Février 2015

NOTE

sur

La lutte contre les réseaux terroristes « djihadistes »

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Allemagne - Australie - Belgique - Pays-Bas

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Cette note a été réalisée à la demande de Madame Nathalie GOULET,
Sénateur de l'Orne, Présidente de la Commission d'enquête
sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

SYNTHÈSE

Cette note concerne les modalités de la lutte contre les réseaux terroristes « djihadistes ». Elle prend pour base les exemples relatifs à l'Allemagne, l'Australie, la Belgique et les Pays-Bas.

À la différence des autres notes de législation comparée, elle n'étudie pas de façon minutieuse le régime juridique applicable à cette lutte. Ceci s'explique parce que la multitude des dispositions concernées interdit toute démarche systématique de ce type.

En revanche, elle tente de rendre compte, de façon synthétique, en prenant pour base des informations diffusées par les gouvernements des pays considérés, des grands axes des politiques de lutte contre le terrorisme « djihadiste ».

En pratique, lorsque l'une de ces politiques a fait l'objet d'une présentation par les autorités compétentes, celle-ci est reprise à l'instar de celle élaborée par le Gouvernement des Pays-Bas à l'intention du Parlement de ce pays pour laquelle une traduction non officielle est proposée infra .

Cette note comprend enfin, une annexe 1, qui reprend le texte communiqué à la Commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes au sujet du plan anglais de lutte contre le radicalisme.

MONOGRAPHIES PAR PAYS
ALLEMAGNE

La recherche n'a pas permis d'identifier de « plan djihadisme » autre que les deux projets de loi en cours de discussion en Allemagne. Cette note s'attachera donc à présenter les grands traits de l'« arsenal » répressif antiterrorisme.

La répression des infractions terroristes repose notamment sur :

- les articles 89a, 91, 129a et 129b du code pénal ;

- des textes en cours d'examen ;

- et un panel de dispositions issues de diverses lois relatives à la sécurité.

1. Les articles 89a, 91, 129a et 129b du code pénal

Le dispositif répressif en matière de terrorisme se compose notamment de :

- l'article 89a du code pénal réprimant la préparation d'actes de violence mettant gravement en danger l'État ;

- l'article 91 du même code, lequel punit le fait de donner des instructions écrites incitant une personne à commettre des actes de violence mettant gravement en danger l'Etat ;

- l'article 129a, qui réprime la formation, la participation, le recrutement et le soutien à une association terroriste ;

- et l'article 129b, selon lequel les dispositions de l'article 129a relatif aux associations terroristes s'appliquent également à celles à l'étranger lorsque les faits ont été commis dans le champ d'application géographique de cette loi, que l'auteur ou la victime des faits est de nationalité allemande ou que les auteurs se trouvent en Allemagne.

Un projet visant à introduire un nouvel article 89c pour compléter ce dispositif est en cours d'examen (voir infra ).

2. Le projet de loi visant à modifier la loi sur la carte d'identité par la création d'une « carte d'identité de substitution » et la loi sur le passeport

Composé de 3 articles, ce projet de loi a été déposé mi-janvier au Bundestag et discuté en première lecture le 30 janvier 2015.

Son article 1 modifie la loi sur la carte d'identité en introduisant une « carte d'identité de substitution » (Ersatz-Personalausweis) ne permettant pas de quitter l'Allemagne.

Une personne peut se voir refuser ou retirer une carte d'identité lorsque :

- elle appartient ou soutient une association terroriste ;

- elle utilise la violence illégale contre le corps ou la vie (rechtswidrig Gewalt gegen Leib oder Leben) comme moyen de faire valoir ses intérêts politiques ou religieux au plan international ;

- ou encore lorsqu'elle soutient ou incite délibérément à une telle utilisation de la violence.

Dans ce cas, le demandeur se voit délivrer une « carte d'identité de substitution » valable au plus trois ans. Lorsque les conditions ayant conduit à la délivrance d'une telle carte ne sont plus réunies, le détenteur en est informé immédiatement et reçoit, sur demande, une carte d'identité classique.

La « carte de substitution » n'est plus valide si le détenteur a quitté le territoire pour se rendre dans un pays alors que cela lui est interdit 1 ( * ) .

