B. UNE AUGMENTATION LARGEMENT DÉTERMINÉE PAR LA CRÉATION DE NOUVELLES PLACES DE DÉTENTION

Le programme « administration pénitentiaire » représente 40,8 % de la mission justice, soit, dans le projet de loi de finances initialement présenté par le Gouvernement devant le Parlement, une dotation en crédits de paiement de 3 milliards d'euros , en augmentation de 7 % par rapport à l'an passé.

Les autorisations d'engagement ( 4,7 milliards d'euros ) demandées enregistrent une forte hausse (+ 46,8 %).

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement
(en millions d'euros)

Crédits de paiement
(en million d'euros)

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Titre 2 : dépenses de personnel

1.809

1.879

1.809

1.879

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

511

524

657

714

Titre 5 : dépenses d'investissement

877

2.244

267

349

Titre 6 : dépenses d'intervention

80

78

87

86

TOTAL

3.280

4.727

2.821

3.030

Les crédits de paiement ont été réduits de 10 millions d'euros par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Cette minoration est répartie à hauteur de 9,5 millions d'euros sur les crédits d'investissements immobiliers hors partenariats public-privé (compte tenu, selon le Gouvernement, de la sous consommation constatée de ces dépenses de l'ordre de 9% au cours des dernières années) et de 0,5 million d'euros sur les subventions pour charge publique de l'école de l'administration pénitentiaire.

1. Des effectifs sous tension

Le plafond d'autorisation d'emplois au titre du projet de loi de finances pour 2012 s'élève à 35.511 ETPT (35.409 à périmètre constant) 6 ( * ) contre 35.057 en 2011, soit la création de 454 ETPT.

Ce plafond se répartit de la manière suivante :

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé
pour 2011

Demandes pour 2012

Variation 2010/2012

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

-

Personnels d'encadrement

1.392

1.391

- 1

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (catégorie B)

4.090

4.131

+ 41

Administratifs et techniques (catégorie B)

1.028

1.019

- 9

Personnels de surveillance (catégorie C)

25.525

26.033

+ 508

Personnels administratifs et techniques (catégorie C)

3.005

2.920

- 85

TOTAL

35.057

35.511

+ 454

• Les ETPT

L'augmentation du nombre d'ETPT se concentre principalement sur les personnels de surveillance. Cette orientation s'inscrira dans la durée : comme l'a indiqué M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés lors de son audition par votre commission le mercredi 2 novembre dernier, le nouveau programme immobilier impliquera la création de 3.000 postes de surveillants supplémentaires . La marge de manoeuvre pour la création d'emplois de conseillers d'insertion et de probation, pourtant nécessaires à la mise en place des aménagements de peine, sera très réduite ( voir la dernière partie du présent rapport ).

La hausse du plafond d'emploi en 2012 résulte pour l'essentiel de deux facteurs.

- La création de 145 ETPT (correspondant à 290 recrutements) justifiés par l'ouverture de la nouvelle maison centrale de Condé-sur-Sarthe, l'accroissement des capacités de la maison d'arrêt de Bonneville, l'ouverture de l'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Paris/Villejuif.

L'augmentation, significative, des emplois de surveillants n'est pourtant pas à la mesure des besoins constatés dans beaucoup d'établissements pénitentiaires. Les représentants du syndicat UFAP - UNSA ont en particulier attiré l'attention de votre rapporteur sur le recrutement insuffisant de premiers surveillants. Ces derniers sont souvent remplacés par des « faisant-fonction » qui n'ont ni la formation, ni l'expérience requises pour remplir ce rôle. La faiblesse d'encadrement intermédiaire peut être une source de désarroi au sein du corps des surveillants.

- Le transfert de 250 ETPT sur le programme « administration pénitentiaire » afin de poursuivre la mise en place des pôles régionaux d'extractions judiciaires engagée depuis 2011 dans le cadre de la reprise des missions d'extractions judiciaires auparavant assumées par les services de la police nationale et de la gendarmerie.

Ce transfert a été décidé par le Gouvernement le 30 septembre 2010. Le décret n° 2011-1045 du 2 septembre 2011 modifie le code de procédure pénale afin de conférer à l'administration pénitentiaire la responsabilité des translations et extractions requises par les autorités judiciaires 7 ( * ) . Jusqu'à présent, l'administration pénitentiaire ne prenait en charge que les transferts dont elle était à l'initiative.

Depuis le 5 septembre 2011, elle assure l'exécution des extractions, des translations et des autorisations de sortie sous escorte des personnes détenues à l'intérieur des ressorts territoriaux des cours d'appel de Metz, Nancy et Riom -compétence élargie au ressort territorial de la cour d'appel de Caen à compter du 5 décembre 2011.

