BELGIQUE



La loi du 23 mars 1994 " portant certaines mesures sur le plan du droit du travail contre le travail au noir " a considérablement augmenté le montant des sanctions pénales et des amendes administratives en cas d'infraction à certaines dispositions du droit social. Par ailleurs, elle a instauré de nouveaux outils, comme la carte d'identité sociale , permettant de lutter plus efficacement contre le travail au noir.

Parallèlement, l'arrêté royal du 30 mars 1994 a inséré dans la réglementation du chômage des sanctions plus sévères à l'encontre des employeurs coupables de fraude.

Deux ans après l'entrée en vigueur de ces dispositions, le travail au noir ne s'est pas résorbé : il correspond à environ 15 % du produit intérieur brut. En outre, il semble que les infractions constatées n'aient que rarement donné lieu à sanctions. Aussi, à l'issue de la table ronde sur la lutte contre le travail au noir qui a eu lieu le 13 mai 1996 , le ministre de l'Emploi et du Travail et le ministre de la Justice ont-ils déposé une note politique approuvée en Conseil des ministres le 28 juin 1996.

Cette note politique qui devrait prochainement se traduire par le dépôt d'un projet de loi met l'accent sur la prévention et sur la répression effective de ce phénomène.

I - LA DEFINITION DU TRAVAIL CLANDESTIN

Il n'existe aucune définition légale du " travail au noir ", bien que l'expression figure dans plusieurs textes législatifs et réglementaires.

II - LA PREVENTION DU TRAVAIL CLANDESTIN

La loi du 23 mars 1994 a étendu la carte d'identité sociale , qui existait déjà dans le secteur de la construction, à tous les secteurs .

Cette carte est un document remis par l'employeur au travailleur, qui doit la conserver sur le lieu de travail. Elle doit comprendre les données suivantes : nom et prénom du travailleur, date et lieu de naissance, numéro d'identification de sécurité sociale, numéro de la carte et durée de validité.

En matière de prévention, la note politique du 28 juin 1996 prévoit " une évaluation des procédures de contrôle existantes (...) ainsi que la coordination et la codification de la réglementation du travail " afin d'aboutir à une législation plus compréhensible et plus transparente. Parallèlement, un projet de loi, visant à simplifier les documents sociaux, a été transmis début mai à l'avis du Conseil national du travail.

L'évaluation des procédures de contrôle existantes vise particulièrement à éviter que les entreprises ne recourent aux services de " faux travailleurs indépendants ". Il s'agit en fait de personnes que les entreprises, dans un souci de flexibilité, choisissent de ne pas embaucher, mais avec lesquelles elles passent des contrats de prestation de services. Or, la proportion de travailleurs indépendants est particulièrement élevée en Belgique : elle est supérieure à 15 % alors que dans la plupart des pays européens, elle est d'environ 10 %. Au cours de la table ronde, la lutte contre les " faux indépendants " a été évoquée : il avait été proposé de contrôler systématiquement les travailleurs indépendants qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d'affaires avec le même client.

Parmi les mesures prévues par la note politique du 28 juin 1996 figurent également le maintien et l'adaptation du dispositif des Agences locales pour l'emploi (ALE), censé " recycler " dans des emplois de proximité des prestations auparavant fournies clandestinement par des personnes sans emploi.

Ces agences sont en effet chargées de mettre en relation les chômeurs de longue durée, qui y sont obligatoirement inscrits, et les demandeurs de services qui ne sont traditionnellement pas couverts par le marché du travail (1( * )). Le chômeur peut ainsi fournir 45 heures par mois rémunérées 150 francs belges (2( * )) l'heure, ce qui correspond à un revenu mensuel maximal, complémentaire à ses allocations de chômage, d'environ 1 000 francs français. L'employeur rétribue le chômeur au moyen de " chèques ALE " qu'il paie entre 200 et 300 francs belges l'heure. En contrepartie, il bénéficie d'une réduction de l'impôt sur le revenu puisque les économies consacrées à l'achat de chèques sont déductibles à hauteur de 30 ou 40 % selon le régime fiscal du contribuable, et dans la limite de 80 000 francs belges. Un chômeur qui refuse le travail proposé peut voir suspendu son droit aux allocations de chômage (quatre semaines la première fois et au maximum six mois en cas de récidive).

En outre, le gouvernement étudie la possibilité d'instaurer des " chèques de commerce " qui, grâce à des subventions de l'Etat, devraient permettre à des personnes à faibles revenus d'employer des travailleurs déclarés, sans qu'il s'agisse nécessairement de chômeurs.

III - LA REPRESSION DU TRAVAIL CLANDESTIN

Les modifications intervenues en 1994 portaient essentiellement sur la répression des infractions à la réglementation relative à la tenue des documents sociaux et des fraudes en matière de chômage. Cette répression s'est traduite par une augmentation du montant des sanctions pénales et des amendes administratives.

La note politique du 28 juin 1996 prévoit de mettre en oeuvre des mesures permettant l'application effective de la loi de 1994. Elle prévoit notamment d'instaurer :

- une coordination des services d'inspection sociale et des autres administrations ;

- une plus grande implication des auditeurs du travail (3( * ))

- une uniformisation des poursuites, certains arrondissements étant actuellement plus sévères que d'autres ;

- l'informatisation rapide des auditorats du travail.

En outre, pour faciliter la détection des fraudes, les ministres de l'Emploi et de la Justice ont annoncé leur intention de développer une collaboration avec les commissions paritaires qui existent dans chaque branche professionnelle, ainsi qu'entre les tribunaux correctionnels et les tribunaux du travail. Ils ont également l'intention d'élaborer un code de déontologie à l'intention des employeurs, des inspecteurs et des secrétariats sociaux.

Enfin, la note politique du 28 juin 1996 prévoit également une révision du droit pénal social " afin d'éliminer les incohérences actuelles, de pouvoir tenir compte davantage de la gravité des infractions lors de la fixation des amendes et d'assurer une application plus rapide des sanctions. "

En cas d'infractions légères, le dossier serait traité directement par le service des amendes administratives afin de désengorger les tribunaux. Les infractions plus lourdes continueraient à suivre la procédure actuelle (3 ) .

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