B. LA POURSUITE DE L'AUGMENTATION DES EFFECTIFS

1. Une hausse nette de 643 emplois

Le ministère de l'Intérieur avait bénéficié d'une hausse très importante de ses personnels en 2016 du fait des décisions prises par le Gouvernement pour adapter l'outil de sécurité intérieure aux événements intervenus en 2015 et 2016, au premier rang desquels les attentats terroristes et les évolutions migratoires. Cette hausse avait d'abord bénéficié à la police nationale, dont les effectifs avaient été renforcés par le plan de lutte anti-terrorisme (1 156 effectifs supplémentaires sur 2015-2017), par le plan de lutte contre l'immigration clandestine (530 effectifs supplémentaires en 2016) et par le pacte de sécurité (2 731 effectifs supplémentaires en 2016-2017).

Parallèlement, la gendarmerie nationale avait bénéficié d'un apport de 1 763 personnels dans le cadre du pacte de sécurité, 370 dans le cadre du plan de lutte contre l'immigration clandestine et le solde dans le plan de lutte anti-terroriste, soit un total de 2 317 créations nettes de postes .

Cet effort s'est poursuivi en 2017 pour la gendarmerie nationale, mais dans une moindre mesure. Ainsi, le plafond d'emplois du programme 152 a été relevé de 402 ETPT pour atteindre 100 192 ETPT en 2017, soit une création nette de 255 ETP (+200 ETP d'engagement présidentiel et 55 ETP du plan anti-terroriste).

Le président de la République ayant décidé la création de 10 000 emplois sur la période 2018-2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure , la gendarmerie nationale doit bénéficier sur cette période d'un quantum de 2 500 emplois, dont 500 au titre de 2018 et 625 au titre de 2019 .

La création de 10 000 postes sur la durée du quinquennat est un apport indéniablement positif pour des forces de sécurité soumises à rude épreuve. Toutefois, il convient de souligner que seuls 25% des nouveaux postes sont prévus pour la gendarmerie . Or les effectifs de la gendarmerie nationale se montent à 40% de l'effectif total des forces de sécurité intérieure et la croissance démographique en zones rurales et périurbaines est actuellement plus forte en France que la croissance urbaine.

Ainsi, pour 2019, les créations d'emplois à périmètre constant (schéma d'emplois 2018) s'établissent ainsi à +643 ETP, en raison des évolutions suivantes :

+625 ETP, dans le cadre du plan présidentiel de création de 2 500 emplois entre 2018 et 2022 ;

-33 ETP au titre des suppressions d'emplois en administration centrale ;

-3 ETP au titre d'une contribution pour la création de l'Agence du numérique de la Sécurité Civile ;

+54 ETP dans le cadre de la montée en puissance du renseignement territorial.

Il s'agira en 2019, d'après les informations fournies à vos rapporteurs, de la plus importante hausse d'effectifs du quinquennat.

2. Une poursuite des transformations d'emplois au profit de la fonction de soutien

Le processus de recentrage des militaires de la gendarmerie sur leur coeur de métier se traduit par la constitution progressive d'une nouvelle structuration de la fonction de soutien.

La cible prévue à l'horizon 2019 était d'environ 5 000 militaires des corps de soutien pour assurer le soutien opérationnel et de 5 000 agents civils pour assurer le soutien non-opérationnel .

Toutefois, au cours de l'année 2015, l'évolution de l'organisation territoriale de la gendarmerie a nécessité d'adapter la cible des transformations de postes, sans remettre en cause le volume de postes transformés à périmètre constant. À l'horizon 2019, environ 4 900 militaires des corps de soutien assureront le soutien opérationnel et 4 750 agents civils le soutien non-opérationnel en gendarmerie, pour le seul périmètre du programme 152 (au 31 août 2017, la gendarmerie nationale compte 4 279 postes d'agents civils). Environ 3 340 postes initialement tenus par des officiers ou sous-officiers de gendarmerie auront été transformés au profit de militaires des corps de soutien (sous-officiers du corps de soutien technique et administratif - CSTAGN, et officiers du corps technique et administratif - OCTA) ou de personnels civils.

