800 millions d'aides économiques. Rapportée à ce milliard, la ligne budgétaire d'un million d'euros relative à la vaccination me semble bien peu abondée. Je comprends que les verrous au développement de la vaccination ne sont pas uniquement budgétaires, mais administratifs, mais n'y aurait-il pas moyen de donner un coup de pouce budgétaire à cet outil indispensable de prévention ?

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Je vais pour ma part vous interroger sur les forêts, confrontées à de nombreux défis, sur la recherche, indispensable pour assurer l'évolution de nos modèles, et enfin sur l'enseignement, qui devrait être le principal moteur du renouvellement des pratiques et des générations dans les années à venir.

Après une année marquée par une triste vague de feux de forêt, il est de notre devoir de ne plus traiter cet enjeu à la légère et d'avoir une réflexion nouvelle sur ces espaces et sur cette filière.

La question du renouvellement forestier est donc un sujet majeur. À ce stade, avez-vous une estimation du surplus nécessaire au renouvellement forestier à la suite des feux de cet été ? Est-ce qu'un premier bilan des aides consacrées au renouvellement forestier a pu être réalisé ?

De manière plus concrète, ces feux, qui ont dévasté des dizaines de milliers d'hectares en France durant l'été dernier, doivent nous conduire à repenser les forêts et le mode de gestion des forêts. Comment devons-nous replanter pour avoir des forêts adaptées au changement climatique, plus durables et moins à risque sur le plan des incendies ?

Est-ce qu'une réflexion est engagée au sein de votre ministère à ce sujet, notamment sur les questions de mixité au sein des forêts, thématique particulièrement documentée ?

Le président de la République a annoncé vouloir planter 1 milliard d'arbres d'ici à 2032. Avez-vous une estimation de cette nouvelle « grande annonce » ?

Les moyens et les effectifs de l'ONF suscitent logiquement toutes les attentions. Selon la trajectoire établie dans le contrat État - ONF 2021-2025 ajusté, les effectifs de l'ONF auraient dû diminuer de 80 postes en 2023. Les récentes annonces gouvernementales, que vous avez confirmées à l'Assemblée nationale mercredi dernier, semblent indiquer un renoncement à la suppression de ces postes. Monsieur le ministre, est-ce que le contrat État-ONF 2021-2025 est maintenu malgré ce récent revirement de situation ? Ne serait-il pas plus logique de revoir ce contrat qui continue de prévoir des suppressions de poste dans le contexte actuel traversé par les forêts ?

Enfin, nous aurions aimé savoir plus précisément ce que permettront de financer les 10 millions supplémentaires accordés à l'ONF, en dehors des 3,3 millions fléchés sur la création de 60 postes. Alors qu'une affectation des moyens centrée sur l'agence de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) d'Aix-en-Provence pour la zone Sud est évoquée, il parait souhaitable d'avoir une réflexion plus globale, au bénéfice de l'ensemble des territoires forestiers.

Nous l'avons vu cet été, la prévention des incendies ne concerne plus seulement le sud de la France. La multiplication des épisodes de sécheresse et la hausse continue des températures concernent l'ensemble de nos territoires, ces critères doivent être pris en compte pour assurer une juste répartition des moyens.

Sur la recherche agricole, ensuite, j'ai interrogé à de nombreuses reprises vos différents prédécesseurs sur l'évolution du compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » (Casdar).

Le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles affecté au Casdar est toujours estimé à 126 millions d'euros, c'est-à-dire exactement au même montant que l'an dernier, malgré le dépassement systématique de ces recettes prévisionnelles, et malgré l'inflation qui rogne d'autant les moyens d'intervention. Vos services nous ont indiqué qu'un compromis avait été trouvé avec Bercy pour maintenir ce compte d'affectation spéciale, et que les montants qui se trouveraient au-dessus du plafond seraient mobilisés pour des « actions de type Casdar ».

Monsieur le ministre, ces accords ministériels ne sont pas suffisants, face à la multiplication des enjeux auxquels doit faire face la recherche agricole.

Depuis plusieurs années, nous demandons d'augmenter le plafond du Casdar au niveau réel des cotisations, et nous vous redemandons une transparence totale sur les reliquats des dernières années de ce compte d'affectation spéciale.

Alors que les instituts techniques sont obligés de redoubler d'inventivité pour trouver des moyens et des techniques adaptés au changement climatique, ils ont besoin, plus que jamais, de pouvoir programmer leur recherche sur plusieurs années, sans l'épée de Damoclès d'un arrêt de financement.

De façon plus générale, il convient de s'assurer que les instituts de recherche, et je pense en particulier à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), puissent exercer leurs missions malgré la hausse des charges qu'ils subissent comme tout le monde. Des évolutions sont prévues pour tenir compte de leur situation et permettre ainsi un fonctionnement normal de leur activité ?

S'agissant enfin de l'enseignement agricole, nous aimerions que vous reveniez plus précisément sur les spécificités du budget relatives à ce domaine : parmi les moyens supplémentaires affectés, lesquels relèvent de la hausse générale du budget de l'éducation et lesquels sont spécifiques à l'agriculture ?

Pour conclure sur une note un peu plus politique sur cette thématique, je considère que nous devons réellement nous poser la question du modèle agricole qui est enseigné dans les différents établissements.

Face à la multiplication des difficultés et des questionnements environnementaux - sécheresse, gestion de l'eau, utilisation des intrants -, et face aux problématiques propres au monde agricole - enjeux de la transmission, gestion des exploitations et de l'artificialisation face aux tentations d'installations énergétiques -, l'enseignement doit traiter de l'ensemble de ces enjeux pour avoir des agricultrices et des agriculteurs formés et prêts à affronter ces différents défis.

Enfin une toute dernière question, qui est issue des échanges, hier après-midi, avec votre Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises. Il nous a été indiqué que les aides compensatoires à l'explosion des factures énergétiques pour les exploitants agricoles sont uniquement calculées a posteriori et transmises dans un second temps. Pourtant, à cause de la très forte hausse des coûts énergétiques, qui concernent des filières variées - de l'élevage à la production nécessitant des chaines de froid -, certains exploitants ne vont pas prendre le risque de démarrer leur production, pour ne pas mettre en péril l'ensemble de leur exploitation.

Ainsi, monsieur le ministre, est-ce qu'une réflexion est engagée pour permettre un mécanisme par anticipation, qui soulagerait directement les agriculteurs ?

M. Marc Fesneau, ministre . - Le texte sur l'assurance récolte, Monsieur Duplomb, n'est pas passé au forceps, puisqu'à l'issue d'un débat parlementaire où les points de vue ont été exprimés, les positions du Sénat ont été largement reprises, y compris sur le règlement omnibus - en réalité, vous avez obtenu ce que vous demandiez. Et nous savions qu'il fallait un dialogue avec les filières, nous avons vu qu'il y avait des différences, et je ne veux pas nourrir les oppositions entre filière, car nous avons intérêt à ce que le système fonctionne pour tout le monde. Vous me dites qu'il faut crédibiliser la loi par le budget ; certes, mais il faut aussi crédibiliser le budget lui-même. Or, si nous avons une trajectoire autour de 680 millions d'euros dans le triennal, nous en sommes cette année autour de 560 millions d'euros, mais nous ne connaissons pas encore la réaction précise des agriculteurs. Le Président de la République a dit qu'on visait 600 millions d'euros dans le triennal, et que l'État couvrirait sur ses deniers les dépenses si elles allaient au-delà, jusqu'à 680 millions d'euros. Nous avons un travail à faire, de conviction après des agriculteurs, nous le savons bien, des arboriculteurs par exemple ont besoin d'être convaincus de la solidité du système.

Sur les calamités naturelles, nous avons accéléré, pour 12 départements, le processus de reconnaissance, donc de traitement. Les indemnités étaient versées en mars-avril, désormais ce sera début décembre pour les 12 départements concernés. J'ajoute que, pour le système prairial, la reconnaissance satellitaire fonctionne dans 90 % des cas, c'est une avancée parce que si l'on dit qu'on doit partout faire une enquête de terrain, les délais seront trop longs. Nous allons travailler avec les secteurs, et, en cas de désaccord, on regarde les différences, mais il est important de dire que le système satellitaire fonctionne, même s'il peut être amélioré - je fais la comparaison avec la météo : ce n'est pas parce qu'elle se trompe parfois, qu'on doit s'en passer toujours.

Nous réintégrons le TO-DE dans le budget et nous avons perspective à trois ans, cela ne vous donne peut-être pas entière satisfaction, mais c'est intéressant, cela donne plus de prévisibilité. Il faut regarder maintenant s'il y a des ajustements à faire pour les filières où la main-d'oeuvre est un facteur déterminant de compétitivité.

Nous ajoutons 90 ETP à la police sanitaire, c'est là aussi un progrès, et nous devons, du fait du regroupement des effectifs, faire converger des cultures administratives qui sont loin d'être les mêmes, le tout en faisant davantage de contrôle. J'étais ce matin à Rungis, j'ai vu l'équipe de 36 contrôleurs, elle est significative et elle contrôle aussi bien à l'importation qu'à l'exportation. Je suis ouvert à ce qu'on regarde en détail la pertinence de l'affectation des agents compte tenu des risques et des besoins de contrôle, je crois que l'échelle pertinente n'est pas nécessairement départementale, il faut raisonner à l'échelle nationale. En tout état de cause, je partage votre sentiment qu'il faut, à travers le contrôle des clauses miroirs en particulier, crédibiliser nos dispositifs vis-à-vis de l'extérieur.

Nous travaillons à la délégation des contrôles. Les scandales sanitaires, s'ils sont rares, sont, par définition même, scandaleux, mais nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes les meilleurs pour la sécurité sanitaire des aliments, nous n'en rabattons pas - et c'est aussi pour cette raison qu'il faut contrôler l'application des clauses miroirs. Nous travaillons à la délégation des contrôles à des organismes bien précis, par exemple ceux qui contrôlent déjà des végétaux et qui ont le niveau d'expertise suffisant.

