EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 8 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits des programmes 110 - Aide économique et financière au développement - et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2018.

Après l'exposé des rapporteurs pour avis, un débat s'est engagé.

M. Christian Cambon, président. - En tant qu'ancien rapporteur de l'APD, je reste convaincu de la nécessité d'évaluer ces politiques de développement. Il faut s'assurer que l'argent que nous dépensons est bien utilisé. Il y a aussi la question de la lourdeur de certains processus, par exemple au niveau du Fonds européen de développement (FED), dont les délais de décaissement sont parfois trop longs. Or il est essentiel d'investir en Afrique car seul un tel investissement nous permettra de soulager à long terme nos forces armées dans cette région.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage le constat des rapporteurs sur le fait qu'il n'y a plus aujourd'hui de pilote dans l'avion : le développement mérite une impulsion politique. Nous avons plaidé avec notre ancien collègue Henri de Raincourt pour un ministère de plein exercice, et aujourd'hui il n'y a même plus de secrétaire d'Etat chargé de ce sujet. Dans les priorités sectorielles, il faut aussi insister sur la démographie ! Nous ne pouvons pas occulter cette question centrale, et notamment son impact sur l'éducation.

M. André Vallini. - Je regrette également qu'il n'y ait plus de secrétaire d'Etat chargé du développement. Il est vrai que le FED fonctionne lentement et pas toujours de manière satisfaisante. Nous essayons de réorienter notre politique davantage vers le bilatéral que vers le multilatéral : c'est plus rapide et plus efficace, même si le multilatéral reste important. Enfin, il y a effectivement un doute très fort sur la trajectoire vers les 0,55% annoncés par le Président de la République ; ce doute est notamment très fort chez les ONG ; celles-ci sont très déçues du contraste entre cet objectif et le budget pour 2018, qui ne permet pas d'en prendre le chemin. Je rappelle que 0,55% du RNB, ce n'est pas à la hauteur, le chiffre admis par la communauté internationale étant de 0,7%. Le Royaume-Uni a atteint cet objectif pour l'avoir inscrit dans la loi, à l'initiative des conservateurs et avec le soutien des travaillistes. La comparaison avec l'Allemagne n'est pas valable car celle-ci ne fait pas les mêmes efforts militaires que la France et le Royaume-Uni. Je partage donc la position de Marie-Françoise Pérol-Dumont qui préconise que nous nous abstenions sur ces crédits.

M. Richard Yung. - Je ne partage pas cette vision des choses. Il y a une responsabilité collective de la baisse de l'enveloppe de l'aide au développement. Mais il y a déjà eu de grands efforts à la fin du quinquennat précédent, avec notamment le renforcement des fonds propres de l'AFD ; quant aux 5,5%, ils sont bien une étape sur le chemin des 7%. Certes, nous sommes en retard par rapport aux Anglais et aux Allemands et nous devons rattraper ce retard. Concernant Proparco, elle ne s'intéresse qu'aux grands projets. En dessous de 500 millions, elle n'agit pas. Or nous avons besoin de soutien aux PME locales aussi bien que françaises.

M. Olivier Cadic. - On a souligné l'effort accompli par les Allemands et les Britanniques pour atteindre les 0,7% ; il faut rappeler qu'il y a aussi un effet en termes de commerce extérieur : j'ai ainsi pu mesurer les conséquences de l'absence de l'AFD dans les Balkans. Par ailleurs, comment peut-on encore justifier que l'AFD soutienne des projets en Chine ?

M. Robert del Picchia. - On m'a signalé que les demandes de soutien des PME françaises à Proparco étaient parfois rejetées pour ne pas laisser soupçonner du favoritisme... Concernant le FED, j'avais étudié la question et je m'étais aperçu que le contrôle de ce fonds était perfectible. Il faudrait peut-être nous pencher sur cette question.

M. Christian Cambon, président. - Les projets de développement du Royaume-Uni ne sont-ils pas parfois contrôlés par des entreprises privées ? Un tel contrôle a conduit à l'abandon de l'aide britannique à l'Inde, malgré les liens qui unissaient les deux pays.

M. Pascal Allizard. - Lors d'une audition, il nous a été signalé que le Premier ministre avait déjà envoyé des lettres de cadrage pluriannuelles aux ministères, notamment à celui des armées, dont il résulte clairement que les trajectoires annoncées ne seront pas respectées. Ne faut-il pas que ceci se traduise dans nos réflexions et dans nos votes ?

M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Tout ceci montre que nous ne pouvons pas en rester à ce rapport budgétaire. Il n'y a plus de direction politique de l'aide au développement. L'AFD fixe ses propres orientations. Par ailleurs, les petites entreprises échappent quelque peu au soutien public. D'un autre côté, nous sommes conduits à intervenir militairement dans certaines régions instables, ce qui est très coûteux. En Afrique, notre retrait en matière d'éducation est préoccupant alors que le tiers de la population mondiale sera africain dans moins d'un siècle. Il est donc indispensable que nous puissions davantage creuser ces questions.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteur. - Concernant les prêts à la Chine, il y a un intérêt en matière de développement durable, et il n'y a pas de coût pour l'Etat. Certes, 0,55% du RNB consacré à l'APD, c'est sans doute insuffisant. Mais nous partons de loin ! La question est de savoir si ces 0,55% sont tenables : le budget pour 2018 laisse planer le doute ! D'où ma proposition d'abstention. Concernant Proparco, il est vrai que les plus petites entreprises sont insuffisamment aidées, y compris les petites unités françaises. Concernant la démographie, il est exact que plus de 450 millions de jeunes arriveront sur le marché du travail dans les prochaines décennies en Afrique subsaharienne ! Concernant l'expertise, il convient sans doute de poursuivre la réforme avant, dans une phase ultérieure, de réfléchir à un rapprochement avec l'AFD. Je signale par ailleurs que celle-ci peut, depuis un an, travailler dans les Balkans, région dans laquelle elle a commencé de prospecter. Enfin, l'absence de secrétariat d'Etat est sans doute un mauvais signal : raison de plus pour manifester notre vigilance !

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que le bureau de la commission a décidé d'évaluer de manière plus approfondie la question de la poursuite de la réforme de l'expertise internationale et des relations entre l'AFD et Expertise France.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » (24 voix pour, 11 abstentions).

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