Entre 2007 et 2017, la gendarmerie nationale a ainsi transformé 2 560 postes d'officiers et de sous-officiers en postes de militaires des corps de soutien et en postes d'agents civils.

La lettre-plafond 2018-2022 prévoit 1 500 nouvelles transformations de postes sur la durée du quinquennat selon un cadencement de 300 postes par an, à parité entre agents civils (150) et militaires des corps de soutien (150).

L'an passé, vos rapporteurs avaient souligné la nécessité de conserver un socle d'officiers et sous-officiers des corps techniques , la gestion de la crise de l'ouragan Irma ayant manifesté, en septembre 2017, l'importance de cette catégorie de personnels. En effet, les officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale (OCTAGN) et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) sont des militaires spécialistes occupant des emplois de conception, emplois techniques ou administratifs imposant des sujétions particulières (disponibilité élevée, capacité de projection, emploi dans des conditions difficiles, tant en période de crise qu'en opérations extérieures). Dans le cadre de la gestion de crise faisant suite au passage de l'ouragan IRMA, la gendarmerie avait ainsi rapidement projeté 16 OCTA et 47 CSTAGN à Saint-Martin pour renforcer les personnels sur place.

Les personnels civils, eux, occupent des emplois n'imposant pas de sujétions particulières mais requérant des compétences techniques, juridiques ou administratives spécifiques au sein de la direction générale et des états-majors de la gendarmerie.

Les principes finalement retenus pour la réalisation des substitutions devant intervenir au cours du quinquennat montrent une prise en compte de cette nécessité :

- les officiers et les sous-officiers de gendarmerie employés à des tâches administratives et techniques (affectés en administration centrale ou en état-major) seront majoritairement remplacés par des militaires des corps de soutien ou des personnels civils ;

- La répartition des postes entre les différents statuts reposera sur :

- le principe de la différenciation des emplois entre les domaines « opérationnel » et « soutien » ;

- le maintien d'un socle militaire , nécessaire au fonctionnement de l'institution.

Au 30 juin 2018, la première annuité de 300 postes à substituer est assurée à 82%. Les 18% restants correspondent à 54 postes sur lesquels l'affectation d'un personnel civil sera réalisée avant le 31 décembre 2018.

3. Des mesures catégorielles ciblées

Une enveloppe de 50,03 M€ hors CAS Pensions (contre 61 millions d'euros en 2018) est prévue en 2019 pour financer plusieurs mesures catégorielles statutaires et indemnitaires.

a) Mesures diverses

Sera ainsi revalorisée la prime d'officier de police judiciaire pour les personnels dûment habilités, visant, selon le ministère, à reconnaître l'engagement et les compétences de ces personnels qui luttent au quotidien contre la délinquance et la criminalité. Cette mesure a été mise en oeuvre en trois phases. Vos rapporteurs en soulignent l'utilité dans un contexte où les missions de police judiciaire sont de moins en moins attractives en raison notamment de la grande complexité procédurale et administrative, comme l'ont établi les travaux de la commission d'enquête du Sénat consacrée à l'état des forces de sécurité intérieure précitée. Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de la réforme pour la Justice comporte à cet égard un certain nombre de simplifications bienvenues, mais sans doute insuffisantes.

Par ailleurs, l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) sera revalorisée, comme dans la police nationale et selon le même cadencement, à raison de 0,5 point par an entre 2017 et 2020.

En outre, les primes de haute technicité (PHT) seront plus nombreuses afin de fidéliser les compétences rares (criminalistique, cybercriminalité, explosifs...) dans les corps de sous-officiers.

Enfin, est prévue pour janvier 2019 la troisième et dernière phase de la revalorisation de l'indemnité spécifique spéciale (ISS) pour les gendarmes adjoints volontaires, actuellement rémunérés en deçà du SMIC, visant à reconnaître leur engagement dans les missions opérationnelles quotidiennes aux côtés des militaires de carrière.

b) L'application du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations »

Le protocole pour la « valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale », signé le 11 avril 2016 entre le ministre de l'intérieur, le secrétaire général du conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) et le secrétaire du groupe de liaison du CFMG puis solennellement validé par le Président de la République le 12 avril 2016 à l'Élysée, était très attendu par les personnels de la gendarmerie .

