II. QUEL ÉQUILIBRE ENTRE EMPRISONNEMENT FERME ET AMÉNAGEMENT DE PEINE ?

Au 1 er octobre 2011, le nombre de personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 63.602 contre 60.789 au 1 er octobre 2010, soit une augmentation de 4,6 %. Cette population se répartissait de la manière suivante :

- 16.056 prévenus (contre 15.226 au 1 er septembre 2010, soit 25,24 %) ;

- 2.476 femmes (contre 2.285 au 1 er septembre 2010), soit 3,5 % ;

- 661 mineurs (contre 706 au 1 er septembre 2010, soit 1 %).

A. 2011 : LA FIN DE LA DÉCRUE DU NOMBRE DE PERSONNES DÉTENUES ?

Sans doute manque-t-on encore de recul pour comprendre l'augmentation du nombre de personnes écrouées détenues au cours de l'année 2011. Cette évolution semble, selon les observations recueillies par votre rapporteur au cours des auditions, résulter pour partie de la volonté de porter à exécution les peines d'emprisonnement ferme.

Il convient néanmoins de lever toute ambigüité en matière d'exécution de peine : une peine aménagée est une peine exécutée . Ce rappel permet de nuancer la donnée selon laquelle, au 30 juin 2011, 85.600 peines d'emprisonnement étaient en attente d'exécution. En effet, près de 95 % d'entre elles sont constituées de peines aménageables (peines inférieures à deux ans ou à un an en cas de récidive). Ainsi, une partie du stock de peines d'emprisonnement est en réalité en cours d'exécution dans la mesure où les peines ont été transmises aux services de l'application des peines et aux services pénitentiaires d'insertion et de probation en vue de leur aménagement. Le juge de l'application des peines dispose d'un délai de quatre mois à compter de la transmission du dossier par le ministère public pour statuer. A défaut de décision rendue dans ce délai, la peine peut être ramenée à exécution.

L'augmentation des seuils d'aménagement de peine par la loi pénitentiaire a conduit à une saisine accrue du juge de l'application des peines et, en pratique, à un allongement des délais d'instruction des dossiers.

Au début de cette année, le garde des Sceaux a annoncé un plan national d'exécution des peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution. Les quatorze juridictions présentant le stock le plus important ont bénéficié de renforts (400 vacataires ont ainsi été déployés dans les greffes correctionnels et les services de l'exécution et de l'application des peines des juridictions).

Dans sa circulaire de politique pénale générale du 15 février 2011, le garde des Sceaux a notamment rappelé la nécessité de poursuivre les efforts pour réduire les délais d'exécution des peines d'emprisonnement ferme aménageables. Il a en outre indiqué que les peines d'emprisonnement ferme devraient être ramenées à exécution en cas d'urgence motivée par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, d'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure ou de risque de fuite avéré.

L'analyse de la composition de la population pénale appelle trois observations au regard des tendances constatées l'an passé :

- l' arrêt de la baisse continue du nombre de prévenus relevée depuis 2003. En effet, pour la première fois depuis cette date, cet effectif remonte légèrement par rapport au 1 er janvier 2010 (15.702 contre 15.395). Par ailleurs, la durée moyenne de la détention provisoire demeure élevée (3,9 mois en 2010 en retrait cependant par rapport à 2009 -4 mois). Votre rapporteur regrette de nouveau que la suspension de facto de la commission de suivi de la détention provisoire depuis la nomination, en 2008, de son président, M. Jean-Marie Delarue, comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ait privé le Parlement d'une source d'information très précieuse pour comprendre les évolutions de la détention provisoire ;

- le maintien de la forte prépondérance des courtes peines même si la durée moyenne sous écrou n'a cessé de s'allonger au cours de deux dernières décennies. Parmi les personnes condamnées incarcérées, celles condamnées à une peine de moins d'un an représentent 34,1 % de l'ensemble, 28,8 % sont condamnées à des peines comprises entre 1 et 3 ans ; 11,1 % à des peines comprises entre 3 et 5 ans et 25,8 % à des peines d'une durée égale ou supérieure à 5 ans. La durée moyenne de détention (population moyenne de détenus rapportée aux entrées de détenus sur douze mois) n'a, en revanche, pas cessé de progresser depuis 1990 (9,7 mois en 2010 contre 7 mois en 1990) ;

- les violences volontaires expliquent le quart des condamnations des personnes sous écrou. Elles l'emportent depuis 2007 sur les viols et autres agressions sexuelles (14,8 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,9), les vols qualifiés (10,7 %), les escroqueries, recels et abus de confiance (76,6 %) ; les vols simples (7,2 %), les homicides volontaires (6,6 %).

• Le taux d'occupation des établissements

Au 1er septembre 2010, les établissements pénitentiaires disposaient de 56.556 places opérationnelles . Le taux d'occupation s'élevait ainsi à 112,4 % (contre 108,3 % en septembre 2009). Parmi les établissements pénitentiaires, 5 présentaient une densité supérieure ou égale à 200 % et 29 (contre 17 en 2011) une densité supérieure ou égale à 120 % et inférieure à 200 %.

Le phénomène de surpopulation affecte surtout les maisons d'arrêt avec un taux d'occupation souvent supérieur à 130 % 8 ( * ) .

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 avait ouvert le droit pour une personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à 2 ans, d'obtenir, à sa demande, son transfert dans un établissement pour peine dans un délai de 9 mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive 9 ( * ) (article 88) -Au 1 er août 2011, 20 % des personnes condamnées écrouées en maison d'arrêt (soit 6.297) purgeaient une peine supérieure à 2 ans.

L'exercice de ce droit rencontre encore des difficultés. Si en moyenne, les délais d'attente ne dépassent pas 5 mois pour les transferts en maisons centrales, et 6,5 mois pour ceux en centres de détention, ces données recouvrent des écarts importants. Ainsi dans la direction interrégionale de Lille, certaines demandes ne sont satisfaites qu'à l'issue d'un délai de 25 mois (17 mois pour la direction interrégionale de Dijon, 12 mois pour celle de Bordeaux). Dans la direction interrégionale de Paris , le délai d'attente moyen est de 14,5 mois , bien au-delà des exigences posées par le législateur.

L'appréciation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires doit être pondérée par un deuxième élément. En effet, la capacité opérationnelle correspond au nombre de places et non à celui des cellules (par exemple, une cellule dont la surface est comprise entre 11 m 2 et 14 m 2 compte pour deux places). Le taux d'occupation tend ainsi à sous estimer le phénomène de densité carcérale.

La surpopulation reste le principal facteur de dégradation des conditions de détention. Elle limite considérablement les activités proposées aux détenus et la faculté, en particulier, d'occuper un emploi.

Elle est également facteur des violences qui sévissent trop souvent dans le milieu carcéral.

Enfin, elle pèse aussi sur les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire dont les effectifs ne s'ajustent pas à l'évolution du nombre de personnes écrouées selon un ratio prédéterminé.


* 8 Centres de détention et maisons centrales bénéficient en pratique d'un numerus clausus justifié par le fait qu'il ne serait pas admissible de maintenir des détenus pour de longues durées dans des conditions de surpopulation et de promiscuité.

* 9 Elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'un aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement.

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