B. AMÉLIORER LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

1. Un soutien clair à l'adoption rapide de la proposition de directive de lutte contre la corruption

La commission des affaires européennes souhaite tout d'abord affirmer que la lutte contre la corruption doit être et demeurer une priorité des politiques européennes. Dans ce cadre, elle appelle les États membres à tirer toutes les conséquences des recommandations de la Commission européenne, formulées dans le cadre du suivi annuel de l'État de droit. Constatant cependant que les institutions européennes ne font l'objet d'aucun suivi en matière d'État de droit, elle propose que le futur comité d'éthique européen à créer soit en charge de ce suivi annuel du respect de l'État de droit par les institutions européennes elles-mêmes, en particulier en matière de lutte contre la corruption et de prévention des conflits d'intérêts.

Sur ce fondement, tout en déplorant le caractère tardif de son dépôt, la commission des affaires européennes salue tout d'abord l'ambition de la proposition de directive de lutte contre la corruption, en particulier concernant l'harmonisation de la définition des infractions des faits de corruption et celle de leur sanction.

Plus spécifiquement, elle :

déplore l'absence d'analyse d'impact et rappelle sa position de principe demandant à la Commission européenne de joindre une telle analyse à chacune de ses initiatives normatives ;

appelle à une clarification des définitions posées par le texte, pour supprimer des mentions inexactes (« haut fonctionnaire politique »), ou des ambiguïtés (ainsi, la notion d'« agent de haut niveau », qui mêle en pratique les membres du gouvernement, les parlementaires et les fonctionnaires, devrait être remplacée par le diptyque usuel « agents publics » et « responsables publics ») ;

souhaite que la définition envisagée des organismes spécialisés dans la prévention de la corruption maintienne une exigence d'indépendance statutaire ou fonctionnelle, afin de préserver une « harmonisation par le haut » des dispositifs des États membres dans le domaine de la lutte contre la corruption. Elle constate à cet égard que la HATVP répond pleinement à cette définition et que l'agence française anticorruption (AFA), qui n'est pas une autorité administrative indépendante mais dispose d'une autonomie fonctionnelle et notamment de son propre budget, pourrait également y répondre, sans préjudice de l'évolution à venir de son statut ;

- estime que l'obligation d'information sur l'exercice de leurs activités imposée aux organismes de répression de la corruption doit être conciliée avec le maintien de l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites ;

prend acte de l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de défaut de surveillance et de contrôle, mais demande, dans ce cadre, la préservation des spécificités de la responsabilité pénale des collectivités territoriales (responsabilité pénale « conditionnée ») et du régime applicable aux élus locaux en cas de délit non intentionnel (« Loi Fauchon ») actuellement prévus en droit français, dans l'hypothèse où une collectivité territoriale serait mise en cause pénalement pour défaut de surveillance ou de contrôle d'un de ses agents ;

se félicite de l'évolution des discussions au Conseil sur les délais de prescription des infractions en matière de corruption, qui devrait permettre de revenir sur les propositions initiales - trop longues au regard du droit français en vigueur - et appelle à l'harmonisation de ces délais à 6 ans (délai applicable en droit français pour de telles infractions).

2. La volonté de renforcer « l'arsenal » juridique et opérationnel contre la corruption

En complément du soutien exprimé au dispositif de la proposition de directive de lutte contre la corruption, la commission des affaires européennes souhaite conforter les dispositifs opérationnels européens visant à combattre les réseaux criminels, qui sont à l'origine d'un grand nombre de faits de corruption, et rappeler que les exigences de la lutte contre la corruption font partie de l'acquis communautaire. Elle :

- préconise une action plus ferme contre les réseaux de criminalité qui réalisent, pour 60 % d'entre eux, des actions de corruption et procèdent, pour 70 % d'entre eux, à des opérations de blanchiment : soutient le renforcement des moyens d'Europol et, en France, de l'office central pour la répression de la délinquance financière de la police judiciaire et de Tracfin118(*) ; appuie la feuille de route de l'Union européenne en matière de lutte contre le trafic de drogue, adoptée le 18 octobre 2023, qui préconise en particulier de « suivre l'argent » des réseaux criminels pour faciliter leur démantèlement et demande un déploiement rapide de « l'alliance des ports européens » annoncée le 24 janvier dernier, qui doit mobiliser autorités politiques, services répressifs, grands acteurs portuaires et compagnies maritimes contre le trafic de drogue et les « chaînes de corruption » que ces réseaux ont implantées ;

- approuve l'accord intervenu le 12 décembre 2023, sur l'actualisation de la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs, qui renforce les dispositifs de recouvrement de ces avoirs119(*) et étend le champ possible des confiscations, et celui obtenu, le 13 décembre 2023, sur la révision de la réglementation européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux120(*). En complément, soutient la candidature de Paris pour héberger le siège de la nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) ;

- constate les premiers résultats positifs obtenus par le Parquet européen contre les infractions de corruption et de blanchiment portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et encourage l'approfondissement de sa coopération opérationnelle avec les autorités et services compétents des États membres 121(*) ;

- observe avec satisfaction que la lutte contre la corruption est confirmée comme l'une des priorités de la PESC, ainsi que des politiques d'élargissement et de voisinage de l'Union européenne, dans la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 3 mai 2023 ;

- demande que l'Union européenne et les États membres veillent à obtenir de l'ensemble des pays candidats (Ukraine ; Moldavie ; Bosnie-Herzégovine et autres pays des Balkans occidentaux ; Géorgie), le respect intégral de l'acquis communautaire en matière de lutte contre la corruption.


* 118 Service de renseignement placé sous l'autorité du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il concourt au développement d'une économie saine en luttant contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

* 119 COM (2022) 245 final.

* 120 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'Autorité de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) n°1093/2010, (UE) n°1094/2010 et (UE) n°1095/2010 du 20 juillet 2021, COM(2021) 421 final ; proposition de règlement relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme du 20 juillet 2021, COM(2021) 420 final ; proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) n°2015/849 du 20 juillet 2021, COM(2021) 423 final.

* 121 Au 31 décembre 2022, le Parquet européen avait ouvert 1 117 enquêtes, dont 116 sur des dossiers de blanchiment et 87 sur des faits de corruption.

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