M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Guerriau, vous avez soulevé tellement de questions qu’il me sera difficile de répondre à toutes.

Je commencerai par le dernier point que vous avez abordé. S’agissant des relocalisations depuis la Grèce et l’Italie, j’ai rappelé que nous étions le premier pays, et les chiffres sont plus importants que ceux que vous avez donnés. Plus précisément, depuis la Grèce, 554 réfugiés ont été relocalisés, et plus de 180 depuis l’Italie. Concernant ces deux pays, je le répète, nous sommes de loin le premier pays. Le programme a mis du temps à démarrer, car, comme je l’ai dit tout à l’heure, il a fallu aider le service d’asile de la Grèce à traiter les demandes et à faire des contrôles de sécurité pour chacune des personnes susceptibles d’être accueillies, compte tenu du risque terroriste.

Nous montrons que nous respectons les engagements pris avec la Grèce. C’est une exigence majeure pour notre pays.

Par ailleurs, nous procédons à des réinstallations depuis la Jordanie, le Liban et la Turquie, en lien avec le Haut-Commissariat aux réfugiés, le HCR. Il s’agit là d’une responsabilité internationale, qui dépasse le cadre de l’Union européenne. Ainsi, le Canada, l’Australie, les États-Unis, bref, toutes les grandes démocraties doivent accepter d’accueillir une partie des réfugiés syriens, même si, comme certains orateurs l’ont précisé, la plupart de ces réfugiés restent dans les pays limitrophes, en Turquie, en Jordanie et au Liban, car tel est leur souhait. Ils espèrent ainsi pouvoir revenir le plus vite possible dans leur pays.

Concernant l’Europe de la défense et l’OTAN, je ne pourrai pas vous répondre aussi complètement, monsieur le sénateur, mais je veux cependant insister sur un point. Pour nous, il importe que, dans la stratégie globale de sécurité – mon collègue ministre de la défense est intervenu en ce sens dans plusieurs réunions du Conseil –, l’aspect « politique de défense » soit mis en avant et fasse l’objet des engagements les plus complets. J’y reviendrai si d’autres questions m’en donnent l’occasion.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu, voilà quelques jours, dans cet hémicycle, un débat concernant l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada. Ce dernier devrait être signé à l’occasion d’un sommet Union européenne-Canada fin octobre. Pourtant de nombreuses questions demeurent, dont la principale : s’agit-il bien d’un accord mixte ?

Nous avons pu voir que la direction générale commerce de la Commission européenne n’est pas favorable à la mixité. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que, au contraire, le gouvernement français considère que cet important accord ne peut être considéré comme un simple accord européen. Si tel était le cas, vous avez déclaré vouloir vous y opposer.

Pouvez-vous nous préciser quelles sont aujourd’hui les forces capables de peser en faveur d’une ratification mixte ?

Par ailleurs, il nous semble que la nature de cet accord exige de la Commission ou, à défaut, du Gouvernement, la plus grande transparence sur les tractations en cours sous couvert de toilettage juridique. Nous souhaitons vivement être destinataires d’un maximum d’informations sur ce qui se discute et se négocie encore, ainsi que sur les positions respectives de ceux qui se trouvent assis à la table des négociations.

En effet, nous craignons vraiment que ne soient prises à l’insu des parlementaires, des élus et des citoyens des décisions qui auraient une influence considérable sur leur vie, mais qui n’auraient jamais été débattues avec eux auparavant, et ce alors même qu’aucune traduction officielle en français du texte de l’accord n’a été publiée par la Commission.

Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État, pour assurer cette nécessaire transparence ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il y a débat actuellement entre les États membres et la Commission sur le caractère mixte ou non de l’accord CETA avec le Canada. Ce point est très important : s’il s’agit d’un accord mixte, il devra être ratifié par les parlements nationaux, alors que s’il n’est pas reconnu comme tel, c’est-à-dire s’il est considéré comme un accord de commerce sans incidence importante sur les législations internes des États membres, il n’aura à être ratifié que par le Parlement européen.

La position de France est toujours la même : nous estimons que c’est un accord mixte. Aujourd’hui, différentes analyses sont en cours pour tenter de débrouiller cette différence d’appréciation.