Ce protocole entérine la transposition du PPCR 2 ( * ) aux personnels militaires de la gendarmerie et prévoit un ensemble de mesures catégorielles, dans le respect des grands équilibres entre les deux forces de sécurité intérieure, destinées à reconnaître le fort engagement opérationnel des militaires de la gendarmerie, à valoriser les responsabilités exercées ainsi que les efforts de formation et les qualifications détenues par les militaires.

Si l'application intégrale du protocole a pris du retard, plusieurs textes ont été adoptés au cours de l'année 2018.

Les textes d'application du protocole du 11 avril 2016
pris au cours de l'année 2018

• un décret en Conseil d'Etat, procédant à la suppression du dispositif « hors créneau » ainsi qu'à la suppression des limites maximales d'ancienneté de grade des conditions actuelles qui encadrent l'avancement aux grades de chef d'escadron, lieutenant-colonel et colonel ;

• deux arrêtés, pour fixer les taux de promotion dans les corps militaires de la gendarmerie nationale, dans un premier temps pour l'année 2018 puis, dans un deuxième temps, pour les années 2019 et 2020. Ces taux de promotion permettront d'atteindre les cibles d'effectifs fixées par le protocole et la mise en oeuvre de l'avancement semi-automatique au grade d'adjudant au profit des sous-officiers de gendarmerie dès 2019 ;

• deux arrêtés interministériels pour permettre, en matière de valorisation de l'encadrement supérieur de la gendarmerie, l'augmentation du contingent de l'échelon spécial du grade de colonel des officiers de gendarmerie et la mise en oeuvre de l'échelon spécial du grade de colonel pour les officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie nationale.

Enfin, concernant les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN), les travaux interministériels se poursuivent, dans l'esprit des préconisations du protocole. L'objectif est de prendre en 2019 les mesures permettant d'atténuer le nombre de départs anticipés et, parce que la gendarmerie est une « force de gestion de crise » (c'est l'une des justifications de son statut de force armée), de fidéliser cette ressource de qualité, qui constitue son indispensable soutien opérationnel.

Ainsi, à ce jour, l'essentiel des textes mettant en oeuvre les différentes mesures statutaires, indiciaires et indemnitaires inscrites au protocole du 11 avril 2016 ont enfin été publiés . Restent en cours de traitement, le projet de décret relatif à l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) ainsi que les textes permettant la mise en oeuvre de mesures indemnitaires et indiciaires au profit du CSTAGN.

4. Une hausse des crédits de titre II
a) Une progression du titre II...

En 2019, les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales représenteront, comme en 2018, quasiment 85% des crédits du programme. Ils se monteront en 2019 à 7 475 millions d'euros (AE=CP), soit une hausse de 169  millions d'euros environ par rapport à 2017 (+2,30%).

Les crédits des rémunérations d'activité passent quant à eux de 3 580 à 3 673 millions d'euros, soit une hausse de 93 millions d'euros (+2,6%).

b) ...et un ratio dépenses de personnels/dépenses hors titre II figé à un niveau élevé

Vos rapporteurs soulignent qu'alors que la ratio dépenses de personnel/dépenses totales du programme avait légèrement diminué en 2015 et 2016, à la suite de diverses mesures d'investissement associées au plan de lutte anti-terroriste, au pacte de sécurité et au plan de lutte contre l'immigration clandestine, le début de la nouvelle législature ne voit pas une poursuite de cet effort, de sorte que le ratio semble se figer à 85%, alors qu'il était sensiblement plus bas (moins de 80%) il y a une dizaine d'années . Or, cette montée de la part du titre II signifie en partie que les gendarmes sont moins bien équipés et que les nouveaux recrutements ne sont pas accompagnés par les achats de matériels et d'équipements nécessaires pour préserver les capacités d'intervention de la gendarmerie nationale.


* 2 Protocole « Parcours Professionnel, Carrières et Rémunérations » du 9 juillet 2015, destiné à mieux reconnaître les parcours professionnels et mieux rémunérer les agents de l'ensemble des composantes de la fonction publique.

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