Avis n° 112 (2011-2012) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2011

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XII

JUSTICE : ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Patrice Gélard, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-Pierre Michel, François Pillet, M. Bernard Saugey, Mme Catherine Tasca, vice-présidents ; Nicole Bonnefoy, Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Virginie Klès , secrétaires ; Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, Nicole Borvo Cohen-Seat, Corinne Bouchoux, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Jacqueline Gourault, Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Catherine Troendle, André Vallini, René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754

Sénat : 106 et 107 (annexe n° 16 ) (2011-2012)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés 1 ( * ) , le mercredi 2 novembre 2011, la commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 16 novembre 2011 sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf 2 ( * ) , les crédits du programme « administration pénitentiaire » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2012.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, a rappelé que la dotation du programme « administration pénitentiaire » s'élève à 2,99 milliards d'euros en crédits de paiement en hausse de 7 % par rapport à 2011 et prévoit la création de 454 ETPT parmi lesquels 254 ETPT au titre de la prise en charge par l'administration pénitentiaire des escortes judiciaires.

Le rapporteur pour avis a relevé que l'effort consenti pour les prisons est, pour l'essentiel, commandé par l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires. Au-delà de l'achèvement du programme « 13.200 places » engagé depuis 2002, le nouveau programme immobilier préparé par le ministère de la justice devrait porter à 80.000 le nombre de places de détention à l'horizon 2017.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, a estimé légitime d'augmenter le nombre de cellules individuelles et d'améliorer les conditions matérielles de détention ; il s'est demandé toutefois si la cible affichée par le Gouvernement, alors que le nombre de personnes détenues écrouées atteignait 63.600 au 1 er octobre 2011 ne dépassait pas cet objectif au risque de reconduire le cercle vicieux entre accroissement des capacités de détention et augmentation des incarcérations. Il a craint que la mise en oeuvre du nouveau programme immobilier n'ait pour effet de concentrer de nouveau les moyens sur la création d'emplois de personnels de surveillance au détriment des emplois de conseiller d'insertion et de probation, et partant des mesures d'aménagement de peine.

Suivant son rapporteur pour avis, la commission des lois a constaté que la traduction financière des grandes orientations de la loi pénitentiaire n'apparaissait pas clairement dans le projet de loi de finances. Elle a noté que les indicateurs de performance supposés éclairer les choix de la politique pénitentiaire n'avaient transcrit que de manière très formelle, les objectifs poursuivis par le législateur en 2009.

Votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice - Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2012.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Avec une dotation de 2,99 milliards en crédits de paiement 3 ( * ) en hausse de 7 % par rapport à 2011, et la création de 454 ETPT, le projet de budget pour l'administration pénitentiaire, dans un contexte marqué par une dépense publique fortement contrainte, paraît devoir échapper à la critique. Pourtant les perspectives que dessine le projet de loi de finances pour la politique pénitentiaire en 2012 et pour les années à venir suscitent la perplexité.

L'effort consenti pour les prisons est, en effet, pour l'essentiel, commandé par l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires. Au-delà de l'achèvement du programme « 13.200 places » engagé depuis 2002, le nouveau programme immobilier préparé par le ministère de la justice devrait porter à 80.000 le nombre de places de détention à l'horizon 2017.

Selon le Gouvernement, ces créations sont justifiées par la mise en oeuvre de l'encellulement individuel et l'exécution effective des peines d'emprisonnement. Toutefois, la loi pénitentiaire invoquée à l'appui du premier de ces arguments n'a jamais imposé l'encellulement individuel pour la totalité des personnes détenues. Quant à l'exécution des peines, elle n'exclut pas leur aménagement. Bien au contraire, le législateur a relevé de un an à deux ans le quantum de peine prononcé, susceptible de faire, sous certaines conditions, l'objet d'un aménagement.

Il est légitime d'augmenter le nombre de cellules individuelles et d'améliorer les conditions matérielles de détention. Toutefois la cible affichée par le Gouvernement, alors que le nombre de personnes détenues écrouées atteignait 63.600 au 1 er octobre 2011, dépasse de loin cette ambition. Aussi votre rapporteur redoute-t-il que l'accroissement des capacités de détention n'ait d'autre effet que d'encourager de nouvelles incarcérations à rebours de la volonté, exprimée notamment par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale de « rompre le cercle vicieux entre l'accroissement du nombre de détenus et l'augmentation des capacités d'accueil en prison » 4 ( * ) . Par ailleurs, la mise en oeuvre du nouveau programme immobilier risque de concentrer de nouveau les moyens sur la création d'emplois de personnels de surveillance au détriment des emplois de conseiller d'insertion, et partant des mesures d'aménagement de peine.

Un volet essentiel de la loi pénitentiaire se trouverait ainsi affecté par la priorité donnée aux constructions à venir.

Au reste, la traduction financière des grandes orientations de la loi pénitentiaire n'apparaît toujours pas réellement dans le projet de loi de finances.

Il est significatif -et regrettable- à cet égard, que les indicateurs de performance supposés éclairer les choix de la politique pénitentiaire n'aient transcrit que de manière très formelle, les objectifs poursuivis par le législateur en 2009.

I. LE PROJET DE BUDGET : PRIORITÉ AUX NOUVELLES CONSTRUCTIONS ET AUX EMPLOIS DE SURVEILLANTS INDUITS

A. LE PROJET ANNUEL DE PERFORMANCES : UNE PRISE EN COMPTE INSUFFISANTE DES ORIENTATIONS DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

L'administration pénitentiaire constitue l'un des six programmes de la mission justice 5 ( * ) . Il se décline lui-même en trois actions :

- L'action n° 1 : « garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » (garde des détenus, contrôle des personnes placées sous main de justice, aménagements de peine, alternatives à l'incarcération, parc immobilier, sécurité) ;

- L'action n° 2 : « accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » (accueil, y compris maintenance et entretien des bâtiments pénitentiaires, accès aux soins, maintien des liens familiaux, activités de réinsertion) ;

- L'action n° 4 : « soutien et formation » (moyens de l'administration générale, développement du réseau informatique, formation des personnels).

Ces actions représentent respectivement 78,9 %, 15,5 % et 5,6 % des moyens de l'administration pénitentiaire.

Le programme administration pénitentiaire comprend un projet annuel de performances . Ce document présente plusieurs objectifs assortis d' indicateurs de performance . Ces éléments sont indispensables pour apprécier les priorités de l'administration pénitentiaire et permettre de contrôler leur suivi au-delà de l'exercice budgétaire.

OBJECTIFS ET INDICATEURS DE PERFORMANCE

Six objectifs

Objectif n° 1
Renforcer la sécurité
des établissements pénitentiaires

Indicateurs :


Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe (pour 10.000 détenus). En 2010 : 1,1. Cible 2013 : <3.
- de détenu particulièrement signalé :
En 2010 : 0. Cible 2013 : <1.
- de détenu autre :
En 2010 : 1,1. Cible 2013 : <2.

taux d'évasions hors établissements pénitentiaires en aménagement de peine :

En 2010 : 61,4.Cible 2013 : <60.

taux d'évasions hors établissement pénitentiaire en sorties sous escortes pénitentiaires :
En 2010 : 1,8. Cible 2013 : <1.


Taux d'incidents (pour 10.000 détenus), agressions contre le personnel :
En 2010 : 17,8. Cible 2013 : <15.

Taux de formation à la prévention suicide

- % de personnels formés « Terra » : en 2010 : 60. Cible 2013 : 85.

- % de personnels de surveillance formés « Terra » : 2010 : 66. Cible 2013 : 85.

Objectif n° 2
Adapter le parc immobilier aux catégories de populations accueillies

Indicateurs :


% d'occupation des places spécialisées :

- taux d'occupation des places en centre ou quartier semi-liberté :
En 2010 : 93.Cible 2013 : 96

- taux d'occupation des places en centre ou quartier courte peine :
En 2010 : 82. Cible 2013 : 85


% d'occupation des places en établissements pour mineurs (nouveau) :
En 2010 : 70. Cible 2013 : 75.


% de places spécialisées créées depuis 2008

- nombre de places créées en centre de semi-liberté
En 2010 : 528. Cible 2013 : 877

- nombre de places créées en quartier courte peine :
En 2010 : 59. Cible 2013 : 198

- nombre de places créées en centre pour peine aménagée :
En 2010 : 32. Cible 2013 : 89

- taux de places spécialisées crées/nombre total de places créées :
En 2010 : 7,77. Cible 2013 : 11,40


Nombre de détenus par cellule

En 2010 : 1,29. Cible 2013 : 1,19.

Objectif n° 3
Développer
les aménagements de peine

Indicateur :


% des personnes placées sous main de justice et bénéficiant
d'un aménagement de peine (PSE, placements extérieurs, semi-liberté) :
En 2010 : 16.
Prévision 2011 : 20.

Cible 2013 : 24.

Objectif n° 4
Améliorer les conditions de détention
Indicateurs :


Maintien des liens familiaux :

- % d'occupation des unités de vie familiale :
En 2010 : 66. Prévision 2012 : 70. Cible 2013 : 70


% d'occupation des parloirs familiaux :
En 2010 : 66.

Prévision 2012 : 75. Cible 2013 : 80
(total de ½ journées d'utilisation des parloirs familiaux/total de ½ journées d'ouverture)


Améliorer l'accès aux soins

- % d'actualisation des protocoles (évaluation de l'adaptation des procédures de collaboration entre le ministère de la justice et celui de la santé) :
En 2010 : 66.
Prévision 2012 : 75. Cible 2013 : 80

- % d'occupation des UHSI :
En 2010 : 66
Prévision 2012 : 75. Cible 2013 : 80

- % d'occupation des UHSA (nouveau)

En 2010 : 66

Prévision 2012 : 75

Cible 2013 : 80

- % d'établissements pénitentiaires labellisés dans le processus de « prise en charge et accompagnement des personnes détenues » .

En 2011 : 83,7. Prévision 2012 : 90. Cible 2013 : 100.

Six objectifs (suite)

Objectif n° 5
Favoriser les conditions d'insertion professionnelle
des détenus

Indicateurs :


Taux de personnes bénéficiant d'une formation générale professionnelle

- Taux de personnes détenues stagiaires de la formation professionnelle

En 2010 : 8,5 %. Prévision 2012 : 10. Cible  2013 :10,2%


Taux de personnes détenues scolarisées par l'éducation nationale

2010 : 24,6. Prévision 2012 : 25. Cible 2013 : 25,2%


Taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée :
En 2010 : 39,1. Prévision 2012 : 40%  Cible 2013 :  40%
(cet objectif était fixé à 44,2 % pour 2012 dans le PLF pour 2008 et à 41,5 % dans le PLF pour 2009)

Objectif n° 6
Améliorer la qualité
de prise en charge du condamné
en milieu ouvert

Indicateur :


Pourcentage de personnes condamnées avec un sursis avec mise à l'épreuve ayant respecté l'obligation d'indemniser les victimes :
En 2010 : 59%. Prévision 2012 : 70%. Cible 2013 : 72%

L' évolution des objectifs que se fixe l'administration pénitentiaire à travers ces indicateurs apparaît contrastée . Votre rapporteur se félicite que la cible retenue en 2013 pour le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée ait été fixée au-delà de 40 % -alors qu'elle avait été établie à 37,4 % dans le projet annuel de performance présenté l'année passée. Cet objectif s'accorde mieux en effet avec l'obligation assignée à l'administration pénitentiaire de développer des activités afin de répondre à l'article 27 de la loi pénitentiaire (obligation d'activité pour les détenus).

Néanmoins, l'indication ainsi donnée devrait être pondérée par le nombre d'heures travaillées.

En effet, le nombre de personnes détenues bénéficiant d'un emploi peut augmenter tandis que les heures effectuées par travailleur diminuent.

En revanche, votre rapporteur s'étonne de la très forte réévaluation du « taux d'évasions hors établissements pénitentiaires en aménagement de peine » (soit en 2013, un taux de 60 pour 10.000 personnes détenues contre 36 pour 10.000 affiché par le précédent projet annuel de performance). Les documents budgétaires relèvent que « le développement de certaines mesures d'aménagement de peine a concerné des publics qui ne bénéficiaient jusqu'alors pas de telles mesures avec un risque correspondant tenant à leur éventuelle incapacité à en respecter les termes ». Le taux d'évasion effectivement observé en aménagement de peine a atteint en 2010 61,4 pour 10.000  (contre une prévision de 36 pour 10.000).

L' « incapacité à respecter les termes » de la mesure peut aussi être liée au choix d'un dispositif inadapté à la personnalité de la personne condamnée en raison d'une analyse insuffisante des dossiers et d'un suivi individuel défaillant. A cet égard, on peut craindre qu'à la faveur du développement de la surveillance électronique (même si l'indicateur ne permet pas de mettre en cause un aménagement de peine en particulier), l'administration pénitentiaire ne soit tentée de faire l'économie de l'encadrement humain pourtant indispensable à la mise en place de ce dispositif. Il serait en tout cas paradoxal de fixer pour objectif un taux qui ne correspond pas à une gestion entièrement satisfaisante des aménagements de peine.

Au-delà du niveau des objectifs retenus, le choix des indicateurs eux-mêmes soulèvent des réserves que votre rapporteur avait déjà exprimées dans l'avis sur la loi de finances pour 2011. Sans doute certains indicateurs ont-ils été précisés. Tel est le cas de l'indicateur « améliorer l'accès aux soins » distinguant désormais le taux d'occupation des UHSI et celui des UHSA précédemment confondus. Il est toutefois douteux que ces taux traduisent en quoi que ce soit l'amélioration des conditions de détention. Il ne semble pas davantage pertinent d'appréhender l'amélioration de l'accès aux soins par le biais du nombre d'établissements pénitentiaires ayant actualisé leur protocole avec les services de soins, mesure à caractère purement administratif.