Le transfert de charge devrait s'échelonner sur trois années (2011-2013) en contrepartie d'un transfert d'emplois et de crédits du ministère de l'intérieur. L'arbitrage n'a toutefois pas été favorable au ministère de la justice. Bien que, selon le ministère de l'intérieur, 1.200 ETP aient été affectés à cette mission, 800 ETP seulement ont été accordés au ministère de la justice pour exercer cette mission (200 emplois en 2011, 250 en 2012, 350 en 2013). Cette contraction se justifierait selon le ministère de la justice par un « gain de productivité » d'un tiers en raison d'une part de « l'intégration au sein du même ministère du prescripteur des opérations -les services judiciaires- et de l'opérateur -l'administration pénitentiaire » ; d'autre part, du recours à la visioconférence.

L'évaluation des effectifs, faite au prorata des extractions judiciaires accomplies dans les trois premières régions de l'expérimentation (Lorraine, Auvergne et Basse-Normandie) et des ressources accordées, a d'abord conduit à y affecter cinquante emplois de surveillants . Néanmoins, le ministère de la justice et des libertés a fait le constat, sur la base de différentes études menées par les services de l'administration pénitentiaire et des services judiciaires de l'insuffisance des effectifs alloués pour la reprise de ces missions. Aussi, comme l'a déclaré le ministre de la justice et des libertés à votre commission, les chefs de cour et de tribunaux pourront-ils utiliser les dispositions du code de procédure pénale permettant de recourir aux forces de police et de gendarmerie lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens pour exécuter le transfèrement.

Une évaluation sera par ailleurs conduite à la fin du premier semestre 2012 pour tirer les enseignements des premiers mois de mise en oeuvre de cette réforme. Dans l'attente de l'arrivée de personnels supplémentaires sur les trois premières régions, le ministère de la justice envisage de faire appel aux personnels réservistes de l'administration pénitentiaire, notamment comme chauffeurs des véhicules de transport des personnes détenues ou pour la garde des geôles dans certaines juridictions. A titre exceptionnel, le recours aux équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) est par ailleurs possible, en considération du profil de la personne détenue.

Cette nouvelle mission (comportant le port d'une arme à feu et des déplacements hors des établissements pénitentiaires) exige aussi une formation adaptée des personnels que l'administration pénitentiaire a dû organiser dans des délais très réduits. Des modules de formation de trois semaines (avec mises en situation) ont été proposés en juillet 2011 aux personnels concernés. Dans un deuxième temps, en 2012, cette formation d'adaptation se doublera, dans le cadre de l'enseignement initial au sein de l'école nationale de l'administration pénitentiaire, de la mise en place d'un module « escorte » dont bénéficieront tous les élèves surveillants sans exception.

• La revalorisation de la situation des personnels

L'administration pénitentiaire a obtenu une enveloppe de 4,75 millions d'euros pour les mesures catégorielles afin de financer, en premier lieu, l' extension en année pleine de mesures intervenues en 2011 :

- financement du reclassement des secrétaires administratifs dans le nouveau cadre statutaire des catégories B ainsi que de la prime de fonctions et de résultats de cette catégorie de personnels ;

- financement de l'intégration des surveillants de Mayotte dans les corps de la fonction publique d'Etat.

En second lieu, de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires pourraient intervenir en 2012 :

- réforme statutaire (1,65 million d'euros) et indemnitaire (0,37 million d'euros) de la filière des personnels d'insertion et de probation ;

- revalorisation des indices de base de la grille des surveillants (1,6 million d'euros) ;

- revalorisation du statut des directeurs des services pénitentiaires (0,21 million d'euros).

Le représentant du syndicat national des directeurs pénitentiaires a toutefois vivement regretté, lors de ses échanges avec votre rapporteur, que le projet de budget pour 2012 ne paraisse donner aucune suite aux discussions devant aboutir à l'intégration des directeurs pénitentiaires dans la catégorie A+ de la fonction publique.

Le départ -en 2011- de 17 directeurs vers d'autres administrations ou vers le secteur privé (sur un corps de quelque 500 fonctionnaires) traduit, selon votre rapporteur, un malaise incontestable de hauts fonctionnaires dont le statut n'est pas encore à la mesure des responsabilités exercées.

2. Les moyens de fonctionnement : une hausse liée aux engagements avec les partenaires privés

Les crédits du titre 3 du programme « administration pénitentiaire » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 s'élèvent à 524,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 713,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression respective de 2,5 % et de 8,5 % par rapport à la loi de finances pour 2011.

