M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord me réjouir de la très grande convergence de vue sur un premier point : le souhait que le référendum, qui va se tenir au Royaume-Uni, permette de confirmer le maintien de ce pays dans l’Union européenne.

Par-delà les différences qui se sont exprimées sur une multitude de sujets, il y a là l’expression d’un souhait que le Parlement, le Gouvernement et nos compatriotes partagent très largement.

Cela tient d’abord à l’amitié qui nous lie au Royaume-Uni – Éric Bocquet, en tant que président du groupe d’amitié, l’a rappelé –, mais aussi à notre conception de l’unité européenne et de la solidarité entre les grandes démocraties et des pays qui veulent partager un destin en commun et une certaine conception de la cohésion sociale. Cela a été mentionné dans beaucoup d’interventions.

Nous partageons aussi, avec ce pays, l’idée de démocratie et de liberté. Beaucoup d’entre vous l’ont évoqué, en faisant part de notre émotion et de notre condamnation à la suite de l’assassinat de la députée Jo Cox.

Je vais maintenant essayer d’apporter des réponses à des éléments que les uns et les autres ont pu mettre en avant.

Éric Bocquet a insisté sur l’idée que la tenue d’un référendum sur l’appartenance, ou non, à l’Union peut être vue comme l’un des symptômes d’une crise européenne.

Plusieurs intervenants ont aussi mentionné des votes intervenus dans d’autres pays, que ce soit à propos de l’accord d’association avec l’Ukraine – je pense aux Pays-Bas – ou lors de l’élection présidentielle en Autriche, où un candidat antieuropéen et populiste a rassemblé près de 50 % des voix. Certes, ce candidat a finalement été battu…

Cela nous rappelle que, même dans des pays où il n’y a pas de crise économique, des formes de contestation mettent en jeu les valeurs mêmes sur lesquelles nous avons construit l’Union européenne.

Mais Éric Bocquet a aussi voulu insister sur les effets de la crise dans des pays qui avaient été très durement impactés, en particulier la Grèce. Il a invoqué la nécessaire coopération sur laquelle devait être fondée l’Union européenne.

Le Premier ministre était en Grèce il y a deux semaines et j’ai eu l’occasion de l’accompagner. Nous avons alors pu, avec le Premier ministre Alexis Tsipras, faire précisément le point sur la solidarité européenne.

Je rappelle que nous venons de franchir des étapes très importantes.

Cette semaine même, une nouvelle tranche d’aide de 10,3 milliards d’euros – cela vient d’être rappelé par le président Jean Bizet – va être débloquée et une première part, d’un montant de 7,5 milliards d’euros, va être décaissée dès maintenant.

Par ailleurs, après la revue de la situation en Grèce, qui vient de s’achever, la négociation sur la dette est ouverte. Cela est très important. C’était la demande principale du gouvernement grec, afin que les conséquences de l’endettement passé et de la crise économique ne pèsent pas, à l’infini, sur l’avenir de ce pays et qu’un redressement soit possible.

Cette négociation sur la dette va porter sur toute une série d’éléments, qui doivent permettre d’alléger, à terme, son poids.

D’abord, les ministres des finances se sont accordés sur des mesures, à court terme, de lissage et de réduction des taux de remboursement des crédits du fonds européen de stabilité financière et du mécanisme européen de stabilité.

L’ensemble des mesures envisagées à moyen et long termes, qui n’interviendront qu’à l’issue du troisième programme, en 2018, doit permettre de traiter l’allongement des durées d’amortissement, des périodes de grâce et des remboursements d’intérêts.

Enfin, à long terme, un mécanisme d’urgence pourra être mis en place, en cas de creusement massif de la dette. Cela permettrait de prévoir le reprofilage et le plafonnement, voire le report des remboursements.

L’idée est donc de disposer, d’ores et déjà, d’un travail sur la soutenabilité de la dette grecque. Il s’agit ainsi de faire en sorte qu’à l’issue de toutes les mesures de réforme prises actuellement en Grèce, le poids de la dette n’entrave pas la reprise. Je rappelle que ces diverses mesures ont pour objectif de sortir de l’endettement et des déficits du passé et de redonner au pays vigueur et croissance économiques, en particulier par le retour des investissements.

C’est bien l’esprit dans lequel nous travaillons depuis la décision historique, qui a été prise l’été dernier avec – vous le savez – un rôle majeur du Président de la République au sein du Conseil européen.