De même, l'indicateur -introduit l'année dernière- relatif au nombre de détenus par cellule fait l'objet d'une approche réductrice dans la mesure où il ne distingue pas entre maisons d'arrêt qui connaissent une surpopulation récurrente et établissements pour peine où prévaut, en principe, l'encellulement individuel.

Enfin, le projet annuel de performances présente certaines lacunes. Ainsi la sécurité des établissements (objectif n° 1) doit s'apprécier non seulement à travers le nombre d'incidents dont les personnels sont victimes mais aussi à travers les violences commises en détention sur les personnes détenues. En effet aux termes de l'article 44 de la loi pénitentiaire « l'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ». L'évaluation des violences dont les détenus sont victimes serait un indicateur précieux de l'évolution des conditions de détention.

Comme l'a observé M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, lors de ses échanges avec votre rapporteur, les indicateurs retenus ne permettent pas réellement de mesurer la façon dont l'administration pénitentiaire garantit la sécurité au sein des établissements.

B. UNE AUGMENTATION LARGEMENT DÉTERMINÉE PAR LA CRÉATION DE NOUVELLES PLACES DE DÉTENTION

Le programme « administration pénitentiaire » représente 40,8 % de la mission justice, soit, dans le projet de loi de finances initialement présenté par le Gouvernement devant le Parlement, une dotation en crédits de paiement de 3 milliards d'euros , en augmentation de 7 % par rapport à l'an passé.

Les autorisations d'engagement ( 4,7 milliards d'euros ) demandées enregistrent une forte hausse (+ 46,8 %).

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement
(en millions d'euros)

Crédits de paiement
(en million d'euros)

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Titre 2 : dépenses de personnel

1.809

1.879

1.809

1.879

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

511

524

657

714

Titre 5 : dépenses d'investissement

877

2.244

267

349

Titre 6 : dépenses d'intervention

80

78

87

86

TOTAL

3.280

4.727

2.821

3.030

Les crédits de paiement ont été réduits de 10 millions d'euros par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Cette minoration est répartie à hauteur de 9,5 millions d'euros sur les crédits d'investissements immobiliers hors partenariats public-privé (compte tenu, selon le Gouvernement, de la sous consommation constatée de ces dépenses de l'ordre de 9% au cours des dernières années) et de 0,5 million d'euros sur les subventions pour charge publique de l'école de l'administration pénitentiaire.

1. Des effectifs sous tension

Le plafond d'autorisation d'emplois au titre du projet de loi de finances pour 2012 s'élève à 35.511 ETPT (35.409 à périmètre constant) 6 ( * ) contre 35.057 en 2011, soit la création de 454 ETPT.

Ce plafond se répartit de la manière suivante :

Catégorie d'emploi

Plafond autorisé
pour 2011

Demandes pour 2012

Variation 2010/2012

Magistrats de l'ordre judiciaire

17

17

-

Personnels d'encadrement

1.392

1.391

- 1

Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif (catégorie B)

4.090

4.131

+ 41

Administratifs et techniques (catégorie B)

1.028

1.019

- 9

Personnels de surveillance (catégorie C)

25.525

26.033

+ 508

Personnels administratifs et techniques (catégorie C)

3.005

2.920

- 85

TOTAL

35.057

35.511

+ 454

• Les ETPT

L'augmentation du nombre d'ETPT se concentre principalement sur les personnels de surveillance. Cette orientation s'inscrira dans la durée : comme l'a indiqué M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés lors de son audition par votre commission le mercredi 2 novembre dernier, le nouveau programme immobilier impliquera la création de 3.000 postes de surveillants supplémentaires . La marge de manoeuvre pour la création d'emplois de conseillers d'insertion et de probation, pourtant nécessaires à la mise en place des aménagements de peine, sera très réduite ( voir la dernière partie du présent rapport ).

La hausse du plafond d'emploi en 2012 résulte pour l'essentiel de deux facteurs.

- La création de 145 ETPT (correspondant à 290 recrutements) justifiés par l'ouverture de la nouvelle maison centrale de Condé-sur-Sarthe, l'accroissement des capacités de la maison d'arrêt de Bonneville, l'ouverture de l'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Paris/Villejuif.

L'augmentation, significative, des emplois de surveillants n'est pourtant pas à la mesure des besoins constatés dans beaucoup d'établissements pénitentiaires. Les représentants du syndicat UFAP - UNSA ont en particulier attiré l'attention de votre rapporteur sur le recrutement insuffisant de premiers surveillants. Ces derniers sont souvent remplacés par des « faisant-fonction » qui n'ont ni la formation, ni l'expérience requises pour remplir ce rôle. La faiblesse d'encadrement intermédiaire peut être une source de désarroi au sein du corps des surveillants.

- Le transfert de 250 ETPT sur le programme « administration pénitentiaire » afin de poursuivre la mise en place des pôles régionaux d'extractions judiciaires engagée depuis 2011 dans le cadre de la reprise des missions d'extractions judiciaires auparavant assumées par les services de la police nationale et de la gendarmerie.

Ce transfert a été décidé par le Gouvernement le 30 septembre 2010. Le décret n° 2011-1045 du 2 septembre 2011 modifie le code de procédure pénale afin de conférer à l'administration pénitentiaire la responsabilité des translations et extractions requises par les autorités judiciaires 7 ( * ) . Jusqu'à présent, l'administration pénitentiaire ne prenait en charge que les transferts dont elle était à l'initiative.

Depuis le 5 septembre 2011, elle assure l'exécution des extractions, des translations et des autorisations de sortie sous escorte des personnes détenues à l'intérieur des ressorts territoriaux des cours d'appel de Metz, Nancy et Riom -compétence élargie au ressort territorial de la cour d'appel de Caen à compter du 5 décembre 2011.

Le transfert de charge devrait s'échelonner sur trois années (2011-2013) en contrepartie d'un transfert d'emplois et de crédits du ministère de l'intérieur. L'arbitrage n'a toutefois pas été favorable au ministère de la justice. Bien que, selon le ministère de l'intérieur, 1.200 ETP aient été affectés à cette mission, 800 ETP seulement ont été accordés au ministère de la justice pour exercer cette mission (200 emplois en 2011, 250 en 2012, 350 en 2013). Cette contraction se justifierait selon le ministère de la justice par un « gain de productivité » d'un tiers en raison d'une part de « l'intégration au sein du même ministère du prescripteur des opérations -les services judiciaires- et de l'opérateur -l'administration pénitentiaire » ; d'autre part, du recours à la visioconférence.

L'évaluation des effectifs, faite au prorata des extractions judiciaires accomplies dans les trois premières régions de l'expérimentation (Lorraine, Auvergne et Basse-Normandie) et des ressources accordées, a d'abord conduit à y affecter cinquante emplois de surveillants . Néanmoins, le ministère de la justice et des libertés a fait le constat, sur la base de différentes études menées par les services de l'administration pénitentiaire et des services judiciaires de l'insuffisance des effectifs alloués pour la reprise de ces missions. Aussi, comme l'a déclaré le ministre de la justice et des libertés à votre commission, les chefs de cour et de tribunaux pourront-ils utiliser les dispositions du code de procédure pénale permettant de recourir aux forces de police et de gendarmerie lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens pour exécuter le transfèrement.

Une évaluation sera par ailleurs conduite à la fin du premier semestre 2012 pour tirer les enseignements des premiers mois de mise en oeuvre de cette réforme. Dans l'attente de l'arrivée de personnels supplémentaires sur les trois premières régions, le ministère de la justice envisage de faire appel aux personnels réservistes de l'administration pénitentiaire, notamment comme chauffeurs des véhicules de transport des personnes détenues ou pour la garde des geôles dans certaines juridictions. A titre exceptionnel, le recours aux équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) est par ailleurs possible, en considération du profil de la personne détenue.

Cette nouvelle mission (comportant le port d'une arme à feu et des déplacements hors des établissements pénitentiaires) exige aussi une formation adaptée des personnels que l'administration pénitentiaire a dû organiser dans des délais très réduits. Des modules de formation de trois semaines (avec mises en situation) ont été proposés en juillet 2011 aux personnels concernés. Dans un deuxième temps, en 2012, cette formation d'adaptation se doublera, dans le cadre de l'enseignement initial au sein de l'école nationale de l'administration pénitentiaire, de la mise en place d'un module « escorte » dont bénéficieront tous les élèves surveillants sans exception.

• La revalorisation de la situation des personnels

L'administration pénitentiaire a obtenu une enveloppe de 4,75 millions d'euros pour les mesures catégorielles afin de financer, en premier lieu, l' extension en année pleine de mesures intervenues en 2011 :

- financement du reclassement des secrétaires administratifs dans le nouveau cadre statutaire des catégories B ainsi que de la prime de fonctions et de résultats de cette catégorie de personnels ;

- financement de l'intégration des surveillants de Mayotte dans les corps de la fonction publique d'Etat.

En second lieu, de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires pourraient intervenir en 2012 :

- réforme statutaire (1,65 million d'euros) et indemnitaire (0,37 million d'euros) de la filière des personnels d'insertion et de probation ;

- revalorisation des indices de base de la grille des surveillants (1,6 million d'euros) ;

- revalorisation du statut des directeurs des services pénitentiaires (0,21 million d'euros).

Le représentant du syndicat national des directeurs pénitentiaires a toutefois vivement regretté, lors de ses échanges avec votre rapporteur, que le projet de budget pour 2012 ne paraisse donner aucune suite aux discussions devant aboutir à l'intégration des directeurs pénitentiaires dans la catégorie A+ de la fonction publique.

Le départ -en 2011- de 17 directeurs vers d'autres administrations ou vers le secteur privé (sur un corps de quelque 500 fonctionnaires) traduit, selon votre rapporteur, un malaise incontestable de hauts fonctionnaires dont le statut n'est pas encore à la mesure des responsabilités exercées.

2. Les moyens de fonctionnement : une hausse liée aux engagements avec les partenaires privés

Les crédits du titre 3 du programme « administration pénitentiaire » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 s'élèvent à 524,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 713,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression respective de 2,5 % et de 8,5 % par rapport à la loi de finances pour 2011.

Cette augmentation s'explique principalement par le paiement des loyers des établissements construits en partenariat public-privé et l'obligation contractuelle liée aux marchés en gestion déléguée. A ce titre, les montants alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances s'élèvent à 383,2 millions d'euros contre 347,6 millions d'euros en 2011.

Cette charge devrait beaucoup augmenter dans des proportions que les documents budgétaires ne permettent pourtant pas d'anticiper, avec la part croissante des établissements construits en partenariat public-privé au sein du parc pénitentiaire.

Deux autres facteurs contribuent à la hausse des crédits de fonctionnement :

- le développement de la surveillance électronique fixe ou mobile (23,3 millions d'euros) qui devrait concerner 11.000 personnes -en moyenne sur l'année- dont 150 pour le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Le coût d'un placement sous surveillance électronique est évalué en moyenne pour l'année 2012 à 153,7 euros par mois et celui d'un placement sous surveillance électronique mobile à 211,7 euros par mois ;

- le réajustement de la part des dépenses de santé prises en charge par l'Etat (ticket modérateur et forfait hospitalier journalier), très sous-évaluée jusqu'à présent (30 millions d'euros en 2012 contre 26 millions d'euros en 2011).

Les crédits de fonctionnement tiennent compte également du transfert à l'administration pénitentiaire des missions d'extraction judiciaire (3,5 millions d'euros budgétés pour l'année 2012) ainsi que du financement d'un nouveau marché national de télévision dont l'objet est d'assurer un tarif unique de location d'un poste de télévision associé à la gratuité d'accès à la TNT pour les détenus (+ 4,4 millions d'euros).

L' effet financier des dispositions de la loi pénitentiaire apparaît beaucoup plus modeste :

- les crédits destinés à la rémunération et aux cotisations sociales des détenus exerçant une activité professionnelle au service général des établissements en gestion publique fait l'objet d'un rebasage (24,4 millions d'euros en 2012 contre 19 millions d'euros en 2011) afin d'accompagner le développement du travail en détention, conformément à l'obligation d'activité prévue par l'article 27 de la loi pénitentiaire ;

- la reconduction de la dotation budgétaire spécifique (4,8 millions d'euros) créée en 2011 afin de procurer aux personnes détenues reconnues indigentes une aide en numéraire d'un montant maximum de 20 euros mensuels (article 31 de la loi pénitentiaire et de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale).

Votre rapporteur se félicite que la lutte contre l'indigence relève désormais de crédits pérennes inscrits au budget de l'Etat. Il s'interroge cependant sur la durée, souvent insuffisante au regard de la situation de l'intéressé, pendant laquelle cette allocation est attribuée.

Les crédits de fonctionnement restent structurellement insuffisants pour garantir un entretien satisfaisant du parc pénitentiaire . Selon un rapport d'expertise indépendant sollicité par le ministère de la justice « le seul gros entretien nécessite environ 1,4 % du prix de revient actualisé pour un patrimoine de plus de vingt ans » soit environ 45 euros hors taxe par mètre carré, par an ce qui représente pour le seul poste « gros entretien renouvellement » un montant de 93 millions d'euros par an . Or en 2011, le budget de gros entretien et de mise en conformité ne dépasse pas 42,8 . Dans ce cadre contraint, les opérations de mise en conformité (incendie, électricité, cuisine, hygiène, salubrité) ont dû être privilégiées sur les autres opérations -dont le gros entretien- reportées de un à deux ans. Faut-il rappeler que le défaut d'entretien a imposé la rénovation complète de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dont le coût équivaut à la construction d'un établissement neuf.