Je précise que nous soutenons le CETA, ce qui n’est pas le cas de tout le monde, car nous pensons avoir obtenu beaucoup de choses que nous voudrions voir dans d’autres accords : la protection des indications géographiques, un système de règlement des différends qui ne relève pas de l’arbitrage privé,…

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très juste !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … un équilibre entre les ouvertures réciproques de marchés, la protection des services publics.

Pour autant, nous estimons qu’il doit être discuté dans les parlements nationaux et qu’on ne peut pas avancer dans la politique commerciale de l’Union européenne sans associer largement toutes les parties prenantes, c’est-à-dire les sociétés civiles, les acteurs économiques, sociaux, et, évidemment, les parlements, qui représentent les citoyens.

Par conséquent, nous continuerons à défendre notre position sur le caractère mixte non seulement du CETA, mais aussi d’autres accords qui sont en cours de négociation, en particulier le TTIP. Les parlements nationaux concernés doivent donc pouvoir être consultés.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, j’aurais pu à mon tour vous interroger sur la question migratoire, qui sera un sujet essentiel du prochain Conseil, mais je voudrais revenir sur la « mère de toutes les batailles », qui s’inscrit dans la durée : je veux parler de l’action en faveur de la croissance et de l’emploi.

Le niveau d’investissement dans les États européens n’ayant cessé de décliner depuis 2007, la Commission a adopté en juin 2015 le plan Juncker, qui a pour objectif de stimuler l’économie en soutenant les projets ayant des difficultés de financement au regard des risques qu’ils représentent.

Après un an de mise en œuvre, selon ce que l’on veut bien regarder, on peut dire que le verre est à moitié plein ou à moitié vide.

Bien qu’ambitieux, ce plan ne sera vraisemblablement pas en mesure de combler le retard accumulé en matière d’investissement d’ici à sa fin programmée, en 2017.

La France souhaitait et souhaite toujours que ce plan soit créateur d’emplois, qu’il permette la transition écologique et, surtout, qu’il contribue à la cohésion de l’Union européenne. Malgré les avancées, ces attentes ne sont pas toutes satisfaites, et les récents résultats communiqués par la Commission montrent que le plan ne bénéficie pas à tous de la même manière.

Si l’on peut se féliciter que l’ouest de l’Europe en bénéficie largement – en premier lieu la France : sur 249 projets, 17 ont été retenus en France, pour près de 7 milliards d’euros d’investissements –, tel n’est pas le cas pour l’Europe de l’Est ni pour Chypre ou Malte.

Le plan Juncker doit donc davantage s’imposer à l’Est, quand bien même les investisseurs privés y sont moins présents. Il est du devoir de l’Union de fournir une aide renforcée aux pays ayant moins de capacités techniques pour monter des projets, afin d’éviter que le Fonds européen d’investissement stratégique ne profite de façon disproportionnée à certains pays ou à certaines régions.

Même s’il est évident que les institutions ont comme priorité la croissance, nous devons nous interroger pour savoir si ce plan peut ou doit être prorogé. J’aimerais avoir la position du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, effectivement, l’un des objectifs du plan Juncker est de contribuer à combler le retard d’investissement pris au sein de l’Union européenne depuis la crise de 2008. Aujourd’hui, nous restons encore en deçà du niveau de cette époque.

Évidemment, la reprise va aider les entreprises, qui ont plus confiance en l’avenir et qui ont reconstitué des marges. C’est le cas en France en particulier, et ce constat n’est pas sans lien avec les réformes qui ont été menées : le crédit d’impôt compétitivité emploi, le pacte de compétitivité, le plan de soutien aux PME.

Les entreprises vont investir davantage, mais il faut aussi essayer d’encourager les investissements au niveau européen, en particulier dans les domaines qui vont accroître le potentiel de croissance future de l’Union européenne : la transition énergétique, le numérique, l’innovation. Cela peut concerner des investissements publics comme des investissements privés, même si l’essentiel du plan Juncker est orienté vers le privé.

