N° 345

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 février 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la lutte contre la corruption dans l'Union européenne,

Par MM. Claude KERN, Didier MARIE et Jean-François RAPIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

L'ESSENTIEL

Le scandale dit du « Qatargate », déclenché en décembre 2022 par l'ouverture d'une enquête de la justice belge sur des allégations de corruption de députés européens par des pays tiers, a mis au jour la vulnérabilité de l'Union européenne à l'égard des acteurs utilisant la corruption pour l'affaiblir ou en détourner les décisions.

Quelques semaines auparavant, sur la base des informations recueillies par ses services dans le cadre du cycle annuel de suivi de l'État de droit dans les 27 États membres et en cohérence avec les alertes lancées par l'agence européenne de coopération policière, Europol, la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, avait sonné l'alarme à ce sujet : « Aujourd'hui, je voudrais attirer l'attention sur la corruption, sous tous les visages. Qu'elle prenne le visage d'agents étrangers qui tentent d'influencer notre système politique. Ou celui de sociétés ou fondations écrans qui détournent les fonds publics.

« Si nous voulons être crédibles quand nous demandons aux pays candidats de renforcer leur démocratie, nous devons aussi éradiquer la corruption sur notre sol. »1(*)

I) LA CORRUPTION : UN DÉFI D'AMPLEUR POUR L'UNION EUROPÉENNE, Y COMPRIS AU COEUR DE SES INSTITUTIONS

A) L'UNION EUROPÉENNE A FAIT DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION UNE PRIORITÉ

La corruption n'est ni nouvelle (ainsi, sous l'Antiquité, elle faisait partie intégrante des techniques de campagne électorale lors des élections aux magistratures de la République romaine) ni spécifique à l'Union européenne

Il faut même constater, au regard des indicateurs internationaux, qui demeurent toutefois partiels, que la corruption est moins présente dans les États membres de l'Union européenne que dans le reste du monde2(*). Ainsi, en 2023, 11 des 27 États membres de l'Union européenne, dont la France (20ème) se retrouvent parmi les 20 premiers États dans le classement de l'indice de perception de corruption publié annuellement par l'organisation non gouvernementale de lutte contre la corruption Transparency international3(*), qui classe, par ordre décroissant, les pays du monde entier à l'aune de leurs législations et pratiques anticorruption

Plus spécifiquement, la France dispose d'un cadre juridique précis et de moyens notables pour prévenir la corruption, avec des obligations déclaratives imposées aux responsables publics, l'enregistrement obligatoire des représentants d'intérêts sur un répertoire national, l'action de conseil, d'information et de contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et la mise en place d'une stratégie nationale anticorruption par l'agence française anticorruption (AFA).

En outre, pour réprimer la corruption, le code pénal prévoit des sanctions claires pour punir la corruption active (qui désigne le fait de proposer une faveur, un don ou un avantage quelconque à une personne afin que cette dernière accomplisse un acte ou s'abstienne d'agir dans le cadre de ses fonctions), la corruption passive (qui correspond au fait, pour la personne investie de la fonction déterminée, d'accepter le don ou l'avantage proposé) et, plus généralement, les atteintes à la probité (trafic d'influence ; prise illégale d'intérêts ; abus de droit...). Pour enquêter sur ces infractions et les poursuivre, la France bénéficie en outre de l'action efficace de services spécialisés tels que l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales de la police judiciaire (OCLCIFF) ou Tracfin, la cellule de renseignement financier du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

La lutte contre la corruption est une obligation internationale et une exigence européenne.

Au plan international, la Convention des Nations unies contre la corruption4(*), à laquelle les États membres de l'Union européenne ont tous adhéré, impose l'adoption de stratégies nationales contre la corruption. En complément, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a pris des initiatives contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales5(*).