L'article 2, quant à lui, modifie la loi sur le passeport. Ce dernier n'est plus valide si des dispositions tendant à son retrait pour des motifs liés à la mise en danger de la sécurité intérieure, extérieure ou de tout autre intérêt considérable (erheblich Belang) de l'Allemagne ou en vertu de l'article 89a du code pénal sont prises contre le détenteur, et que celui-ci n'a pas remis son passeport et a réussi à se rendre à l'étranger.

La mise en danger de la sécurité intérieure, extérieure ou de tout autre intérêt considérable de l'Allemagne signifie que le détenteur :

- appartient à ou soutient une association terroriste ;

- ou utilise la violence illégale contre le corps ou la vie comme moyen de faire valoir ses intérêts politiques ou religieux au plan international, ou encore s'il soutient ou incite délibérément à une telle utilisation de la violence.

Si la personne était en possession d'un passeport soumis à des restrictions de lieu ou de durée, et qu'elle a enfreint ces restrictions, par exemple en se rendant dans un pays « interdit » en vertu des conditions d'octroi du titre, ce passeport n'est également plus valide.

3. Le projet de loi modifiant la poursuite de la préparation d'actes de violence mettant gravement en danger l'État

Ce texte, annoncé par le ministre de l'Intérieur lors de la première lecture au Bundestag de la loi visant à modifier la loi sur la carte d'identité par la création d'une « carte d'identité de substitution » et la loi sur le passeport, et proposé par le ministre de la Justice, a été rendu public le 4 février 2015.

Il tend à compléter l'article 89a précité. Commet un acte préparatoire de violence mettant gravement en danger l'État (Vorbereitung einer schweren staatsgefährdenden Gewalttat) celui qui quitte le territoire afin de :

- commettre un acte de violence mettant gravement en danger l'État ;

- ou de former des personnes à la commission d'un tel acte.

Il insère également dans le code pénal un article 89c relatif au financement du terrorisme. Aux termes de celui-ci, constitue un délit le fait de contribuer à réunir, collecter ou mettre à disposition des avoirs financiers, pour une autre personne dont on sait qu'elle va les utiliser pour financer un acte à visée terroriste, ou pour soi-même.

4. Les autres mesures visant à lutter contre le djihadisme

Le magazine « Le Parlement » (Das Parlament) consacre son numéro du 19 janvier 2015 aux lois relatives à la sécurité adoptées en Allemagne depuis les attentats du 11 septembre 2001. Celles-ci ne sont pas à proprement parler des lois visant à lutter contre le problème du « djihadisme », toutefois certaines mesures, régulièrement reconduites, sont toujours en vigueur. On en citera deux à titre d'exemple.

Le « paquet » sécuritaire dit « catalogue d'Otto » (Otto-Katalog) , du nom d'Otto Schily, un ministre de l'Intérieur fédéral, confie à l'homologue du service des Renseignements généraux (Bundesamt für Verfassungsschutz) et à la police criminelle fédérale des pouvoirs accrus pour l'acquisition d'informations auprès des entreprises de téléphonie, des banques ou de la poste. Initialement adoptées pour une durée limitée, ces mesures ont été reconduites jusqu'en 2015.

La loi sur les données antiterrorisme de 2006 a prévu la constitution d'une base de données utilisable par 38 autorités de sécurité différentes, tant au niveau fédéral qu'au niveau des Länder . En 2013, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a exigé que des améliorations soient apportées à cette loi, afin de mieux protéger les honnêtes citoyens.

Enfin, depuis le 1 er janvier 2012, le Centre d'information sur la radicalisation (Beratungsstelle Radikalisierung) , issu du sommet pour la prévention (Präventionsgipfel) de 2011 met en oeuvre ses activités au sein de l'Office fédéral sur les migrations et les réfugiés. Il dispense des conseils et répond aux questions de personnes (parents, amis, autorités, professeurs) confrontées à la radicalisation d'un proche. Il peut également les aiguiller vers des spécialistes ou vers d'autres personnes connaissant une situation similaire.

La consultation est privée. Les informations ne sont pas transmises à des autorités de sécurité, sauf s'il s'avère, au fil de la discussion, que l'enfant, élève ou ami en voie de radicalisation représente un danger pour les autres.

L'accès à cette aide est gratuit. Un numéro de téléphone et un courriel sont mis à disposition des personnes souhaitant y avoir recours.


* 1 Voir l'intervention de M. Thomas de Maizière au Bundestag (c ompte rendu des débats du 30 janvier 2015 , p. 7944).

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