Cependant, dans certains cas, il peut s’agir de soutenir l’investissement dans de grandes infrastructures avec des financements mixtes, comme pour l’équipement d’une région avec le très haut débit. Le plan Juncker soutient un projet de cette nature pour la région Alsace et un autre pour la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Nous espérons également voir un autre de nos projets soutenu : la liaison Charles-de-Gaulle Express. Un tel investissement public, bien dessiné, est aussi de nature à contribuer à la croissance.

Il y a néanmoins beaucoup de soutien à des entreprises et à des projets privés.

Si la France bénéficie tout particulièrement du plan Juncker, c’est parce que nous nous sommes très bien organisés pour cela, avec, en particulier, le Commissariat général à l’investissement, qui a l’expertise sur les prêts d’amorçage investissement, mais aussi la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance.

Nous sommes prêts à partager ce savoir-faire pour aider les porteurs de projets à défendre ceux-ci devant la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement stratégique. Ainsi, demain, à Chypre, dans l’est de l’Europe ou dans d’autres parties du continent, tout le monde pourrait bénéficier pleinement, comme en France, du plan Juncker.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la gouvernance européenne, et notamment sur le respect du pacte de stabilité et de croissance, adopté en 2011, qui impose à l’Union européenne d’engager une procédure, éventuellement assortie de sanctions, lorsqu’un État connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs.

Selon cette règle, le 8 mars dernier, la France s’est vu reprocher par la Commission son niveau de dette publique, qui « continue d’augmenter, alors même que la compétitivité et la productivité ne se redressent pas clairement ». Tout comme la France, l’Italie et le Portugal sont aujourd’hui exposés à l’ouverture d’une procédure d’infraction.

Par ailleurs, depuis 2008, la balance des transactions courantes allemandes est excédentaire de plus de 8 %, soit bien au-dessus de la limite des 6 % prévue par le pacte.

Cette situation, vous le savez, creuse les distorsions de concurrence et handicape encore davantage les pays en difficulté.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelle voie de rééquilibrage vous envisagez pour faire face à cette Europe à deux vitesses, où l’Allemagne est exemptée du respect des principes du pacte ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame Loisier, vous avez raison, la recherche d’un équilibre ou plutôt la lutte contre les déséquilibres macroéconomiques, financiers, budgétaires, mais aussi commerciaux au sein de l’Union européenne est un objectif de la bonne gouvernance de la zone euro et du pacte de stabilité et de croissance.

Peu de monde l’a remarqué en France, mais la Commission a adressé une recommandation à l’Allemagne pour qu’elle corrige ses excédents commerciaux, que vous avez rappelés, car les excédents excessifs des uns contribuent aux déficits commerciaux excessifs des autres.

Concrètement, l’Allemagne a été encouragée à investir et à augmenter la demande en son sein, de sorte que le reste de la zone euro en bénéficie et que les écarts de compétitivité se réduisent.

Aujourd’hui, un consensus s’est fait jour dans le débat européen. Pour contribuer à de meilleurs équilibres et davantage soutenir la croissance dans toutes les parties de la zone euro, il faut, d’une part, agir sur les réformes.

Nous en avons mené un certain nombre en France, ce qui n’avait pas nécessairement été fait auparavant, sur la compétitivité, le soutien à l’investissement par l’allégement des charges des entreprises et la lutte contre les déficits excessifs à un rythme raisonnable, pour ne pas accentuer l’effet récessif des politiques d’austérité. Ce dernier constat, que partage le FMI, nous a été dicté par l’expérience des pays d’Europe du Sud.

D’autre part, nous devons promouvoir des plans d’investissement, comme je l’ai dit tout à l’heure.

Il faut que tous les pays de la zone euro mènent des politiques qui contribuent à accroître l’investissement, la compétitivité, les réformes, tout en sachant que chacun peut se trouver dans une situation différente à un moment donné et jouer sur différents facteurs.

À l’heure actuelle, effectivement, il faut éviter qu’il n’y ait des déséquilibres commerciaux trop importants entre des pays qui avaient déjà des excédents avant la crise et des pays en train de sortir de la crise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur un sujet qui ne sera pas à l’ordre du jour du Conseil européen.

Voilà quelques semaines, une campagne marquante de Médecins du monde dénonçait le prix indécent de certains médicaments arrivant sur le marché. C’est le cas des nouveaux traitements anticancéreux ou de ceux destinés à soigner l’hépatite C, qui atteignent aujourd’hui des prix exorbitants.