Cette augmentation s'explique principalement par le paiement des loyers des établissements construits en partenariat public-privé et l'obligation contractuelle liée aux marchés en gestion déléguée. A ce titre, les montants alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances s'élèvent à 383,2 millions d'euros contre 347,6 millions d'euros en 2011.

Cette charge devrait beaucoup augmenter dans des proportions que les documents budgétaires ne permettent pourtant pas d'anticiper, avec la part croissante des établissements construits en partenariat public-privé au sein du parc pénitentiaire.

Deux autres facteurs contribuent à la hausse des crédits de fonctionnement :

- le développement de la surveillance électronique fixe ou mobile (23,3 millions d'euros) qui devrait concerner 11.000 personnes -en moyenne sur l'année- dont 150 pour le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Le coût d'un placement sous surveillance électronique est évalué en moyenne pour l'année 2012 à 153,7 euros par mois et celui d'un placement sous surveillance électronique mobile à 211,7 euros par mois ;

- le réajustement de la part des dépenses de santé prises en charge par l'Etat (ticket modérateur et forfait hospitalier journalier), très sous-évaluée jusqu'à présent (30 millions d'euros en 2012 contre 26 millions d'euros en 2011).

Les crédits de fonctionnement tiennent compte également du transfert à l'administration pénitentiaire des missions d'extraction judiciaire (3,5 millions d'euros budgétés pour l'année 2012) ainsi que du financement d'un nouveau marché national de télévision dont l'objet est d'assurer un tarif unique de location d'un poste de télévision associé à la gratuité d'accès à la TNT pour les détenus (+ 4,4 millions d'euros).

L' effet financier des dispositions de la loi pénitentiaire apparaît beaucoup plus modeste :

- les crédits destinés à la rémunération et aux cotisations sociales des détenus exerçant une activité professionnelle au service général des établissements en gestion publique fait l'objet d'un rebasage (24,4 millions d'euros en 2012 contre 19 millions d'euros en 2011) afin d'accompagner le développement du travail en détention, conformément à l'obligation d'activité prévue par l'article 27 de la loi pénitentiaire ;

- la reconduction de la dotation budgétaire spécifique (4,8 millions d'euros) créée en 2011 afin de procurer aux personnes détenues reconnues indigentes une aide en numéraire d'un montant maximum de 20 euros mensuels (article 31 de la loi pénitentiaire et de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale).

Votre rapporteur se félicite que la lutte contre l'indigence relève désormais de crédits pérennes inscrits au budget de l'Etat. Il s'interroge cependant sur la durée, souvent insuffisante au regard de la situation de l'intéressé, pendant laquelle cette allocation est attribuée.

Les crédits de fonctionnement restent structurellement insuffisants pour garantir un entretien satisfaisant du parc pénitentiaire . Selon un rapport d'expertise indépendant sollicité par le ministère de la justice « le seul gros entretien nécessite environ 1,4 % du prix de revient actualisé pour un patrimoine de plus de vingt ans » soit environ 45 euros hors taxe par mètre carré, par an ce qui représente pour le seul poste « gros entretien renouvellement » un montant de 93 millions d'euros par an . Or en 2011, le budget de gros entretien et de mise en conformité ne dépasse pas 42,8 . Dans ce cadre contraint, les opérations de mise en conformité (incendie, électricité, cuisine, hygiène, salubrité) ont dû être privilégiées sur les autres opérations -dont le gros entretien- reportées de un à deux ans. Faut-il rappeler que le défaut d'entretien a imposé la rénovation complète de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dont le coût équivaut à la construction d'un établissement neuf.

En outre, les moyens de fonctionnement sont, de manière récurrente, affectés par les gels de crédits en cours d'année. Dans la mesure où ces gels ne peuvent s'appliquer à la dotation affectée aux marchés de gestion déléguée, dépense obligatoire en vertu des contrats qui lient l'Etat aux prestataires privés, ils portent sur l'enveloppe réservée au parc en gestion publique.

Votre rapporteur s'inquiète des inégalités qui risquent de se creuser dans les conditions de détention entre les deux catégories de gestion. Un effort particulier doit être garanti pour le parc pénitentiaire en gestion publique qui ne saurait être le « parent pauvre » de l'administration pénitentiaire sauf à consacrer un système à deux vitesses.


* 6 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 % ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année n est perdu l'année n + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.

* 7 Une circulaire du 30 août 2011 porte doctrine d'emploi relative aux conditions d'exécution des déplacements des personnes détenues ordonnées par l'autorité judiciaire.

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