III. LA MUSIQUE : UN SECTEUR PLUS QUE JAMAIS DIVISÉ

A. UN MARCHÉ DE LA MUSIQUE ENREGISTRÉE QUI A RÉSISTÉ EN 2020 À DÉFAUT DE PROSPÉRER

Les deux grandes familles de la musique ont été frappées de manière très inégale par la crise pandémique. Alors que le spectacle 4 ( * ) voyait son chiffre d'affaire s'effondrer de 80 % en, 2020, la musique enregistrée a connu une stabilisation à 781 millions d'euros .

Frappé par une crise qui a mis en jeu son existence, avec une diminution de 60 % de sa valeur ajoutée entre 2002 et 2015, le secteur de la musique enregistrée connait depuis cette date une progression de près de 4 % par an , loin cependant d'effacer les pertes du début du millénaire. Dans ce secteur, les grandes tendances observée ces dernières années ont été confirmées, avec une montée en puissance du numérique, en particulier du streaming, et la baisse accélérée des ventes physiques.

chiffre d'affaires en 2021

Les revenus tirés du streaming devraient progresser dans les années à venir par la combinaison de deux facteurs :

Ø d'une part, un développement du marché qui dispose encore de marges de progression : 12 % de la population française profite d'un abonnement, contre 20 % aux États-Unis ;

Ø d'autre part, la transposition en droit français de la directive sur les droits d'auteur devrait permettre de mieux associer aux revenus le streaming vidéo , en particulier YouTube. Cette plateforme totalise en effet près de la moitié des écoutes en streaming, mais contribue pour 10 % seulement aux revenus.

B. QUEL FUTUR POUR LE CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE ?

À la fin de l'année 2021, le Centre a prévu d'engager 195,5 millions d'euros , répartis en plusieurs fonds à destination du monde du spectacle, dont :

ü le fonds de sauvegarde du spectacle vivant (51 millions d'euros) ;

ü le fonds la compensation des billetteries (30 millions d'euros) ;

ü le fonds de soutien aux festivals (26 millions d'euros) ;

ü le fonds de sécurisation des revenus des auteurs et compositeurs (20 millions d'euros).

Projection budgétaire initiale vs crédits réellement disponibles

Alors que sa montée en puissance devait être progressive sur plusieurs années, le Centre national de la musique (CNM), alors encore en cours de structuration, a été propulsé en 2020 comme le principal levier de l'État pour secourir un secteur de la musique sur scène à l'arrêt. En conséquence, le volume de crédits qu'il est appelé à gérer a dépassé très largement les prévisions budgétaires initiales.

Le rapport pour avis de l'année dernière avait décrit les différents dispositifs d'aide et leurs mécanismes de répartition. Il importe maintenant que les crédits promis au Centre lui soient réellement versés, en particulier le solde du fonds de compensation des billetteries 2020 qui, faute d'ouverture, n'a été consommé que très partiellement mais qui pourrait s'avérer décisif tant le spectacle peine à s'extraire de la crise .

L'action du Centre durant la période a été unanimement saluée par la profession. On ne peut que s'associer à ce satisfecit et relever que le CNM a su bâtir en deux ans une très forte légitimité qui ne sera plus remise en cause.

Cet accueil très positif repose cependant en partie sur une forme de malentendu . Initialement conçu comme un outil au service de la profession destiné à créer une « maison commune » des différentes expressions musicales, le Centre s'est transformé durant la crise en financeur. Or cette mission est appelée à terme à s'interrompre, même si l'année 2022 sera encore largement consacrée au soutien et à la relance d'un secteur du spectacle sinistré et qui mettra du temps à retrouver ses niveaux d'avant crise.

La question qui se pose d'ores et déjà est donc celle du format d'un Centre doté d'un budget ramené à l'horizon 2023 à une soixantaine de millions d'euros, si la taxe sur les spectacles retrouve un rendement « normal » et si une solution est trouvée aux conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de septembre 2020 sur les « irrépartissables », qui a asséché les moyens des organismes de gestion collective (OGC).

L'idée d'une taxation dédiée mériterait d'être rapidement étudiée, avec à ce stade deux options possibles :

Ø comme le rapporteur pour avis l'avait proposé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, une taxe sur le matériel audio ;

Ø ou bien une taxe sur le streaming , solution qui aurait le mérite de faire contribuer au financement du Centre le secteur de la musique enregistrée, mais est combattue pour des raisons évidentes par les principaux intéressés.

Quelle que soit la solution finalement retenue, le rapporteur estime qu'elle doit être examinée rapidement, afin de donner au Centre des perspectives durables pour assurer
ses missions telles que définies par la loi.


* 4 Ce sujet est traité dans le rapport de Sonia de La Provôté et Sylvie Robert rendu public le 3 novembre 2021 : http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-126-notice.html

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