II. L'ÉTERNELLE QUESTION DE LA DIFFUSION DANS UN MARCHÉ EN BAISSE STRUCTURELLE

A. DE PRESSTALIS À FRANCE MESSAGERIE

Pendant des années, le rapport pour avis de la commission a décrit la chute de la société Presstalis, victime tout à la fois d'un marché structurellement baissier, des incohérences de son actionnariat et d'une productivité très inférieure aux normes du secteur. Le soutien public, sous forme de subventions et de prêts garantis, n'a finalement servi qu'à maintenir à flot un opérateur profondément déficient, et à retarder un drame social.

La coopérative des quotidiens (CDQ) a été la seule à déposer une offre de reprise des actifs du niveau 1 de Presstalis (siège, activité de messagerie) ainsi que du niveau 2 pour Paris (site de Bobigny, dépositaire) le 12 mai 2020. La liquidation des activités en province a entraîné le licenciement de 512 salariés, à ajouter aux 133 salariés licenciés au niveau 1.

Le plan présenté par la CDQ représente un coût total évalué de 127 M€ . L'État s'est engagé le 26 mai 2020 dans le financement à hauteur de 80 M€ , composé d'un prêt de 12 M€ directement accordé à la CDQ et d'une subvention de 68 M€.

Le plan présenté par la CDQ représente un coût total évalué de 127 M€. L'État s'est engagé le 26 mai 2020 dans le financement à hauteur de 80 M€, composé d'un prêt de 12 M€ directement accordé à la CDQ et d'une subvention de 68 M€.

France Messagerie est donc dorénavant une société d'une taille nettement plus réduite, ses effectifs étant passée de 1090 au moment de la faillite à 269 aujourd'hui, d'autres départs étant d'ores et déjà envisagés. Elle bénéficie de plus de la subvention prévue pour assurer la distribution des quotidiens (27 millions d'euros en 2022) et d'un mécanisme de péréquation en provenance des Messageries lyonnaises de presse (MLP).

B. QUEL FUTUR POUR LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE ?

La faillite de Presstalis a permis, au prix de pertes nettes pour l'État et les éditeurs, d'apurer les comptes de la société de messagerie, désormais d'une taille plus conforme à ses missions. Les dépositaires centraux (le « niveau 2 ») sont apparus durant la crise comme des interlocuteurs précieux pour les diffuseurs, et constituent aujourd'hui un échelon efficace dans la distribution.

Deux problématiques apparaissent aujourd'hui centrales.

a) Quel délai pour les assortiments ?

L'article 5 de la loi « Bichet » du 2 avril 1947 a été profondément modifié lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de modernisation de la distribution de la presse du 18 octobre 2019, dont le rapporteur pour avis était également rapporteur.

Il avait pour objet de mettre un terme à « l'écrasement » des diffuseurs sous le volume des titres livrés par les deux messageries, sans réelle considération pour les caractéristiques du lieu de vente et la volonté du vendeur. Le dispositif prévoit dorénavant, pour les titres autres que d'information politique et générale (IPG), la capacité de constituer un assortiment selon des règles fixées par un accord interprofessionnel . L'article avait été enrichi lors de son examen au Sénat par un amendement de Jean-Pierre Leleux prévoyant un droit de « première présentation » pour les nouveaux titres, avec la faculté pour le vendeur de les refuser.

Plus de deux ans après la promulgation de la loi de modernisation, cet assortiment n'a toujours pas vu le jour .

Les difficultés invoquées sont nombreuses, et ne peuvent être sous-estimées. La faillite du principal opérateur ainsi que la pandémie ont inévitablement pesé sur les délais.

Pour autant, et alors que les principaux acteurs semblent s'accorder sur mi-2022 pour l'entrée en vigueur de l'assortiment (soit plus de deux ans et demi après l'adoption de la loi), il y a des raisons d'être inquiet sur ce calendrier de déploiement .

En effet, l'assortiment nécessite la mise à niveau d'un système informatique considéré comme antédiluvien il y a 10 ans et qui assure déjà imparfaitement ses fonctions. La commission, a systématiquement alerté sur ce sujet dans tous ses rapports consacrés à la distribution de la presse. Alors que l'aide de l'État à France Messagerie était conditionnée à des avancées sur ce dossier, force est de constater que le nouveau système informatique, qui nécessite à la fois des investissements très lourds, un travail en commun des messageries entre elles, avec les dépositaires et les vendeurs de presse, et l'accord de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), est toujours au stade de projet .

b) Quelle structure pour le secteur ?

Le secteur est actuellement divisé entre deux acteurs :

• la nouvelle société France Messagerie , qui assure la distribution des quotidiens nationaux et des autres publications périodiques ;

• les MLP , qui assurent la distribution de toutes les publications hors périodicité quotidienne. Elles ont doublé de taille en récupérant de nombreux titres de Presstalis qui n'ont pas souhaité poursuivre avec France Messagerie et sont désormais dominantes.

En dépit des possibilités offertes par la loi de modernisation, aucune autre entreprise n'a pour le moment manifesté son intérêt pour le secteur.

La concurrence entre ces deux acteurs s'exerce sur le seul segment des publications hors quotidiens. Historiquement, il existe une tradition d'opposition entre les deux messageries. Témoignent encore aujourd'hui de cette atmosphère dégradée les oppositions exprimées sur les barèmes, où chacun accuse l'autre de subterfuges.

Dans un marché de la distribution en décroissance constante, et sans perspective plus optimiste qu'une stabilisation à bas niveau, la question posée par le rapporteur au moment des discussions de la loi de modernisation de la distribution sur la coexistence de deux sociétés, concurrentes sur le seul segment porteur du marché, se pose donc inévitablement, afin de ne pas créer un « nouveau Presstalis » dans les années à venir.

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