En outre, les moyens de fonctionnement sont, de manière récurrente, affectés par les gels de crédits en cours d'année. Dans la mesure où ces gels ne peuvent s'appliquer à la dotation affectée aux marchés de gestion déléguée, dépense obligatoire en vertu des contrats qui lient l'Etat aux prestataires privés, ils portent sur l'enveloppe réservée au parc en gestion publique.

Votre rapporteur s'inquiète des inégalités qui risquent de se creuser dans les conditions de détention entre les deux catégories de gestion. Un effort particulier doit être garanti pour le parc pénitentiaire en gestion publique qui ne saurait être le « parent pauvre » de l'administration pénitentiaire sauf à consacrer un système à deux vitesses.

II. QUEL ÉQUILIBRE ENTRE EMPRISONNEMENT FERME ET AMÉNAGEMENT DE PEINE ?

Au 1 er octobre 2011, le nombre de personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 63.602 contre 60.789 au 1 er octobre 2010, soit une augmentation de 4,6 %. Cette population se répartissait de la manière suivante :

- 16.056 prévenus (contre 15.226 au 1 er septembre 2010, soit 25,24 %) ;

- 2.476 femmes (contre 2.285 au 1 er septembre 2010), soit 3,5 % ;

- 661 mineurs (contre 706 au 1 er septembre 2010, soit 1 %).

A. 2011 : LA FIN DE LA DÉCRUE DU NOMBRE DE PERSONNES DÉTENUES ?

Sans doute manque-t-on encore de recul pour comprendre l'augmentation du nombre de personnes écrouées détenues au cours de l'année 2011. Cette évolution semble, selon les observations recueillies par votre rapporteur au cours des auditions, résulter pour partie de la volonté de porter à exécution les peines d'emprisonnement ferme.

Il convient néanmoins de lever toute ambigüité en matière d'exécution de peine : une peine aménagée est une peine exécutée . Ce rappel permet de nuancer la donnée selon laquelle, au 30 juin 2011, 85.600 peines d'emprisonnement étaient en attente d'exécution. En effet, près de 95 % d'entre elles sont constituées de peines aménageables (peines inférieures à deux ans ou à un an en cas de récidive). Ainsi, une partie du stock de peines d'emprisonnement est en réalité en cours d'exécution dans la mesure où les peines ont été transmises aux services de l'application des peines et aux services pénitentiaires d'insertion et de probation en vue de leur aménagement. Le juge de l'application des peines dispose d'un délai de quatre mois à compter de la transmission du dossier par le ministère public pour statuer. A défaut de décision rendue dans ce délai, la peine peut être ramenée à exécution.

L'augmentation des seuils d'aménagement de peine par la loi pénitentiaire a conduit à une saisine accrue du juge de l'application des peines et, en pratique, à un allongement des délais d'instruction des dossiers.

Au début de cette année, le garde des Sceaux a annoncé un plan national d'exécution des peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution. Les quatorze juridictions présentant le stock le plus important ont bénéficié de renforts (400 vacataires ont ainsi été déployés dans les greffes correctionnels et les services de l'exécution et de l'application des peines des juridictions).

Dans sa circulaire de politique pénale générale du 15 février 2011, le garde des Sceaux a notamment rappelé la nécessité de poursuivre les efforts pour réduire les délais d'exécution des peines d'emprisonnement ferme aménageables. Il a en outre indiqué que les peines d'emprisonnement ferme devraient être ramenées à exécution en cas d'urgence motivée par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, d'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure ou de risque de fuite avéré.

L'analyse de la composition de la population pénale appelle trois observations au regard des tendances constatées l'an passé :

- l' arrêt de la baisse continue du nombre de prévenus relevée depuis 2003. En effet, pour la première fois depuis cette date, cet effectif remonte légèrement par rapport au 1 er janvier 2010 (15.702 contre 15.395). Par ailleurs, la durée moyenne de la détention provisoire demeure élevée (3,9 mois en 2010 en retrait cependant par rapport à 2009 -4 mois). Votre rapporteur regrette de nouveau que la suspension de facto de la commission de suivi de la détention provisoire depuis la nomination, en 2008, de son président, M. Jean-Marie Delarue, comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ait privé le Parlement d'une source d'information très précieuse pour comprendre les évolutions de la détention provisoire ;

- le maintien de la forte prépondérance des courtes peines même si la durée moyenne sous écrou n'a cessé de s'allonger au cours de deux dernières décennies. Parmi les personnes condamnées incarcérées, celles condamnées à une peine de moins d'un an représentent 34,1 % de l'ensemble, 28,8 % sont condamnées à des peines comprises entre 1 et 3 ans ; 11,1 % à des peines comprises entre 3 et 5 ans et 25,8 % à des peines d'une durée égale ou supérieure à 5 ans. La durée moyenne de détention (population moyenne de détenus rapportée aux entrées de détenus sur douze mois) n'a, en revanche, pas cessé de progresser depuis 1990 (9,7 mois en 2010 contre 7 mois en 1990) ;

- les violences volontaires expliquent le quart des condamnations des personnes sous écrou. Elles l'emportent depuis 2007 sur les viols et autres agressions sexuelles (14,8 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,9), les vols qualifiés (10,7 %), les escroqueries, recels et abus de confiance (76,6 %) ; les vols simples (7,2 %), les homicides volontaires (6,6 %).

• Le taux d'occupation des établissements

Au 1er septembre 2010, les établissements pénitentiaires disposaient de 56.556 places opérationnelles . Le taux d'occupation s'élevait ainsi à 112,4 % (contre 108,3 % en septembre 2009). Parmi les établissements pénitentiaires, 5 présentaient une densité supérieure ou égale à 200 % et 29 (contre 17 en 2011) une densité supérieure ou égale à 120 % et inférieure à 200 %.

Le phénomène de surpopulation affecte surtout les maisons d'arrêt avec un taux d'occupation souvent supérieur à 130 % 8 ( * ) .

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 avait ouvert le droit pour une personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à 2 ans, d'obtenir, à sa demande, son transfert dans un établissement pour peine dans un délai de 9 mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive 9 ( * ) (article 88) -Au 1 er août 2011, 20 % des personnes condamnées écrouées en maison d'arrêt (soit 6.297) purgeaient une peine supérieure à 2 ans.

L'exercice de ce droit rencontre encore des difficultés. Si en moyenne, les délais d'attente ne dépassent pas 5 mois pour les transferts en maisons centrales, et 6,5 mois pour ceux en centres de détention, ces données recouvrent des écarts importants. Ainsi dans la direction interrégionale de Lille, certaines demandes ne sont satisfaites qu'à l'issue d'un délai de 25 mois (17 mois pour la direction interrégionale de Dijon, 12 mois pour celle de Bordeaux). Dans la direction interrégionale de Paris , le délai d'attente moyen est de 14,5 mois , bien au-delà des exigences posées par le législateur.

L'appréciation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires doit être pondérée par un deuxième élément. En effet, la capacité opérationnelle correspond au nombre de places et non à celui des cellules (par exemple, une cellule dont la surface est comprise entre 11 m 2 et 14 m 2 compte pour deux places). Le taux d'occupation tend ainsi à sous estimer le phénomène de densité carcérale.

La surpopulation reste le principal facteur de dégradation des conditions de détention. Elle limite considérablement les activités proposées aux détenus et la faculté, en particulier, d'occuper un emploi.

Elle est également facteur des violences qui sévissent trop souvent dans le milieu carcéral.

Enfin, elle pèse aussi sur les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire dont les effectifs ne s'ajustent pas à l'évolution du nombre de personnes écrouées selon un ratio prédéterminé.

B. LES AMÉNAGEMENTS DE PEINE : LA PRÉDOMINANCE DE LA SURVEILLANCE ÉLÉCTRONIQUE

La loi pénitentiaire ouvre un cadre juridique très favorable aux aménagements de peine.

Elle fixe deux principes directeurs (art. 132-24 du code pénal) :

- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;

- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement de peines).

Ces principes se concrétisent principalement sous quatre formes :

- l'allongement , sauf dans le cas où la personne a été condamnée en état de récidive, de un à deux ans du quantum de peine susceptible de faire l'objet d'un aménagement (total ou partiel) par la juridiction de jugement ab initio ou par le juge de l'application des peines en cours d'exécution de la peine (article 132-25 du code pénal) ;

- l'abaissement de 40 à 20 heures du plancher d'un travail d'intérêt général (dont la durée maximale est restée fixée à 210 heures) -article 131-8 du code pénal- afin d'assouplir les conditions d'utilisation de ce dispositif ;

- des dispositions plus incitatives en faveur de la libération conditionnelle : possibilité d'accorder cette mesure à une personne âgée de soixante-dix ans même si elle n'a pas accompli l'intégralité du temps d'épreuve requis par la loi à la condition, d'une part, que son insertion ou sa réinsertion soit assurée, d'autre part, que sa libération ne risque pas de causer un trouble à l'ordre public ; faculté de prendre en compte l'implication du condamné dans « tout projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » (article 729 du code de procédure pénale) ; utilisation du placement sous surveillance électronique (PSE), au même titre que la semi-liberté, comme mesure probatoire à la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté (article 720-5 du code de procédure pénale) ;

- la simplification des procédures : de nouvelles procédures simplifiées d'aménagement des peines sont appelées à se substituer aux dispositifs introduits par la loi du 9 mars 2004.

Les principales concernent les condamnés incarcérés. Les modifications apportées par la loi pénitentiaire consistent pour l'essentiel à étendre le champ des personnes concernées et à confier au ministère public un rôle de filtre des propositions d'aménagement du SPIP.

L'aménagement de peine pourrait être prononcé dès lors que la durée d'emprisonnement restant à subir est inférieure ou égale à deux ans et non plus à trois ou six mois suivant les cas. Il appartient, comme par le passé, au SPIP d'examiner en temps utile le dossier de chaque détenu et de proposer une mesure d'aménagement de peine qui, toutefois, ne sera pas transmise au juge de l'application des peines (JAP), comme tel était le cas selon les règles antérieures, mais au procureur de la République qui, s'il estime la proposition justifiée, la transmet pour homologation au JAP. En cas de non homologation à l'issue du délai de trois semaines, le directeur du SPIP peut mettre en oeuvre la mesure d'aménagement sur instruction du parquet (article 723-20).

Malgré ces dispositions favorables, aucun aménagement de peine n'est jamais automatique . Le juge de l'application des peines comme le tribunal correctionnel doivent apprécier au cas par cas si la personnalité du condamné justifie une telle mesure. La loi impose en outre la réalisation d'une expertise psychiatrique avant l'octroi d'un aménagement de peine lorsque la personne détenue a été condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

Les différentes mesures d'aménagement de peine tendent à progresser en 2010 :

Aménagements de peine
(hors placement sous surveillance électronique)

2007

2008

2009

2010

Libération conditionnelle

6.057

7.494

7.871

8.167

Permissions de sortir (flux)

53.111

53.201

60.513

62.266

Placements à l'extérieur

2.289

2.608

2.890

2.651

Placement en semi-liberté

5.283

5.928

5.578

5.331

* données incomplètes pour 2005

** changement des règles de comptage

• Les mesures de libération conditionnelle progressent de 3,8 % par rapport à 2009. 30 % d'entre elles concernent des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 5 ans ; 9,3 % des personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à 10 ans.

Une récente étude de l'administration pénitentiaire 10 ( * ) a confirmé l'impact positif des aménagements de peine et plus particulièrement de la libération conditionnelle. Ainsi, les risques de recondamnation des libérés n'ayant bénéficié d'aucun aménagement de peine restent 1,6 fois plus élevés que ceux des bénéficiaires d'une libération conditionnelle . Les risques d'une recondamnation à une peine privative de liberté sont deux fois plus élevés. L'étude n'établit pas pour autant un lien de causalité, la sélection des libérés favorisant, en principe, ceux dont le risque de récidive est évalué au plus bas.

Convaincu de la nécessité d'éviter les sorties sèches de prison pour favoriser la réinsertion, votre rapporteur estime aussi indispensable de préparer et d' accompagner la libération conditionnelle . A son initiative, la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a imposé le principe d'une évaluation pluridisciplinaire au sein du centre national d'observation 11 ( * ) avant toute libération conditionnelle pour les personnes condamnées à une peine d'une durée égale ou supérieure à 15 ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru (10 ans pour les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le placement en rétention de sûreté serait possible en application de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale 12 ( * ) ).

Le suivi de la personne bénéficiant d'une libération conditionnelle appelle aussi toute l'attention.

L'article D. 534-1 du code de procédure pénale prévoit que dans un délai d'un mois le condamné doit être convoqué devant le juge de l'application des peines ou devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Ce délai peut paraître long 13 ( * ) alors même qu'un accompagnement est particulièrement nécessaire dans les semaines qui suivent la libération.

Votre rapporteur regrette que l'administration pénitentiaire ne dispose d'aucun indicateur sur le délai moyen de convocation devant l'antenne en milieu ouvert du service pénitentiaire d'insertion et de probation.

• Les placements en semi-liberté tendent à stagner. L'augmentation de capacités soit dans le cadre de centres de semi-liberté, soit dans celui de quartiers dits « nouveau concept » devraient favoriser le développement de cette mesure en accord avec les objectifs de la loi pénitentiaire.

Au 1 er janvier 2011, l'administration pénitentiaire disposait de 659 places de semi-liberté. En 2011, trois nouveaux quartiers (semi-liberté et peines aménagées) ont ouvert (Gradignan-82 places-, Aix en Provence -82 places-, Avignon -51 places-).