Est-on en situation de suradministration ? J'ai été surpris, en prenant mon poste, de l'effet que peut avoir un oubli, comme dans l'exemple que vous citez, Monsieur Duplomb : dans les dossiers de la PAC dont on parle, il n'y a pas de droit à l'erreur. C'est pourquoi nous mettons en place le droit à l'erreur, où l'administration peut même s'enquérir de savoir, ça s'applique dans l'exemple que vous citez, si l'agriculteur n'a pas oublié de cocher une case pour une aide qu'il obtient régulièrement, où l'agent de l'administration traite ces questions avec bienveillance. Cependant, si la superposition des règles peut effectivement alourdir les dépenses - c'est un ancien maire qui vous parle -, les lois « Egalim » fixent des objectifs et ne pénalisent pas lorsqu'on ne les atteint pas - c'est le cas, par exemple, pour les emballages plastiques. Il faut donc être très attentif à la transition, pour laisser le temps aux agriculteurs de s'adapter aux règles quand elles changent.

Face au mal-être agricole, Madame Férat, je crois que nous ne devons pas méconnaitre que nous avons, collectivement, une responsabilité. Car si ce mal-être a des causes financières, il tient aussi à ce que la société dit des agriculteurs, en particulier les médias, il tient au regard que les agriculteurs sentent sur eux, aux critiques dont ils font l'objet, aux discours qui les font passer pour des pollueurs venus d'un autre temps. Nous ajoutons 12 millions d'euros pour faire face au mal-être agricole, il faut accompagner ces moyens pour dire aux agriculteurs qu'ils ont droit à des mesures pour améliorer leurs conditions de travail, mais aussi au répit, au remplacement, aux vacances - ce n'est pas une faiblesse, nous devons en faire la promotion.

Le plan de prévention se déploie, il est en place dans une cinquantaine de départements, j'ai piloté une réunion il y a deux semaines pour demander qu'il soit déployé complètement. Nous allons assouplir la procédure d'aide à la relance des exploitations agricoles et prévoir l'octroi du RSA en urgence. Les agriculteurs ne le demandent pas, mais cet octroi peut être utile en cas de chute soudaine des revenus. Nous devons nous assurer que les lois sur la revalorisation des retraites agricoles sont bien appliquées, je le demande aux préfets dans tous mes déplacements.

Dans le cas du suicide que vous citez, Madame Férat, où un contrôle avait précédé ce passage à l'acte fatal, j'ai diligenté une enquête administrative pour que l'on regarde comment s'était passé le contrôle. Il faut assumer la nécessité du contrôle, mais il faut aussi de la confiance dans les contrôles. Cela implique de maîtriser leur multiplication et aussi d'assurer que le contradictoire soit respecté, et il faut se garder de présenter toute erreur comme intentionnelle - même dans le contrôle, il faut une relation de confiance. Sur le cas particulier dont vous parlez, très douloureux, je pense à la famille de cet agriculteur et à ce qu'elle a vécu, ce drame pose la question du dialogue et de la confiance. Bien de fautes au regard de la réglementation tiennent à ce qu'on ne connait pas toujours la loi, et chacun sait ici qu'elle est complexe. Je travaille avec le directeur de l'OFB, pour faire connaitre les nouvelles règles de la PAC.

Sur les crédits vétérinaires, ensuite, la dotation n'a pas diminué mais le nombre d'étudiants a augmenté...

Mme Françoise Férat , rapporteure pour avis . - Ce qu'il faut donc, c'est augmenter les crédits...

M. Marc Fesneau, ministre . - Certes, nous en débattrons en séance...

Nous avons un sujet sur la médecine vétérinaire en générale, un décret en attente peut régler des choses, nous en reparlerons.

S'agissant du vaccin contre l'influenza aviaire, j'essaie de prendre les décisions sous le regard des scientifiques, l'influenza repart du fait de la faune sauvage et de la migration et elle se développe dans les régions des couvoirs, nous allons devoir adapter nos mesures. Le vaccin a été autorisé en juin, la France, parmi quatre pays, s'est portée volontaire pour l'expérimentation ; les premiers éléments sont encourageants, nous aurons les résultats en janvier, et nous pourrons alors, si les résultats sont bons, adopter un plan de vaccination, qui ne vienne pas freiner l'export. Il va nous falloir, donc, procéder à la qualification du vaccin pour décembre, puis négocier avec les pays tiers les modalités d'export, ensuite définir notre stratégie vaccinale. J'ai espoir que passé cet épisode, on aura des solutions. Je salue le travail avec les organisations professionnelles dans les départements, qui se mobilisent jour et nuit, y compris pendant les jours fériés. La solidarité entre éleveurs, collectivités locales et services vétérinaires est exemplaire.

L'agroalimentaire est prioritaire pour éviter les coupures d'électricité éventuelles, mais les choses ne sont pas simples à définir précisément, dans la chaîne de la production agroalimentaire. Nous réunissons chaque semaine une cellule sous l'autorité de Matignon, avec le ministère de l'intérieur, pour examiner la situation par département et définir les priorités. Je vous confirme donc le principe de priorité du secteur, mais le déploiement n'est pas simple, la situation concrète dépendra de l'appel d'énergie et du réseau. J'étais dans votre département, Madame Férat, et il est clair que des coupures d'électricité n'auraient pas les mêmes conséquences dans toutes les filières alimentaires, je pense, par exemple, à la filière laitière. Des producteurs ont fait des appels d'énergie maintenant, en prévision, pour ne pas en avoir besoin lorsqu'il y aura le plus de risque de coupure, c'est un travail de responsabilité.

Il faut repenser la gestion de la forêt, Monsieur Tissot, vous avez raison de le dire, nous devons repenser la mixité, mais il faut aussi se mettre d'accord sur les perspectives, car la réalité des forêts est commandée par le climat et le sol. Il nous faut renforcer les moyens de la recherche, nous n'avons pas bien documenté les bonnes espèces, celles dont nous savons avoir le plus besoin désormais, car nous avons perdu la moitié du stockage carbone en forêt, et les attentes de la société ont changé. Attention cependant, il ne faudrait pas que les résineux deviennent le bouc émissaire, comme le maïs l'est devenu pour les champs, il faut documenter les choses précisément, par territoire.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'ONF est fondé sur une trajectoire, il faut en débattre. La question des moyens n'est pas la seule, il y a aussi les objectifs, et nous ne devons pas oublier que nous avons élargi ses missions, ce qui va absorber une partie des 20 millions d'euros de crédits dont nous parlons cette année, et que les missions seront élargies encore avec la prévention des incendies.

J'ai dit que les recettes de la taxe affectée au Casdar au-delà du plafond seraient redéployées l'an prochain pour des programmes de recherche. Nous avons besoin de mobiliser des crédits sur la forêt, la mobilisation est d'ailleurs bien plus large que le compte d'affectation spéciale de mon ministère puisqu'il faut compter avec les 2,9 milliards d'euros de France 2030 pour les forêts et la transition agricole, pour déployer par exemple le plan protéines.

Quel est notre modèle agricole ? C'est une question pour la loi d'orientation sur le renouvellement des générations - et je crois que la question est plurielle, il faut savoir si l'on parle du ou des modèles agricoles. Il me semble que les critères d'un bon modèle agricole, ce sont la rémunération de l'agriculteur, l'adaptation au changement climatique et le côté durable pour les décennies à venir.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - Sur les filières élevage et chambres froides, il y aura des aides a priori, plutôt qu'a posteriori ?

M. Marc Fesneau, ministre . - Nous serons dans une logique de guichet mais il y a de l'imprévisibilité. L'idée c'est de pouvoir s'assurer du principe de l'accord, mais c'est différent du financement a priori.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - Le problème, c'est qu'on demande au producteur de constater à l'avance un déficit qu'il ne connait pas... cela n'incite pas à produire parce que l'éleveur qui lance sa chaine de production sait qu'il aura les factures d'énergie à payer !

M. Marc Fesneau, ministre . - Nous allons procéder comme nous l'avons fait pendant la crise sanitaire : la direction générale des finances publiques (DGFIP) sera chargée du paiement, avec une forme d'automaticité sur production de factures, donc a posteriori.

Mme Sophie Primas . - Au moins, vous allez lever l'incertitude sur l'éligibilité.

M. Marc Fesneau, ministre . - J'aurai plus d'éléments à vous présenter lors du débat en séance plénière.

M. Vincent Segouin , rapporteur . - Je veux revenir sur la balance commerciale qui n'est excédentaire que grâce aux vins et spiritueux, ce qui veut dire qu'on a perdu du terrain sur toutes les autres productions. La « ferme France » a perdu partout de la compétitivité : ses normes pèsent trop, son coût du travail est trop élevé, des procédures compensatrices non pérennes rendent la prévision difficile, le nombre d'exploitation baisse. Qui plus est, nous surtransposons les normes européennes et nous contrôlons davantage notre production que celle qui entre sur notre territoire. Vous dites que vous allez faire respecter la clause miroir - est-ce à dire que les traités de libre échange n'auront plus lieu d'être ? À la commission des finances, nous sommes très inquiets de la perte de compétitivité : comment allez-vous faire entre les objectifs liés à l'écologie, au pouvoir d'achat et aux contraintes économiques ?

M. Daniel Laurent . - En amont de la visite du Président de la République aux États-Unis début décembre, nous avons souhaité, au nom de la commission des affaires économiques et du groupe vigne et vin, attirer son attention sur le règlement définitif du contentieux commercial aéronautique que subit de plein fouet la filière viticole. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous soutenir.

Les dégustations gratuites de vin sont exonérées d'accises en l'absence de transactions commerciales. Cette tradition est remise en cause. Selon l'administration, cela représente entre 300 000 et 600 000 euros de droits exonérés. Quelle réponse apporter aux vignerons ?

La loi pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires est entrée en vigueur le 1 er juillet dernier. Or, ses décrets d'application ne sont pas publiés : quand le seront-ils ?

Dans les zones insulaires atlantiques, des projets de transformation et de commercialisation à la ferme sont bloqués en raison de la loi Littoral, ce qui inquiète les agriculteurs inscrits dans le maintien des activités agricoles. Il faut que ces activités soient considérées dans le prolongement de l'acte de production : qu'en pensez-vous ?

Les producteurs de sel marin de l'Atlantique s'interrogent sur le projet de label bio pour le sel. Les négociations n'avancent pas et font apparaître des positions antagonistes de plusieurs pays de l'Union européenne. Les petits producteurs attendent des réponses concrètes, je ne peux me satisfaire de votre réponse du 3 novembre à une question écrite qui n'apporte aucun élément tangible.

Enfin, faute de vétérinaires, le maillage sanitaire est en péril, surtout dans la ruralité : que compte faire le Gouvernement ?