La lutte contre la corruption est également une priorité du Conseil de l'Europe. Il a ainsi constitué en son sein le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) en 1999, qui a pour objet d'améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en organisant une évaluation (et une pression) par les pairs afin de les inciter à reprendre les normes du Conseil de l'Europe en la matière. Son dernier document d'évaluation sur la France est paru le 30 janvier 20246(*).

Pour l'Union européenne, la lutte contre la corruption fait partie intégrante de l'État de droit, valeur de l'Union posée à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE)7(*).

C'est en effet au nom de cette valeur de l'État de droit que, depuis 2020, la Commission européenne évalue annuellement la situation de chaque État membre au regard de plusieurs critères : indépendance de la justice ; lutte contre la corruption ; indépendance de la presse et pluralisme des médias ; questions institutionnelles.

La lutte contre la corruption fait ainsi partie de « l'acquis communautaire » que doivent reprendre les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Elle est aussi intégrée aux stratégies de l'Union européenne pour l'union de la sécurité et visant à lutter contre la criminalité organisée8(*).

Sur cette base, l'Union européenne a tenté de bâtir une réponse européenne harmonisée aux défis de la corruption. Elle a ainsi :

- obtenu des États membres qu'ils prennent les mesures nécessaires pour ériger la corruption en infraction pénale, et la punir par des « sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives », qu'elle concerne les agents publics9(*), ou le secteur privé10(*) ;

- mis en place des mesures visant à prévenir tout détournement du système financier aux fins de blanchiment de capitaux11(*) et+ geler ou confisquer les avoirs criminels12(*) ;

- garanti un contrôle effectif de la bonne utilisation des fonds européens, à la fois par une réglementation exhaustive13(*) et par les pouvoirs d'enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), de la Cour des comptes de l'Union européenne et du Parquet européen14(*), dont la mission première est de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne ;

- prévu les mesures nécessaires pour protéger les lanceurs d'alerte15(*) ;

- érigé la lutte contre la corruption au rang des priorités de sa politique étrangère et de sécurité communes (PESC) et imposé des sanctions aux pays tiers réticents à appliquer les standards internationaux en la matière16(*).

B) MAIS LA CORRUPTION PROFITE DES DIVERGENCES DE LÉGISLATIONS ENTRE ÉTATS MEMBRES ET DES LACUNES DES 17(*)INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Malgré tout, la corruption demeure un phénomène massif dans l'Union européenne : son coût annuel pour les économies de l'Union européenne est évalué à 120 milliards d'euros selon une estimation de la Commission européenne, qu'elle qualifie elle-même de « prudente »18(*). Pourquoi ?

Tout d'abord parce que cette infraction est souvent « invisible », servant aux réseaux criminels ou aux pays tiers hostiles à commettre d'autres infractions graves : trafic de drogue ; espionnage ; captation de marchés publics ; détournements de fonds européens...

Ainsi, selon Europol, 60 % des réseaux du crime organisé usent de la corruption et 70 % d'entre eux mènent des actions de blanchiment de capitaux. L'agence a également alerté à plusieurs reprises les États membres et la Commission européenne sur l'emprise des réseaux de trafic de drogue sur les grands ports européens par l'existence d'une « chaîne de corruption » dans les métiers du port.

Cette persistance des faits de corruption profite également des divergences de législations entre les États membres et, parfois, de leur absence de volonté politique pour combattre la corruption. Dans son rapport d'évaluation de l'État de droit 2023, la Commission européenne vise même notre pays : tout en le félicitant globalement pour ses règles éthiques et pour la capacité des services compétents à enquêter sur les affaires de corruption, elle l'appelle ainsi à mettre en oeuvre rigoureusement son cadre juridique relatif aux représentants d'intérêts19(*). D'autres États membres sont incités à prévoir des règles de prévention des conflits d'intérêts20(*).