A l'horizon 2014, 1.620 places complémentaires réparties entre 18 quartiers « nouveau concept » de 90 places devraient être réalisées de manière progressive (2014-2017) 14 ( * ) . Ces nouvelles structures accueilleront deux types de personnes détenues : les personnes condamnées à de courte peine, les personnes condamnées en fin d'exécution de peine bénéficiant d'un aménagement.

• Le placement sous surveillance électronique . Cette mesure est devenue la principale mesure d'aménagement de peine au cours des trois dernières années. En outre, avec la loi pénitentiaire, il pourrait devenir la modalité la plus usuelle d'exécution des fins de peine. En effet, aux termes du nouvel article 723-28 du code de procédure pénale, la personne condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu'aucune mesure d'aménagement de peine n'a été ordonnée six mois avant la fin de peine, et qu'il lui reste quatre mois d'emprisonnement à subir 15 ( * ) exécute le reliquat de la peine selon les modalités du PSE, sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, ou d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou le risque de récidive. Afin d'éviter toute dérive vers une « grâce électronique », le Parlement a prévu que cette disposition est mise en oeuvre par le directeur du Service pénitentiaire d'insertion et de probation sous l'autorité du procureur de la République qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. Par ailleurs, en l'absence de décision de placement, la personne condamnée peut saisir le juge de l'application des peines qui statue par jugement après débat contradictoire.

Le 1 er janvier 2011, cette surveillance électronique de fin de peine ( SEFIP ) est entrée en vigueur : en juin 2011, 16.268 dossiers avaient été traités par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) 16 ( * ) ; 2.612 ont fait l'objet d'une proposition, soit 16 % des dossiers traités ; la moitié d'entre eux ont abouti à un placement.

Au total, le seuil des 5.000 placements sous surveillance électronique simultanés a été atteint pour la première fois en mars 2010. Il s'élevait au 1 er septembre 2011 à 7.051.

En flux, le placement sous surveillance électronique représente de loin le premier aménagement de peine prononcé sur l'ensemble du territoire national avec 50 % de l'ensemble des mesures accordées au cours de l'année 2010. Les personnes placées sous surveillance électronique représentent 13 % des personnes condamnées sous écrou.

Selon les informations données par le garde des sceaux lors de son audition par votre commission des lois, la gestion du bracelet électronique mobilise aujourd'hui 685 agents contre 110 à la fin de l'année 2008 (270 surveillants, 315 conseillers d'insertion et de probation et 100 personnels administratifs). Cet effectif devrait permettre d'atteindre un objectif de 12.000 bracelets électroniques en 2012 -dont 3.900 au titre de la surveillance électronique de fin de peine.

• Le placement sous surveillance électronique mobile continue d'occuper une place résiduelle par rapport au placement sous surveillance électronique. Au 1 er septembre 2011, 54 mesures étaient en cours (41 surveillances judiciaires, 3 libérations conditionnelles, 9 assignations à résidence sous surveillance électronique mobile et un suivi socio-judiciaire). Depuis le début de l'expérimentation en 2006, 129 personnes auront été placées sous cette modalité de surveillance. L'abaissement du coût du bracelet, à la faveur de la passation, en 2010, d'un nouveau marché devrait favoriser l'essor du dispositif (861 euros TTC par mois contre 199 euros TTC -prix comprenant la location du dispositif, les prestations de maintenance des logiciels et des dispositifs et de télésurveillance). Après une expérimentation conduite en 2010 dans dix services pénitentiaires d'insertion et de probation pilotes, le transfert de la surveillance électronique des établissements pénitentiaires vers les SPIP devrait être généralisé (gestion logistique du dispositif, opération de pose et de dépose et intervention technique en cours de mesure).

III. VERS UN PARC PÉNITENTIAIRE DE 80.000 PLACES ?

La France disposait au 1 er janvier 2011 de 189 établissements pénitentiaires 17 ( * ) , soit 56.358 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles dans les établissements pénitentiaires).

Le parc immobilier présente un contraste fort entre, d'une part, des établissements vétustes du fait de leur ancienneté (tel est le cas des maisons d'arrêt situées dans les centres-villes construites au XIXème siècle) ou du manque d'entretien, et d'autre part, des bâtiments beaucoup plus modernes issus des trois programmes immobiliers qui se sont succédé depuis les années 1980 18 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, prévoit la création de 13.200 places réparties entre six établissements pénitentiaires pour mineurs désormais en service et une quinzaine d'établissements pour majeurs dont les premiers ont ouvert en 2008.

Les investissements immobiliers de l'administration pénitentiaire comportent actuellement trois volets :

- la poursuite du programme 13.200 places ;

- l'accroissement des capacités au sein d'établissements existants ;

- la rénovation des établissements pénitentiaires parmi lesquels les structures les plus importantes (Fleury-Mérogis, Fresnes, Les Baumettes, La Santé).

Au terme du programme « 13.200 » en 2013, la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires devrait atteindre 61.200 places .

Comme l'avait indiqué Mme Rachida Dati, alors garde des Sceaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, 30 % des cellules des maisons d'arrêt du programme « 13.200 » seront des cellules doubles. Cette proportion permet, selon votre rapporteur, de répondre au principe de l'encellulement individuel compte tenu des dérogations prévues par le législateur et dès lors que le nombre de détenus écroués demeure stable . Cette condition n'apparaît pas hors de portée avec le développement des mesures d'aménagement de peine.

Néanmoins, le ministère de la justice a souhaité en 2010 la mise en oeuvre d'un nouveau programme immobilier afin de porter à 70.400 (réparties dans 62.500 cellules) le nombre de places disponibles.

Conformément au voeu du Président de la République, cet objectif devrait même être relevé à 80.000 places par la future loi de programmation sur l'exécution des peines.

A. LE PROGRAMME  « 13.200 » EN VOIE D'ACHÈVEMENT

Ce programme est réalisé en quatre lots : un lot en maîtrise d'ouvrage publique, deux lots successifs en AOT-LOA (autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat) 19 ( * ) , un lot en partenariat public privé 20 ( * ) .

Le financement disponible pour la réalisation du programme de 12.800 places pour majeurs et de 420 places pour mineurs est de 1.130 M€ obtenus au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice auquel il convient d'ajouter 160 M€ en complément du financement de 1.800 places annoncées antérieurement à la LOPJ.

Le calendrier de ces réalisations s'établit de la manière suivante en métropole 21 ( * ) (entre parenthèses, figure le nombre de places).

Année de mise en service

Site*

2007

EPM Quiévrechain (60)

EPM Meyzieu (60),

EPM Marseille (60),

EPM Lavaur (60)

2008

EPM Orvault (60),

EPM Porcheville (60),

CP Mont de Marsan (690),

CP La Réunion (576)

2009

CD Roanne (600),

MA Lyon-Corbas (690),

CP Nancy (690),

CP Poitiers (560),

CP Béziers (810)

2010

CP Le Mans (400),

CP Le Havre (690),

CP de Rennes (690),

CP Bourg-en-Bresse (690)

2011

CP Lille-Annoeullin (688),

CP Île de France-Réau (798)

2012

MA Nantes (510),

MC Condé sur Sarthe (249)

2013

MC Vendin-le-Vieil (238)

MA de Rodez (100 places)

Dans les collectivités d' outre-mer , la LOPJ a prévu la création de 1.600 places. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (574), réalisé en conception réalisation, a été mis en service en décembre 2008.

Les autres projets en cours sont :

- la réhabilitation et l'extension de l'établissement de Majicavo à Mayotte qui permettra ainsi de porter à terme la capacité d'hébergement à 264 places. Le lauréat du marché sera connu début 2011. Le démarrage des travaux est prévu en 2012 pour une livraison en 2014 ;

- en Guadeloupe , la réhabilitation et l'extension de la maison d'arrêt de Basse-Terre pour une capacité d'environ 180 places (études de programmation validées d'ici fin 2011) ainsi que l'extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault dont la capacité sera augmentée au moins de 150 places, voire de 250 places dans le cas de la non-construction d'un établissement sur l'île de Saint-Martin (livraison programmée au 1 er semestre 2015).

- la réhabilitation du centre pénitentiaire de Faa'a en Polynésie pour une capacité de 135 places ;

- l'extension du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly en Guyane pour un gain de 220 places supplémentaires. La livraison de la première tranche (75 places) est prévue en 2012. La seconde tranche de 145 places fait actuellement l'objet d'études de programmation fonctionnelle et technique.

Sur les 10.900 places de détention pour majeurs prévues (9.700 en métropole et 1.200 en outre-mer), 8.687 ont d'ores et déjà été livrées depuis 2007.

La livraison des premiers établissements du programme « 13.200 » n'intervenant qu'à partir de 2008, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un dispositif d'accroissement des capacités au sein des établissements pénitentiaires destinés à créer 2.732 places supplémentaires (dont 609 places en semi-liberté). Au 31 juillet 2010, 2.256 places avaient été réalisées dans des proportions très variables selon les établissements (de 10 places à la maison d'arrêt d'Angoulême à 200 places au centre de détention de Villenauxe La Grande). 139 places sont prévues pour 2011 dont 60 pour le centre de détention de Châteauroux et 40 pour le quartier de semi-liberté de Bourg-en-Bresse.

Il est sans doute prématuré de dresser un bilan du programme « 13.200 ». Incontestablement, les conditions matérielles de détention se sont améliorées -avec notamment l'installation de douches dans les cellules.

Néanmoins, les nouvelles structures sont apparues surdimensionnées ; l'organisation des déplacements des personnes détenues requiert des délais plus longs interdisant parfois en pratique aux détenus de participer à certaines activités ou de se rendre aux rendez-vous qui peuvent leur être fixés (soins, travailleur social, etc.). Cette situation suscite des frustrations. En outre, les modes de surveillance fondées pour l'essentiel sur les moyens électroniques ont éloigné le détenu du surveillant. Lors de ses échanges avec votre rapporteur, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a observé que les surveillants avaient tendance à délaisser les étages pour se tenir au rez-de-chaussée. Le sentiment de sécurité ne s'est pas renforcé. Au contraire. Des mouvements concertés de demande de mise en congé maladie traduisent, dans quelques établissements, un malaise indéniable 22 ( * ) .

Personnels comme personnes détenues expriment parfois un regret paradoxal pour les établissements souvent vétustes auxquels les nouvelles prisons ont succédé.

B. LE NOUVEAU PROGRAMME IMMOBILIER

Un nouveau programme de construction devrait prendre le relais du « 13.200 » places sur la période 2012-2017 . Il vise la réalisation de 14.282 places nouvelles et la fermeture de 7.570 places vétustes . A l'issue de ce programme, la France sera dotée de 70.400 places de prison (réparties dans 62.500 cellules), dont plus de la moitié ouvertes après 1990.

Il présente la construction de 25 nouveaux établissements (dont 2 outre-mer), plusieurs réhabilitations (la maison d'arrêt de Paris-La Santé et le centre pénitentiaire de Nouméa) et une extension (le centre pénitentiaire de Ducos) 7 extensions de capacité et la réhabilitation de 15 établissements. Parallèlement, 36 sites devraient fermer.

Nombre d'ouvertures

+ 14 282 places

+ 13 966 cellules

Nombre de fermetures (places théoriques)

- 7 570 places

- 5 788 cellules

Solde

+ 6 712 places nettes

+ 8 178 cellules nettes

Nombre de places théoriques

Nombre de cellules

Etat actuel (1er avril 2011)

57 254

47 939

A l'échéance du nouveau programme immobilier

70 400

62 500

Les nouveaux sites

DISP

Nouvelle construction

Nombre de places créées

DIJON

Orléans-Saran

770

LYON

Valence

456

LYON

Riom

554

STRASBOURG

Lutterbach

732

BORDEAUX

Bordeaux

589

LILLE

Lille

762

LILLE

Beauvais

594

LILLE

Béthune

672

DIJON

Dijon

476

DIJON

Aube/Troyes

514

PARIS

Est Parisien

732

BORDEAUX

Saint Jean d'Angély

336

LILLE

Rouen

612

RENNES

Angers

504

RENNES

Manche

366

STRASBOURG

Oermingen/Bas-Rhin

336

Outre mer

Ducos (Martinique)

160

Outre mer

Saint-Pierre (La Réunion)

200

Outre mer

Nouméa (Nouvelle Calédonie)

500

Outre mer

Papeari (Polynésie)

410

PARIS

Construction d'un établissement Nord Parisien

630

PARIS

Réhabilitation de la MA Paris la Santé

900

PARIS

Construction d'un 3è établissement Nord Est Parisien

339

MARSEILLE

Construction d'un établissement à Marseille Baumettes III

640

TOULOUSE

Sauzet

336

RENNES

Caen

569

RENNES

Vendée

336

BORDEAUX

Eysses (Villeneuve/Lot)

504

TOTAL

27 opérations

Nota : la construction de Baumettes II (528 places) et de Aix II (672 places) n'est pas rattachée au programme NPI mais au programme « grandes réhabilitations ».

Le choix des établissements à fermer avait été dicté par leur vétusté, leur inadaptation fonctionnelle, sauf à engager d'importants travaux de restructuration, et par l'impossibilité de mettre en oeuvre les prescriptions de la loi pénitentiaire et des règles pénitentiaires européennes. La fermeture de 45 sites avait été initialement annoncée. Les critères retenus pour établir cette liste avaient néanmoins suscité de nombreuses réserves dont votre rapporteur s'était fait l'écho l'an passé. A la lumière de visites effectuées notamment dans les maisons d'arrêt d'Aurillac, de Châlon en Champagne et dans le centre pénitentiaire de Château-Thierry, votre rapporteur avait rappelé la nécessité de tenir compte de considérations liées à la qualité des infrastructures, à l'intérêt des expériences conduites sur place ou encore à la proximité géographique, indispensable au maintien des liens familiaux.