M. Rémi Cardon . - Habitant à proximité des hortillonnages dans la Somme, je vous parlerai des petites structures bios alternatives et urbaines, qui sont une manière de mettre un peu d'urbanité dans le monde agricole, de remettre au goût du jour des pratiques culturales et de favoriser les connexions entre mondes rural et urbain. Elles contribuent indéniablement à la sécurité alimentaire, à la création de liens sociaux et à la lutte contre le changement climatique, et ses impacts économiques et environnementaux sont loin d'être négligeables.

Malheureusement, les dispositifs d'aide et de soutien sont encore trop liés à la surface exploitée.

Que comptez-vous faire pour que les nouvelles formes d'agriculture ne soient pas qu'une variable d'ajustement dans l'après-crise, mais au contraire un levier de la résilience des villes et de la transition écologique ?

Mme Anne-Catherine Loisier . - Le Gouvernement revient sur sa décision de supprimer des postes à l'ONF, mais il laisse à l'Office le soin de financer 20 postes sur son propre budget : comment comptez-vous qu'il le puisse, étant donné que le produit de ses ventes sera loin d'y suffire ?

Comment, ensuite, améliorer la gestion de la forêt privée, qui représente tout de même 12 millions d'hectares, contre 5 millions d'hectares pour la forêt privée ? Quid, en particulier, du financement des 11 ETP accordés au centre national de la propriété forestière (CNPF) ?

Je vous ai entendu sur le mal-être des éleveurs, mais quelles sont vos réponses concrètes, en particulier sur l'application des clauses miroirs ?

Enfin, qu'en est-il des traités de libre échange actuellement en négociation, par exemple le Mercosur, et ses menaces pour nos producteurs de viande bovine ? Qu'en est-il, enfin, sur la directive européenne sur les émissions industrielles, dite IED, actuellement au Parlement européen, qui inclurait les petits élevages de 150 unités de gros bétail (UGB) sous le régime des ICPE - ce qui serait autant de contraintes pour les éleveurs ?

M. Fabien Gay . - Vous êtes ministre de la sécurité alimentaire ; quelle conception en avez-vous pour signer à tour de bras des traités de libre échange qui encouragent la compétition déloyale, ainsi que le moins disant social et environnemental ? À quand le débat sur le CETA ? Pourquoi ne l'avez-vous pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement quand vous étiez ministre en charge des relations avec le Parlement ? Quand est-ce que le Gouvernement le fera ? Nous avons adopté à la quasi-unanimité une proposition de résolution européenne dans ce sens.

Que pensez-vous, ensuite, du fait que les accord de deuxième génération, n'aient pas à être ratifiés par les parlements nationaux, mais qu'ils passent seulement dans la procédure de la Commission européenne, donc à bas bruit, quelles que soient leurs conséquences pour nos agriculteurs et nos éleveurs : êtes-vous favorable, comme ministre de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, à ce que tous les accords soient ainsi validés, comme on l'a vu la semaine dernière pour l'accord avec la Nouvelle-Zélande ?

M. Franck Montaugé . - Je veux vous parler de la problématique de l'eau, que nous connaissons bien dans le Gers et qui est très complexe, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une affaire d'investissement, mais bien d'une question qui concerne le territoire dans son ensemble et qui demande donc une démarche territoriale.

L'évaluation des projets territoriaux de gestion de l'eau, lancés en 2019, établit que cette approche collective est intéressante pour progresser à l'échelle des bassins hydrographiques, et pour éviter les blocages que l'on connait aujourd'hui, alors que les agriculteurs ont besoin d'investissements et accéder à l'eau. Qu'en pensez-vous ?

Sur l'influenza aviaire, ensuite, je veux vous faire passer un message : celui de protéger les modes d'élevages autarciques, les petits, car s'ils disparaissent, ce sera dramatique - ces éleveurs sont des vecteurs d'image positive et de qualité pour les territoires et, que je sache, ils ne sont pas à l'origine de l'infection.

Enfin, comment allez-vous vous arranger sur la moyenne olympique qui renvoie aux règles de l'OMC et qui risque d'être un facteur d'incompréhension, donc de défiance, envers l'assurance ?

M. Jean-Pierre Moga . - Nos territoires, et particulièrement le mien, le Lot-et-Garonne, sont de plus en plus touchés par des épisodes de gel qui sont dévastateurs pour les cultures et qui provoquent des pertes importantes de récolte, comme c'est malheureusement encore le cas cette année avec les pruneaux ou les noisettes. Quel accompagnement de l'État les producteurs peuvent-ils attendre ? Compte-tenu du dérèglement climatique, ces aléas vont se produire plus fréquemment : quel cadre pérenne d'aide pour lutter contre l'irrégularité croissante des récoltes ?

Le stockage de l'eau, ensuite, ne relève pas de votre périmètre, mais l'avis du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est essentiel sur cette question. Comment notre agriculture va-t-elle s'adapter aux déficits hydriques de plus en plus fréquents ? Monsieur le ministre, quelle est votre opinion sur le stockage de l'eau par bassines ? De manière plus générale, comment lutter contre l'impact de ces dérèglements hydriques ? Estimez-vous qu'une mutation des cultures à l'horizon 2050 est inévitable, et si oui, comment peut-on s'y préparer ?

M. Henri Cabanel . - Votre prédécesseur avait rédigé une feuille de route sur la « prévention du mal être et l'accompagnement des populations agricoles en difficulté », nommé M. Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales au poste de coordinateur national, et prévu la mise en place d'une cellule dans chaque département : ces cellules ne sont pas toutes installées, pourquoi ce retard ? J'avais un amendement pour créer un observatoire, il a été jugé irrecevable. Il y a dix ans, l'actuel ministre de l'économie et des finances, qui était alors ministre de l'agriculture, annonçait déjà des mesures pour faire face au mal-être des agriculteurs : pourquoi les choses prennent-elles tant de temps ?

Sur l'installation, vous avez élevé le plafond d'exonération de droits de mutation lors des transmissions, mais nous avons un problème de foncier : les Safer manquent de moyens, même s'il y a des systèmes de portage financier régionaux comme nous en avons en Occitanie, j'en remercie la présidente Carole Delga. Les établissements publics fonciers (EPF) pourraient contribuer, qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Jacques Michau . - Alors que nous allons discuter des crédits pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), je souhaite vous interroger sur les informations qui ont été diffusées lors de la récente réunion avec les organisations professionnelles agricoles. Les éleveurs de montagne, très inquiets, ont été surpris d'apprendre la non prise en compte des surfaces collectives pour la mise en oeuvre de l'écorégime pour les exploitations transhumantes. Ces surfaces collectives représentent 430 000 hectares dans les Pyrénées, soit un quart de la superficie du massif. Cette mesure entraînerait des pertes financières conséquentes pour les 4 000 éleveurs transhumants, de l'ordre de 20 millions d'euros.

De même, l'introduction d'un critère de chargement plancher à 0,2 UGB par hectare parmi les critères d'entretien minimal pour la définition de l'activité agricole semble irréaliste en ce qui concerne les territoires pastoraux, car beaucoup ne permettent pas de supporter de tels chargements. Cette mesure nous parait incompréhensible ; connaissant votre attachement au pastoralisme et à l'agriculture de montagne, qu'en pensez-vous ?

Ce projet de budget, ensuite, provisionne 1 milliard d'euros pour la gestion de la grippe aviaire. Les producteurs de palmipèdes, notamment en Occitanie, pourraient être exclus de l'aide compensatoire qui ne viserait que les producteurs situés en zone touchée directement. De nombreux producteurs et éleveurs ne pourraient donc y prétendre, alors qu'ils ont subi de lourdes pertes et qu'ils sont partiellement ou totalement dépourvus de production. En effet, leurs fournisseurs de canetons implantés dans l'Ouest de la France, n'ont pas pu les approvisionner car les entreprises Thibaud Caneton et Orvia ont vu leur population éradiquée du fait de la pandémie.

Envisagez-vous une extension de l'aide compensatoire pour que tout producteur, victime directement ou indirectement de l'influenza aviaire et indépendamment de sa localisation, accède à une même mesure compensatoire ?

Mme Marie-Christine Chauvin . - Les questions sur l'élevage étant très nombreuses, je vous invite à venir devant notre groupe d'études élevage, après le débat budgétaire.

La filière porcine bio est en surproduction, évaluée à 25-30 % de la demande, le marché allemand s'est tassé, le cours s'envole cette année, mais la filière n'est pas en bonne santé. La filière bio appelle à l'aide : quelles solutions, dans quels délais ? Pensez-vous à des aides d'urgence ou à un plan d'accompagnement ? Comment accompagner en particulier les éleveurs qui sont proches de la retraite ?

Mme Amel Gacquerre . - La situation des endiviers est particulièrement alarmante, parce que la production d'endives demande beaucoup d'électricité, c'est une question de survie pour cette filière qui représente des milliers d'emplois, alors que 30 % des producteurs renégocient leur contrat d'électricité. Ainsi, un producteur qui a vu passer sa facture de 150 000 à 300 000 euros depuis l'année dernière, devrait payer 800 000 euros l'année prochaine. Je sais que vous êtes à l'écoute, vous avez annoncé l'application d'un amortisseur électricité, mais c'est insuffisant pour les endiviers qui en sont à se demander comment passer les prochaines semaines : pouvez-vous envisager un soutien plus fort et plus pérenne aux productions plus énergivores, en particulier pour les endiviers ?

M. Pierre Louault . - Les contrôles se multiplient et pèsent bien davantage sur notre production que sur celle que nous importons, le rapport est de un à dix puisque 3 000 agents contrôlent notre production, et 300 agents les produits que nous importons. Monsieur le ministre, seriez-vous prêt à répartir ces agents de manière équilibrée ?

M. Daniel Salmon . - Quelle différence faites-vous entre la souveraineté alimentaire et l'autosuffisance alimentaire ? L'agriculture bio se soucie de la terre, elle est résiliente et à même de répondre aux défis du réchauffement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, mais vous n'envoyez pas de signal fort dans sa direction, c'est dommage. Vous dites qu'en matière d'insecticides et de biocides, il n'y aura pas d'interdiction sans solution : cela m'inquiète un peu, car à partir d'un moment, il faudra bien choisir, non ? Que pensez-vous de la lutte pour éviter la disparition des pollinisateurs ? Enfin, quelle est la responsabilité de l'élevage intensif dans la grippe aviaire - le sujet est-il documenté ? Les petits éleveurs de plein air paient un tribut particulièrement lourd à la grippe aviaire, mais sait-on précisément leur rôle dans sa diffusion ?

