I. AMÉLIORER LE REMBOURSEMENT DES SOMMES INDÛMENT PRÉLEVÉES : UNE MESURE DE BON SENS POUR LE POUVOIR D'ACHAT, MAIS À MIEUX CALIBRER (ARTICLE 9 BIS)

1. L'obligation incombant aux prestataires de services de paiement de rembourser rapidement les sommes indûment prélevées sur les comptes de leurs clients n'est pas toujours respectée
a) Un remboursement censé être rapide

Le régime de la contestation des opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées a été modifié par une ordonnance du 15 juillet 2009. Son article 1 er , codifié à l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, prévoyait qu' en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement (PSP) du payeur remboursait immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablissait le compte débité dans l'état où il se serait trouvé en l'absence d'une telle opération.

Une ordonnance du 9 août 2017 , transposant la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, est venue préciser ces dispositions. Il est désormais prévu que le remboursement intervient aussitôt après que le PSP a pris connaissance ou a été informé de l'opération et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la banque de France. Ces dispositions sont également valables lorsque l'opération de paiement non autorisée est initiée par l'intermédiaire d'un PSP fournissant un service d'initiation de paiement, auquel cas la date de valeur à laquelle le compte de paiement du payeur est crédité n'est pas postérieure à la date à laquelle il avait été débité.

S'agissant des modalités pratiques dans lesquelles s'effectue ce remboursement, l'article L. 133-23 précise que lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son PSP de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre . Cet article prend le soin de souligner que l'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le PSP ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le PSP fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l'utilisateur de services de paiement. L'article L. 133-23-1 du code monétaire et financier applique des dispositions comparables lorsque l'ordre de paiement est initié par l'intermédiaire d'un PSP fournissant un service d'initiation de paiement à la demande du payeur.

b) Des pratiques bancaires parfois contestables voire illégales

Certains PSP paraissent parfois méconnaître les dispositions légales en la matière.

Ainsi, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui a analysé près de 4 300 signalements pour refus de remboursement de fraude de la part des banques estime que « tous posent problème ». Elle a en conséquence déposé une plainte, le 28 juin dernier, contre 12 d'entre elles pour pratiques commerciales trompeuses.

Il peut en effet arriver que certains PSP fassent tout d'abord preuve de bonne volonté et respectent la loi en cas, par exemple, de faille informatique, mais qu'ils se ravisent ensuite devant l'ampleur des sommes à rembourser. Des clients peuvent dès lors se trouver indûment débités de sommes atteignant parfois des dizaines de milliers d'euros sans être remboursés par leur banque.

Selon UFC-Que choisir, le motif invoqué le plus souvent est la négligence ou le manque de prudence du client - qui ne semble que très rarement prouvé alors même que, selon l'article L. 133-23 du code monétaire et financier, la charge de la preuve incombe au PSP. Certains PSP refusent également systématiquement de rembourser en cas d'authentification renforcée, ce qui est également contraire aux dispositions de l'article L. 133-23 76 ( * ) .

L'ACPR et la Banque de France avaient pourtant dès avril 2021 alerté sur le fait que les modalités de traitement des demandes de remboursement des opérations non autorisées par carte bancaire devaient être améliorées. Elles rappelaient à cette occasion que la charge de la preuve de la négligence grave ou de la fraude du client repose uniquement sur le PSP 77 ( * ) .

Selon Le Canard enchaîné , qui s'est récemment fait l'écho de ces pratiques chez LCL et la BNP et qui relaye les propos de M. Michel Guillaud, président de l'association France Conso Banque 78 ( * ) , les remboursements interviendraient souvent jusqu'à ce que les plafonds de l'assurance souscrite par la banque soient atteints. Par ailleurs, les procédures engagées contre les banques sont très fréquemment perdues par ces dernières, ce qui semble indiquer que celles des banques qui mettent en oeuvre ces pratiques douteuses comptent sur l'inaction de leurs clients. Ces deux éléments laissent à penser que les banques auraient plus à perdre en se conformant à leurs obligations de remboursement immédiat des sommes indûment prélevées sur les comptes bancaires de leurs clients qu'en ne respectant pas la loi.