Aussi, depuis novembre 2010, une concertation plus approfondie avec les personnels de l'administration pénitentiaire et les élus locaux a-t-elle conduit à ramener à 36 le nombre de sites désarmés. Votre rapporteur note d'ailleurs avec satisfaction que les établissements sur lesquels il avait attiré l'attention ont été maintenus.

La sélection s'est désormais fondée sur un éventail plus large de critères parmi lesquels figure en particulier le respect de l'aménagement du territoire, la proximité du siège des juridictions (les extractions judiciaires incombant désormais à l'administration pénitentiaire), l'implantation géographique des personnels et le maintien des liens familiaux pour les personnes détenues.

Direction interrégionale
des services pénitentiaires

Projets de fermetures
et nombre de places

Bordeaux

MA Rochefort - 51 (2016)

MA Saintes - 83 (2016)

MA Bordeaux-Gradignan - 405 (2015)

MA Agen - 146 (2017-18)

Dijon

MA Orléans - 105 (2014)

MA Troyes - 116 (2016)

MA Dijon - 187 (2016)

MA Chartres - 112 (2014)

Lille

MA Compiègne - 82 (2015)

MA Beauvais - 117 (2015)

QCD de Liancourt - 162 (2015)

QMA et QCD de Loos - 807 (2011)

MA Rouen - 649 (2016)

MA Béthune - 180 (2016)

MA Dunkerque - 105 (2016)

Lyon

MA Riom - 114 (2015)

CD Riom - 168 (2015)

MA Clermont-Ferrand - 86 (2015)

MA Valence - 137 (2015)

Marseille

Paris

CD Melun - 310 (2016)

MC Poissy - 309 (2016)

MA Paris-la-santé - 483

Rennes

MA Fontenay-le-Comte - 39 (2017-18)

MA Caen - 310 (2017)

CP Caen - 467 (2017)

MA Coutances - 48 (2017)

MA Cherbourg - 46 (2017)

MA Angers - 267 (2017)

MA La Roche-sur-Yon - 40 (2017-18)

Strasbourg

MA Sarreguemines - 71 (2017)

CD Oermingen - 268 (2017)

MC Ensisheim - 216 (2015)

MA Colmar - 120 (215)

MA Mulhouse - 283 (2017)

Toulouse

MA Cahors - 59 (2012)

La fermeture de ces établissements devrait intervenir entre 2015 et 2018 avec, toutefois, des désarmements anticipés :

- en 2011, les quartiers maisons d'arrêt et centre de détention de Loos-Les-Lille lors de l'ouverture du centre pénitentiaire de Lille Annoeullin ;

- en 2012, la maison d'arrêt de Cahors dont la fermeture est liée à l'accroissement des capacités de la maison d'arrêt de Montauban ;

- en 2014, les maisons d'arrêt de Chartres et d'Orléans dont les fermetures sont liées à la mise en service du centre pénitentiaire d'Orléans.

Afin de répondre aux prescriptions de la loi pénitentiaire adoptée en novembre 2009, la réalisation du nouveau programme immobilier s'appuie notamment sur le concept d' « établissement à réinsertion active » élaboré sur la base des retours d'expérience du fonctionnement des établissements des deux derniers programmes de construction et des missions effectuées à l'étranger (Suède, Espagne, Angleterre).

Il s'articule autour de sept axes :

- la création de 6.712 places nettes qui permettra d'assurer un taux d'encellulement individuel de 95% de la population hébergée 23 ( * ) . Par ailleurs, la superficie des cellules, dont l'agencement garantira la fonctionnalité et la présence de douches, sera fixée à 8,5 m² afin de rendre quasiment impossible l'installation de deux détenus.

- la mise en oeuvre des régimes différenciés afin de permettre un mode de détention adapté à la dangerosité et à la personnalité de chaque détenu qui fera l'objet, à son arrivée au sein de l'établissement, d'une évaluation préalable.

Deux régimes de détention seront mis en oeuvre. Le régime de détention mode « ouvert » repose sur l'autonomie et la libre circulation du détenu au sein du quartier dont l'organisation reproduit le plus possible les conditions de vie à l'extérieur afin de faciliter sa resocialisation. Le mode «fermé» prévoit à l'inverse un encadrement renforcé de la population pénale dont les déplacements seront accompagnés par les personnels.

- l'organisation d'un volume d'activité de 5 heures par jour pour tous les détenus, qu'ils soient affectés en mode ouvert ou fermé. En conséquence, le nombre de locaux dédiés à l'insertion sera augmenté de 40 % par rapport au programme « 13.200 ».

- une capacité maximale de 160 places par quartier qui se déclinera en unités de 40 places.

- la construction au sein de chaque établissement d'un nombre suffisant d'unités de vie familiale et de parloirs familiaux afin de permettre aux détenus de rencontrer leur entourage sur des durées plus longues.

- la prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux améliorée par la création systématique, en accord avec le ministère de la santé, de locaux destinés aux services de psychiatrie au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA).

- enfin, l'installation systématique des dispositifs de vidéosurveillance dans les coursives des unités d'hébergement et les cours de promenades afin de limiter les phénomènes de violence.

Les établissements auront une capacité moyenne de 520 places (certains, tels que le centre pénitentiaire de Saint-Jean d'Angély, de Saint-Lô, de la Vendée, d'Oermingen et de Sauzet comptent même un nombre limité à 330 places). Les programmes fonctionnels et techniques ont déjà intégré plusieurs progrès : d'un point de vue architectural, des demi-nefs seront aménagées afin de renforcer la lumière naturelle et la sécurité ; une attention particulière devrait être accordée au traitement acoustique des unités ; les cours de promenade seront pour partie engazonnées et arborées.

Quant aux établissements finalement conservés, la réhabilitation portera sur :

- le cloisonnement des cellules collectives pour les transformer en cellules simples ;

- le développement de locaux d'activité et de sports ;

- la construction d'unités de vie familiales et de parloirs.

- la restructuration de l'unité de consultation de soins ambulatoire ;

- l'installation d'interphonie dans les cellules ;

- la création d'un quartier arrivant ;

Le coût pour les finances publiques devrait s'élever à 5 800 millions d'euros pour la réalisation de 22 sites en contrat de partenariat (avec pour hypothèse une première signature de contrat dès 2012). Les autres sites seront budgétés en maîtrise d'ouvrage publique (type conception réalisation).

IV. LES DROITS DES PERSONNES DÉTENUES MIEUX RECONNUS

A. LA LOI PÉNITENTIAIRE : UNE MISE EN oeUVRE RÉGLEMENTAIRE DÉSORMAIS EN BONNE VOIE

La loi pénitentiaire, grâce aux initiatives conjuguées du Sénat et de l'Assemblée nationale, a permis de mieux assurer dans notre droit la pleine reconnaissance de la dignité de la personne détenue. Parmi les différentes dispositions adoptées, à ce titre, par le Parlement, il convient de citer plus particulièrement :

- l'encadrement des conditions dans lesquelles les détenus peuvent faire l'objet de fouilles ;

- le renforcement des garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires (notamment avec la présence d'une personne extérieure à l'administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline) ;

- l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir la sécurité des personnes détenues et l'institution d'un régime de responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès en détention survenus du fait d'une agression commise par un détenu.

D'une manière générale, la loi pénitentiaire a permis de relever au niveau législatif plusieurs dispositions qui relevaient du règlement voire de la circulaire alors même qu'elles affectaient directement l'exercice des droits et libertés.

L'essentiel des dispositions relatives aux droits des détenus et aux régimes de détention a fait l'objet de deux décrets d'application (décret en Conseil d'Etat n° 2010-1634 du 23 novembre 2010 et décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010).

Si les principes de la loi pénitentiaire sont en passe de franchir l'étape de leur transcription réglementaire, leur diffusion dans les pratiques quotidiennes apparaît comme l'un des principaux enjeux de la politique pénitentiaire actuelle.

• Conditions de détention

Allant même au-delà de la loi, le décret prévoit qu'un enfant antérieurement admis à rester avec sa mère en détention (pendant une durée de 18 mois susceptible d'être prolongée 6 mois) pourra revenir séjourner avec elle pendant de courtes durées pour une période d'un an et non de 6 mois comme auparavant. Ainsi, un enfant pourra rester avec sa mère jusqu'à ses 2 ans puis séjourner avec elle par intervalle jusqu'à ses 3 ans. Comme l'observe Mme Martine Herzog-Evans 24 ( * ) , « voilà qui nous rapproche des pays les plus protecteurs des enfants ».

• Le droit disciplinaire

Le décret présente dans un nouvel ordre les infractions disciplinaires (ainsi les infractions contre les personnes détenues apparaissent comme la deuxième infraction juste après les violences exercées contre un membre du personnel pénitentiaire ou une personne en mission ou en visite dans l'établissement) et les définit de manière plus précise (le premier degré comprend 11 infractions au lieu de 9 précédemment).

La sanction disciplinaire la plus lourde, le placement en cellule disciplinaire, est assouplie à plusieurs titres : la durée se trouve limitée à 20 jours pour les infractions du premier degré de gravité (30 jours en cas de violences contre les personnes), 14 jours pour les fautes du second degré et 7 jours pour celles du troisième degré (article R. 57-7-47) ; le détenu pourra passer un appel téléphonique par période de sept jours (article R. 57-7-45).

La procédure disciplinaire présente des garanties renforcées : l'auteur du compte rendu d'incident ne peut plus siéger au sein de la commission de discipline (articles R. 57-7-13 et R. 57-7-14) ; les poursuites disciplinaires ne pourront pas être exercées plus de six mois après la découverte des faits (article R. 57-7-15) ; le délai de comparution devant la commission de discipline est porté de 3 à 24 heures facilitant une meilleure défense de la personne (la personne détenue étant par ailleurs informée non seulement des faits reprochés comme tel était le cas auparavant mais aussi de leur qualification juridique -article R. 57-7-16).

Le placement préventif en cellule, dans l'attente de la comparution devant la commission de discipline pourra se faire non seulement en cellule disciplinaire mais aussi en cellule individuelle ordinaire. La mesure est en outre strictement encadrée : elle doit être « l'unique moyen de mettre fin à l'infraction ou de préserver l'ordre interne de l'établissement » ; le délai du placement préventif commence à courir le lendemain du jour du placement en prévention et expire le deuxième jour suivant à 24 heures.

Le choix de l'assesseur extérieur à l'administration pénitentiaire fait l'objet d'une procédure d'habilitation préalable par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent (article R. 57-7-8). Les intéressés doivent être choisis parmi les personnes qui « manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires » (article R. 57-7-8). Le chef d'établissement dresse un tableau de roulement qui désigne pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger (articles R. 57-7-8 et R. 57-7-12).

Il importe aujourd'hui que l'administration pénitentiaire puisse disposer d'un vivier suffisant d'assesseurs extérieurs. Plusieurs actions de communication ont été mises en oeuvre en ce sens. Une affiche informant les citoyens de la possibilité de siéger au sein des commissions de discipline ainsi qu'un dépliant présentant le rôle et le fonctionnement de l'instance disciplinaire, la mission des assesseurs extérieurs, les conditions requises et la procédure d'habilitation ont ainsi été réalisés. Ces outils de communication, accessibles et téléchargeables sur le site Internet du ministère de la justice, ont vocation à être installés dans les lieux accessibles au public. En outre, des démarches de communication ont été engagées localement tant par les chefs d'établissement que par les présidents de tribunaux de grande instance. Des contacts ont été pris auprès des préfectures et des municipalités, d'universités et d'associations. Les chiffres recueillis auprès de 177 établissements font état, au 31 août 2011, de 454 assesseurs habilités et 145 candidatures en cours d'examen. Les opérations de recrutement se poursuivent actuellement. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, certains ressorts sont toutefois encore dépourvus d'assesseurs extérieurs.

• Les fouilles

L'encadrement des fouilles est, parmi les différentes mesures en faveur des personnes détenues, celle qui soulève chez les personnels de surveillance les réserves les plus vives au regard des exigences de sécurité.

L'article 57 de la loi pénitentiaire est inspiré de la jurisprudence du Conseil d'Etat 25 ( * ) selon laquelle les fouilles doivent, pour être conformes à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, réunir les conditions de nécessité, d'adaptation au motif poursuivi et de proportionnalité.

Ainsi les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement.

D'autre part, leur nature et leur fréquence doivent être strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues.

Enfin, au regard du principe de proportionnalité, la loi précise que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. En outre, les investigations corporelles internes sont proscrites, « sauf impératif spécialement motivé » -elles ne peuvent être alors réalisées que par un médecin exerçant en dehors de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire.

Les articles R. 57-7-79 à R. 57-7-82 du code de procédure pénale issus du décret du 23 décembre 2010, paraissent interpréter a minima les prescriptions de la loi pénitentiaire. Ils énoncent la nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence aux circonstances de la vie en détention, au profil de la personne détenue en termes de sécurité et d'ordre. Les mesures doivent être décidées par le chef d'établissement et fondées sur un impératif de sécurité des personnes ou de bon ordre de l'établissement ou de prévention des infractions pénales.

Les fouilles demeurent très fréquentes -comme l'a indiqué le directeur de l'administration pénitentiaire à votre rapporteur-, voire systématiques après les parloirs dans un grand nombre d'établissements.

Votre rapporteur regrette que le projet de budget pour 2012 ne prévoit pas de financement pour permettre l'expérimentation de matériels de détection électronique qui éviterait le recours à des pratiques ressenties comme humiliantes pour les personnes détenues.