M. Bernard Buis . - Dans la Drôme, 860 brebis ont été perdues cette année du fait d'attaques de loups, c'est dire que les attentes sont fortes sur le nouveau Plan loup. Elles vont jusqu'à la définition du seuil de 500 bêtes qui avait été fixé pour que l'espèce soit viable et, finalement, à la régulation du nombre de loups et à son classement comme espèce protégée dans la convention de Berne.

Ensuite, peut-on compter sur le chèque alimentaire pour l'an prochain ?

Enfin, le syndicat d'irrigation de la Drôme s'alarme de l'envolée du prix de l'électricité, les aides annoncées ne paraissent pas couvrir le surcoût : que pensez-vous pouvoir faire dans ce budget ?

Mme Dominique Estrosi Sassone . - Le seuil de survie de l'espèce, fixé à 500 individus pour le loup, est atteint depuis longtemps puisque l'Office français de la biodiversité en dénombrait 921 en juin dernier. Dès lors, il faut contenir sa prolifération, ou bien le prochain Plan loup 2023-2028 devra être un plan de sauvegarde des femmes et des hommes qui produisent notre alimentation, préservent et entretiennent notre environnement... Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions pour lutter contre la surpopulation des loups qui menace le pastoralisme ? Il faut agir face à l'extension territoriale des loups. Devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 21 septembre dernier, vous avez dit que le statut du loup devait évoluer rapidement, compte tenu de la menace. Vous avez rappelé la nécessaire négociation européenne, en précisant que vous présenteriez à la fin du mois la position de la France : où en sont ces négociations pour obtenir le déclassement du loup d'espèce « super protégée » à « protégée » ? Lors d'une séance de questions d'actualité au Sénat, vous avez annoncé la création d'une seconde brigade loup : vos crédits prévoient-ils de financer ce projet important, ou bien comment allez-vous faire ?

Dans mon département, les éleveurs fromagers subissent eux aussi une importante augmentation de leur facture énergétique, à quoi s'ajoute l'augmentation des coûts de l'alimentation du bétail, de la conservation froide, de la livraison : quelles mesures de soutien pour ces éleveurs fromagers qui sont déjà durement touchés par la prédation des loups ?

M. Serge Mérillou . -  La souveraineté alimentaire va devenir un problème de plus en plus important, à mesure que la France importe toujours plus et exporte toujours moins - avec des conséquences pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs, en particulier ceux qui ont moins de moyens et qui n'accèdent plus qu'à des produits de qualité médiocre parce qu'ils ne sont pas contrôlés.

Il n'y a pas d'agriculture sans eau, c'est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest. Les grandes retenues collinaires permettent de réguler l'étiage des rivières et elles sont aussi au service de la biodiversité : nous en avons un bon exemple en Dordogne, avec la retenue d'eau due à l'installation d'un barrage il y a une vingtaine d'années. Alors, il faut avoir une vision positive de l'irrigation.

Enfin, sur le chèque alimentaire, peut-on travailler directement avec les organisations caritatives ?

M. Yves Bouloux . - Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à aligner le calcul des retraites agricoles sur celui des salariés et des indépendants, c'est-à-dire sur les 25 meilleures années de revenus ?

M. Sebastien Pla . - Avec ce budget, on prend les mêmes mesures et on recommence, je ne comprends pas où est la trajectoire novatrice, ni quelle stratégie de développement agricole vous proposez dans le contexte très tendu que nous connaissons.

Les compagnies d'assurances seront-elles en mesure de mettre en oeuvre l'assurance récolte l'an prochain ? Comment allez-vous régler la question de la moyenne olympique ? Je suis vigneron et prendrai mon exemple : après trois années de grêle et de gel, je serai à 20 hectolitres par hectare, je n'ai donc aucun intérêt à m'assurer...

Enfin, les abattoirs de proximité sont en grande difficulté : comment comptez-vous les accompagner ?

M. Franck Menonville . - Les amortisseurs que l'État met en place face à l'envolée du prix de l'énergie ne suffisent pas à certaines petites entreprises agricoles ; il y a des trous dans la raquette. Vous l'avez constaté dans mon département, avec un producteur de pommes de terre qui payait l'électricité 70 euros le MWh et qui, malgré le dispositif de l'État, verrait sa facture quadrupler : que pensez-vous faire pour ces producteurs ?

M. Christian Redon-Sarrazy . - J'évoquerai le renouvellement des générations de vétérinaires. Pour que le ministre de l'agriculture qui sera en poste en 2030 ne se retrouve pas dans la situation que connaît votre collègue de la santé en ce moment, il est nécessaire de prendre dès à présent les bonnes décisions.

Nous avons un projet en Nouvelle-Aquitaine, région où les filières animales sont très présentes et le problème sanitaire prégnant. La santé animale et la santé humaine sont indissociables : c'est le coeur du projet d'école vétérinaire à Limoges. Elle s'intitule One Health, une seule santé : ce n'est pas seulement une école, c'est tout un écosystème avec les praticiens vétérinaires, les formations médicales humaines, les écoles d'agronomie, les formations universitaires en biologie et en sciences de la vie et de la santé, les entreprises leaders du secteur.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à accompagner ce projet et à lui donner les moyens nécessaires aux cotés de la région Nouvelle-Aquitaine ?

M. Pierre Cuypers . - La Commission européenne veut supprimer un herbicide, le Bonallan, dont la matrice active est la benfluraline ; les États membres avaient jusqu'au 4 novembre pour prendre position. Sachant que si ce produit est supprimé, il n'y a pas de substitution ; quelle est la position du Gouvernement ? Les cultures de l'endive, mais aussi de la chicorée et de haricots, en dépendent - celles des pommes également, et des pommes de terre.

Ensuite, l'usage des néonicotinoïdes sera autorisé l'an prochain pour la dernière année dans la culture de la betterave sucrière : qu'en sera-t-il ensuite, s'il n'y a pas de produit alternatif ?

M. Laurent Somon . - La filière féculière, qui entre dans les processus pharmaceutique et cosmétique, voit sa production baisser malgré une revalorisation des prix par les industriels, les surfaces vont passer de 23 500 hectares l'an dernier à 18 700 cette année. Allez-vous adopter des mesures conjoncturelles, une aide à la production, ou bien la filière peut-elle espérer une aide structurelle dans le cadre des éco-régimes, compte tenu de la production de protéine de pomme de terre ? Ou encore, pourra-t-elle, pour faciliter sa production, réutiliser des eaux chargées résiduaires issues des stations d'épuration, ou encore inclure ses équipements dans les programmes de modernisation des outils industriels ?

Ensuite, j'ai interrogé vos services sur les difficultés des producteurs d'endives, j'espère une réponse.

Enfin, que pensez-vous de la décapitalisation de l'élevage et des risques qu'il y aura demain sur les intrants dans les unités de méthanisation ?

Mme Micheline Jacques . - Vous avez annoncé dans votre propos liminaire une augmentation des crédits pour soutenir l'agriculture ultramarine et je m'en réjouis.

Le plan chlordécone 2021-2027 oriente plus particulièrement la recherche sur la compréhension de l'évolution de cette molécule dans la nature et les éventuelles méthodes de décontamination. Quelle place prévoyez-vous de faire à la diversification de la production ? Que pensez-vous du colza pour l'usage de la chimie verte en vue de faire des outre-mer des territoires d'innovation ?

Mme Sophie Primas . - Une dernière question d'Olivier Rietmann, qui vous demande où en est le décret d'application de la loi du 23 décembre 2021, dite loi Sempastous, portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole.

M. Marc Fesneau, ministre . - Sur les accords de libre-échange, il faut se mettre d'accord : on ne peut pas demander à être exportateur et refuser l'accès à notre marché ; soit on choisit d'être exportateur, soit de ne pas l'être - il faut accepter les règles du jeu et l'enjeu est alors du côté de notre compétitivité, mais on ne peut choisir la façon de commercer au gré de ce qui nous arrange. En réalité, la concurrence agricole est le plus souvent intracommunautaire, l'écart n'est pas d'abord le fait des accords de libre-échange. Chacun regrette la perte de souveraineté alimentaire française, mais on doit assumer notre capacité exportatrice, donc les règles du jeu.

Peut-on se contenter de viser l'autosuffisance alimentaire ? Mais quand le climat se dérègle, si vous produisez juste ce qu'il faut, comment faites-vous quand la récolte est moins bonne qu'attendue ? Vous n'avez aucune réserve, rien de côté ? Et quand un Poutine fait de l'alimentation une arme de guerre en bloquant les ports, il faut pouvoir donner à ceux qui manquent subitement - et qu'est-ce que vous penseriez d'un monde où ceux qui ont beaucoup, se contenteraient de produire pour eux-mêmes, sans échange, sans penser aux autres ? C'est le fond, on a besoin d'échanges - et il y a la méthode, il faut que les accords de libre-échange, la concurrence, soient régis par des règles loyales...

M. Fabien Gay . - On a toujours commercé, bien avant les accords de libre-échange ; les gens n'en peuvent plus de ce type d'arguments éculés...

M. Marc Fesneau, ministre . - Les clauses de réciprocité n'étaient guère dans la culture de la Commission européenne, nous progressons. Nous veillons à ce que ces clauses figurent dans tous les accords, c'est un travail de longue haleine. Il faut porter le fer sur les clauses environnementales, on ne peut pas tout faire. Sur la méthode, il y a effectivement un sujet démocratique, car une fois que la Commission européenne a mandat de négocier, elle ne revient devant les États-membres que quinze jours avant la signature ; nous avons besoin de plus de temps et de débats. Quant au CETA, le débat n'est pas à l'ordre du jour parlementaire, demandez-le au ministre des relations avec le Parlement... Et je vous fais remarquer que, sur le fond, le CETA est plutôt favorable à nos intérêts commerciaux.