La corruption a pu enfin être facilitée par les carences préoccupantes des institutions de l'Union européenne (Commission européenne ; Parlement européen ; Conseil de l'Union européenne...) dans l'adoption et l'application de « cadres éthiques » s'appliquant à elles-mêmes. Cet état de fait a été illustré par le scandale du « Qatargate » et par plusieurs enquêtes récentes de la Médiatrice de l'Union européenne, tant sur l'absence de contrôle du « pantouflage » des personnels de la Commission européenne21(*), que sur l'opacité persistante des liens existant entre la direction générale Santé de la Commission européenne avec l'industrie du tabac22(*), ou sur les voyages aériens offerts par le Qatar à l'ancien directeur général Transports de la Commission européenne alors que ce dernier négociait, pour l'Union européenne, un accord de « Ciel ouvert » avec ce pays23(*). Ces faits ont démontré la nécessité de réformes ambitieuses afin de garantir la pérennité du débat démocratique européen et de restaurer la confiance des citoyens des États membres, à l'heure où l'Union européenne n'a jamais eu autant de pouvoir.

L'urgence est là : en effet, en 2023, 70% des citoyens des États membres de l'Union européenne estimaient que la corruption était répandue dans leur pays. Et plus de quatre citoyens sur dix (45%) considéraient que le niveau de corruption avait augmenté dans leur pays depuis trois ans24(*).

II) MIEUX PRÉVENIR LA CORRUPTION

A) REVOIR À LA HAUSSE L'AMBITION DE L'ORGANISME ÉTHIQUE INTERINSTITUTIONNEL EUROPÉEN DONT LA COMMISSION EUROPÉENNE PROPOSE LA CRÉATION

Dans sa communication COM(2023) 311 final, présentée le 8 juin 202325(*), la Commission européenne a proposé, par la voie d'un accord interinstitutionnel, la création d'un organisme éthique interinstitutionnel commun à neuf institutions de l'Union européenne26(*), qui aurait pour mission de servir de f+orum d'échange de bonnes pratiques et de définir, sur une base consensuelle, des lignes directrices éthiques minimales pour les membres de ces institutions.

Estimant que cet organisme a minima était la seule réponse possible en l'état du droit de l'Union européenne (à savoir les principes de l'équilibre institutionnel et de l'autonomie institutionnelle, qui enjoignent chaque institution européenne à assumer totalement les pouvoirs que lui confient les traités et lui confèrent une grande marge d'appréciation pour mener « souverainement » ses politiques internes), la Commission européenne considère qu'il doit être considéré comme un « premier pas ».

Dans la résolution européenne qu'elle propose au terme de ce rapport, la commission des affaires européennes fait une autre analyse, observant que la « mise à niveau éthique » de l'Union européenne ne peut pas attendre.

Elle relève, d'une part, que l'initiative de proposer la création d'un organisme éthique, qui avait été envisagée par la Présidente de la Commission européenne dès fin 2019, n'a été présentée que très tardivement par cette dernière, en juin 2023, conduisant les négociateurs européens à se presser au risque de sceller un « accord au rabais » avant la fin du mandat du Parlement européen et, d'autre part, que la création d'un nouvel organisme européen est inutile s'il doit être cantonné à des missions aussi inconsistantes.

Constatant, avec la Médiatrice de l'Union européenne, que l'autorégulation des institutions européennes n'a pas donné les résultats escomptés dans le domaine de la prévention de la corruption et que, contrairement à l'interprétation qu'en fait la Commission européenne, les traités européens n'interdisent pas la création d'un organisme indépendant doté de pouvoirs de contrôle27(*), la commission des affaires européennes préconise de créer un véritable « comité d'éthique européen » qui serait indépendant à l'égard des institutions participantes et qui :

- serait compétent, non seulement à l'égard des membres des institutions participantes mais aussi de leurs personnels. Simultanément, il ne fixerait pas de normes pour les délégations nationales siégeant au Conseil afin de ne pas faire « doublon » avec les règles déontologiques nationales qu'elles doivent déjà respecter ;