Deux décrets importants restent attendus :

- celui relatif aux règlements intérieurs types qui devra notamment préciser la nature des régimes différenciés de détention. En effet, aux termes de l'article 728 du code de procédure pénale, des « règlements intérieurs-types, prévus par décret en Conseil d'Etat, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires ». Ces dispositions sont particulièrement importantes pour supprimer les disparités entre régimes de détention trop souvent observées d'un établissement à l'autre pour des personnes détenues présentant pourtant un profil comparable;

- celui concernant l'évaluation du taux de récidive par établissement pour peines par un observatoire indépendant . L'objectif visé par l'article 7 de la loi pénitentiaire n'était pas d'instituer un nouvel organisme mais de confier les missions de collecte, d'analyse et d'évaluation à l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, rattaché à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice créé par le décret n° 2009-1321 du 28 octobre 2009. Ce texte doit faire l'objet des modifications nécessaires.

L'application des principes posés par la loi pénitentiaire pourra s'appuyer en particulier sur l'action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

B. L'AIGUILLON NÉCESSAIRE DU CONTRÔLE

• Le contrôle juridictionnel

L'amélioration des conditions de détention doit beaucoup au contrôle juridictionnel exercé par les juridictions administratives ou, au niveau européen, par la Cour européenne des droits de l'Homme.

La mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison des conditions de détention a connu une forte augmentation depuis l'année 2008. Les condamnations prononcées par les juridictions administratives soit dans le cadre d'instances de fond, soit dans le cadre d'instances de référé, ont représenté en 2010 un montant de 143.950 euros contre une somme totale de 47.000 euros sur la période 2007-2009.

A titre d'exemple, en novembre 2010, le tribunal administratif de Toulon a reconnu la responsabilité de l'Etat en le condamnant à 10.000 euros dans une affaire de viol d'un détenu par un codétenu en 2008 à la prison toulousaine de La Farlède. L'administration avait été reconnue fautive pour avoir placé la victime avec un autre détenu dont la dangerosité pour viol était connue.

Par ailleurs, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en mai dernier pour traitements dégradants en violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme 26 ( * ) . En l'espèce la personne détenue avait subi des examens médicaux en étant menottée et sous la surveillance d'agents d'escorte -policiers ou personnels pénitentiaires-. La Cour a estimé que ces mesures « ont pu causer un sentiment d'arbitraire, d'infériorité et d'angoisse caractérisant un degré d'humiliation dépassant celui que comportent inévitablement les examens médicaux des détenus ». Elle a conclu que « les mesures de sécurité imposées (...) lors des examens médicaux combinées avec la présence du personnel pénitentiaire s'analysent en un traitement dépassant le seuil de gravité toléré par l'article 3 et constituent un traitement dégradant ».

• Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

L'activité du Contrôleur général revêt deux formes principales :

- les réponses aux saisines dont il est l'objet -en vertu de l'article 6 de la loi du 30 octobre 2007, toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence ; le Contrôleur général peut être saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les parlementaires ainsi que par différentes autorités administratives indépendantes ; il peut enfin se saisir de sa propre initiative. Au 1 er juillet 2011, 996 saisines sur des situations individuelles avaient été transmises au garde des sceaux (contre 485 au 1 er août 2010).

- les visites . Au 1 er juillet 2011, le Contrôleur général avait effectué 119 contrôles en établissement pénitentiaire (75 en 2010). Ces contrôles ont donné lieu à 60 rapports de visite. Les observations formulées par le Contrôleur général portent principalement sur l'amélioration des conditions de détention et les travaux à réaliser dans ce cadre. Elles concernent aussi en ordre décroissant le manque d'activités rémunérées, le maintien des liens familiaux, les difficultés d'accès aux soins, les conditions d'utilisation des moyens de contrainte.

Selon les informations communiquées par le ministre de la justice à votre rapporteur, l'administration pénitentiaire s'est attachée à « répondre précisément et promptement aux observations du Contrôleur général et à suivre avec attention leur mise en oeuvre et les engagements pris par le Garde des Sceaux ».

Au 31 décembre 2010, sur les 519 observations contenues dans les 51 rapports remis au 31 décembre 2009, 345 sont d'ores et déjà effectives et 93 le seront prochainement, soit au total 80 % de ces observations.

En outre, les inspecteurs territoriaux de l'inspection des services pénitentiaires ont été chargés de vérifier in situ leur réalisation effective, à l'occasion de chaque inspection portant sur les établissements pénitentiaires concernés. Ces rapports de contre-visite sont transmis au Contrôleur général.

A la suite de la recommandation relative à la préservation des effets des personnes détenues, l'administration pénitentiaire a rappelé (note du 22 décembre 2010) aux directions interrégionales la nécessité de veiller particulièrement au respect des procédures de prise en compte des affaires personnelles à toutes les étapes de la vie en détention -écrou, fouille des cellules, changement de cellules et transfert.

Dans un avis en date du 20 juin 2011 sur l'accès à l'informatique des personnes détenues, le Contrôleur général s'interroge sur la légalité des dispositions de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale qui prévoit que le matériel informatique peut, dans certains cas, indépendamment de toute procédure disciplinaire, être confisqué par l'administration pénitentiaire.

Il distingue l'utilisation de ces équipements en cellule et dans les locaux collectifs. En cellule, aucun matériel ne doit permettre de communiquer directement, par voie filaire ou par tout autre moyen, avec un tiers. En revanche, les personnes détenues « doivent pouvoir bénéficier en cellule d'une part d'ordinateurs correspondant à leurs besoins, d'autre part des capacités de stockage de données qu'elles estiment utiles », enfin du programme informatique (logiciels) sous réserve des exigences liées à la réinsertion, au bon ordre de l'établissement, aux intérêts des victimes.

Dans les locaux partagés, en présence d'un personnel de l'administration ou d'un tiers (enseignant, formateur...), les matériels et les données permettant la communication « doivent être admis et même encouragés ».

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a indiqué à votre rapporteur que ses avis étaient davantage suivis au niveau local que sur le plan national.

C. UN EXEMPLE CONCRET D'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION : LA CANTINE ET LA TÉLÉVISION

Parmi les aspects de la vie en détention les plus critiqués par les personnes détenues reviennent, de manière récurrente, l'hétérogénéité des tarifs de la cantine et de l'accès à la télévision.

Dans un rapport sur le service public pénitentiaire publié en 2010, la Cour des comptes avait rappelé la nécessité d'une remise en ordre de la « cantine », cette « boutique » de l'établissement pénitentiaire où les détenus peuvent se procurer, grâce à la part disponible de leur compte nominatif, des objets, des aliments ou des prestations de service (location de téléviseur, téléphonie...). En outre, la Cour avait noté que la gestion des téléviseurs, par des organismes dont l'objet social n'est pourtant pas la fourniture de services à titre onéreux, s'accompagne de différences de prix et de pratiques difficilement justifiables d'un établissement à l'autre.

L'administration pénitentiaire s'efforce désormais d'harmoniser les prix de vente des produits de cantine selon trois axes :

- homogénéiser les niveaux de prix des produits les plus populaires au regard des volumes de commande et du chiffre d'affaires généré (70 % de l'ensemble des recettes hors produits non margeables) ;

- la réduction des prix dans la grande majorité des établissements ;

- l'institution d'une règle simple et acceptable tant par les détenus que par les agents pénitentiaires à savoir que lorsqu'un produit demandé par le détenu figure dans le catalogue national, l'économe de l'établissement est tenu de passer par le marché national. Dans le cas contraire, l'économe peut continuer à s'approvisionner selon les modalités locales retenues jusqu'alors.

Par ailleurs, sur la base d'un état des lieux de la diversité des tarifs pratiqués pour la location des postes de télévision en détention, l'administration pénitentiaire a décidé de fixer à 8 euros par mois pour l'ensemble des personnes détenues le coût de la prestation télévision comprenant la fourniture d'un poste ainsi que l'accès à un panel de chaînes payantes. Cette nouvelle tarification devrait se traduire par une réduction significative du prix de location des postes. Les indigents bénéficieront, quant à eux, de l'accès à la télévision à titre gratuit.

Dans la perspective de cette harmonisation, la direction de l'administration pénitentiaire a lancé un appel d'offres national en vue de la conclusion d'accords-cadres portant sur la fourniture de postes de télévision et d'abonnement à un bouquet de chaînes payantes.

La nouvelle tarification sera applicable le 1 er janvier 2012 pour les établissements en gestion publique et le 1 er janvier 2013 pour les établissements en gestion déléguée.

Il reste encore toutefois beaucoup à faire pour réduire les disparités dans les conditions de détention. L'hétérogénéité des horaires d'ouverture des centres de semi-liberté, l'inégalité des conditions dans lesquelles, selon les établissements, les parloirs familiaux ou les visites au sein des unités de vie familiales : les exemples pourraient être multipliés et justifient pleinement la rédaction dans des délais rapides des règlements types souhaités par le législateur.

D. LA TRÈS FRAGILE STABILISATION DU NOMBRE DE SUICIDES

Face à l'augmentation alarmante du nombre de suicides constatée en 2008, le garde des sceaux avait réuni une commission d'experts présidée par le professeur Albrand, chargée de procéder à une évaluation du dispositif de lutte contre les suicides en milieu carcéral. Dans le prolongement des recommandations formulées par cette commission, un plan d'actions articulé autour de cinq orientations avait été arrêté :

- la formation du personnel pénitentiaire au risque suicidaire ;

- l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles avec la mise en oeuvre de matériel adapté (cellule de protection d'urgence ou sécurisées, mise à disposition de couvertures indéchirables, interphones ...) ;

- l' amélioration des conditions de détention dans les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone, mise à disposition de postes radio ...) ;

- le développement des activités en détention ;

- la mise en oeuvre de certaines expérimentations telles que la présence de « codétenus de soutien » ou le développement de la « vidéoprotection ».

Ce plan d'actions fait l'objet d'un suivi régulier par un groupe de pilotage national coprésidé par le directeur de l'administration pénitentiaire et le professeur Terra. En outre, une mission de prévention et de lutte contre le suicide en milieu carcéral a été créée à la fin de l'année 2009 au sein de la direction de l'administration pénitentiaire.

Quel bilan peut-on dresser au terme de deux années d'application de ce plan ?

Aujourd'hui, la totalité des établissements pénitentiaires dispose d'une dotation de protection d'urgence. Trente deux d'entre eux (au 1 er août 2011) ont mis en place une cellule de protection.

L'expérimentation des codétenus de soutien au sein de quatre établissements fait l'objet d'une évaluation scientifique par une équipe de chercheurs indépendants.

En 2010, le nombre de suicides s'est stabilisé à un niveau élevé - 121 contre 122 en 2009- soit un taux de 18 pour 10.000 personnes écrouées, l'un des plus élevés d'Europe. Après une augmentation très préoccupante des actes suicidaires (suicide et tentatives de suicide) en 2009, (2.714 actes contre 1.808 en 2008 soit une hausse de 50 %), le nombre d'actes a légèrement baissé en 2010 - 2.355 . Cet infléchissement fragile devra impérativement se confirmer au cours des prochaines années.

V. LE DÉVELOPPEMENT DU TRAVAIL ET DE LA FORMATION : UNE ARDENTE OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A l'initiative de votre rapporteur pour avis, l'article 27 de la loi pénitentiaire prévoit une obligation d'activité pour les personnes détenues condamnées.

L'exercice d'une activité -emploi, formation professionnelle, cours, activité socio-culturelle ou sportive, participation à un groupe de parole dans le cadre d'un programme de prévention de la récidive- demeure en effet le meilleur gage de la réinsertion. Or, dans une majorité de cas, le temps de la peine demeure un temps mort. La disposition introduite dans la loi pénitentiaire poursuit deux objectifs : ne pas permettre que des détenus restent inoccupés alors que des activités leur sont proposées, encourager l'administration pénitentiaire à rechercher, le cas échéant avec des partenaires extérieurs, la palette la plus large possible d'occupation.

Le législateur a assorti l'obligation de trois conditions : elle ne s'applique que si l'établissement est en mesure de proposer plusieurs activités ; elle a pour finalité de poursuivre la réinsertion de la personne ; elle doit être adaptée à son âge, ses capacités et sa personnalité. Enfin, la loi a prévu que « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement, les personnes détenues sont consultées par l'administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées ».

L'application de ces dispositions devrait s'inscrire dans le cadre progressivement mis en place par l'administration pénitentiaire pour définir un parcours d'exécution de la peine . Au sein des quartiers arrivants, des entretiens sont menés par les différents services (détention, service pénitentiaire d'insertion et de probation - SPIP - santé, enseignement, formation, travail, etc.) afin de repérer les compétences, les besoins et les demandes des personnes détenues. Une commission pluridisciplinaire unique assure la synthèse de ces observations et, en fonction du profil des personnes et du nombre de places, valide les propositions d'inscriptions dans le souci, selon l'administration pénitentiaire, de combiner des activités sans chevauchement.

Le nouvel article R. 57-9-1 issu du décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 précise que la personne détenue remplit l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 27 de la loi pénitentiaire « lorsqu'elle exerce au moins l'une des activités relevant de l'un des domaines suivants : travail, formation professionnelle, enseignement, programmes de prévention de la récidive, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques ».

Si le législateur a entendu ménager une réelle souplesse dans l'éventail des activités susceptibles d'être proposées en détention, il a souhaité que l'administration pénitentiaire s'efforce surtout de développer le travail et la formation professionnelle en raison de leur contribution à la réinsertion professionnelle.

A. LE TRAVAIL : UNE ÉVOLUTION PLUS FAVORABLE EN 2010 ?

Au regard des objectifs fixés par la loi pénitentiaire, le bilan de l'année 2010 apparaît plus favorable : la masse salariale enregistre une hausse de 9 % pour les activités de production (contre une diminution de 13 % en 2009), le nombre d'emplois en production 27 ( * ) ayant progressé de 726 emplois par rapport à 2009.


