INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En 2018, la gendarmerie nationale a été fortement mobilisée sur ses missions de lutte contre toutes les formes de délinquance - l'institution met en avant une baisse de 6,6% des cambriolages au niveau national au cours du premier semestre de l'année -, de lutte contre la radicalisation et le terrorisme et de maintien de l'ordre.

En particulier, la gendarmerie a su affronter des crises de grande ampleur qui, en mettant à l'épreuve son organisation ainsi que ses capacités de maintien de l'ordre, ont montré qu'elle était en mesure de s'adapter à des situations particulièrement difficiles. La gestion de la crise de l'ouragan Irma aux Antilles et l'évacuation réussie de Notre-Dame-des-landes témoignent de cette capacité à offrir au ministère de l'intérieur, en étroite coordination avec les autres forces de sécurité mais aussi avec les élus locaux, une réponse adéquate aux défis qu'elle est chargée d'affronter.

Or le travail accompli est d'autant plus remarquable que, comme l'ont montré les travaux de la Commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure 1 ( * ) , les conditions d'exercice du métier sont particulièrement difficiles du fait d'une charge missionnelle très lourde et sans cesse augmentée, d'une relation à la population souvent tendue et de moyens matériels très contraints. Ainsi, bien que la situation ne soit pas aussi préoccupante qu'au sein de la police nationale, en partie grâce à l'existence, au sein même de la gendarmerie, de mécanismes relativement efficaces d'expression et de traitement des difficultés rencontrés par les agents, il convient d'observer la plus grande vigilance sur les mesures prises pour éviter une dégradation de l'état moral des personnels .

Le présent rapport budgétaire est l'occasion d'exercer cette vigilance en ce qui concerne les moyens budgétaires qui seront mis à disposition de la gendarmerie nationale en 2019 pour accomplir l'ensemble des missions qui lui sont confiées.

À l'issue de leurs travaux, vos rapporteurs ont malheureusement constaté que « le compte n'y est pas ». Qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement courant, des véhicules ou encore des casernes, les crédits prévus ne sont pas à la hauteur des enjeux. Plus que les montants prévus, certes trop faibles, c'est la stratégie d'ensemble qui semble faire défaut. En effet, si l'on veut préserver l'ensemble des capacités opérationnelles de la gendarmerie, il s'agit aujourd'hui d'élaborer un plan global de remise à niveau, en mettant clairement en regard les missions et les moyens correspondants, sur une base pluriannuelle .

I. DES CRÉDITS EN PROGRESSION MODÉRÉE

Au sein de la mission « Sécurités », l'enveloppe des crédits consacrés à la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2019.

Hors fonds de concours et attributions de produits, les autorisations d'engagement (AE) du programme 152 (Gendarmerie nationale) passent ainsi de 8,9 Mds € en 2018 à 9,5 Mds € en 2019 (soit une hausse de +6,9%) et les crédits de paiement (CP) de 8,6 Mds € en 2018 à 8,8 Mds € en 2019 (soit une hausse de +2,1%).

A. LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS PAR RAPPORT AUX CRÉDITS VOTÉS EN 2018

Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales se montent en 2019 à 7 475 millions d'euros (AE=CP), soit une hausse assez forte de 196 millions d'euros environ par rapport à 2018 (+2,7%) . Avec cette hausse, le taux de dépenses de personnels du programme « Gendarmerie nationale » atteint 84,89%.

Les dépenses hors titre 2 (fonctionnement, investissement et intervention) s'élèveront à 1 331 millions d'euros en crédits de paiement contre 1 347 millions d'euros en 2018, soit une diminution de 16 millions d'euros ou 1,2%.

Au sein de ce « hors titre II », les crédits de fonctionnement s'élèvent pour 2019 à 1 150 millions d'euros en CP (1 845 en AE), contre 1 140 millions d'euros en 2017 (1 500 en AE), soit une augmentation de 10 M€ (+0,88%) .

Les crédits d'investissement sont en diminution en CP : 174 millions d'euros contre 201 millions d'euros en 2018 (et 170 millions d'euros en AE contre 177 millions d'euros en 2018), soit une baisse de 27 millions d'euros (-13,4%).

Comme les années précédentes, le budget de la gendarmerie est donc essentiellement un budget de personnel dont les dépenses de titre II sont dynamiques tandis que les dépenses de fonctionnement n'augmentent que très faiblement et les dépenses d'investissement régressent légèrement .

Par ailleurs, les principales caractéristiques du budget de la gendarmerie nationale sont, en 2019, les suivantes :

En ce qui concerne les crédits de titre 2 :

Hors mesures de périmètre et de transfert, le projet de loi de finances pour 2019 (PLF 2019) prévoit un schéma d'emplois positif (+643 ETP), comprenant :

+625 ETP, dans le cadre du plan présidentiel de création de 2 500 emplois entre 2018 et 2022 ;

-33 ETP au titre des suppressions d'emplois en administration centrale ;

-3 ETP au titre d'une contribution pour la création de l'Agence du numérique de la Sécurité Civile ;

+54 ETP dans le cadre de la montée en puissance du renseignement territorial.