Le sujet de la prédation se pose à l'échelon européen ; nous parlons du guide interprétatif de la directive « Habitat ». Nous sommes en débat avec la Commission européenne et les autres États membres ; nous nous sommes exprimés et je peux vous dire que les points de vue ne sont pas les mêmes, c'est aussi parce que le problème n'est pas le même partout sur le continent... Dans l'immédiat, il faut se mettre d'accord sur le comptage, rétablir de la confiance. Cependant, je tiens à préciser que personne n'a dit qu'à 500 loups on fermerait le ban, il a été simplement écrit que c'était un objectif. Ensuite, nous devons simplifier le prélèvement : les modalités de tir, les équipements, les éléments administratifs sur les délais de financement de la prévention, sur l'indemnisation. Je sais que l'élevage est menacé, en particulier le pastoralisme. La désespérance de l'éleveur est terrible après l'attaque de loups, il en va aussi de la diversité. L'élevage participe à la biodiversité, on ne peut tout sacrifier. Il faut documenter ces éléments, mieux connaître la cohabitation du pastoralisme et des loups. Quant à la deuxième brigade loups, elle est pré-positionnée dans les Pyrénées, il faut former les louvetiers, et préciser les choses dans le Plan loup.

Il y a besoin d'eau en agriculture, c'est certain, et le dérèglement climatique, chacun doit l'entendre, va conduire à des arythmies de pluviométrie ; on va donc passer de périodes où il y aura trop d'eau, à d'autres où l'on en manquera, il faut s'organiser. Ce qui est désespérant dans le projet actuellement contesté, c'est qu'il s'articule avec un projet de territoire où l'on a réduit les produits phytosanitaires, et où on est même passé d'une consommation de 20 à 13 millions de cube d'eau, c'est vertueux pour la consommation d'eau. Qui plus est, des associations qui ont signé le protocole protestent aujourd'hui. Or, je crois qu'il faut être clair : une fois le projet territorial négocié puis signé, une fois les recours juridiques épuisés, le projet doit être appliqué, il faut être de bonne foi. Il faut regarder à quoi servent les ouvrages et celui dont on parle est certes utile à l'irrigation, mais aussi au maintien des étiages, à la lutte contre les inondations, à la lutte contre les incendies, à l'alimentation en eau potable. Il faut faire attention aux discours, je dis que le retour à l'état de nature est mortifère, c'est la mort de l'agriculture, un retour de dix mille ans en arrière - ce qui ne veut pas dire que le dérèglement climatique ne va pas nous conduire à abandonner des cultures sur certains territoire. Et dans ce passage, on a besoin de construire du collectif.

Le chèque alimentaire, on lui demande tout : gérer la précarité, donner un accès à une alimentation de qualité, aider à la transition de filière... c'est trop. D'où l'idée qu'on peut avancer via les banques alimentaires, dans la restauration collective, pour faire découvrir la diversité et la qualité alimentaires ; ça peut être intéressant en particulier pour des jeunes qui en sont éloignés, en tout cas plus intéressant qu'un chèque qui se dépensera au supermarché.

Les décrets d'application de la loi dite Sempastous sont au Conseil d'État depuis le mois d'aout, il en a délibéré ce jour et c'est pourquoi la presse s'en fait l'écho.

La dégustation gratuite des vins n'est pas un sujet législatif, il relève de l'administration des douanes.

Le bio est l'un des modèles alternatifs, il n'est pas le seul. Vous dites, monsieur Cardon, qu'il faut remettre un peu d'urbanité dans le monde rural - mais je vous le demande : et si l'on remettait un peu de ruralité et d'urbanité dans le monde urbain ? Il faut prendre garde aux injonctions, surtout lorsqu'on s'adresse à des gens dont on ne paie pas bien l'effort. C'est mon avis personnel, mais je crois qu'il faut laisser tout le monde faire son chemin, je crois que des modèles sont plus compliqués que d'autres et qu'il faut du temps à la transition, mais qu'il n'y a pas d'un côté les bons, et de l'autre les méchants.

Je veux dire à M. Cuypers que, sur la benfluraline, le délai pour la position des États membres est au 12 décembre prochain.

Ensuite, sur les néonicotinoïdes, on ne peut pas dire qu'on en sort, mettre des moyens pour en sortir, s'engager sur un calendrier, puis repousser tout le temps le calendrier en ajoutant des délais. Ils sont autorisés l'an prochain, l'échéance est en 2024. Il va se passer des choses en 2023, l'Inrae présentera des résultats, et nous recherchons des solutions alternatives, mais il y a bien un moment où l'interdiction s'appliquera.

Mme Sophie Primas . - Monsieur le ministre, nous devons, conformément à vos engagements pris ailleurs, lever notre réunion. Je propose que vous répondiez par écrit aux autres questions, et que vous reveniez devant nous au mois de janvier.

M. Marc Fesneau, ministre . - Sur le guichet des compensations du coût énergétique et l'idée qu'il y a des trous dans la raquette, par exemple pour les endiviers, je crois que nous avons les mêmes informations, parce que nous travaillons tous avec les filières. Nous ajusterons le dispositif, pour être au plus près des besoins.

Mme Sophie Primas . - Les questions sont posées, nous comptons sur vous pour les réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

Examen en commission
(Mercredi 23 novembre 2022)

Réunie le mercredi 23 novembre, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Laurent Duplomb, Mme Françoise Férat et M. Jean-Claude Tissot sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2023.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous passons à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour laquelle nous avons trois rapporteurs.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Nous rapportons une année de plus sur le budget de l'agriculture, et nous constatons que le Gouvernement ne parvient plus, après avoir parlé du « quoi qu'il en coûte », à faire redescendre le budget de l'État des sommets qu'il a atteints en 2020.

C'est ce que nous constatons pour l'agriculture, puisque les crédits de la mission augmentent de 900 millions d'euros. La facilité aurait été de donner un satisfecit au Gouvernement pour cette forte augmentation nominale. Mais, derrière les effets d'annonce, nous avons voulu, avec mes collègues Françoise Férat et Jean-Claude Tissot, étudier le budget avec rigueur. Et nous nous sommes aperçus que la réalité était tout autre.

Sur ces 900 millions d'euros de hausse, plus de 400 millions d'euros relèvent de la budgétisation de l'exonération en faveur des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), c'est-à-dire une mesure de périmètre. Ne restent plus que 500 millions d'euros.

Aux 500 millions d'euros restants, il faut encore retirer 200 millions d'euros qui correspondent à une hausse nominale, mais non réelle du budget. Avec l'inflation anticipée de 5 % pour 2023, le budget a en effet gonflé mécaniquement et artificiellement de 200 millions d'euros.

Alors vous allez me dire que 300 millions d'euros de hausse réelle, c'est encore beaucoup. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés à une analyse purement quantitative des crédits. Car un bon budget agricole, ce n'est pas un budget en hausse ou un budget élevé, c'est un budget qui répond aux besoins de notre agriculture, de nos paysans et de nos entreprises, et un budget qui traduit les engagements pris par le Gouvernement.

Et s'agissant de ce dernier point, que penser ? Vous voyez peut-être où je veux en venir... À quoi correspond, pour l'essentiel, la hausse réelle de 300 millions d'euros ? Au financement, sur le budget de l'État, de la réforme de l'assurance récolte, à hauteur de 250 millions d'euros.

Et de l'assurance récolte, que dire ? Ce projet de loi de finances (PLF) est le premier rendez-vous budgétaire depuis mars 2022. Autant dire que le Gouvernement se savait attendu au tournant par le Sénat. Cette loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, dont j'étais rapporteur, acte une victoire acquise de haute lutte au Sénat pour les agriculteurs, sur quatre taux : le seuil de la franchise, abaissé à 20 % de pertes de récolte ; le taux de cofinancement de l'assurance par les pouvoirs publics, porté à 70 % ; le seuil de déclenchement de l'intervention de l'État, ramené à 50 % de pertes ou à 30 % selon les récoltes ; et la prise en charge des pertes par l'État au-dessus de ce seuil, de 90 % pour les exploitants ayant souscrit à l'assurance.

Le Président de la République s'est engagé formellement sur ces taux, à l'occasion des Terres de Jim. Or, les 680 millions d'euros qui devraient en résulter ne figurent pas dans ce budget. Seuls 560 millions d'euros sont programmés : 255 millions d'euros par ce budget, 185 millions d'euros par le fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et 120 millions d'euros par la taxe sur les conventions d'assurance, payée par les agriculteurs eux-mêmes. Manquent 120 autres millions d'euros.

Le Gouvernement nous dit qu'il pourra, « peut-être », aligner les 120 millions d'euros restants à travers une « clause de rendez-vous ». Mais les agriculteurs ont rendez-vous tous les ans avec les effets du changement climatique ! Pourquoi ne pas aligner 680 millions d'euros d'entrée de jeu, quitte à annuler d'éventuels crédits non consommés en cours d'exercice ? N'oublions pas qu'un budget est aussi un instrument de communication et que le succès de la réforme dépend essentiellement du taux de pénétration de l'assurance à l'intérieur du système agricole et des exploitations, qui dépend lui-même de la capacité des pouvoirs publics à susciter la confiance des agriculteurs. Et comment leur donner confiance si, dès le premier exercice, on leur promet 680 millions d'euros, mais que 560 millions d'euros seulement sont programmés ?

Et ce ne sont pas les retards du Gouvernement dans la préparation de l'entrée en vigueur du nouveau régime au 1 er janvier 2023 qui vont ramener cette confiance.

Le rapport sur la moyenne olympique n'a toujours pas été remis au Parlement, alors que nous savons tous que c'est un problème de fond de l'assurance récolte.

Le recours devant un comité départemental d'expertise contre les évaluations indicielles de pertes de récolte n'est toujours pas mis en place, alors que nous constatons, cette année, dans le cadre du système des calamités, qu'il y a des problèmes dans les évaluations indicielles par relevés satellitaires.

Non seulement le Gouvernement n'aligne pas d'entrée de jeu les sommes promises, mais on serait porté à croire qu'il fait tout pour ne pas avoir à les aligner par la suite.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de ne pas adopter les crédits de cette mission.

La liste des refus passés ou anticipés du Gouvernement à nos propositions, pourtant constructives et pragmatiques, est malheureusement longue.

Le Gouvernement s'est opposé à la proposition des filières animales et végétales - après les avoir laissées travailler près de huit mois sur cette proposition - d'un coup de pouce à l'épargne de précaution pour celles qui s'engagent dans la contractualisation afin de lisser leurs coûts et leurs revenus. Une proposition dont le coût budgétaire aurait été très faible et qui aurait favorisé une contractualisation entre ces filières, sur trois ans seulement puisque nous demandions une expérimentation, ce qui aurait permis d'enclencher un système vertueux contribuant à stabiliser les prix.