- bénéficierait d'une faculté d'auto-saisine sur les potentielles atteintes à l'éthique et d'un pouvoir d'enquête, afin de pouvoir rendre des avis (individuels et confidentiels) et des recommandations (publiques et ayant valeur d'orientations générales) à destination des institutions. En pratique, ces enquêtes bénéficieraient de l'appui des autorités nationales compétentes, de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) ;

- devrait contrôler les mobilités des membres et personnels des institutions européennes vers le secteur privé ou vers des structures liées à un pays tiers (« pantouflage ») ;

- serait responsable de la collecte, de la publication et du contrôle des déclarations d'intérêts des membres des institutions européennes. En complément, de telles déclarations d'intérêts devraient être imposées aux directeurs généraux et directeurs de ces institutions et une réflexion sur l'opportunité de mettre en oeuvre une obligation de déclaration de patrimoine pour les intéressés, en début et en fin de fonction, devrait être menée ;

- assurerait désormais le secrétariat du registre commun de transparence (qui recense les représentants d'intérêts souhaitant influencer les décisions de l'Union européenne) 28(*), registre qui, à l'heure actuelle, est tenu par un secrétariat commun à la Commission européenne et au Parlement européen et n'est pas véritablement contrôlé ;

- enfin, établirait chaque année, dans le cadre du cycle de suivi de l'État de droit, un rapport de vérification du respect de l'État de droit par les institutions de l'Union européenne elles-mêmes, en particulier en matière de lutte contre la corruption et de prévention des conflits d'intérêts.

B) SOUTENIR LES RÉFORMES INTERNES MENÉES PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN POUR TIRER LES LEÇONS DU « QATARGATE »

La commission des affaires européennes constate tout d'abord que le scandale du « Qatargate » a constitué une « déflagration » démocratique », semant le doute sur l'intégrité de l'ensemble des responsables publics dans l'Union européenne.

En conséquence, elle salue les réformes éthiques internes adoptées rapidement par le Parlement européen au cours de l'année 2023, sur la base des « 14 points » définis par sa Présidente, Mme Roberta Metsola, en janvier 2023. À cet égard, elle souligne l'importance de la transparence accrue des déclarations d'intérêts des parlementaires, de l'introduction d'une déclaration de patrimoine pour ces mêmes parlementaires et de l'instauration d'un régime interne de protection des « lanceurs d'alerte ».

C) MIEUX ENCADRER À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE L'ACTIVITÉ DES REPRÉSENTANTS D'INTÉRÊTS AGISSANT POUR LE COMPTE DE PAYS TIERS

Au titre des mesures de prévention de la corruption, la commission des affaires européennes relève également la proposition de directive COM(2023) 637 final destinée à mieux encadrer l'activité des représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers, qui s'inscrit dans la même logique que le projet d'accord interinstitutionnel visant à créer un organisme éthique interinstitutionnel, déjà évoqué, et que la proposition de directive de lutte contre la corruption, examinée ci-après. Elle constate en effet que la transparence de l'activité de représentation d'intérêts, qui a pour but de peser sur l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques européennes, doit être garantie pour préserver un fonctionnement satisfaisant du débat démocratique. En effet, cette activité présente le risque, par nature, de pouvoir être instrumentalisée par des pays tiers désireux de fragiliser l'Union européenne et ses États membres.

À cet égard, la commission des affaires européennes confirme la pertinence de la mise en place, en 2021, d'un registre commun de transparence et d'un code de conduite pour l'enregistrement des représentants d'intérêts souhaitant rencontrer les membres et personnels du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. En revanche, comme déjà indiqué, elle s'interroge sur la réalité des contrôles effectués sur la base de ce registre, ce qui explique sa proposition de confier ce contrôle au futur comité d'éthique européen.

Elle prend acte de la nouvelle proposition de directive COM(2023) 637 mais constate que, loin de renforcer le contrôle des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers, cette réforme semble amoindrir ces contrôles en introduisant une procédure d'enregistrement unique pour l'Union européenne, tout en laissant aux représentants d'intérêts le choix de leur État membre d'inscription (ce qui engendre le risque qu'ils s'inscrivent tous dans l'État membre le « moins disant ») et en interdisant aux États membres les plus avancés (dont la France fait partie) de maintenir des dispositions nationales plus strictes. Elle constate également que les entreprises de corruption ne proviennent pas toujours de pays tiers mais également d'acteurs européens.