Nous voulions ainsi faire en sorte que la Grèce puisse rester dans l’euro – c’était son choix ! –, que l’intégrité de la zone euro soit préservée, mais que la Grèce soit aussi aidée à sortir de la crise.

Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué la solidarité avec la Grèce dans la crise des migrants.

La France, vous le savez, a mis à disposition de l’agence FRONTEX en Grèce et du bureau européen d’appui à l’asile des moyens humains, pour aider le pays dans la mise en œuvre de l’accord avec la Turquie, mais aussi dans le processus de relocalisation des réfugiés qui étaient déjà en Grèce avant l’accord avec la Turquie.

Les 54 000 personnes, que j’ai évoquées, doivent en effet pouvoir, pour celles qui relèvent de l’asile, être accueillies et relocalisées dans d’autres pays de l’Union européenne.

Cela suppose évidemment que le service de traitement des demandes d’asile en Grèce soit renforcé par des personnes qualifiées. C’est pourquoi nous envoyons, en particulier, des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, mais aussi, pour FRONTEX, des policiers et des douaniers, qui aident à la reconduite de ceux qui n’ont pas vocation à rester en Grèce.

Par ailleurs, la libéralisation des visas, qui fait partie de l’accord avec la Turquie, comme cela a été rappelé par le sénateur Bocquet et d’autres orateurs, notamment le président Bizet, est évidemment liée à l’application des 72 critères.

Aujourd’hui, plusieurs de ces critères ne sont pas remplis et il faut donc, pour mettre en œuvre cette libéralisation des visas, que la Turquie continue d’adopter un certain nombre de réformes.

Nous avons ajouté une autre condition, propre à l’Union européenne : l’adoption de la réforme de la clause de sauvegarde, qui doit pouvoir être activée très rapidement, dans le cas où un problème migratoire apparaîtrait à la suite de cette libéralisation.

Gisèle Jourda a évoqué, comme plusieurs autres intervenants, une sorte de refondation du pacte européen, qui doit à la fois porter sur des questions de sécurité, liées à l’urgence, mais aussi sur des sujets de convergence économique, sociale et fiscale et de soutien à l’économie réelle. Je pense, en particulier, aux investissements liés à la transition écologique dans le prolongement de la COP21.

Tout cela exprime effectivement ce que doivent être nos priorités en faveur d’une relance du projet européen, quel que soit le résultat du référendum.

Je pourrais d’ailleurs reprendre, mot pour mot, ce qui a été dit par les différents intervenants, en particulier par Gisèle Jourda ou Éric Bocquet, en ce qui concerne la nécessité de rapprocher davantage les économies de l’Union européenne.

André Gattolin a également insisté sur l’idée de feuille de route : on ne doit pas simplement répondre aux urgences, réagir à un référendum – même si l’on souhaite ardemment un certain résultat –, on doit aussi fixer une orientation pour l’avenir de l’Europe.

Cela constitue aussi une condition, dans ce monde troublé, pour ressouder les citoyens et leur redonner confiance dans le projet européen.

Certains États ont certes une responsabilité particulière. Vous avez ainsi mentionné plusieurs membres fondateurs, ainsi qu’un État, qui a rejoint l’Union et joue un rôle très actif, au cœur de l’ensemble des politiques européennes.

Pour autant, cela ne peut pas être exclusif !

La France et l’Allemagne, qui sont souvent le moteur des initiatives européennes, ont un rôle et une responsabilité, du fait de leur poids et de leur implication dans la réconciliation européenne après la guerre.

Mais, encore une fois, je ne crois pas que nous devions être exclusifs. Nous devons proposer, à tous ceux qui le souhaitent, d’avancer ensemble.

Oui, certains pays sont plus petits, d’autres plus grands, mais c’est l’honneur et la force de l’Union européenne de faire une place à chacun et de respecter le rôle et la contribution de tous.

D’autres pays que les quatre que vous avez mentionnés jouent un rôle incontestablement très important depuis le début de la construction européenne. Je pense en particulier à ceux du Benelux.