Pour y parvenir, 12 292 personnels seront recrutés dans le cadre du P152, dont 120 officiers par recrutement externe, 4 368 sous-officiers, 7 045 volontaires et 759 civils. Outre les 643 créations nettes de postes, ces recrutements compenseront les départs du programme, estimés à 11 649 personnels.

Les principales autres enveloppes salariales sont les suivantes :

- 98,7 M€ pour la réserve opérationnelle (Garde nationale) ;

- 7 M€ pour les dépenses relatives aux opérations extérieures (OPEX) ;

- 63,45 M€ pour les indemnités journalières d'absence temporaire (IJAT), dont 0,47 M€ pour la compensation de la hausse de la CSG de 2018 (+1,7%) ;

- 15 M€ pour les primes de résultats exceptionnels, comme en 2018 ;

- un GVT indiciaire positif de +55,01 M€ (1,72 %) et un GVT négatif de -78,73 M€, soit un GVT solde de -23,71 M€ ;

- les mesures d'économie : -2,76 M€ lié à la suppression de l'indemnité exceptionnelle de compensation de la CSG et 3 M€ lié aux substitutions d'emplois de personnels militaires par des emplois de personnels civils.

En ce qui concerne le « hors titre 2 » :

Pour le projet de loi de finances pour 2019, les dotations hors-titre 2 du programme s'élèvent à 2 021 M€ AE et 1 330 M€ en CP. Selon les éléments fournis à vos rapporteurs par le ministère de l'Intérieur, ces crédits « permettront de financer la plupart des dépenses récurrentes et la poursuite du plan de réhabilitation immobilière ».

Les premières mesures d'économies initiées en 2018 (-4,8 M€ en AE et CP) se poursuivent et s'accentuent en 2019 (-14 M€ en AE et CP). Elles impactent notamment, en AE comme en CP, les dotations SIC, les loyers et les véhicules.

Parallèlement, un effort particulier est réalisé pour le financement de la réserve opérationnelle (+13,6 M€ en AE et CP) , de la gendarmerie mobile (+3 M€ en AE et CP) ainsi que celui du coût « sac à dos » des effectifs recrutés (+4,1 M€ en AE et CP) et la hausse du coût du carburant (+3 M€), celle-ci ayant suscité des inquiétudes au cours des derniers mois .

Sur le périmètre des moyens mobiles, il est prévu de commander environ 2 800 véhicules en 2019 (un minimum d'environ 4 000 véhicules étant en réalité nécessaires pour rajeunir convenablement le stock, cf. ci-dessous).

Dans le domaine des systèmes d'information et de communication, à la suite du déploiement complet de NEOGEND à l'échelle nationale en 2018 et compte tenu des contraintes budgétaires, l'effort se concentrera uniquement sur la préservation des moyens capacitaires .

En ce qui concerne l'immobilier :

- le plan de réhabilitation du parc immobilier domanial de la gendarmerie sera poursuivi, avec 90 M€ en AE pour en financer la 5 ème annuité ;

- les mesures de sécurisation de caserne sont poursuivies pour un montant de 15 M€ en AE et CP (comme en 2018).

Enfin, s'agissant des contrats pluriannuels , ils font l'objet des mesures de budgétisation suivantes :

- les baux locatifs : la dotation en AE sur les loyers intègre 671 M€ d'AE visant à couvrir les nouveaux baux contractés en 2019 ainsi que ceux renouvelés cette même année. Cela représente une augmentation du besoin d'AE de 539 M€ entre 2018 et 2019. Cette augmentation s'explique en réalité par une évolution des règles de comptabilisation des engagements pluriannuels ;

- le marché « énergie » : la dotation en AE intègre 204 M€ visant à couvrir les engagements pluriannuels des nouveaux marchés contractés en 2019. Ceci représente une augmentation du besoin d'AE de 178 M€ entre 2018 et 2019.

- le nettoyage, l'entretien ménager et l'entretien du casernement : la dotation en AE intègre 24 M€ visant à couvrir les engagements pluriannuels des nouveaux marchés contractés en 2019. Cela représente une baisse du besoin d'AE de 5 M€ entre 2018 et 2019.

LE PROJET NEOGEND

Ce programme vise à doter chaque gendarme sur le terrain d'un équipement numérique, de type tablette ou smartphone, afin de mieux répondre aux sollicitations du public en tous points du territoire. Lancé en septembre 2014, il a d'abord été testé dans le département du Nord. Cette expérimentation a ensuite été étendue à la région Bourgogne.

Le déploiement national des équipements à usage collectif est achevé et celui des tablettes et des smartphones à usage individuel a commencé en 2017.

Le coût de ce projet est évalué à 75,7 millions d'euros sur la période 2015-2019. Ces crédits permettront la location des matériels (le choix de la location permet de lisser la dépense sur la durée du marché et de revaloriser le stock des matériels en fin d'exercice).