2. Un dispositif de bon sens qui vise à pénaliser financièrement les prestataires de services ne se conformant pas à leurs obligations mais qui gagnerait à être amélioré
a) Un dispositif introduit au cours des débats à l'Assemblée nationale

Introduit par trois amendements identiques respectivement présentés en commission des affaires économiques par M. Sébastien Jumel, Mme Soumya Bourouaha et M. Jiovanny William (Gauche démocrate et républicaine - Nupes), par Mme Julie Laernoes et les membres du groupe Écologiste-Nupes et par M. Nicolas Meizonnet et les membres du groupe Rassemblement national, et adopté en commission des affaires économiques avec avis de sagesse de la rapporteure, Mme Sandra Marsaud, l'article 9 bis prévoit qu'en cas de non-remboursement d'une opération de paiement non autorisée ou, le cas échéant, de non-rétablissement du compte bancaire objet de ce prélèvement indu dans les délais prévus par la loi, un utilisateur de service de prestation de paiement peut prétendre obtenir le paiement d'intérêts légaux majorés.

La rapporteure de la commission des affaires économiques, estimant qu'il subsistait une incertitude sur les conditions dans lesquelles les PSP et établissements gestionnaires devaient se conformer à leurs obligations, en a proposé une nouvelle rédaction, adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale, et qui reprend les niveaux de pénalité prévus par l'amendement.

L'article 9 bis complète ainsi l'article L. 133-18 et précise qu'en cas de méconnaissance, par le PSP, des obligations de remboursement prévues par ce même article, les pénalités suivantes s'appliquent : les sommes dues portent intérêt au taux légal majoré de dix points ; au-delà de trente jours, ces pénalités sont majorées de 20 % par mois de retard 79 ( * ) .

Le taux légal étant actuellement de 3,15 %, la somme à rembourser porterait d'abord intérêt au taux de 13,15 %, puis de 15,78 % lors du deuxième mois, puis le 18,94 % lors du troisième mois, etc.

b) Un dispositif intéressant qu'il convient de simplifier et de proportionner

Si le rapporteur pour avis partage l'objectif affiché de cet article, qui vise à rendre le non-remboursement des sommes indûment prélevées plus coûteux pour la banque qu'un versement direct et conforme à la loi aux utilisateurs lésés, il s'interroge sur sa rédaction et sur la proportionnalité de la pénalité.

D'une part, la succession d'un vocabulaire en termes de « points » puis de « pourcentage » peut induire l'administré en erreur. Le calcul de la pénalité à partir du deuxième mois, s'il est faisable, induit une forme de complexité.

D'autre part, le rapporteur pour avis note une absence de progressivité dans la pénalité. On peut estimer que certains PSP, de bonne foi, ne remboursent pas les sommes assez rapidement puisqu'ils estiment qu'une négligence, dont il leur reste à apporter la preuve, a été commise par le client. En revanche, la pénalité doit probablement augmenter davantage que prévu à partir de trente jours, sans qu'une nouvelle augmentation - dérisoire - de la pénalité s'applique à chaque mois de retard. L'objectif est en effet plus d'aboutir au remboursement des sommes indûment prélevées que de pénaliser sur le long terme et de façon récurrente le PSP.

La commission des finances propose donc d'assurer une meilleure proportionnalité de la pénalité pour favoriser le remboursement rapide des sommes indûment prélevées et de simplifier le dispositif pour le rendre lisible pour les utilisateurs de services de paiement sans lui faire perdre de sa portée (amendement COM-312).

1. EXAMEN EN COMMISSION


* 76 Pour rappel, il dispose que « l'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le PSP ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. »

* 77 « Remboursement des opérations par carte bancaire contestées par les clients : les prestataires de services de paiement doivent améliorer leurs pratiques » , communiqué de presse de l'ACPR et de la Banque de France, 26 avril 2021.

* 78 « Face aux fraudes, LCL manque de crédit », Le Canard enchaîné, mercredi 13 juillet 2022, Fanny Ruz-Guindos.

* 79 Si l'on nomme S la somme à rembourser et T le taux légal (où un taux de 3 % représente 0,03), en cas de méconnaissance par le PSP de ses obligations, il devra (1,1+T)S au client. Au-delà de trente jours, la pénalité étant majoré de 20 % par mois de retard, le PSP devra au client (1+1,2(0,1+T))S, puis le troisième mois (1+1,2 2 (0,1+T))S, et ainsi de suite.

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