Le principal danger encouru est qu’à long terme notre assurance maladie ne puisse plus supporter le remboursement de tels traitements, dont doivent pourtant bénéficier des milliers de malades.

De plus, les politiques d’austérité ont fait peser le fardeau financier des traitements sur les citoyens essentiellement. Les foyers espagnols, par exemple, paient leurs médicaments 58 % plus cher aujourd’hui qu’en 2010 ; par ailleurs, 39 % des Portugais ne peuvent plus se payer les médicaments qu’ils achetaient pourtant en 2014.

Ainsi, suivant la loi du marché, les prix des médicaments s’envolent tout à coup au détriment des consommateurs, des malades. Les ministres de la santé, qui étaient réunis à Bruxelles la semaine dernière, ont donc décidé de s’attaquer au problème, mais prudemment…

Le Conseil a ainsi demandé aux autorités de la concurrence de continuer à examiner de près les cas de tarification excessive pour s’assurer que le marché reste sain et compétitif.

De plus, les ministres de la santé ont appelé les États membres à coopérer afin de créer un meilleur accès aux traitements. Ils ont donc été encouragés à explorer les possibilités de négociations communes des prix et à augmenter les échanges d’informations.

Parallèlement, le projet de conclusions initial du Conseil prévoyait de redistribuer une grande partie des bénéfices des médicaments innovants réalisés grâce à des investissements publics dans la recherche aux systèmes de santé publique. Cela « éviterait au contribuable de payer deux fois pour le même produit », était-il souligné dans ce projet.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelle a été la position de la France sur ce dossier ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il y a en Europe des règles de mise sur le marché qui sont communes, dans une certaine mesure. L’Union a bien entendu pour objectif d’assurer un meilleur accès aux médicaments comme aux traitements, mais le domaine du prix des médicaments fait l’objet d’une coordination et non d’une régulation européenne. En d’autres termes, les prix ne sont pas fixés au niveau communautaire, chacun des États membres disposant de particularités qui tiennent aux règles de remboursement du système de sécurité sociale. Chaque pays est libre d’organiser sa protection sociale comme il l’entend.

En France, nous sommes particulièrement attachés à des niveaux de remboursement extrêmement élevés et au mécanisme de tiers payant. Ces dispositifs ne peuvent pas être imposés dans toute l’Union européenne, mais ils impliquent que nous ayons à chaque fois une discussion très serrée avec les laboratoires pour la fixation du prix des médicaments. Comme vous l’avez rappelé, il faut que ce prix, qui doit permettre de rémunérer la recherche et le développement des médicaments, soit compatible avec l’accès aux traitements et ne serve pas uniquement à des fins commerciales ou au financement de campagnes de marketing.

C’est une grande bataille mondiale qui appelle sans doute une convergence entre les pays de l’Union européenne. Nous avons donc défendu l’idée d’une très grande coordination, tout en étant attentifs au respect de la subsidiarité, en vertu duquel le prix du médicament est fixé par chaque État membre pour ce qui le concerne.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de ce débat, nous avons beaucoup parlé d’euroscepticisme, mais il existe aussi des citoyens et des forces politiques qui défendent l’Europe comme vecteur de droit, de meilleure gouvernance et de croissance.

Je pense aux citoyens des pays des Balkans qui sont candidats à l’adhésion, mais aussi, plus particulièrement aujourd’hui, aux Ukrainiens.

Monsieur le secrétaire d’État, le 4 juillet prochain, il y aura une réunion de l’ensemble des pays des Balkans à Paris. Pouvez-vous me confirmer qu’à ce moment-là, sur les sujets de droit, de justice, d’asile, nous pourrons avoir avec ces pays des discussions qui permettront de faire la démonstration de la dynamique européenne en ces domaines et de préciser les perspectives d’élargissement qui les concernent ?

Je sais que la Commission européenne a annoncé qu’il n’y aurait pas d’élargissement lors de son mandat, mais ce n’est pas une raison pour ne pas offrir des perspectives concrètes et refuser de débattre sur le fond de la justice, de la liberté d’expression et de droits dans ces pays, qui sont aujourd’hui candidats à l’Union européenne.

