C. L'AVENIR DU SERVICE PUBLIC DANS LES TERRITOIRES

1. Le service public de proximité

Les préfets de région sont invités par le Premier ministre à « réinventer » le service public de proximité 15 ( * ) . Il s'agit notamment de revoir le modèle des Maisons de services au public (MSAP), qui ne sont pas toujours connues des usagers et en conséquence parfois peu fréquentées, et de définir un mode de financement pérenne. Votre rapporteur avait regretté, dans son avis budgétaire précédent, le manque de propositions concrètes sur ce sujet, au-delà des effets d'annonce.

Après la circulaire du 1 er juillet 2019 actant la création d'un réseau « France Services » en remplacement des MSAP, censé proposer un socle commun de services homogène sur l'ensemble du territoire, c'est chose faite... sur le papier. L'innovation principale est la mise en place d'un label « France Services » décerné aux nouvelles Maisons France Services respectant certaines exigences de qualité de services, et la promesse d'un déploiement de sites supplémentaires dans les cantons ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les Maisons qui ne seraient pas homologuées au 31 décembre 2021 perdraient tout financement de l'État.

Cependant, les modalités concrètes du déploiement de ce réseau restent à définir, d'autant que la circulaire prévoit de disposer d'un réseau de 300 maisons France Services au 1 er janvier 2020 , réparties entre nouvelles implantations et labellisation de MSAP. L'objectif est de couvrir l'ensemble de cantons devenus immenses en zone rurale avant la fin de l'année 2022. Il n'existe aujourd'hui que 1 350 MSAP pour 2 054 (nouveaux) cantons, ce qui implique l'engagement de l'État à ouvrir plus de 700 Maisons France Services. Pour y parvenir, le Gouvernement compte évidemment sur un maximum de mutualisations avec les structures préexistantes (sous-préfectures, mairies, centres sociaux, locaux associatifs, etc. ). En un mot, à chacun de se débrouiller... Comme on le voit, des engagements à la hauteur des attentes locales.

2. L'ingénierie territoriale, symptôme du retrait de l'État dans les territoires
a) Une ingénierie publique toujours anémique

Rappelons que c'est le résultat d'une succession de réformes libérales qui s'étale sur plus de dix ans, sans véritable contrepartie pour les territoires :

- recentrage de la mission d'ingénierie territoriale avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2008 ;

- suppression de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) en 2014 ;

- lancement du dispositif Aider (accompagnement interministériel au développement et à l'expertise en milieu rural) en 2015 ;

- renforcement du rôle des départements par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, qui étend la possibilité de mise à disposition des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'une assistance technique aux domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat.

La traduction de cette politique, c'est la diminution continue des effectifs des directions départementales interministérielles, en particulier des DDT/M (baisse de 28,51 % des ETPT entre 2012 et 2017).

Évolution des effectifs des directions départementales interministérielles
de 2012 à 2017 (plafond d'emploi en ETPT)

2012

2017

Évolution 2012/2017

DDT/M

22 366

15 989

- 28,5 %

DDCSPP

3 494

3 349

- 4,15 %

DDCS

3 267

2 430

- 25,6 %

DDPP

3 947

3 867

- 2 %

Total

33 074

25 635

- 22,5 %

Source : bilan social des DDI établi par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF)

Votre rapporteur signalait déjà, l'année dernière, l'incohérence - à moins que ce ne soit la duplicité - de l'affichage d'une volonté de réaffirmer le rôle de l'État en matière d'ingénierie publique au service des communes assortie de la suppression des rares moyens demeurant présents sur les territoires. En l'espace de vingt ans, cette ingénierie territoriale aura été réduite à presque rien. Un retrait très préjudiciable pour les communes et les EPCI de petite taille, et ce n'est certainement pas la création de secrétariats généraux communs aux directions départementales et aux services préfectoraux qui y changera quelque chose. Au contraire, c'est plutôt le signe que l'État entend poursuivre son désengagement territorial.

Le nouveau report de la cartographie de l'offre d'ingénierie publique et privée demandée aux préfets en mars 2016 en est un autre signe. Comme l'année dernière, il a été indiqué à votre rapporteur que cette cartographie avait été réalisée dans la plupart des départements, mais qu'elle n'avait pas encore été formalisée 16 ( * ) . Motif de ce nouveau report : la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ! Voilà qui confirme la crainte que soit créée une « Agence placébo ».

b) L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

La promesse de renforcement de l'ingénierie territoriale prend donc aujourd'hui le visage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires , prévue par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019. Cet établissement public d'État sera en principe chargé d'accompagner les collectivités territoriales et leurs regroupements dans la définition de leurs projets territoriaux et de répondre à leurs besoins en ingénierie territoriale. Elle exercera, par ailleurs, l'essentiel des compétences du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), de l'Agence du numérique et de l'Établissement public de restructuration et d'aménagement des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Cependant, les modalités concrètes du déploiement de cette agence laissent penser qu'elle fera tout autre chose que de répondre au besoin urgent de soutien aux collectivités dans la réalisation concrète de leurs projets. En effet, il apparaît difficile de mesurer la plus-value réelle de cette énième agence dont les effectifs seront issus des services des préfectures déjà chargés de l'ingénierie publique et qui n'apportera aucun financement supplémentaire . L'ANCT, qui devrait voir le jour l'année prochaine, est d'ailleurs maintenant présentée comme une simple interface entre les collectivités territoriales et les organismes susceptibles de financer leurs projets. En se limitant à l'accompagnement dans le montage de dossiers, l'ANCT ne résoudra donc en rien le besoin, exprimé par les collectivités territoriales depuis de nombreuses années : renforcer l'expertise technique des services de l'État en soutien aux porteurs de projets.

c) Des collectivités territoriales qui s'organisent seules face au désengagement de l'État

Pour répondre au vide créé par ce désengagement de l'État des territoires, les intercommunalités et les départements s'organisent. Pour prendre l'exemple de la Haute-Garonne, la métropole de Toulouse a mis en place 5 pôles territoriaux, gérés par du personnel détaché par les communes membres, compétents en matière d'aménagement de voirie de premier niveau. Même si leur domaine d'action reste limité, ces pôles permettent à la métropole de garantir un certain soutien technique aux petites communes.

Par ailleurs, le département de la Haute-Garonne a mis en place des moyens d'assistance aux communes du département en matière d'ingénierie sous la forme d'une société publique locale.


* 15 Circulaire n° 6029/SG du Premier ministre, du 24 juillet 2018, relative à l'organisation territoriale des services publics.

* 16 Source : réponses au questionnaire budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2020.

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