N° 109

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur de la construction connaît une crise majeure qui se répercute sur l'ensemble de notre économie. Le quotidien Les Échos, dans son édition du 21 novembre 2014, a ainsi pu titrer : « Construction de logements : un naufrage sans précédent ».

Le nombre de permis de construire a diminué de 12,6 % en 2013 pour atteindre 433 000 permis et la baisse des mises en chantier est évaluée à 4,2 %, soit seulement 332 000 logements mis en chantier.

Au premier semestre 2014, alors même que les conditions de financement sont favorables, la dégradation de la situation s'est poursuivie. Le nombre de mises en vente de logements neufs a diminué de 15,5 % et les ventes ont reculé de 2,3 %. Pour la première fois depuis 1997, le nombre de mises en chantier à la fin de l'année 2014 devrait être inférieur à 300 000.

Cette crise a également des répercussions sur l'emploi. Pour 2013, l'INSEE et la DARES estiment la diminution d'emplois salariés dans ce secteur à 25 000 et constatent la création de 6 100 nouveaux postes d'intérimaires. Toutefois, au premier trimestre 2014, 12 300 emplois intérimaires et 4 300 emplois salariés ont été perdus.

Qu'il s'agisse de l'investissement des particuliers, du nombre de construction de logements neufs, ou encore du nombre d'emplois dans le secteur de la construction, l'ensemble des indicateurs sont en berne : votre rapporteur pour avis ne peut que s'inquiéter devant les prémices d'une année 2015 qui pourrait être une « année noire » pour le secteur.

Pour faire face à cette situation et ainsi respecter l'objectif ambitieux fixé par le président de la République depuis le début du quinquennat de 500 000 logements construits par an d'ici 2017, dont 150 000 logements sociaux, objectif jamais atteint jusqu'alors, le Gouvernement a présenté deux plans de relance : le 24 juin puis le 29 août dernier.

Ces plans font suite à pas moins de trois lois pour le logement et la construction adoptées depuis un peu plus de deux ans :


• la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et du renforcement des obligations de production de logement social ;


• la loi n° 2013-569 du 1 er janvier 2013 habilitant le gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ;


• la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové dite loi ALUR.

Constatant que les résultats n'étaient toujours pas au rendez-vous malgré cet arsenal législatif, le gouvernement a commencé à « détricoter » certaines dispositions de la loi ALUR accusées de bloquer les constructions et de ralentir les transactions immobilières. Il a ainsi décidé de ne pas appliquer les dispositions relatives à l'encadrement des loyers sauf à titre expérimental à Paris et à Lille et a prévu des mesures d'assouplissement dans le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises actuellement en cours d'examen au Parlement.

Ces plans déclinent des mesures techniques, juridiques et budgétaires, selon quatre axes :

- favoriser l'accession à la propriété notamment par le renforcement du prêt à taux zéro ;

- simplifier les règles de construction et développer l'innovation, en retenant cinquante mesures de simplification permettant de diminuer les coûts de construction et de faciliter la conception des projets ;

- soutenir la construction de logement sociaux et créer une nouvelle offre de logements intermédiaires en zones très tendues, par une application renforcée des règles relatives au minimum de logements sociaux dans les communes, par une mobilisation de l'État afin d'aider les projets immobiliers retardés après les échéances municipales, par la mise en place effective d'un cadre juridique pour le logement intermédiaire, ou encore par l'amélioration du dispositif « Duflot » ;

- renforcer la mobilisation du foncier, par l'identification de cinq projets prioritaires de construction dans chaque région.

Ces plans de relance semblent annoncer un changement dans la politique du logement par rapport à celle menée depuis plus de deux ans.

La majeure partie de ces mesures trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2015. Votre rapporteur pour avis doute cependant qu'elles soient suffisantes pour redynamiser ce secteur et relancer la construction de logements. En effet, au-delà du choc d'offre proposé par le Gouvernement pour répondre à cette crise, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de mettre en place un environnement juridique et fiscal, stable et lisible, seul susceptible de redonner confiance aux investisseurs pour qui investir dans un logement représente un engagement important s'inscrivant dans la durée.

S'agissant plus spécifiquement des crédits de la mission « Égalité des territoires et Logement », votre rapporteur pour avis constate que l'augmentation de 75 % des crédits de la mission est le résultat d'une opération purement comptable : la budgétisation des aides au logement. Elle considère en outre que les crédits de deux des programmes de la mission (prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ; aide à l'accès au logement) ne sont pas sincères. Elle regrette enfin le désengagement de l'État qui diminue une nouvelle fois le montant des aides à la pierre au risque de pénaliser la construction de logements sociaux.

Enfin, votre rapporteur pour avis a souhaité faire le point sur la politique du logement au regard de l'inéluctable vieillissement de notre société.

Lors d'une réunion tenue le mardi 25 novembre 2014, la Commission des affaires économiques, sur la proposition de son rapporteur pour avis, a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2015.