Elle rejette donc « l'uniformisation par le bas » prévue par la réforme envisagée et souhaite lui substituer une réforme ambitieuse et pragmatique basée sur les principes suivants : mise en oeuvre, par les États membres, des recommandations du rapport annuel sur l'État de droit relatives aux représentants d'intérêts ; intégration pleine et entière des institutions européennes et de leur registre de transparence dans le champ de la réforme visant à mieux encadrer l'activité des représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers ; suppression de la disposition interdisant à un État membre d'aller plus loin dans la régulation des représentants d'intérêts ; insertion d'une exception d'ordre public ou de sécurité nationale permettant à un État membre de refuser la reconnaissance d'un représentant d'intérêts enregistré dans un autre État membre ; affirmation du principe de coopération loyale et de l'échange d'informations entre autorités nationales compétentes au sein du réseau européen d'éthique publique, constitué par la HATVP.

D) REVOIR LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES EUROPÉENS

La commission des affaires européennes constate que la prévention de la corruption et des ingérences étrangères au niveau européen passe également par un renforcement des dispositions encadrant le financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, et rappelle à ce titre les préconisations qu'elle a faites au Gouvernement dans sa proposition de résolution européenne devenue résolution du Sénat n°122 le 21 mars 2022, à savoir :

- marquer son opposition au dispositif de la proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes COM(2022) 734 final, présentée le 25 novembre 2021 et toujours en discussion29(*), qui autoriserait les partis politiques européens à bénéficier, dans la limite de 10% des contributions totales versées par leurs partis membres, de contributions financières versées par des partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l'Europe, puisque ce dispositif favoriserait les ingérences étrangères dans leur fonctionnement ;

- s'interroger de nouveau sur l'opportunité de maintenir la possibilité actuelle pour les partis politiques européens d'être financés par des personnes morales, au regard de la nécessaire préservation de l'intégrité des élections européennes contre toute tentative de manipulation.

III) MIEUX LUTTER CONTRE LA CORRUPTION

A) SOUTENIR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

La proposition de directive COM(2023) 234 final30(*), relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023 par la Commission européenne, est sans doute l'une des réformes les plus importantes préparées par l'actuel collège des commissaires européens.

Ce texte vise en effet à harmoniser, au niveau européen, les infractions pénales liées aux atteintes à la probité et leur sanction pénale, avec une réelle ambition. Elle pose également des bases solides pour accroître les efforts de prévention de la corruption, en imposant à chaque État membre, comme c'est déjà le cas dans notre pays, de se doter d'un organisme spécialisé dans cette prévention.

C'est pourquoi, tout en déplorant le calendrier tardif de dépôt de cette réforme et l'absence d'analyse d'impact pour en justifier les dispositions, la commission des affaires européennes souhaite apporter un soutien de principe à ce texte majeur.

En complément, la présente proposition de résolution européenne :

- demande que les organismes spécialisés dans la prévention de la corruption bénéficient bien d'une indépendance statutaire ou fonctionnelle, comme la HATVP ou l'agence française anticorruption (AFA), et que soit préservée la possibilité d'une « harmonisation par le haut » des dispositifs des États membres dans le domaine de la lutte contre la corruption ;

- estime que l'obligation d'information imposée aux organismes de répression de la corruption doit être conciliée avec le maintien de l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites ;

- prend acte de l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de défaut de surveillance et de contrôle mais demande, dans ce cadre, la préservation des spécificités de la responsabilité pénale des collectivités territoriales (responsabilité pénale « conditionnée ») et du régime applicable aux élus locaux en cas de délit non intentionnel (« Loi Fauchon »), actuellement prévus en droit français, dans l'hypothèse où une collectivité territoriale serait mise en cause pénalement pour défaut de surveillance ou de contrôle ;

- souhaite l'harmonisation des délais de prescription proposés sur une durée de six ans, comme en droit français.