Vous avez cité l’Espagne. Je crois que des pays qui ont rejoint l’Union européenne après sa création ont aussi vocation, dans la mesure où ils le souhaitent, à participer aux futures avancées que nous souhaitons pour l’Union européenne. Ils sont venus volontairement, souvent en renversant une dictature et en faisant le choix de la démocratie et de la liberté. Cela a par exemple été le cas avec l’élargissement de 2004 pour les pays de l’ancien Pacte de Varsovie.

Nous devons proposer à tous des avancées dans le domaine de la sécurité de nos frontières extérieures et de notre capacité de projeter de la stabilité hors de l’Union européenne, ce qui pose la question des nouvelles avancées dans le domaine de l’Europe de la défense.

Nous devons aussi proposer à tous une plus grande intégration économique et une harmonisation sociale et fiscale.

Viendront ceux qui le voudront, ceux qui souhaiteront ces nouvelles percées de la construction européenne !

Pour autant, je vous rejoins sur le fait qu’il ne faut pas s’interdire la possibilité d’une différenciation. Si certains ne veulent pas aller de l’avant et mettre en œuvre de nouvelles politiques communes, ils ne peuvent pas empêcher ceux qui le veulent de le faire, pourvu que nous soyons suffisamment nombreux et dynamiques pour porter ces avancées.

C’est ainsi que sont nés l’euro, Schengen et beaucoup de politiques communes.

Mais ce n’est pas à nous d’écarter a priori certains États membres en fonction de l’histoire ou de leur taille. Je voulais faire cette précision, qui me semble importante.

Il est évident que, par respect pour les citoyens britanniques, nous devons attendre le résultat du référendum, mais, quel qu’il soit, on ne peut pas suspendre indéfiniment la nécessité pour l’Europe de mieux répondre aux urgences et aux crises.

Dans tous les cas, nous souhaitons que l’appel et les initiatives, que nous pourrions être amenés à lancer au lendemain du référendum, puissent rassembler très largement, y compris au-delà des seuls États fondateurs de l’Union européenne.

Jacques Mézard a aussi insisté sur la responsabilité qui est la nôtre d’appeler à une relance.

En tant que président du groupe d’amitié France-Turquie et vice-président du groupe d’amitié France-Russie, il a également évoqué les relations avec ces deux pays. Il a eu raison de rappeler que, même si nous avons un dialogue qui porte sur des sujets très difficiles avec la Turquie et que nos modèles politiques ne sont pas les mêmes, elle constitue un partenaire et un grand voisin.

Dans la crise syrienne et dans celle des réfugiés, elle assume des charges et des responsabilités, que nous devons reconnaître, en particulier l’accueil de plus de 2,5 millions de réfugiés.

Jacques Mézard et de nombreux orateurs ont aussi parlé de la question des sanctions à l’égard de la Russie.

En réponse à Yves Pozzo di Borgo, je souhaite préciser que le Gouvernement, qui a émis un avis de sagesse lors de la discussion, au Sénat, sur la proposition de résolution, a bien pris note du texte qui a finalement été adopté. Nous la prenons pleinement en compte.

Comme cela a déjà été dit, elle appelle au respect des accords de Minsk et à une levée ou un allégement des sanctions en lien avec le respect des accords. Nous sommes totalement en phase avec ce point de vue. C’est d’ailleurs celui que j’avais exprimé au nom du Gouvernement.

Si les sanctions ont été reconduites pour six mois, c’est précisément parce que nous voulons les utiliser comme un levier pour le respect de ces accords.

Sachez que nous dialoguons avec la Russie, ce qui est très important, non seulement sur le dossier ukrainien dans le cadre du format « Normandie », mais aussi dans beaucoup d’autres grandes crises internationales.

Je pense, par exemple, à l’accord sur l’Iran, aux discussions qui peuvent avoir lieu sur la Syrie ou aux négociations sur le conflit du Haut-Karabagh. Je rappelle, à ce sujet, que la France est coprésidente, avec la Russie et les États-Unis, du groupe de Minsk, qui est chargé de la médiation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le dialogue doit permettre de faire avancer le respect du droit international, ainsi que la résolution pacifique et diplomatique des conflits. Les sanctions ne sont qu’un instrument, certainement pas une fin en soi.

En tout état de cause, nous sommes très attentifs à la résolution adoptée par le Sénat et aux positions qui ont pu être exprimées à l’occasion de son examen.

Pascal Allizard, qui a également évoqué cette question, a aussi soulevé la question des relations entre l’Union européenne et l’OTAN. Effectivement, le Conseil européen tiendra un débat sur ce sujet, en présence du secrétaire général de l’OTAN.