Bilan du travail pénitentiaire en 2010

Les activités de service général , générées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements, ont employé 34,4 % de personnes détenues en 2010, soit 8 247 postes de travail en moyenne mensuelle. La rémunération s'effectue sur la base de tarifs journaliers fixés dans le cadre de crédits budgétaires de fonctionnement attribués à chaque établissement. La rémunération mensuelle moyenne par poste de travail, sur la base de 295 jours travaillés dans l'année s'élève à 239 euros.

Le travail effectué dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire (SEP) par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » (RIEP) a employé 1 124 personnes détenues en moyenne chaque mois pour une rémunération par poste de travail en équivalent temps plein de 535 euros par mois (525 euros en 2009).

Les activités de travail gérées par les entreprises privées concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée, ont employé en moyenne annuelle 8 109 personnes détenues (7 265 en 2009) pour une rémunération mensuelle moyenne par poste de travail en équivalent temps plein de 374 euros (équivalente à celle de 2009).

Dans la période récente, à la faveur notamment du plan « Entreprendre » engagé en 2008, l'administration pénitentiaire a mis en oeuvre plusieurs mesures incitatives telles que l'institution de la journée continue ou le développement des facilités d'accès pour les véhicules. L'ouverture de nouveaux établissements dotés d'espaces plus adaptés aux activités productives a aussi, sans doute, contribué à infléchir l'érosion du taux d'emploi au sein des prisons.

L'administration pénitentiaire a poursuivi un effort de communication auprès des entreprises avec la diffusion en 2010 d'un document intitulé « l'offre aux entreprises : nos neuf engagements de service ». Ce document énonce pour chaque établissement pénitentiaire les principaux engagements de service relatifs à l'organisation du travail, les structures et procédures dédiées.

La situation reste cependant très inégale entre les établissements pour peine dont les espaces consacrés aux activités couvrent une surface importante 28 ( * ) et les maisons d'arrêt dotées de locaux insuffisants, vétustes et difficiles d'accès. En outre, le taux de rotation beaucoup plus rapide de la population pénale en maison d'arrêt rend plus complexe la mise en oeuvre d'activités rémunérées. Par ailleurs, comme l'ont rappelé plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur, la situation de l'emploi dans les établissements d'outre-mer demeure très préoccupante .

L' évolution encourageante de la situation financière de la RIEP pourrait aussi favoriser l'offre d'emplois en milieu pénitentiaire. En 2009, le SEP a géré 48 ateliers de production implantés dans 24 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des détenus condamnés à de longues peines -les ateliers de la RIEP représentent ainsi 63 % de l'emploi en production des maisons centrales.

Le SEP intervient dans plus de 11 secteurs d'activité différents (confection, menuiserie, boissellerie, métallerie, mécanique générale, imprimerie, informatique, numérisation d'activités audiovisuelles, travail à façon, cuir, exploitation agricole et diverses activités liées aux plans de sauvegarde du patrimoine). Le chiffre d'affaires -réalisé pour 68,6 % avec le secteur public dont 57 % avec l'administration pénitentiaire (confection des uniformes des personnels de surveillance, fabrication du mobilier de détention) a progressé légèrement en 2010 (+ 0,7 % pour atteindre un montant de 22,9 millions d'euros). Les secteurs de la confection, du métal et du bois représentent à eux seuls près des trois quarts de ces résultats. Après plusieurs exercices déficitaires, le SEP-RIEP a rétabli ses équilibres financiers et dispose des marges de manoeuvre nécessaires à la poursuite de ses activités et à la modernisation de ses équipements industriels.

Comme votre rapporteur avait pu le constater lors de la visite du centre de détention de Nantes en 2010, la RIEP est en mesure d'organiser des activités à forte valeur ajoutée : élaboration de plans pour les services d'incendie et de secours ou encore centres d'appel . L'expérience, encore récente, semble néanmoins donner des résultats plus satisfaisants que lorsque cette action de promotion était confiée à une entreprise privée.

Selon votre rapporteur, différentes pistes peuvent ainsi être explorées afin d'enrichir les tâches confiées aux détenus et permettre de couvrir une palette d'activités plus diversifiées. Il souhaiterait citer à cet égard la plateforme de tri sélectif en cours d'installation à la maison d'arrêt de Douai (après avoir été initiée au centre pénitentiaire de Lille-Loos).

Par ailleurs, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, votre rapporteur avait souhaité qu'une priorité soit donnée dans le cadre des attributions de marchés publics, aux productions des établissements pénitentiaires et obtenu des engagements en ce sens du Gouvernement.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, le ministère de la justice et des libertés a demandé au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi que le droit de préférence prévu par l'article 53 IV du code des marchés publics soit étendu au SEP et aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par les personnes détenues.

Par un courrier en date du 22 avril 2010, ce ministère a précisé que le SEP n'ayant pas de personnalité morale distincte de celle de l'Etat, il n'est pas soumis au code des marchés publics lorsqu'il lui fournit des prestations. En revanche, le droit de préférence devrait être étendu aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires sous la forme d'une modification par voie réglementaire du code des marchés publics.

Enfin, la loi pénitentiaire a prévu l'implantation au sein des établissements pénitentiaires de structures d'insertion par l'activité économique afin d'élargir l'offre de travail (article 33). Si des discussions ont été engagées entre l'administration pénitentiaire et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, les textes d'application tardent. Or, ces dispositifs sont essentiels pour permettre aux personnes détenues de s'engager dans un parcours professionnalisant afin de préparer au mieux leur sortie.

S'agissant de la rémunération du travail pénitentiaire , l'article 32 de la loi pénitentiaire prévoit qu'elle ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret, indexé sur le SMIC et variable en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. Les taux minimum ont été déterminés par le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 : 45 % du SMIC pour les activités de production, 33 % du SMIC pour le service général, classe 1 (poste d'ouvrier qualifié), 25 % du SMIC pour le service général, classe 2 (poste d'appui aux professionnels qualifiés), 20 % du SMIC pour le service général, classe 3 (postes constitués de taches simples ne requérant pas de connaissances professionnelles particulières) 29 ( * ) .

B. LA FORMATION : LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA LOI PÉNITENTIAIRE ENCORE PEU EXPLOITÉES

La formation comprend deux volets distincts : l'enseignement et la formation professionnelle

L'enseignement

Dans le cadre de la loi pénitentiaire, le législateur a précisé que « lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l'activité consiste par priorité en l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Lorsqu'elle ne maîtrise pas la langue française, l'activité consiste par priorité en son apprentissage. L'organisation des apprentissages est aménagée lorsqu'elle exerce une activité de travail » (article 27). Conformément à ces orientations, une attention particulière s'attache au repérage de l'illettrisme. Une procédure de repérage assumée désormais principalement par les services pénitentiaires eux-mêmes a été organisée dès l'accueil des personnes détenues dans 103 maisons d'arrêt représentant 92 % du flux des entrants de toutes les maisons d'arrêt et des centres pénitentiaires.

Au cours de l'année 2010-2011, l'encadrement a été assuré par 460 enseignants à temps plein , auxquels s'ajoutaient des vacations représentant 239 équivalents temps plein, soit un total de 699 équivalents temps plein.

Compte tenu du niveau général de la population pénale, les formations de base apparaissent prioritaires dans la mesure où elles déterminent pour une large part les autres apprentissages.

En 2010, un flux annuel de 48.478 personnes détenues a été scolarisé contre 47.594 en 2009, soit une hausse de près de 2 % :

- 62,6 % d'entre elles ont suivi une formation de base, d'alphabétisation, de lutte contre l'illettrisme, de Français langue étrangère, de remise à niveau ou de préparation au certificat de formation générale ;

- 27,7 % ont préparé des diplômes de niveau CAP-BEP ou brevet ;

- 8 % ont préparé des diplômes de niveau baccalauréat ou d'accès à l'université ;

- 1,6  % étaient inscrits dans l'enseignement supérieur.

Plus de 10 % des personnes scolarisées ont obtenu un diplôme en 2010.

6.139 personnes détenues ont été candidates à un examen scolaire ou universitaire. 75 % d'entre elles ont été reçues complètement (6 % partiellement). Le diplôme le plus fréquemment détenu est le certificat de formation générale (CFG).

La formation professionnelle

Compte tenu de la part largement majoritaire au sein des détenus de personnes sans formation, la priorité porte sur les actions de formation de base , de remise à niveau et de préqualification -soit 66 % des formations professionnelles servies au sein des établissements pénitentiaires.

Le faible niveau des publics détenus ne permet pas toujours de mettre en place des formations avec des qualifications au-delà de niveau CAP/BEP. Ces formations sont principalement orientées vers le bâtiment, la restauration ou l'informatique.

En 2010, 23.898 personnes ont bénéficié d'une formation professionnelle, soit une progression de 17 % par rapport à 2009. Sur les 637 d'entre elles qui se sont présentées à un examen, 262 ont été reçues.

L'année 2010 a été marquée par une forte augmentation des personnes inscrites dans des actions de formation de préparation à la sortie (16 % du nombre total d'entrées en formation contre près de 7 % en 2009).

Cependant, selon les témoignages recueillis par votre rapporteur au cours de ses auditions, l'implication, au sein des établissements en gestion déléguée, d'un partenaire privé dans l'organisation de la formation n'a pas toujours eu les effets escomptés notamment pour favoriser une meilleure réinsertion des personnes condamnées à l'issue de leur détention, dans le milieu professionnel. Par ailleurs, l'érosion constante du corps des personnels techniques de l'administration pénitentiaire a privé celle-ci de relais très précieux pour assurer, « sur le tas », une formation efficace aux personnes détenues.

La décentralisation de la formation professionnelle prévue à titre expérimental par la loi pénitentiaire devrait contribuer à relancer une dynamique qui s'est essoufflée au cours des dernières années du fait de la raréfaction des moyens financiers étatiques (même si, après une diminution régulière dans la période récente, les crédits de rémunération se sont stabilisés en 2010 -9,08 millions d'euros contre 9,05 millions d'euros en 2009).

L'expérimentation de ce dispositif a connu un obstacle imprévu : la nécessité d'indemniser les partenaires privés des établissements en gestion déléguée compétents en matière de formation. Il a donc été décidé de borner le champ de l'expérimentation aux seuls établissements en gestion publique. Cette évolution a conduit la région Provence-Côte d'Azur, initialement intéressée à revenir sur son accord de principe. D'autres régions, comme le Nord-Pas de Calais, ont estimé que le périmètre même des actions de formation transférées apparaissait trop restrictif (exclusion, par exemple, du bilan de compétences que l'Etat entend se réserver). En définitive, à ce jour, seules les régions Pays de Loire et Aquitaine se sont engagées dans l'expérimentation. La région Aquitaine a indiqué qu'elle consacrerait en 2011 1,2 million d'euros, dont un million d'euros de crédit d'Etat, à cette opération triennale qui devrait bénéficier à près de 2.000 détenus.

La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit a prévu l'assouplissement des conditions de transfert aux régions de la formation professionnelle des personnes détenues : d'une part, la durée de l'expérimentation serait portée de 3 à 4 ans, d'autre part, la mise à disposition du personnel contractuel actuellement en charge de la formation professionnelle dans les directions interrégionales des services pénitentiaires serait autorisée.

Un comité de pilotage réunissant les acteurs concernés 30 ( * ) devrait être mis en place à la fin de cette année afin de procéder à une première évaluation de cette expérimentation.

Votre rapporteur estime qu'il est indispensable de donner toutes ses chances à ces dispositions de la loi pénitentiaire en ouvrant une discussion avec les partenaires privés afin de ne pas réduire la portée du transfert de compétences aux seuls établissements en gestion publique.

En effet, l'intervention des régions dans la gestion et le pilotage des actions de formation professionnelle devrait permettre d'améliorer les parcours d'insertion des personnes détenues dans une perspective d'embauche au niveau du bassin local ou régional d'emploi.

C. LES ACTIONS EN FAVEUR DU RETOUR À L'EMPLOI

En effet, l'effort accordé à l'emploi et la formation n'a de sens que s'il améliore les perspectives de réinsertion de la personne détenue à sa libération. Il doit être complété par des actions spécifiques destinées à favoriser le retour à l'emploi des personnes détenues.

Ces actions sont aujourd'hui de deux sortes, celles conduites avec Pôle emploi et celles menées dans le cadre d'un protocole d'accord avec le MEDEF.

Les actions avec Pôle emploi

Une nouvelle convention a été signée au premier trimestre 2010 entre la direction de l'administration pénitentiaire et la direction générale de Pôle emploi, nouvel opérateur né le 19 décembre 2008 de la fusion entre l'ANPE et l'ASSEDIC.

Le développement d'une application informatique permettra l'inscription des personnes détenues suivies par Pôle emploi à compter d'octobre 2011. Cette avancée devrait faciliter la préparation des projets de sortie et d'aménagement de peine. Jusqu'à présent, en effet, seules les personnes sorties de prison pouvaient s'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi. Les conseillers Pôle emploi pourront ainsi proposer aux personnes détenues souhaitant anticiper leur réinsertion professionnelle, l'ensemble des services de Pôle emploi et, en particulier, des prestations d'aide à la confirmation du projet (évaluation de compétences et capacités professionnelles, évaluation en milieu du travail, bilan de compétences ...). Ils pourront également les orienter vers des dispositifs de formation professionnelle.