Le Gouvernement s'est opposé au relèvement du seuil d'imposition au réel simplifié et du seuil d'exonération des plus-values, que nous avons malgré tout réussi à faire adopter au Sénat, pour tenir compte de l'inflation. Comment l'expliquer, alors que nous savons qu'avec celle-ci l'augmentation des prix de vente des produits agricoles fait mécaniquement augmenter les recettes sur les exploitations, donc le chiffre d'affaires (CA), et que ces seuils s'appliquent au CA ?

Il a fallu attendre le passage du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au Sénat pour voter la pérennisation du TO-DE, alors que les entreprises expriment un besoin de plus de prévisibilité. Comment expliquer, après que le Président de la République eut annoncé, au selon de l'agriculture de cette année, la pérennisation du dispositif TO-DE, que la proposition du Gouvernement ait été de le maintenir une seule année de plus ? Un amendement du groupe Les Républicains, à l'Assemblée nationale l'avait prolongé jusqu'en 2026. Mais les agriculteurs souhaitaient sa pérennisation. Nous les avons entendus.

La vingtaine d'auditions que nous avons menée a conforté nos craintes sur les risques de décroissance liée à l'inflation énergétique : hausse du coût des intrants pour la prochaine campagne, difficile reconnaissance du statut d'énergo-intensif pour l'industrie agroalimentaire, risques de coupures de courant pour les filières périssables, manque de moyens des chambres d'agriculture et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Le budget est insuffisant en la matière.

Rappelons enfin que l'article 8 de ce projet de loi poursuit l'assèchement de notre filière levure en coproduits sucriers, pour faire du bioéthanol. Or, la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique doivent aller de pair, l'une ne pouvant se faire aux dépens de l'autre.

Heureusement, les résultats agricoles et agroalimentaires de cette année 2022 sauvent pour le moment nos agriculteurs. Mais la vague risque d'être d'autant plus violente qu'elle arrivera à retardement, et ce budget ne l'anticipe pas.

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Je partage en tous points ce que vient de dire notre corapporteur Laurent Duplomb : ce budget est insuffisant d'un point de vue économique. Il l'est aussi dans ses conséquences pour le métier vécu, au quotidien, par les agriculteurs. C'est ce second aspect que je voudrais développer.

Mes préoccupations sur ce budget font écho aux questions que j'avais posées au ministre de l'agriculture, M. Marc Fesneau. Je dois dire que ses réponses, sur la prise en charge du mal-être dans le monde agricole, et en particulier chez les éleveurs, ne m'ont pas complètement rassurée.

Je me réjouis, certes, de l'existence d'une feuille de route pour la prévention du mal-être et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté. Mais je m'interroge sur la capacité du Parlement à suivre sa mise en oeuvre, tant les acteurs impliqués sont disséminés et les crédits pour la financer, dispersés. Il est très positif que tout l'écosystème agricole soit mobilisé face à cette problématique, mais il ne faut pas que des rôles mal définis se traduisent par une érosion des responsabilités. En somme, il faut un pilote dans l'avion.

Ce que nous demandons ne coûte pas grand-chose : un tableau de bord retraçant de manière synthétique la consommation des crédits dédiés à cette feuille de route, pour en suivre l'évolution en cours d'exercice et d'une année sur l'autre, et en mesurer l'ambition.

Si un tel document avait existé, il nous aurait permis, par exemple, d'anticiper la baisse de régime de 25 % en crédits de paiement (CP) de la ligne d'aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté, qui passe de 7,1 millions d'euros à 5,2 millions d'euros. À notre sens, ces crédits, finançant notamment l'aide à la relance des exploitations agricoles (AREA), auraient dû être maintenus à leur niveau. Et si sous-consommation il y a, elle n'est pas à mettre sur le compte d'un manque de besoins, mais bien plutôt du non-recours : la pression psychologique et l'instabilité normative subies par les agriculteurs compliquent leur accès à des aides auxquelles ils auraient droit.

Autre exemple de cette instabilité normative, le crédit d'impôt service de remplacement devait arriver à échéance en 2024. Dans la suite de mon rapport, nous avons proposé avec Laurent Duplomb de le pérenniser et de relever son taux à 66 % dans tous les cas, contre 50 % aujourd'hui, et 60 % en cas de maladie. C'est ce qu'a voté le Sénat en fin de semaine dernière. Cela coûte quelques millions d'euros, mais c'est aussi un levier majeur d'attractivité pour l'agriculture face au défi du renouvellement.

J'ajoute qu'il faut traiter toutes les causes du mal-être dans une approche globale. La couverture vétérinaire des zones rurales et la mise à niveau de notre stratégie de biosécurité face aux crises sanitaires en font partie, car la détérioration de l'état de santé de leurs bêtes, voire l'abattage préventif, plonge les éleveurs dans un grand désarroi, quand cela se présente.

Aussi, je réitère mon appel à redoubler d'efforts sur les stages tutorés d'étudiants vétérinaires en zones rurales. Nos travaux sur le mal-être en agriculture nous ont fait mesurer à quel point les vétérinaires étaient de véritables sentinelles dans ces territoires. Les services du ministère nous ont expliqué la baisse des crédits par la suppression d'une subvention aux cliniques vétérinaires d'accueil, sans que le nombre de stages tutorés diminue. Très bien, car cette subvention créait un effet d'aubaine. Mais pourquoi les crédits récupérés n'ont-ils pas été fléchés vers la création de stages tutorés supplémentaires ? Ce dispositif ne coûte presque rien et donne d'excellents résultats.

Nous avons par ailleurs été alertés par les chambres d'agriculture sur le financement insuffisamment calibré des différentes bases d'identification animale, dont elles et d'autres acteurs doivent assurer la mise en place pour se conformer à la loi de santé animale, un règlement européen entrée en vigueur en 2021. Il manque 6 petits millions d'euros pour mettre en place, entre autres, la base « opérateurs ». De ce fait, les appels d'offres ne sont pas pourvus, alors que c'est un outil essentiel de traçabilité et de surveillance, dans un contexte où les crises sanitaires redoublent d'intensité.

S'agissant de l'influenza aviaire, la recherche sur un vaccin candidat est en cours et ne devrait pas aboutir avant le printemps 2023. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas su désamorcer les réticences des filières, quand il était encore temps d'accélérer. Les producteurs craignaient en effet de perdre l'accès à des marchés étrangers alors que la volaille produite en France est en grande partie consommée sur le territoire national. La réponse, désormais, n'est plus budgétaire, mais se joue sur les terrains réglementaire et diplomatique dans les enceintes européennes et de l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).

Mais que de temps perdu, alors que l'influenza aviaire n'est ni la première, ni la dernière épizootie à laquelle notre élevage est et sera confronté. Aussi, nous proposons, conjointement avec Marie-Christine Chauvin, présidente du groupe d'études Élevage, une multiplication par dix des fonds consacrés à la recherche sur des vaccins, de 1 à 10 millions d'euros.

Nous le proposons non pas tant pour l'influenza aviaire, que pour anticiper les crises à venir. La dimension encore largement familiale de nos élevages rend notre modèle plus vulnérable que d'autres car nos sites de production sont nombreux et les accouveurs et éleveurs sont proches, ce qui multiplie les risques de contamination. Comparée au milliard d'euros d'indemnisations depuis l'an dernier, cette hausse ne paraît pas exagérée, et surtout elle est en phase avec notre conviction que les solutions pour l'agriculture de demain sont à trouver dans la recherche et la science.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis de la mission« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Mes collègues ont bien résumé les raisons de notre opposition, transpartisane, au vote des crédits de la mission.

Laurent Duplomb a insisté sur la faiblesse économique de ce budget, sur la compétitivité, l'assurance récolte et la contractualisation, et Françoise Férat sur sa faiblesse sociale et sociétale, sur l'accompagnement des agriculteurs en détresse, le service de remplacement et la santé animale. Je me félicite d'ailleurs du relèvement du crédit d'impôt service de remplacement à 66 %, même si j'aurais souhaité, avec mon groupe, une hausse plus ambitieuse.

Pour compléter ce travail d'équipe, je m'attarderai sur la dimension environnementale du budget, avec l'effort d'adaptation de notre modèle agricole et de notre forêt.

La mise en place de l'assurance récolte est une bonne chose, et il est dommage que le Gouvernement ne la finance pas assez. Mais rappelons qu'elle est davantage destinée à préserver le revenu des agriculteurs des aléas exceptionnels, qu'à adapter le modèle agricole français au changement climatique. Car, calculée sur les trois années moyennes sur les cinq dernières, elle ne tiendra pas compte d'une éventuelle baisse structurelle de la productivité agricole. C'est pourquoi il est si important d'investir dans l'expérimentation de nouvelles pratiques culturales et d'avoir une recherche de qualité sur les évolutions de notre modèle agricole.

Or, année après année, les recettes du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar) continuent d'être plafonnées. On ne voit pas bien la logique budgétaire de cette sous-estimation, puisque le ministre de l'agriculture nous a dit en audition qu'il s'engageait à récupérer l'excédent de collecte, qui devrait dépasser 17 millions d'euros en 2022. Pour 2023, les recettes sont estimées à 126 millions d'euros, soit autant qu'en 2022, alors qu'avec l'inflation les recettes continueront de grimper. Nous voterons donc contre le Casdar.

On peut se demander si le but est de faire perdre du temps et de l'énergie au ministère, aux instituts techniques, aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), en les forçant à renégocier chaque année avec Bercy ? Est-ce pour les priver de la nécessaire visibilité dans la mise en oeuvre du Programme national pour le développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027 ? Ce n'est pas à la hauteur des enjeux d'innovation et de recherche agricoles.

En prime, tout le monde s'y perd puisque le ministère n'est pas en mesure de nous dire, sur le solde comptable de 18 millions d'euros, ce qui relève d'autorisations d'engagement pluriannuelles non encore décaissées ou de crédits mobilisables pour d'autres projets. Nous appelons le Gouvernement à accélérer son effort de traçabilité, grâce à l'application Chorus, pour identifier les crédits qui peuvent être récupérés et ainsi - pourquoi pas ? - prendre de l'avance sur la programmation du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027.

Sur la forêt, nous portons un amendement pour assurer la sincérité du budget s'agissant des annonces du Gouvernement sur l'annulation du schéma d'emplois de l'Office national des forêts (ONF). Car le Gouvernement nous a soumis deux fois à ses habituels jeux de bonneteau budgétaires en un seul PLF - cela fait beaucoup.