Il s'agit d'une réussite importante de la gendarmerie nationale , les personnels manifestant une vive satisfaction à l'égard de cet outil élaboré en grande partie en interne au sein de la gendarmerie.

Une remontée en puissance bienvenue de la réserve opérationnelle

Concernant la réserve opérationnelle, 98,7 M€ hors CAS Pensions sont prévus au total . Un montant de 36 M€ complète cette enveloppe au titre du passage au système d'information «Agora solde ». En effet, comme le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, l'a exposé lors de son audition devant la Commission, un nouvel outil informatique de gestion des soldes sera mis en place au 1 er janvier 2019 , ce qui permettra de payer plus vite les réservistes. Jusqu'à présent, ceux-ci étaient en effet payés avec deux mois de décalage. En conséquence, avec le nouvel outil, il faudra payer 14 mois en 2019, c'est pourquoi le budget prévoit 17 millions d'euros de mesures techniques pour résoudre ce problème. Il prévoit également 19 millions d'euros pour payer en 2019 les missions intervenues à partir de septembre 2018, puisqu'à partir de cette date la gendarmerie a employé le même nombre de réservistes qu'en 2017, alors que, du fait de la régulation budgétaire, il y avait 900 réservistes de moins depuis le début de l'année 2018.

Ces mesures techniques permettront ainsi d'avoir, tout au long de l'année 2019, un niveau d'emploi de la réserve identique à celui de 2017, ce dont se félicitent vos rapporteurs . En effet, la réserve joue un rôle essentiel pour assurer la continuité opérationnelle, notamment lors de certains événements festifs organisés par les collectivités territoriales.

Rappelons que l'année 2018 a mal commencé, avec une régulation budgétaire obligeant à réduire de 900 hommes le volume de la réserve opérationnelle. En effet, à la suite de l'attentat de Nice, les crédits de masse salariale de la réserve opérationnelle (RO) avaient été abondés afin de tendre vers un emploi journalier de 3 000 réservistes dès 2017 (ce qui supposait de maintenir à 30 000 l'effectif de réservistes opérationnels afin de consolider leur emploi et qualité). En 2018, les dotations de T2 (hors CAS Pensions) prévues pour la réserve opérationnelle s'établissaient à 98,7 M€.

Toutefois, en accompagnement de la décision de décalage des entrés en école, une mesure de régulation des dotations de la réserve (-28 M€) a été prise dès le début de l'année 2018 pour garantir le respect des plafonds de masse salariale . Le budget T2 alloué à la réserve opérationnelle a ainsi été réduit à 70,7 M€. Dès lors, l'emploi des réservistes a été privilégié pendant les temps de forte activité (période estivale, fêtes de fin d'année).

Réserve opérationnelle et réserve citoyenne

Les réservistes de la gendarmerie sont employés pour assurer un large éventail de missions :

- le renfort des unités territoriales, avec notamment l'engagement durant la période estivale pour la sécurité publique dans les zones d'affluence saisonnière ;

- la sécurisation lors de grands événements nationaux et le renforcement de la protection des personnes lors d'événements de grande ampleur (Tour de France cycliste, 24 heures du Mans, Euro 2016, etc.) ;

- le renforcement des capacités de renseignement, notamment dans le domaine de l'intelligence économique territoriale ;

- le renfort lors de catastrophes naturelles (comme l'ouragan Irma) par le déploiement de compagnies de réserves territoriales.

Depuis 2017, les réservistes sont totalement intégrés dans le dispositif opérationnel de lutte anti-terroriste mis en place par la gendarmerie . Ils renforcent les unités territoriales sous forme de détachements autonomes (détachements de surveillance et d'intervention). Ils rehaussent le niveau de sécurité et de surveillance des sites sensibles par une action visible et dynamique sur le terrain. En outre, ils apportent de manière permanente une plus-value certaine au dispositif de renseignement et d'information de la gendarmerie et sont autant de capteurs actifs, par la diversité de leur recrutement, de leurs lieux de résidence et de leurs milieux socio-professionnels.

Si la gendarmerie a employé ses réservistes en 2017 pour plus de 78% à des missions opérationnelles, elle a consenti également des efforts importants et croissants dans le domaine de la formation (13%). Cet investissement important est destiné à développer les aptitudes professionnelles des réservistes.

La réserve citoyenne, deuxième composante de la réserve militaire, constitue une autre voie de développement du lien armées-nation . Complémentaire de la RO, elle s'en distingue par son caractère bénévole. Constituée de volontaires agréés par l'autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions de défense et de sécurité nationale, la réserve citoyenne de la gendarmerie s'est fortement développée depuis 2008. Au 30 juin 2018, elle compte 1 345 membres apportant un concours précieux dans des domaines aussi divers que l'intelligence économique, la cybercriminalité ou l'expertise juridique.


* 1 Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine, rapport de M. François GROSDIDIER, fait au nom de la commission d'enquête, n° 612 tome I (2017-2018) - 27 juin 2018.

http://www.senat.fr/rap/r17-612-1/r17-612-1_mono.html

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