Ces relations sont évidemment importantes, puisque la plupart des États membres de l’Union européenne sont aussi membres de l’OTAN. Il ne peut donc pas y avoir de contradiction entre le rôle joué par cette organisation et la politique de défense que nous voulons voir déployer par l’Union européenne.

Il existe tout de même une particularité et des responsabilités, qui sont spécifiques à l’Union européenne.

En effet, dans un monde qui va mal, dans une Europe bousculée – pour reprendre l’expression utilisée par Pascal Allizard –, une grande partie des crises qui environnent l’Union ne seront pas traitées par d’autres.

Personne ne viendra régler à notre place les différents problèmes auxquels nous sommes confrontés : les relations avec la Russie et le conflit entre l’Ukraine et la Russie, qui a un impact direct sur notre sécurité ; la situation en Méditerranée, en Libye ou en Syrie.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut que l’Union européenne développe davantage ses propres capacités et responsabilités, en particulier en ce qui concerne ce qu’on peut appeler la projection de la stabilité ou en matière de politique de sécurité extérieure et de défense.

C’est l’un des enjeux des discussions qui ont eu lieu entre les ministres de la défense et des affaires étrangères. Le Conseil européen va s’en saisir, en débattant de la stratégie globale de sécurité. Une telle stratégie existait bien, mais l’environnement a été complètement bouleversé ces dernières années.

Nous souhaitons qu’au cœur de cette stratégie globale de sécurité, des avancées substantielles aient lieu pour l’Europe de la défense. Je pense, par exemple, au domaine industriel – cela a été dit –, à celui du financement d’un certain nombre de programmes de recherche, mais aussi à la capacité de projection rapide de l’Union européenne et de prise en charge, par elle-même, de ses enjeux de sécurité et de défense.

En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jacques Gautier a évoqué ces sujets.

Il a aussi insisté sur la nécessité de travailler à des solutions politiques en Syrie et en Libye. Je l’ai moi-même évoqué à propos du soutien que nous apportons au gouvernement d’entente nationale en Libye et je crois avoir répondu à ses remarques concernant l’allégement des sanctions et le nécessaire dialogue avec la Russie.

Le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, a évidemment insisté sur les conséquences économiques d’un Brexit. Elles seront très négatives !

Certes, les évaluations sont difficiles à faire, mais des études diverses vont toutes dans le même sens, qu’elles aient été produites par l’OCDE, le FMI, la banque centrale britannique ou d’autres organismes économiques de ce pays. On peut naturellement discuter des chiffres, mais pas du fait que cela aura un impact négatif et rendra beaucoup plus compliquées les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Je ne veux pas aller plus avant à ce stade, parce qu’encore une fois, c’est aux citoyens britanniques de se prononcer, mais nous avons aussi un devoir de vérité et d’amitié. Pour toutes sortes de raisons, qui ne sont pas seulement économiques, nous souhaitons que le Royaume-Uni reste membre de l’Union européenne, au milieu de ses alliés dans cette grande communauté démocratique, mais nous devons aussi dire qu’une sortie de l’Union européenne aura des conséquences et que cela ne serait évidemment pas très favorable sur le plan économique.

Le rapporteur général a aussi évoqué le plan Juncker, sur lequel il y a eu des avancées. La première phase de mise en œuvre du plan a été tout à fait positive, en particulier du point de vue des investissements.

Nous souhaitons donc, comme le rapporteur général, que le plan puisse être étendu. Nous ne sommes pas absolument certains que cela nécessite une modification du cadre financier pluriannuel, puisque c’est la question qui était posée, mais le sujet sera évidemment débattu, notamment avec le Parlement européen.

Le mécanisme de garantie sur le budget de l’Union européenne est certes un peu complexe sur le plan technique, mais il permet à la Banque européenne d’investissement de prendre davantage de risques et de soutenir plus de projets novateurs, en particulier dans le domaine de l’énergie, du numérique, des infrastructures ou de l’industrie. Je rappelle que 45 % des projets soutenus par le plan concernent la transition énergétique.

Tout cela a très bien fonctionné, sans mettre en danger le budget de l’Union européenne. Nous pensons donc qu’on doit pouvoir prolonger ce mécanisme, sans avoir à modifier les équilibres budgétaires.