Une première fois en maintenant dans le projet de loi de finances initial la baisse de 80 équivalents temps plein (ETP) prévue dans le contrat État-ONF, contrairement aux annonces qui avaient précédemment été faites de sa suspension. Cela a permis au Gouvernement d'afficher des créations de postes, qui ne sont qu'une stabilisation.

Une seconde fois en prétendant avoir rétabli ces 80 ETP, alors que l'enveloppe de 3,3 millions d'euros ouverte dans le texte transmis au Sénat n'en finance que 60, l'État laissant le soin à l'ONF de financer les 20 derniers ETP sur ses propres deniers. Or, les ressources propres de l'ONF sont amenées à rechuter l'an prochain avec les tendances baissières de la construction et donc du cours du bois d'oeuvre. Et les bénéfices financiers de la contractualisation pour l'établissement, espérés par le Gouvernement, nous semblent trop optimistes. Notre amendement ne vise donc pas à faire de la surenchère, mais à forcer le Gouvernement à assumer jusqu'au bout sa position, à faire preuve de plus de sincérité budgétaire.

Enfin, aux côtés de la gestion des forêts publiques, il convient tout de même de rappeler que 90 % de la forêt qui a brûlé l'été dernier correspond à de la forêt privée.

Nous proposons avec mes corapporteurs, en lien avec les auteurs du rapport d'août dernier sur la prévention des feux de forêt, Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, de créer 20 ETP pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF). La forêt privée, qui représente pourtant trois quarts des surfaces, est le parent pauvre de notre politique forestière : le CNPF, dont les missions sont certes plus réduites que celles de l'ONF, compte moins de 350 ETP sous plafond, contre environ 8 000 pour l'ONF.

Nous proposons que les 20 postes créés soient pour moitié des techniciens forestiers de terrain, afin de dynamiser la gestion et favoriser le regroupement des parcelles, et pour moitié des référents pour la défense des forêts contre l'incendie dans chaque région, comme le proposent les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle sur les feux de forêt et de végétations, dont Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, ici présents.

Tant pour la sylviculture que pour l'agriculture, il va falloir modifier certaines pratiques et certains itinéraires techniques, et prévoir une intervention plus active de l'homme, pour s'adapter au changement climatique. En ce domaine, comme dans les domaines évoqués par mes collègues, ce budget n'est pas à la hauteur : nous voterons contre, mais nous espérons que le Gouvernement reprendra certaines de nos propositions, peu coûteuses.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial de la mission« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - La commission des finances est en accord avec ce qui vient d'être dit par les corapporteurs. Nous avons, en outre, une inquiétude sur les clauses miroirs, car nous renforçons les normes franco-françaises et les effectifs pour les contrôler, sans aucune contrepartie pour les produits importés. Cela contribue à creuser le solde de la balance commerciale de l'agriculture française.

M. Daniel Gremillet . - Je souhaiterais remercier les trois corapporteurs. L'année 2023 sera déterminante pour l'assurance récolte. Si le mécanisme ne fonctionne pas, alors nous aurons dilapidé plusieurs décennies de confiance réciproque entre l'État et les agriculteurs grâce à l'ex-fonds des calamités agricoles - fondé sur le principe du un pour un. Nous abandonnons un système, alors que les réformes ne sont pas prêtes, et que l'amplitude des situations auxquelles sont confrontés les agriculteurs ne fait que s'accroître.

Concernant les crédits du Casdar, je suis scandalisé par le fait qu'ils soient utilisés dans d'autres secteurs que l'agriculture, alors qu'il s'agit d'une idée des agriculteurs. En effet, ces crédits sont totalement payés par les agriculteurs et proviennent de leur propre développement ; pas un euro ne provient de l'État.

S'agissant de la forêt, nous n'avons jamais mis autant d'argent pour replanter, régénérer nos forêts - et je rends, là, hommage au Gouvernement. Mais attention, ce n'est pas parce qu'un arbre a été planté qu'il va pousser ; nous avons besoin d'accompagnements en termes de sylviculture, de protection et d'entretien des parcelles. Vos propositions à cet égard sont très pertinentes.

M. Bernard Buis . - Je partage certaines inquiétudes des rapporteurs, mais mon groupe ne souhaite pas s'opposer aux crédits de la mission.

Nous pouvons ne pas être d'accord sur les chiffres, mais nous ne pouvons que constater l'augmentation de ce budget par rapport à la LFI 2022 ; c'est un budget qui va accompagner la mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC).

Je note une progression importante en faveur de la structuration des filières, notamment dans les territoires ultramarins, la mise en pratique concrète du projet de loi assurance récolte, avec 255,5 millions d'euros de crédits de l'État, la modernisation des exploitations et des crédits supplémentaires pour l'ONF - à cet égard, nous pouvons émettre des critiques, mais 10 millions d'euros supplémentaires ont été dégagés par rapport à ce qui était prévu initialement.

Nous pouvons également critiquer la reconduction du plafond du Casdar, mais l'enveloppe est tout de même maintenue à 126 millions d'euros.

L'année dernière, la commission des finances du Sénat avait approuvé les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pourtant globalement stables par rapport au PLF 2021. Cette année, si nous ne sommes pas d'accord sur le pourcentage de hausse, nous ne pouvons que constater une forte augmentation du budget. Je ne vois donc pas de raison objective à s'opposer aux crédits de cette mission.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Je voudrais tout d'abord saluer le travail de nos rapporteurs. Les éleveurs sont très inquiets et les messages qui leur seront envoyés avec ce PLF 2023 sont essentiels. Ils ont besoin d'être rassurés afin que nous puissions les entraîner dans une démarche assurantielle.

S'agissant des forêts, je pense, comme les rapporteurs, que le Gouvernement fait une mauvaise lecture de la situation forestière. Certes, il est important de reboiser, mais ce dont nous manquons le plus aujourd'hui, c'est de la main-d'oeuvre, et ce à tous les échelons.

Je ne reviendrai pas sur les postes supprimés à l'ONF en dépit des tours de passe-passe du Gouvernement pour le masquer, mais je voudrais dire que si nous accablons souvent cet organisme, je ne connais pas beaucoup d'établissements publics qui, en l'espace de vingt ans, ont perdu près de 40 % de leur personnel, alors que la forêt à continuer à s'étendre - ainsi que les contraintes afférentes à sa gestion. Nous devons arrêter d'alourdir le fardeau de l'ONF et accompagner ses agents dans une triple mission : sociétale, de production de bois et environnementale.

Mais nous ne devons pas oublier la forêt privée, dont les propriétaires n'ont pas les moyens pour relever les défis, non seulement de production, mais également de lutte contre les incendies. Je me réjouis donc que mes collègues soient aussi sensibles à abonder les moyens du CNPF.

Mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Franck Montaugé . - Concernant les assurances, je n'ai toujours pas compris comment nous allons pouvoir contourner cette moyenne olympique, sachant que la question se joue au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ; chaque fois que nous posons la question au ministre, nous n'avons pas de réponse. Je crains, comme Laurent Duplomb, qu'un dispositif pourtant relativement bien structuré ne se traduise par un échec ; dans ce cas les agriculteurs ne voudront plus entendre parler d'assurance avant longtemps !

Vous n'avez pas évoqué le plan stratégique national (PSN), déclinant la PAC, et la façon dont il va être mis en oeuvre, soutenu et éventuellement accompagné. Avez-vous étudié cette question, qui me paraît fondamentale ? Je pense notamment aux territoires qui sont en difficulté sur le plan agricole. Je fais allusion aux territoires de polyculture-élevage. Ces derniers bénéficient de dispositifs tels que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), mais il faudrait sans doute inventer des dispositifs pour reconnaître leur spécificité et la nécessité de les accompagner.

Au sujet de l'eau, qu'en est-il en termes d'investissement et d'accompagnement ? En effet, quelles que soient les techniques utilisées, le coût sera élevé. De plus, je souhaiterais évoquer le sujet important de la gestion des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui impliquent les agriculteurs, mais pas seulement ; cet aspect, de même que l'évolution des pratiques culturales, sont-ils appréhendés dans ce budget ?

Enfin, s'il ne s'agit pas d'opposer les modèles d'élevage intensif et extensif, ces derniers doivent être reconnus et préservés. En effet, ils représentent un enjeu important pour les territoires, notamment en termes de qualité. Cependant, l'influenza aviaire les fragilise et entraîne la fermeture de certaines exploitations, ce qui est dommageable pour les exploitants, mais aussi pour les filières et territoires concernés.

M. Joël Labbé . - Je siège ici depuis onze ans et, pour la onzième fois, je vais défendre les moyens de l'agriculture biologique. Aujourd'hui, la consommation stagne et la production augmente, un nombre grandissant d'agriculteurs faisant leur conversion. Ainsi, un pan entier de l'économie agricole se retrouve en difficulté. En juin dernier, quand la filière porcine a été fragilisée, 20 millions d'euros lui ont été dédiés. Que fait-on pour aider l'agriculture biologique ? On devrait la considérer comme une filière comme les autres, et la préserver.

Je rappelle au passage les aménités positives apportées par cette forme d'agriculture et les externalités négatives produites par l'agriculture conventionnelle. À titre d'exemple, si l'on considère la qualité de l'eau, entre 1 et 1,5 milliard d'euros sont dépensés chaque année, rien que pour limiter la présence de nitrates et de pesticides dans l'eau. Or l'agriculture biologique n'a aucune incidence négative sur cette question.

L'agriculture biologique doit être soutenue en termes de communication et l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence bio) a besoin de moyens supplémentaires pour assurer sa mission. De plus, il importe de soutenir l'enseignement agricole et la recherche en la matière, et en particulier l'institut technique de l'agriculture biologique (Itab), qui n'a pas les moyens de mener ses travaux.

Pour conclure, si nous reconnaissons des avancées, ce qui est proposé en matière d'agriculture biologique demeure décevant. Par ailleurs, les élevages de plein air méritent d'être davantage soutenus ; il s'agit pour eux d'une question de survie. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission.

Mme Marie-Christine Chauvin . - Je partage les conclusions des rapporteurs et souhaiterais revenir sur l'importance de l'amendement prévoyant des fonds supplémentaires pour la vaccination. En effet, l'influenza aviaire, dont nous parlons beaucoup en ce moment, ne doit pas cacher le risque représenté pour nos élevages par d'autres maladies, dont la propagation pourrait être évitée ou limitée grâce à des vaccins adaptés. Il faut donc consacrer les fonds nécessaires à la recherche en la matière ; il s'agit d'une question sanitaire, mais aussi économique, très importante.