Elle a également adopté, sur proposition de son rapporteur pour avis deux amendements de suppression des articles 52 et 53 rattachés à la mission et émis un avis favorable à l'adoption de l'article 54 également rattaché à la mission.

I. UN BUDGET POUR RELANCER LE LOGEMENT : AU-DELÀ DU CHOC D'OFFRE, LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN PLACE UN ENVIRONNEMENT JURIDIQUE ET FISCAL, STABLE ET LISIBLE

Le projet de loi de finances pour 2015 comprend plusieurs mesures fiscales importantes pour le secteur du logement, qui sont la traduction des plans de relance du Gouvernement.

A. LA TRADUCTION DES PLANS DE RELANCE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015

1. Des mesures de mobilisation du foncier

• Régime d'imposition des plus-values immobilières

L' article 4 du projet de loi de finances pour 2015 aligne à compter du 1 er septembre 2014 le régime de taxation des plus-values des terrains à bâtir sur le régime des immeubles bâtis.

L'article prévoit également un abattement exceptionnel de 30 % pour la détermination de l'assiette imposable des plus-values résultant de la cession des terrains à bâtir pour les promesses de vente signées entre le 1 er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. L'abattement est exclu en cas de cession du terrain à des ascendants, descendants et conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS.

Les députés ont étendu cet abattement exceptionnel aux plus-values réalisées sur des cessions de terrains situés dans des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants si le cessionnaire s'engage à démolir les constructions existantes puis à reconstruire de nouveaux logements dans les quatre ans . En cas de manquement à cet engagement, le cessionnaire encourt une amende égale à 10% du prix de cession.

L' article 6 bis du projet de loi de finances pour 2015 introduit par les députés en séance publique étend l'exonération de plus-values immobilières , actuellement accordée aux opérateurs sociaux, aux acquéreurs prenant l'engagement de construire, à proportion de la part de logements sociaux réalisés dans le programme .

• Libération du foncier par l'aménagement des droits de mutation à titre gratuit

L' article 6 du projet de loi de finances pour 2015 incite à libérer le foncier et à construire des logements par l'aménagement des droits de mutation à titre gratuit . Les contribuables seront exonérés temporairement des droits de mutation à titre gratuit en cas :

- de donation entre vifs de terrains à bâtir intervenue entre le 1 er janvier et le 31 décembre 2015, si le donataire s'engage à y construire dans les quatre ans un logement neuf ;

- de donation entre vifs d'immeubles neufs d'habitation jamais occupés, ni utilisés.

Le montant de l'abattement varie en fonction du lien de parenté. Les députés ont ajouté une pénalité complémentaire égale à 15 % de la somme exigible en cas de non-respect des conditions.

2. Des mesures pour favoriser l'amélioration de l'habitat

• Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE)

L' article 3 du projet de loi de finances pour 2015 réforme le crédit d'impôt développement durable, renommé « crédit d'impôt pour la transition énergétique » avec l'objectif d'accélérer et d'amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments.

Le taux du crédit d'impôt est porté à 30% pour toutes les dépenses éligibles réalisées par les ménages, entre le 1 er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. Jusqu'à présent, pour les contribuables dont les revenus dépassaient un certain seuil, la réduction était conditionnée à la réalisation de dépenses dans le cadre d'un « bouquet de travaux ». Cette condition est supprimée.

Par ailleurs, de nouveaux équipements seront éligibles : les compteurs individuels pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les copropriétés et les bornes de recharges des véhicules électriques. Les députés ont complété cette liste en ajoutant les équipements de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires.

• Application du taux réduit de TVA

L' article 7 du projet de loi de finances pour 2015 applique le taux réduit de 5,5 % de la TVA aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la ville et dans une bande de 300 mètres autour de ces quartiers. En séance, les députés ont étendu le dispositif aux opérations réalisées jusqu'en 2024 dans les quartiers faisant l'objet d'une convention passée avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

L' article 7 ter du projet de loi de finances pour 2015, introduit en séance publique par les députés, étend l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % prévue pour des travaux de rénovation et d'amélioration réalisés dans les logements locatifs sociaux existants, à deux hypothèses supplémentaires : l'agrandissement ou la surélévation de bâtiments abritant des logements sociaux pour en produire de nouveaux et la transformation en logements sociaux de logements rachetés par des bailleurs sociaux.

3. Des mesures pour favoriser l'accès au logement

• « Dispositif Pinel »

L' article 5 du projet de loi de finances pour 2015 assouplit le dispositif fiscal de soutien à l'investissement locatif intermédiaire dit dispositif « Duflot ».

Le dispositif « Duflot » permet aux personnes, qui construisent ou acquièrent un ou deux logements neufs ou assimilés et s'engagen t à le louer au minimum neuf ans en respectant des conditions de plafonds de loyer et de ressources du locataire, de bénéficier d'une réduction d'impôt de 18 % étalée sur neuf ans.