Par ailleurs, s’agissant de la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs, nous avons évoqué les 72 critères, dont tout le monde connaît au moins le nombre. Chacun sait aussi qu’il en manque 5 à respecter pour permettre cette libéralisation. En revanche, pour les ressortissants ukrainiens, il faut savoir que la question a déjà été traitée jusqu’au bout, la Commission considérant que tous les critères imposés à l’Ukraine sont aujourd’hui respectés. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quelle sera la position de la France sur cette libéralisation du régime des visas ? À mon sens, il ne saurait y avoir de double standard entre les pays candidats, d’un côté, et, de l’autre, les pays qui parlent aujourd’hui de droits et de visas avec l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

Je vous informe que l’Ukraine est en train de se faire battre par la Pologne à Marseille. (Sourires.)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le président, dans ces conditions, voyons quel soutien nous pouvons apporter à cet État. (Nouveaux sourires.)

Monsieur Leconte, je voudrais d’abord vous répondre sur les Balkans. Vous avez mentionné le très important sommet qui aura lieu le 4 juillet prochain à Paris, avec les pays des Balkans occidentaux et plusieurs États membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne et l’Italie, représentées respectivement par la chancelière Angela Merkel et le président du conseil Matteo Renzi. Cette réunion fera suite à une conférence qui s’est déjà tenue à Berlin, puis à Vienne.

Par ailleurs, le Président de la République avait été invité en Slovénie, dans la ville de Brdo, pour la relance d’un processus de dialogue politique entre les pays des Balkans. La France est donc attendue pour aider ces pays, qui sont aujourd’hui, pour beaucoup d’entre eux, candidats à l’adhésion, en attendant qu’ils le deviennent tous, à faire leur transition économique et politique vers l’Union.

Nous le savons, cette région a toujours joué un rôle important dans l’histoire de l’Europe : ainsi, en 1914, elle fut le foyer de déclenchement de la Première Guerre mondiale ; elle fut par ailleurs le théâtre de la dernière guerre qui a eu lieu sur le continent, dans les années 90.

Il s’agit aussi d’une région dont la richesse et la diversité doivent être des atouts pour l’Union européenne.

Nous allons donc travailler au cours de cette conférence à aider ces pays à mieux s’intégrer en tant que région sur le plan des transports, de l’énergie ou des échanges entre les jeunes, avec la création d’un office régional pour la jeunesse inspiré de l’Office franco-allemand pour la jeunesse.

Évidemment, nous travaillons aussi avec eux aux progrès de la justice et des droits fondamentaux. Ainsi, ces pays, qui sont en train de négocier les chapitres de leur dossier d’adhésion, se rapprocheront de l’Union, jusqu’à la rejoindre un jour.

L’Ukraine, elle, fait partie du partenariat oriental. C’est donc un autre type de relations de voisinage. Il y a effectivement une proposition de la Commission sur la libéralisation des visas, mais, là encore, celle-ci doit être examinée à l’aune des critères, qui sont pour beaucoup remplis, mais il y a encore du chemin à faire pour rendre cette libéralisation effective. Cependant, l’Ukraine doit être soutenue dans ses réformes, et pas simplement dans ses résultats « footballistiques ». (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, jeudi prochain sera un jour extrêmement important non seulement pour les Britanniques, mais aussi pour tous les Européens. Les membres du groupe UDI-UC sont bien sûr très attentifs à l’issue de ce scrutin.

Certes, nos voisins d’outre-Manche n’ont pas fait preuve d’un enthousiasme européen débordant ces dernières années : ils n’ont voulu participer ni à l’euro ni à la création de l’espace Schengen, et ils ont négocié une ristourne.

Néanmoins, nous avons la conviction qu’il est souhaitable que les Britanniques puissent rester dans l’Europe. Si le Brexit l’emporte, il faut s’attendre à des conséquences très négatives pour notre économie, comme cela a pu être le cas avec les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Les agriculteurs peinent encore aujourd’hui, car ils ont subi de plein fouet les conséquences de cet épisode. Beaucoup y ont même laissé leur exploitation. Certes, l’enjeu ne sera pas du même niveau avec les Britanniques, mais, d’ores et déjà, les pêcheurs bretons craignent d’éventuelles remises en cause des espaces de pêche. Par ailleurs, la première compagnie maritime de transport de passagers en France craint aussi les effets qu’aurait le Brexit sur l’euro, et donc sur son activité.