M. Henri Cabanel . - Je voudrais insister sur le mal-être agricole ; si je me réjouis de l'allocation de nouveaux crédits, des inquiétudes demeurent. Lors de la récente audition du ministre, j'ai posé des questions à ce sujet, mais il n'a pas eu le temps de répondre ; il devait le faire par écrit et j'attends toujours... Je les lui poserai de nouveau dans l'hémicycle.

Concernant les comités départementaux, seront-ils opérationnels d'ici la fin 2022, comme cela était prévu ?

En outre, je suis déçu de constater que les crédits consacrés au redressement des exploitations en difficulté, notamment ceux de l'aide à la relance des exploitations agricoles (Area), aient vu leur montant diminuer de 2 millions d'euros.

Par ailleurs, je suis préoccupé par le manque d'humanité des administrations vis-à-vis des agriculteurs, que signale le rapport et que nous avions déjà souligné. Résoudre ce problème ne coûterait rien à l'État puisqu'il s'agirait de donner des directives aux administrations, notamment à la Mutualité sociale agricole (MSA) et aux services administratifs, afin qu'ils fassent preuve d'une plus grande considération, notamment dans les courriers envoyés.

J'en viens à l'assurance récolte que beaucoup ont évoquée. Il semble que nous ayons mis la charrue avant les boeufs. En effet, nous aurions dû nous assurer que le rapport tant attendu sur la moyenne olympique ait le temps de décanter, même si je me réjouis que le débat ait enfin eu lieu. L'inquiétude perdure, les objectifs n'étant pas atteints.

Enfin, je suis moi aussi satisfait par la perspective de pérennisation du dispositif TO-DE, même si des problèmes d'acceptabilité demeurent du côté gouvernemental.

M. Patrick Chauvet . - Je souhaiterais élargir notre réflexion. D'abord, nous évoquons souvent nombre de sujets techniques sans jamais parler de l'humain, qui devrait représenter la priorité. À ce titre, j'ai apprécié que le ministre de l'agriculture aborde ce volet lors de son audition.

Par ailleurs, j'aimerais que nous considérions le problème structurel qui touche l'élevage. En effet, la décapitalisation du cheptel français est de cet ordre et ce phénomène, s'il se poursuivait, aurait de terribles conséquences sociales, humaines, économiques et environnementales. Cependant, il n'y a pas de fatalité. Un repère me paraît important en la matière : pourquoi le lait est-il moins cher en France que dans les autres pays européens ? Il ne faut pas s'étonner ensuite de la décapitalisation comme du manque d'attractivité et d'intérêt suscités par la filière, notamment auprès des jeunes qui sortent de formation.

Un véritable travail de fond et de réflexion s'impose, dont le Sénat pourrait avoir l'initiative. J'ai souvent dressé un parallèle entre ce sujet alimentaire et ce que nous vivons dans le domaine de l'énergie, où des mutations aux conséquences aussi lourdes sont à l'oeuvre et où l'on voit les problèmes arriver sans être capables de bien y répondre.

La semaine dernière encore, j'entendais des agriculteurs faire part de la pression qu'ils subissaient, notamment en matière de contrôles ; comment l'action publique s'est-elle déshumanisée à ce point ? Il nous faut tenter d'apporter des solutions.

M. Daniel Salmon . - Je voudrais revenir sur l'élevage en plein air, qui rencontre d'importantes difficultés liées à l'influenza aviaire. Alors que ces élevages connaissent une grande détresse, nous adoptons la stratégie de la fuite en avant, sans nous poser les vraies questions. En effet, nous parlons vaccination, mais il faudrait mener des études sur les causes de ces épidémies de plus en plus importantes et fréquentes.

En outre, le mot étant à la mode, il faudrait nous interroger et nous mettre d'accord sur ce que nous entendons par « souveraineté alimentaire ». À ma question, le ministre a répondu à côté.

Enfin, j'en viens à l'ONF, qui fait face aujourd'hui à des défis colossaux. Le ministre s'est engagé à ce que ses effectifs ne baissent pas en 2023, mais le contrat État-ONF pour 2021-2025 n'est pas rassurant. Le temps des positions défensives est révolu et il s'agit de passer à l'offensive, pour reconquérir les effectifs perdus, sans doute par centaines.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci pour vos interventions, qui ne semblent pas nécessiter de réponses de la part des rapporteurs, dont vous avez tous salué le travail.

En vous écoutant, une idée émerge qui me pousse à dire, comme Patrick Chauvet, que la situation de l'agriculture ressemble effectivement à celle du secteur énergétique. En effet, les réformes à mener sont structurellement lourdes et probablement de rupture, y compris en ce qui concerne des institutions comme l'ONF.

S'il faut questionner les moyens accordés, il s'agit aussi de s'interroger quant à la façon de faire. Cette réflexion de fond doit être menée, et il me semble que nous le faisons déjà au Sénat, à travers nos rapports, à travers les travaux des groupes d'études « Forêt et filière bois », « Élevage » et « Agriculture et alimentation ». Il s'agirait peut-être de revoir la structure générale afin de rattacher entre elles les questions abordées. Toutefois, ce que je souhaiterais, c'est que le travail de fond que nous produisons soit entendu, à la fois par le Gouvernement, mais aussi par les médias et la société française.

M. Serge Mérillou . - La souveraineté alimentaire se mesure à l'aune des importations, qui sont aujourd'hui massives. Ainsi, la France n'est plus à l'équilibre et la tendance demeure à la baisse, notamment en raison de la décapitalisation du cheptel, qui s'élevait à 1 % par an et atteint désormais 1,5 %. Cela peut paraître peu, mais c'est une augmentation de 50 %. Il sera difficile d'inverser la tendance et, sur le terrain, on observe une terrible morosité ambiante chez les agriculteurs.

Enfin, je m'inquiète quant à la transmission des exploitations. Aujourd'hui, l'agriculture n'est pas attractive et il est difficile de renouveler les chefs d'exploitation, notamment dans le domaine de l'élevage laitier où le coût de la main-d'oeuvre, souvent familiale, est faible. Près de 60 % des exploitations ne trouvent pas de repreneurs. Cette tendance lourde de l'agriculture en régression engendre de l'inquiétude. Nous semblons être entrés dans un cycle long et nous aurons beaucoup de mal à remonter la pente, comme c'est le cas dans le domaine de l'énergie.

Mme Sophie Primas , présidente . - Vous décrivez ici les conclusions du rapport que vous avez présenté, Serge Mérillou, avec Pierre Louault et Laurent Duplomb, sur la compétitivité de la ferme France. En effet, nous devons nous montrer très attentifs à ce qui se passe et aux possibles conséquences en matière de souveraineté pour le pays agricole que nous sommes. Je vous conseille la lecture d'un article de la journaliste Emmanuelle Ducros, dans l'Opinion , ce matin, sur la précarité alimentaire et les conséquences sociales de la situation agricole dans laquelle nous sommes.

Nous en venons à l'examen des amendements.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement II-367 vise à revaloriser les montants dédiés au réseau des chambres d'agriculture. En effet, le réseau n'a pu compenser l'impact de la hausse du point d'indice de la fonction publique par une hausse de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, ni par une hausse de la subvention pour charges de service public. Si l'on souhaite apporter une assistance importante à l'agriculture pour lui permettre de franchir les différents caps que nous avons décrits aujourd'hui, il faut s'en donner les moyens. Cet amendement prévoit donc de majorer de 11 millions d'euros les crédits de l'action n° 27 du programme 149.

L'amendement II-367 est adopté.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement II-369 vise à mettre en adéquation les différents logiciels et systèmes informatiques dédiés à l'enregistrement des animaux et de leurs mouvements. En effet, si la France est championne en termes de traçabilité des animaux, depuis la naissance jusqu'à l'abattage, il nous faut moderniser ce système et il manque pour ce faire 6 millions d'euros, que cet amendement vise à allouer.

J'en profite pour dire un mot du Casdar, plafonné à 126 millions d'euros. Le ministre ayant annoncé qu'au moins 17 millions d'euros d'excédents de collecte pourraient être reversés dans le circuit, le Casdar pourrait s'élever à 143 millions d'euros, voire plus. Si c'était plus, on pourrait trouver facilement ces 6 millions d'euros, qui doivent servir à accompagner un système qui fonctionne et permet notamment de gérer les épidémies quand elles se déclarent.

M. Daniel Gremillet . - Ce sujet est d'une grande importance. J'en ai fait l'expérience en tant que responsable agricole pendant la crise de la vache folle. La France a été pionnière en matière d'identification pérenne généralisée (IPG) et de traçabilité, qui ont été mises en oeuvre grâce à des financements des éleveurs et des pouvoirs publics. Cette question est stratégique et on ne peut imaginer que les éleveurs soient abandonnés. Il s'agit d'un investissement sociétal, qui ne concerne pas seulement les agriculteurs, mais permet aussi au consommateur, où qu'il soit, d'avoir accès à une traçabilité complète. La France a été exemplaire en la matière et doit le rester.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - Encore un mot sur le Casdar : il s'agit d'un compte abondé seulement par les agriculteurs, dont le reste à utiliser ne doit pas être versé au budget général, mais réaffecté à des fins de recherche et d'innovation.

L'amendement II-369 est adopté.

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis . - L'amendement II-368 vise à augmenter de 9 millions d'euros les crédits alloués à la recherche sur la vaccination, de manière à anticiper les crises sanitaires. Ces crédits s'élèveraient ainsi à 10 millions d'euros. Je rappelle qu'1 milliard d'euros ont été dépensés en indemnisations depuis l'an dernier.

L'amendement II-368 est adopté.

M. Jean-Claude Tissot , rapporteur pour avis . - L'amendement II-370 vise à aider le Gouvernement à assumer ses propositions en finançant 20 ETP pour l'ONF pour un coût de 1,1 million d'euros.

L'amendement II-371 vise quant à lui à augmenter de 1,3 million d'euros les crédits alloués au CNPF, afin de couvrir la création de 20 ETP
- les 20 emplois coûtant donc moins cher à l'ONF qu'au CNPF.

Les amendements II-370 et II-371 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Je suis très heureux de constater que les amendements ont été votés à l'unanimité, si l'on excepte les abstentions. En effet, malgré le rejet des crédits de la mission, ils permettent de montrer que nous cherchons à apporter des améliorations.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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