Dans les départements et collectivités d'outre-mer, le taux de réduction de l'impôt est fixé à 29 % et les plafonds de loyer et de ressources du locataire sont adaptés à la situation locale.

Pour être éligibles à la réduction d'impôt, les logements doivent atteindre un certain niveau de performance énergétique et doivent être situés dans des communes de zones tendues (A et B1, B2 à titre dérogatoire).

En 2013, seulement 35 000 logements ont ainsi été financés pour un coût estimé à 1 150 millions d'euros.

Pour augmenter l'attractivité du dispositif pour les investisseurs et ainsi faciliter la construction de nouveaux logements, le Gouvernement propose des aménagements. Les investisseurs pourront désormais opter pour un engagement de location d'une durée de six ans ou de neuf ans, pouvant être prolongé pour une durée comprise entre trois et six ans en fonction de la durée initiale choisie. En contrepartie, ils bénéficieront d'avantages fiscaux proportionnels : 12 % pour un engagement de six ans, 18 % pour un engagement de neuf ans . Ces nouvelles dispositions s'appliqueront rétroactivement à compter du 1 er septembre 2014.

• Renforcement du PTZ

L'article 41 rattaché à la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 prolonge le prêt à taux zéro jusqu'en 2017 et l'étend à l'achat de logements anciens à réhabiliter en commune située en zone rurale.

Actuellement, sont éligibles au PTZ :

- les opérations de construction ou d'acquisition d'un logement neuf : la construction d'une maison individuelle, avec ou sans acquisition du terrain, l'acquisition d'un logement neuf (appartement ou maison) construit ou vendu en l'état futur d'achèvement et n'ayant jamais fait l'objet d'une occupation, l'acquisition et l'aménagement à usage de logements de locaux non destinés à l'habitation ou leur transformation seule, qui sont assimilés à de la construction neuve ;

- les opérations d'acquisition d'un logement existant avec ou sans travaux. Depuis 2012, ces opérations doivent avoir lieu dans le cadre de la vente du parc social à ses occupants ;

- les acquisitions réalisées dans le cadre d'un contrat de location-accession ou du dispositif de prêt social de location accession (PSLA).

En outre, pour être éligible, les logements neufs doivent respecter une condition de performance énergétique.

Sont bénéficiaires du PTZ les personnes physiques qui n'ont pas été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux années qui précèdent l'offre et qui respectent un plafond de ressources déterminé en fonction de la composition du ménage et de la localisation du logement.

Le Gouvernement a souhaité développer le dispositif et propose :

- de prolonger le PTZ jusqu'au 31 décembre 2017 ;

- d'étendre le PTZ à l'achat de logements anciens dans les centres des bourgs ruraux, sous condition de travaux . D'après, Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, 6 000 communes seraient concernées. Lors de l'examen en séance, les députés ont précisé que le logement devrait être situé « dans les communes n'appartenant pas à une agglomération comptant au moins 10 000 habitants, connaissant un niveau de vacance du parc de logements supérieur à la moyenne nationale et comprenant un nombre minimal d'équipements recensés par l'Institut national de la statistique et des études économiques prévu dans des conditions fixées par décret » et que l'acquéreur devrait présenter lors de l'acquisition un programme de travaux d'amélioration.

Par ailleurs, la condition de performance énergétique est supprimée.

Ces dispositions viennent en complément de dispositions entrées en vigueur le 1 er octobre 2014, qui ont relevé dans les zones peu ou moyennement tendues les plafonds de ressources, les quotités de prêts et les plafonds d'opération.

Selon le ministère du logement, l'ensemble de ces nouvelles dispositions devraient augmenter le nombre de bénéficiaires du PTZ pour atteindre 80 000 ménages par an contre 44 000 aujourd'hui.

Votre rapporteur pour avis observe que cet élargissement du PTZ vise à lutter contre la désertification rurale. Il s'agit donc plus d'une politique d'aménagement des territoires que d'une politique d'accès au logement. Constatant que cette disposition n'aura pas de conséquence sur la crise du logement en zones tendues, votre rapporteur pour avis regrette que le dispositif ne soit pas concentré uniquement sur les zones tendues où les besoins en logement sont les plus criants.

• Prolongation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour la construction de logements sociaux

En séance publique, les députés ont décidé de prolonger jusqu'en 2018 l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour la construction de logements sociaux (article 42 bis ), traduisant ainsi l'un des engagements pris par l'État dans le cadre de l'Agenda HLM 2015-2018.

Ils ont également décidé de prolonger à partir de 2016 et jusqu'en 2020 l'abattement de 30 % de cette taxe pour les logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires . À titre transitoire, la nouvelle géographie prioritaire n'étant pas encore connue, les députés ont prévu que, pourront bénéficier de l'abattement en 2015 ceux qui en avaient bénéficié en 2014 (article 42 ter ).

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