Quel que soit le résultat, l’Europe sera profondément affectée. En cas de sortie, l’économie sera évidemment touchée, mais, même si les Britanniques décident de rester, l’étroitesse du score sera telle que cela constituera un séisme extrêmement fort pour l’ensemble des Européens. Monsieur le secrétaire d’État, en tout état de cause, il faudra que des initiatives soient prises pour que l’Europe soit effectivement relancée, car le pire serait de continuer dans cette atmosphère de défiance à l’égard de l’Union, alors que des échéances importantes vont intervenir dans un proche avenir.

Est-ce que la France va solliciter l’Allemagne pour prendre des initiatives susceptibles de relancer l’Europe ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez dit, une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aurait évidemment des conséquences économiques importantes pour les Britanniques et pour les échanges entre l’Union et ce pays, qui serait alors considéré comme un État tiers, avec tous les inconvénients que cela implique. Il y aurait alors, en vertu de l’article 50 du Traité de l’Union européenne, une négociation pendant deux ans sur les nouvelles formes d’échanges et les arrangements nécessaires entre ce pays et l’Union. La situation serait très délicate et compliquée, mais, encore une fois, nous ne souhaitons pas que les citoyens britanniques fassent ce choix.

Si le Royaume-Uni décide de rester dans l’Union, nous mettrons en œuvre l’accord du 18 février dernier, lequel ne concède aucun droit de veto au Royaume-Uni sur l’intégration future de la zone euro. C’était un point majeur pour la France, sur lequel nous avons explicitement obtenu gain de cause.

Il faudra donc respecter les différentes conditions posées par le Premier ministre britannique, mais ce document de février a aussi réaffirmé que, si les Britanniques considèrent qu’ils ne sont pas concernés par la formule sur une Union sans cesse plus étroite, d’autres États membres estiment en revanche qu’elle s’applique toujours à eux. Nous avancerons, et les États membres qui le souhaitent pourront approfondir leur coopération dans tous les domaines évoqués dans ce débat, et sur lesquels nous nous retrouvons, me semble-t-il : croissance, investissement, sécurité.

Nous prendrons donc des initiatives, en particulier avec l’Allemagne, comme vous le souhaitez, mais aussi en proposant à tous ceux qui sont attachés au projet européen d’aller de l’avant avec nous.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Depuis l’an 2000, date du début des discussions sur les accords de partenariat économique, ou APE, les acteurs économiques et politiques de l’île de la Réunion soulignent l’impact que de tels accords pourraient avoir sur la fragile économie insulaire. Les APE sont des accords conclus entre les pays de la zone Afrique, Caraïbe et Pacifique, ou ACP, anciennement colonisés, et l’Union européenne.

Seize ans plus tard, il existe encore un flou certain autour de ces accords. Certes, vous avez répondu à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, au sénateur de La Réunion, notre collègue Paul Vergès, et votre courrier se veut rassurant. Néanmoins, il ne répond pas tout à fait à nos questions.

Vous faites allusion, il est vrai, à la possibilité pour l’Union européenne de recourir aux dispositions de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, mais sont-elles suffisantes ? Vous avancez également que « certaines lignes tarifaires correspondant à des produits sensibles » ne seront pas libéralisées immédiatement, mais quelles sont ces lignes ? Comment pouvez-vous imaginer que l’économie réunionnaise puisse préparer et anticiper cette libéralisation si elle ne connaît pas le contenu de ces accords ?

En outre, on peut s’attendre à ce que d’autres partenaires commerciaux – les États-Unis, de grands pays émergents et des pays africains – exigent prochainement de ces pays les mêmes avantages commerciaux que ceux qu’ils ont accordés à l’Union européenne.

Dans ce contexte, quel est l’avenir de l’économie de La Réunion face aux importations de produits européens et de ceux qui sont fabriqués chez ses voisins, et à un coût défiant toute concurrence ?