Enfin, le rapporteur général a souhaité m’interroger sur la retenue à la source. Vous le savez, c’est un projet du Gouvernement, qui est déterminé à le mettre en place rapidement. Le dispositif devrait être adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, avec une entrée en vigueur en 2018.

Le fait que la recommandation de la Commission le mentionne nous conforte dans notre volonté et ne représente, en rien, une gêne. Le calendrier prévu est ambitieux, mais réaliste. Les articles du projet de loi de finances pour 2017 concernant le prélèvement à la source sont, en ce moment même, examinés par le Conseil d’État et seront transmis au Parlement avant la suspension des travaux cet été.

Enfin, monsieur le président Jean Bizet, vous avez voulu, d’une certaine manière, ramasser l’ensemble des interventions.

Vous avez notamment insisté sur le contrôle des frontières extérieures, tant pour les entrées que pour les sorties, et sur le renforcement des moyens destinés à l’agence FRONTEX. Vous avez précisé qu’il s’agissait d’une condition de la crédibilité et de la confiance des citoyens dans le projet européen.

L’Europe doit maintenir l’acquis de Schengen et la liberté de circulation en son sein. Elle doit être capable de continuer à être une terre d’asile pour ceux que nous pouvons accueillir, mais elle doit aussi être une terre de sécurité et faire la démonstration que ce n’est pas en se repliant sur les frontières nationales que nous assurerons mieux la sécurité de nos citoyens et des États membres. Vous avez également eu raison d’insister sur les critères vis-à-vis de la Turquie.

Il est vrai que l’objectif économique de convergence et d’harmonisation fiscale et sociale peut également se décliner pour la France et l’Allemagne. D’ailleurs, je ne crois pas qu’il y ait de doutes, du côté allemand, sur le fait que nous sommes en voie de travailler à cette harmonisation.

À mon avis, c’est un domaine dans lequel nous pouvons avancer plus vite que l’Union européenne. En effet, nos deux économies sont très imbriquées et l’Allemagne a un modèle social élevé, un peu différent du nôtre dans certains domaines, mais finalement très comparable. Rapprocher les prélèvements fiscaux et sociaux ne met donc pas en danger le financement de la solidarité et de notre modèle social.

C’est aussi une façon pour nos deux pays de jouer un rôle moteur dans la construction européenne.

Monsieur le président Bizet, vous avez également rappelé les positions du Sénat vis-à-vis des relations avec la Russie. Je n’y reviens pas.

En conclusion, mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes dans un moment où le temps suspend son vol…

Dans 48 heures, une décision aura été prise par un État membre, à travers le vote de ses citoyens. Même si nous le l’avons pas souhaité, nous respectons profondément le choix souverain du Premier ministre britannique. Il a saisi les citoyens de son pays, qui s’exprimeront sur l’avenir du Royaume-Uni et de ses relations avec l’Union européenne. Je le dis, nous souhaitons que ce choix soit celui du maintien.

Au-delà de ce choix, et en souhaitant que nous pourrons le faire à 28, l’Union européenne devra avancer et je suis persuadé que c’est sur les sujets que vous avez évoqués qu’elle devra apporter la preuve qu’elle en est capable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’Union européenne prévoit une coopération plus étroite avec le gouvernement libyen. Elle a ainsi annoncé que l’opération Sophia serait prolongée, que la coopération avec les garde-côtes de ce pays serait renforcée et que l’échange d’informations sur les trajectoires empruntées par les bateaux et la formation de forces locales seraient facilités.

Pourtant, selon un rapport récemment publié par Amnesty International, des milliers de personnes sont détenues, pour une durée indéterminée, dans des conditions préoccupantes.

Première question, monsieur le secrétaire d’État : la France est-elle au courant de cette situation ? Quelles sont les mesures que pourrait prendre le Conseil européen pour lutter contre de telles conditions de détention en Libye ? La France entend-elle jouer un rôle pour que les réfugiés soient traités humainement ?

Ma seconde question, qui n’est pas à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, porte sur la ratification de l’accord de Paris.

Le conseil des ministres de l’environnement du 20 juin 2016 a émis un signal positif quant à une ratification aussi rapide que possible par l’ensemble des 28 États membres de l’accord de Paris, ce qui constitue un passage obligé avant l’adoption par l’Union européenne elle-même.

