B. LE PARC IMMOBILIER DES SERVICES PÉNITENTIAIRES D'INSERTION ET DE PROBATION : LE GRAND OUBLIÉ DU PLAN QUINQUENNAL

Alors que l'augmentation de la capacité du parc carcéral est au coeur du plan pénitentiaire présenté en conseil des ministres le 12 septembre 2018, le parc immobilier des services pénitentiaires d'insertion et de probation semble avoir été négligé.

1. Les locaux des services pénitentiaires d'insertion et de probation : une problématique particulière trop souvent négligée

L'ensemble des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) suivies en milieu ouvert sont reçues par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) dans des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), antennes déconcentrées de l'administration pénitentiaire.

Ces locaux, qui relèvent d'un immobilier dit « non spécifique », sont généralement des bureaux loués à France Domaine ou au parc privé, sans prérequis d'agencement particulier.

À l'instar des tribunaux, les SPIP ne peuvent cependant être composés simplement de bureaux : des espaces adaptés sont nécessaires pour mener les entretiens et les évaluations des PPSMJ dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges. Or les espaces adéquats pour ces entretiens font défaut dans nombre de SPIP.

Comme dans les tribunaux, aucun espace ne semble avoir été pensé pour les archives qui restent stockées dans les couloirs : ainsi, il n'est pas rare qu'au cours d'un entretien, un probationnaire puisse connaître l'identité d'autres condamnés, l'ensemble des dossiers identifiés par leur nom de famille suivis par un SPIP étant accessibles dans les lieux de passage.

De même, les conditions de sécurité de nombre de locaux semblent inadaptées à la population suivie.

Souvent précaires, les PPSMJ doivent pouvoir accéder aux SPIP par les transports en commun : or, un certain nombre d'antennes sont situées dans des zones peu desservies.

Votre rapporteur regrette que les dépenses d'investissement et de fonctionnement des SPIP ne soient pas davantage identifiées dans les documents budgétaires : si elles représentent une part infirme des dépenses immobilières de l'administration pénitentiaire, il importe néanmoins de pouvoir s'assurer de la bonne allocation des moyens.

Votre rapporteur s'interroge par exemple sur la pertinence du recours massif à la location, en particulier dans le parc privé, plutôt qu'à l'achat. En tant qu'occupant non propriétaire, l'administration pénitentiaire se rend dépendante d'opérateurs privés pour des baux d'une durée de dix ans avec une capacité limitée, et économiquement peu pertinente, de réaliser des travaux.

Le dernier service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) construit par l'administration pénitentiaire date de la mise en service en juin 2015 du SPIP de La Réunion. Sa concrétisation a nécessité 6 ans et 2 mois (la commande de l'étude préalable a été lancée en avril 2009) pour un coût de 3,9 millions d'euros.

Les dépenses engagées dans l'immobilier carcéral au cours du quinquennat ne doivent pas occulter la nécessité d'entretenir et d'adapter les locaux des SPIP alors que l'essentiel du succès de la politique pénitentiaire de la garde des sceaux repose sur l'efficacité du suivi effectué en milieu ouvert.

2. Un parc immobilier désormais géré par le secrétariat général du ministère de la justice

Depuis le 1 er janvier 2018, la maîtrise d'ouvrage des opérations d'investissement portant sur le parc immobilier non spécifique de la DAP
- c'est-à-dire les locaux accueillant les services pénitentiaires d'insertion et de probation et les directions interrégionales des services pénitentiaires - est déléguée au secrétariat général du ministère de la justice : extensions, constructions, réhabilitations et travaux d'aménagements intérieurs (à l'occasion notamment de prise à bail), dont le montant des travaux dépasse le seuil de 60 000 euros. La mission outre-mer n'est pas concernée par ces mesures.

Ces opérations sont conduites au niveau déconcentré par les départements de l'immobilier (DI) des délégations interrégionales du secrétariat général en lien avec les directions interrégionales des services pénitentiaires. Cette compétence s'ajoute à celle de la représentation de la chancellerie par les services du secrétariat général auprès de la direction immobilière de l'État et plus particulièrement au niveau interrégional, des DI auprès des diverses instances locales compétentes dans le cadre de la mission de la politique immobilière de l'État.

Cette évolution résulte de la mise en oeuvre du décret n° 2017-634 du 25 avril 2017 relatif à l'organisation du ministère de la justice .

En conséquence, pour 2019, 14 ETPT et 839 710 euros de masse salariale sont transférés du programme n° 107 « Administration pénitentiaire » au programme n° 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » pour accompagner ce transfert de compétence portant sur le parc immobilier non spécifique de la direction de l'administration pénitentiaire.

Votre rapporteur restera attentif au pilotage par le secrétariat général du ministère de la justice de ce parc immobilier.

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Votre rapporteur constate , dans ce projet de loi de finances pour 2019, la poursuite de l'effort budgétaire engagé depuis 2017 en faveur du programme « Administration pénitentiaire ».

Il souligne néanmoins l'ampleur du défi à relever par l'administration pénitentiaire. L'aggravation du malaise des surveillants, l'insuffisance des effectifs des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, l'augmentation constante du nombre de personnes placées sous main de justice et l'absence d'outils de pilotage efficients rendent difficiles la mise en oeuvre du plan pénitentiaire du 12 septembre 2018 et du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le budget pour 2019 tel que proposé par le Gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.

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