IV. COMPÉTENCES ET FINANCES

A. introduction

INTRODUCTION DE M. DANIEL HOEFFEL,
ANCIEN MINISTRE, SÉNATEUR DU BAS-RHIN

M. Daniel Hoeffel, sénateur du Bas-Rhin .- Monsieur le Président, Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs, deux observations liminaires avant de formuler mes questions sur le volet des compétences et des finances...

En premier lieu, il convient de rappeler que, dans l'esprit de la loi du 4 février, aménagement du territoire et décentralisation vont de pair et ne sont pas incompatibles. En effet, l'aménagement du territoire -et nous l'avons entendu tout à l'heure- ne saurait être un quelconque prétexte pour une recentralisation sur le terrain.

L'article premier de la loi dit bien que "la politique d'aménagement du territoire est conduite par l'Etat, en association avec les collectivités territoriales, dans le respect de leur libre administration et des principes de la décentralisation".

L'aménagement du territoire suppose une volonté de l'Etat, mais aussi, parallèlement, une mobilisation forte de l'ensemble des niveaux des collectivités territoriales.

Seconde observation liminaire, cela a déjà été rappelé, mais il faut le répéter : la loi d'aménagement du territoire suppose une volonté interministérielle fondée sur la continuité. Elle a été préparée au Sénat au cours de quatre années de travail de fond, et je tiens à rendre hommage au président Jean François-Poncet et à sa commission. Cette volonté, qui s'est exprimée avant la discussion de la loi, doit s'exprimer sans discontinuité sur l'application de la loi. Tout relâchement de cet effort, sous quelque prétexte que ce soit, mettrait en péril la volonté d'aménagement du territoire !

C'est sous cet aspect que je poserai quatre séries de questions...

La nécessité de la clarification des compétences et des finances à été une exigence forte qui s'est exprimée tout au long du grand débat qui a eu lieu dans les régions en 1993 et 1994. De toutes parts, les observations faites au cours du grand débat nous ont rendus attentifs à la nécessité de considérer clarification des compétences et réforme des finances comme deux préalables nécessaires à une politique d'aménagement du territoire efficace.

C'est sous cet angle que je pose les questions au niveau des compétences...

Nous le savons, les lois de décentralisation sont parties du principe que des blocs de compétence nettement délimités étaient une exigence forte.

Les contraintes budgétaires, la crise économique, qui n'ont épargné aucun niveau d'administration depuis l'Etat jusqu'aux communes, ont entraîné progressivement des confusions des compétences et, souvent, les financements croisés représentent le seul moyen pour réaliser, sur le terrain, un certain nombre de grands équipements.

Comment revenir vers une clarification des compétences ? C'est une des questions posées dans la loi, dans son article 65, qui souhaite par ailleurs que, en le faisant par étape, on commence par la définition de la notion de collectivité " chef de file " pour chaque grand projet.

La deuxième série de questions concerne le volet des finances, lui aussi omniprésent tout au long du grand débat, et présent -ô combien !- dans les discussions parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

La question qui se pose là est de savoir comment l'on peut concilier l'ambition forte que représente l'aménagement du territoire sur le plan financier, avec les contraintes budgétaires que nous connaissons à tous les niveaux, et que, probablement, nous connaîtrons encore longtemps !

La loi a dégagé un certain nombre de pistes à ce propos. La réduction de l'écart des ressources apparaît comme un objectif fondamental, et il convient de rendre hommage au Sénat, qui en a fait un des points forts du débat devant la haute Assemblée, en demandant que soit retenue la notion de péréquation financière entre les espaces régionaux, une péréquation qui doit atteindre son objectif entre 1997 et l'an 2010, pour qu'aucune région ne se situe à moins de 80 % d'une moyenne nationale, ni au-delà de 120 %.

Je me remémore bien ce débat, qui a finalement permis de dégager une très nette majorité en faveur de la péréquation, les uns y adhérant avec beaucoup de conviction -c'était le cas du président et des rapporteurs- d'autres l'adoptant avec une certaine résignation, d'autres encore votant parce qu'on ne pouvait faire autrement, avec des sentiments plutôt dubitatifs !

Mais, au Sénat, les convaincus l'ont largement emporté. Reste à savoir maintenant comment cet objectif ambitieux peut être traduit dans les faits. Ce fut un volet novateur, voire révolutionnaire -le mot était tombé au Sénat, ce qui n'est pas évident tous les jours ! Où en sommes-nous, Monsieur le Ministre dans cette volonté d'atteindre cet objectif -sans compter les deux autres, celui d'une réforme des finances locales, et particulièrement de la taxe professionnelle, et celui de la mise en oeuvre des mesures financières et fiscales dérogatoires ?

Enfin, avant dernière série d'observations : il est bien clair -et cela a été rappelé- que s'il faut une volonté forte de l'Etat, il faut aussi une mobilisation forte de l'ensemble des collectivités territoriales, avec un renforcement d'un certain nombre de principes : la coopération intercommunale, la coopération interrégionale, la coopération transfrontalière, l'émergence de la notion de pays.

Combien de débats passionnés, au Sénat en particulier, pour essayer de définir sans équivoque cette notion de pays. Que les choses soient bien claires : tout le monde était d'accord pour affirmer que jamais le pays ne devrait être un niveau de collectivité territoriale supplémentaire, dans un Etat où, probablement -j'ose le dire !- nous en avons peut-être plutôt trop que pas assez !

Où en est la concrétisation de cette notion de pays, sachant que la loi a voulu que, dans un délai de 18 mois, des propositions soient faites pour constater l'émergence spontanée des pays sur le terrain, et non pas des pays imposés par le haut, ce qui serait la négation même de la conception de l'aménagement du territoire, qui a été celle du Gouvernement et du législateur ?

Où en sont ces pays-tests, en particulier pays-tests préludes et non pas pays-tests sources ou prétextes pour un enlisement ?

Je terminerai par une dernière observation générale, pour rappeler que la loi d'aménagement du territoire poursuit un double objectif. Le premier est de réduire les inégalités sur le territoire national. La loi d'aménagement du territoire y contribue. La réforme de la DGF y contribue. La politique européenne des fonds structurels interfère de plus en plus, et lorsque l'on sait que 30 % du budget européen vont vers les fonds structurels, on se rend compte que le poids de l'Europe dans la concrétisation d'une politique d'aménagement du territoire va peser de plus en plus lourdement.

Mais n'oublions pas que la politique d'aménagement du territoire recherche également un second objectif : celui de préparer l'insertion de notre territoire national dans l'espace européen environnant. Cela doit nous amener à constater que la réduction des inégalités financières en particulier sur notre territoire -et j'approuve totalement Jean-Claude Gaudin- ne saurait être interprétée comme une volonté de nivellement.

Si nous voulons tenir notre place dans l'espace européen, les points forts du territoire doivent pouvoir s'affirmer face aux points forts dans l'espace européen environnant.

Concilier la volonté de réduire les inégalités au plan national avec le souci de nous insérer avec nos points forts dans l'espace européen, telle est la conception que, tout au long du débat, nous avons voulu préserver. C'est aussi sous cet angle, Monsieur le Ministre, qu'avec beaucoup d'intérêt, nous attendons vos réponses à ces questions relatives aux compétences et aux finances.

(Applaudissements).

M. Jean François-Poncet, président .- Je remercie Daniel Hoeffel qui, avec la vigueur exceptionnelle qui lui est propre, a rappelé un certain nombre des principes que j'évoquais ce matin, qui sont en effet au coeur de la loi.

Je donne tout de suite la parole à M. Dominique Perben...

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