Les pays membres sont cependant partagés entre ceux qui, comme la France, sont engagés dans une ratification rapide de l’accord, ceux qui, comme l’Allemagne, entendent le ratifier avant la fin de l’année, et les plus réticents – la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie, la Bulgarie et la Croatie.

Pensez-vous que ce sujet, extrêmement important pour l’Europe et l’avenir de notre planète, pourra être discuté lors d’un prochain Conseil européen et qu’une solution consensuelle pourra être trouvée pour permettre à l’Union européenne de ratifier rapidement cet accord ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur Roland Courteau, l’opération EUNAVFOR MED Sophia, qui se déroule au large des côtes libyennes, passe en effet à une nouvelle phase, avec la possibilité de saisir les bateaux identifiés comme participant à un trafic d’armes.

Elle inclura aussi une coopération avec les autorités libyennes, celles du gouvernement d’entente nationale reconnu par la communauté internationale, en matière de formation des garde-côtes. L’objectif est de lutter contre les trafics d’armes, qui peuvent alimenter des factions rivales, et ceux d’êtres humains, qui provoquent des migrations irrégulières et, surtout, des naufrages et des milliers de morts dans cette partie de la Méditerranée.

Il est exact, de nombreux témoignages l’attestent, que ces trafiquants d’êtres humains traitent les migrants de manière épouvantable.

Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement la Libye, mais aussi les pays voisins, d’où est organisée la traversée du désert. Ainsi, dans le nord du Niger, on a récemment découvert plusieurs dizaines de corps ; ces hommes, femmes et enfants, abandonnés par les passeurs, sont morts de soif !

Des réfugiés secourus en mer et des organisations non gouvernementales, qui leur prêtent assistance, ont aussi fait état de très mauvais traitements dans les camps en Libye.

Le combat contre ce trafic doit être impitoyable. Et c’est notamment pour cela que nous voulons aider le gouvernement d’entente nationale à reprendre le contrôle et à assumer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire libyen.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Le prochain sommet de l’OTAN se tiendra à Varsovie début juillet. La défense européenne est devenue une nécessité face à la situation internationale.

Les moyens financiers supplémentaires décidés depuis le sommet du Pays de Galles en 2014 restent insuffisants face aux immenses défis qui se présentent.

Certes, Daech recule, mais les événements tragiques d’Orlando et de Magnanville rappellent que la menace terroriste est permanente.

En Ukraine, la crise perdure. La Lituanie, la Lettonie, la Pologne et la Roumanie ont considérablement augmenté leurs budgets militaires face aux provocations de la Russie.

Pour répondre à ces nombreux défis, l’Europe a besoin de renforcer son alliance avec l’OTAN. Cette coopération doit s’inscrire de façon durable, le paysage stratégique actuel n’annonçant aucune embellie.

Il est temps de construire l’Europe de la défense dont nous avons besoin. Une position stratégique commune aux 28 pays membres de l’Union européenne est donc nécessaire.

Monsieur le secrétaire d’État, le rétablissement d’un climat de confiance avec la Russie est-il en bonne voie ? Comment la France compte-t-elle réagir sur le dossier ukrainien ? Enfin, quelle orientation souhaitez-vous donner à l’alliance avec l’OTAN ?

Par ailleurs, il est indéniable que la crise migratoire est l’une des causes du Brexit. Elle a bouleversé les consciences en Europe par son flux ininterrompu. L’Allemagne a traité un million de demandes d’asile ; la France, quant à elle, a accueilli 10 000 Syriens.

Dans les pays nordiques comme la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne, les réfugiés bénéficient de protections humanitaires immédiates et durables, mais la situation est bien différente en Italie et en Grèce. Pour une meilleure gestion humaine des flux migratoires en Europe, nous devons épauler ces deux pays, comme vous l’avez rappelé.

Monsieur le secrétaire d’État, au début de votre intervention, vous parliez de relocalisation. Or nous sommes très loin de tenir nos engagements : nous avons relocalisé 283 réfugiés au 7 mars, pour un engagement de 30 000 d’ici à la fin de 2017 !

À l’heure où l’Europe a besoin d’un second souffle, un projet de renforcement des frontières est-il en cours ? Qu’en est-il des moyens à mettre en œuvre pour accroître les interventions en mer et améliorer la lutte contre les passeurs ?