En 2010, les conseillers Pôle emploi/justice ont rencontré en entretien professionnel 17.932 personnes détenues en fin de peine ou susceptibles de bénéficier d'un aménagement de peine (19.361 en 2009). Chacune de ces personnes a pu bénéficier d'un bilan professionnel, permettant de définir la distance à l'emploi de ces personnes et, le cas échéant, d'initier en détention les premières étapes d'un parcours professionnel, selon trois axes distincts :

- dans la perspective de construction de projets professionnels, 19.370 actions d'aide à l'orientation professionnelle ont été réalisées (24.580 en 2009) ;

- dans un cadre d'accompagnement à la recherche d'emploi, 11.209 actions de techniques de recherche d'emploi ont été effectuées (15.519 en 2009) ;

- s'agissant des liens et relais extérieurs, 13.555 actions de mise en relation avec des structures extérieures (missions locales, entreprises d'insertion ...) ont été organisées (18.866 en 2009).

Parmi l'ensemble des personnes détenues suivies par un correspondant Pôle emploi/justice, 30 % ont pu obtenir une solution directe d'insertion professionnelle au moment de leur sortie de détention définitive ou dans le cadre d'un aménagement de peine. Ainsi, à leur sortie de détention, 2.099 personnes avaient un emploi, 1.222 ont intégré une formation professionnelle, et 2.106 ont été accueillies dans une prestation d'accompagnement Pôle emploi.

Le partenariat avec les entreprises privées

Le 28 mai 2008 a été conclu un protocole d'accord national entre la garde des sceaux et la présidente du MEDEF à la maison d'arrêt de Villepinte afin de faciliter le retour à la vie active des personnes détenues. Cet accord a fait l'objet de déclinaisons locales au cours de l'année 2009.

Ainsi, le MEDEF nord - Pas-de-Calais a été le premier (le 13 octobre 2008) à signer un protocole d'accord suivi par le MEDEF Bourgogne et, au niveau départemental, par les MEDEF des Bouches-du-Rhône, de Gironde, d'Alsace, des Yvelines, de Côte d'Or, du Limousin, de Moselle. En outre, un accord a été conclu avec le MEDEF du Cambraisis (Nord) le 23 mars 2009.

Trois séries d'actions ont été conduites en 2010/2011 :

- des actions d'information en milieu carcéral : des forums emploi et des journées de découvertes de métiers ont permis aux personnes détenues de se rapprocher du monde de l'entreprise. La présentation aux entreprises du travail au sein des établissements pénitentiaires a contribué à leur sensibilisation au travail en concession ;

- des actions de préparation à la sortie des personnes détenues : la préparation à la sortie s'appuie sur le dispositif de parrainage, sur la formation professionnelle (préqualification et contrats de professionnalisation) ainsi que sur l'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience (VAE) ;

- des actions pour une réinsertion professionnelle durable  (actions de réinsertion professionnelle en partenariat avec les structures de l'insertion par l'activité économique ou avec le ministère de la jeunesse)

Enfin, l'administration pénitentiaire a noué un partenariat avec le fonds « Agir pour l'insertion dans l'industrie » de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). Une première convention de partenariat a été signée entre la direction interrégionale de Lille et l'UIMM Nord -Pas-de-Calais afin de favoriser l'insertion des personnes détenues au centre pénitentiaire de Longuenesse : sensibilisations aux métiers de l'industrie, entretien individuel, bilan personnalisé, accès à des formations professionnelles qualifiantes dans les métiers de la métallurgie, mise en relation avec des employeurs sur des contrats en alternance.

VI. LES PERSONNELS : UNE MARGE ÉTROITE POUR LE RECRUTEMENT DES CONSEILLERS D'INSERTION ET DE PROBATION

A. UN NOUVEAU CODE DE DÉONTOLOGIE POUR LES PERSONNELS

La loi pénitentiaire a posé les grands axes du service public pénitentiaire. Le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire en a précisé le contenu.

Ainsi l'administration pénitentiaire doit s'acquitter de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et, en particulier, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le chapitre 2 du titre II du décret énumère les devoirs du personnel de l'administration pénitentiaire dans les relations avec les personnes qui lui sont confiées. Aux termes de l'article 15, le personnel pénitentiaire a le « respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire et de leurs droits ». Il s'interdit à leur égard toute forme de violence, d'intimidation ou de discrimination. Les dénominations injurieuses de même que le tutoiement, le langage grossier ou familier sont proscrits. Ces exigences valent aussi pour le comportement observé à l'égard des proches des personnes détenues.

Le décret (article 20) rappelle en outre que le personnel de l'administration pénitentiaire « ne peut entretenir sciemment avec des personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l'autorité ou le contrôle de l'établissement ou du service dont il relève, ainsi qu'avec leurs parents ou amis, de relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités du service ».

Le décret, parmi les droits et devoirs respectifs de la hiérarchie et des agents placés sous son autorité, mentionne la formation que l'administration doit assurer aux personnels avant leur prise de fonction sur les principales règles nationales et internationales relatives à la protection des droits de l'homme et sur la déontologie. L'administration pénitentiaire a, de plus, l'obligation de dispenser une formation spécifique aux agents susceptibles d'avoir recours à l'usage de la force et des armes.

La loi pénitentiaire permet le recours aux armes en détention, y compris en cas de « résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés » (article 12). Le nouvel article R. 57-7-84 (décret en Conseil d'Etat n° 2010-1634 du 23 novembre 2010 du code de procédure pénale) encadre de manière stricte cette faculté limitée aux cas de légitime défense, de tentative d'évasion et de mise en péril de l'établissement pénitentiaire.

B. LA QUESTION PERSISTANTE DES MOYENS DES SERVICES PÉNITENTIAIRES D'INSERTION ET DE PROBATION

Le drame survenu à Pornic au début de cette année (l'assassinat de la jeune Laetitia, mettant en cause un criminel déjà condamné pour viol, agression sexuelle et violences aggravées) a souligné de nouveau l'insuffisance des moyens dévolus aux services pénitentiaires d'insertion et de probation 31 ( * ) .

Certes, les effectifs du SPIP ont beaucoup augmenté dans la période récente passant de 1.175 à 3.198 personnels d'insertion et de probation entre 1997 et 2010. Au 1 er janvier 2011, 2.716 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation suivaient 239.996 personnes placées sous main de justice, soit un ratio de 88,4 dossiers par CPIP.

La titularisation intervenue à la fin du mois de juin 2011 de 240 agents de la 14 ème promotion des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que l'arrivée dans les services de 203 stagiaires de la 15 ème promotion en octobre 2011 permettront d'accroître les moyens. Pour anticiper les arrivées, une centaine d'agents contractuels a été recrutée en 2011.

Cet effort suffira-t-il à combler les vacances constatées dans de nombreux SPIP ? A Dunkerque, par exemple, sur 17 emplois théoriques, 10 seulement sont effectivement pourvus.

Surtout, il ne paraît pas à la mesure des objectifs fixés par la loi pénitentiaire en matière d'aménagement des peines. Selon l'étude d'impact accompagnant ce texte, l'accroissement du nombre de personnes prises en charge et l'exigence d'un suivi plus attentif des dossiers -soit un ratio de 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation- nécessiterait « la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32.844.000 euros ». A cette aune, les créations successives d'ETPT au titre des « métiers de greffe, de l'insertion et de l'éducatif » (148 dans la loi de finances pour 2010, 114 dans la loi de finances pour 2011, 41 seulement dans le projet de loi de finances pour 2012) demeurent très modestes.

L'évaluation faite en juillet 2011 par une mission conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires de l'effectif de référence des personnels d'insertion et de probation -à savoir de 2.931 à 3.004 ETPT- paraît en retrait par rapport à l'étude d'impact. Cette mission préconise une adaptation des méthodes de travail et « davantage de souplesse dans la gestion des effectifs par la mise en place d'équipes mobiles de renfort ». Sur ce point, M. Henri Masse, directeur de l'administration pénitentiaire, a précisé à votre rapporteur que la réflexion portait sur la mise en place d'un volant de 88 conseillers d'insertion et de probation « placés » afin de répondre, selon les besoins, aux demandes des directions interrégionales. Il a également évoqué le recours à la réserve civile pénitentiaire dont le budget a été triplé en 2011.

Si votre rapporteur ne conteste pas la nécessité de renforcer l'efficacité de l'organisation des SPIP, il estime néanmoins que la lutte contre la récidive et l'objectif de réinsertion impliquent un rééquilibrage indispensable des recrutements en faveur des conseillers d'insertion et de probation .

*

* *

Votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice - Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2012.

ANNEXE

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS
EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR

Auditions

Ministère de la justice

M. Henri Masse , directeur de l'administration pénitentiaire

Personnalités qualifiées

M. Jean-Marie Delarue , Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Syndicats

Syndicat national des directeurs pénitentiaires

SNP-FO des personnels techniques

Union générale des syndicats pénitentiaires - CGT

UFAP - UNSA

SNEPAP - FSU

Contribution écrite de SNP - FO des personnels d'administration
et d'intendance

Déplacements

Le 28 janvier 2011 (avec M. Gérard Longuet)

- visite de la maison d'arrêt de Bar-le-Duc

- visite du centre de détention de Saint-Mihiel


* 1 Le compte rendu de l'audition de M. Michel Mercier est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20111031/lois.html#toc4

* 2 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20111114/lois.html#toc10

* 3 Le projet de loi de finances prévoyait même une enveloppe de trois milliards d'euros réduite de 10 millions par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale.

* 4 La France face à ses prisons, commission d'enquête sur les prisons françaises, MM. Louis Mermaz et Jacques Floch, rapporteur, rapport de l'Assemblée nationale, p. 25.

* 5 Pour la commission des Lois, le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans l'avis présenté par M. Nicolas Alfonsi ; les quatre autres programmes -justice judiciaire, accès au droit et à la justice, conduite et pilotage de la politique de la justice, Conseil supérieur de la magistrature- sont traités par Mme Catherine Tasca.

* 6 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 % ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année n est perdu l'année n + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.

* 7 Une circulaire du 30 août 2011 porte doctrine d'emploi relative aux conditions d'exécution des déplacements des personnes détenues ordonnées par l'autorité judiciaire.

* 8 Centres de détention et maisons centrales bénéficient en pratique d'un numerus clausus justifié par le fait qu'il ne serait pas admissible de maintenir des détenus pour de longues durées dans des conditions de surpopulation et de promiscuité.

* 9 Elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'un aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement.

* 10 Annie Kensey, Abdelmalik Benaouda, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, mai 2011, n° 36. Cette recherche porte sur un échantillon national des sortants de prison entre le 1 er juin et le 31 décembre 2002.

* 11 Actuellement établi au sein de la maison d'arrêt de Fresnes. Une deuxième structure est désormais ouverte à Réau (Seine-et-Marne). Le directeur de l'administration pénitentiaire a indiqué à votre rapporteur que deux autres projets sont envisagés, l'un à Lille-Sequedin, l'autre dans le sud de la France.

* 12 Assassinat, meurtre, tortures ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration, lorsqu'ils ont été commis soit sur une victime mineure, soit avec une circonstance aggravante, soit en récidive.

* 13 Il peut encore s'allonger lorsque le service pénitentiaire d'insertion et de probation n'est pas mentionné dans la décision de libération conditionnelle : si la personne se présente alors directement devant le SPIP, il lui sera rappelé qu'elle doit d'abord rencontrer le juge de l'application des peines qui saisira ensuite le service pénitentiaire d'insertion et de probation compétent.

* 14 La vague 1 (2014-2017) comprend les sites de Valence, Longuenesse, Varennes-Le-Grand, Lorient, Brest, Laon et Toulon-la Farlède ; deux vagues suivantes comprendront notamment les sites de Dijon, Fleury-Mérogis, Bonneville, Perpignan, Gagny, Mulhouse, Strasbourg et l'ouest parisien.

* 15 Ou pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, les personnes auxquelles il reste les deux tiers de la peine à subir.

* 16 Le quart des dossiers n'ont pas fait l'objet d'une proposition par le SPIP en raison d'une impossibilité matérielle liée généralement à une fin de peine trop proche.

* 17 101 maisons d'arrêt, 82 établissements pour peine -dont 6 maisons centrales-, 11 centres de semi-liberté, 4 quartiers centres pour peines aménagées, 6 établissements pénitentiaires pour mineurs, un établissement public de santé national à Fresnes.

* 18 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements.

* 19 Alors que dans la conception réalisation l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, il doit dans le cadre de la procédure AOT-LOA s'acquitter des loyers pendant une période de 27 ans avant d'en devenir propriétaire.

* 20 Le partenariat public-privé comprend non seulement les prestations comprises dans le cadre du contrat AOT-LOA mais aussi les services correspondant aux marchés actuels de gestion déléguée (les services à la personne étant remis en concurrence tous les 8 ans).

* 21 EPM : établissement pénitentiaire pour mineur ; CP : centre pénitentiaire ; MA : maison d'arrêt .

* 22 Le taux de personnels en congés maladie dans l'administration pénitentiaire (4,20%) ne présente en soi rien d'exceptionnel.

* 23 C'est à dire 95% des détenus seuls en cellule.

* 24 Martine Herzog-Evans « Contre plongée rapide sur les décrets d'application de la partie pénitentiaire de la loi du même nom » en AJ Pénal, avril 2011.

* 25 Conseil d'Etat, 14 novembre 2008, El Shennawy.

* 26 Cour européenne des droits de l'homme, affaire Duval c. France, 26 mai 2011.

* 27 Moyenne mensuelle de 6 772 postes en équivalent temps plein.

* 28 A Nantes, par exemple, 3.000 m 2 pour la zone atelier et 2.000 m 2 pour la zone formation.

* 29 La répartition des emplois entre les différentes classes du service général a été précisée par l'arrêté du 23 février 2011.

* 30 L'administration pénitentiaire, les régions expérimentatrices, l'association des régions de France, des représentants de la direction générale des collectivités locales et de la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

* 31 Quatre postes de conseillers d'insertion et de probation manquants, deux postes de greffier et un poste de juge d'application des peines vacants.

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