B) RENFORCER « L'ARSENAL » JURIDIQUE ET OPÉRATIONNEL CONTRE LA CORRUPTION

En complément du soutien exprimé au dispositif de la proposition de directive de lutte contre la corruption, la commission des affaires européennes souhaite conforter les dispositifs opérationnels européens visant à combattre les réseaux criminels, qui sont à l'origine d'un grand nombre de faits de corruption, et rappeler que les exigences de la lutte contre la corruption font partie de l'acquis communautaire. Sur ce point, elle :

- préconise une action plus ferme contre les réseaux de criminalité qui usent massivement de la corruption pour commettre d'autres infractions graves, ce qui implique : soutien au renforcement des moyens d'Europol et, en France, de l'office central pour la répression de la délinquance financière de la police judiciaire et de Tracfin ; appui à la feuille de route de l'Union européenne en matière de lutte contre le trafic de drogue, adoptée le 18 octobre 2023, qui préconise en particulier de « suivre l'argent » des réseaux criminels pour faciliter leur démantèlement ; demande de déploiement rapide de « l'alliance des ports européens » annoncée le 24 janvier dernier, qui doit mobiliser autorités politiques, services répressifs, grands acteurs portuaires et compagnies maritimes contre le trafic de drogue et les « chaînes de corruption » que ces réseaux y ont implantées ;

- approuve l'accord intervenu le 12 décembre 2023, sur l'actualisation de la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs, qui renforce les dispositifs de recouvrement de ces avoirs31(*) et étend le champ possible des confiscations, ainsi que l'accord obtenu, le 13 décembre 2023, sur la révision de la réglementation européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux32(*). En cette matière, elle soutient la candidature de Paris pour héberger le siège de la nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) ;

- souhaite que la réforme envisagée préserve les compétences du Parquet européen, qui agit contre les infractions de corruption et de blanchiment liées à des atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, et encourage l'approfondissement de sa coopération opérationnelle avec les autorités et services compétents des États membres 33(*) ;

- salue la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 3 mai 202334(*) qui confirme que la lutte contre la corruption est l'un des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ;

- prend note avec satisfaction de l'engagement répété des institutions européennes pour donner la priorité à la lutte contre la corruption dans les politiques européennes d'élargissement et de voisinage, et confirme que les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne (Ukraine ; Moldavie ; Bosnie-Herzégovine et autres pays des Balkans occidentaux ; Géorgie) doivent, comme les autres, respecter intégralement l'acquis communautaire dans ce domaine.

INTRODUCTION

I. L'UNION EUROPÉENNE DOIT MIEUX PRÉVENIR LA CORRUPTION

A) LA CORRUPTION, FLÉAU MAJEUR POUR L'UNION EUROPÉENNE

1. L'appel de la Présidente de la Commission européenne

Depuis l'appel de la Présidente de la Commission européenne à combattre la corruption « avec toute la force du droit », le 14 septembre 2022, l'Union européenne semble mobilisée dans ce combat, d'autant plus qu'elle a été ouvertement fragilisée, politiquement et institutionnellement, par le scandale du « Qatargate » qui a éclaté en décembre 2022 en raison d'allégations de corruption de certains députés européens par des pays tiers, par l'intermédiaire d'une organisation non gouvernementale dont les responsables avaient un accès facilité au Parlement européen.

Pour répondre à l'appel de sa Présidente, la Commission européenne a ainsi présenté au printemps 2023 trois textes importants afin de prévenir et de combattre la corruption, et de rétablir la confiance des citoyens dans les institutions européennes. Ces textes font l'objet de la présente proposition de résolution européenne. Il s'agit :

- de la proposition de directive COM(2023) 234 final35(*), relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023 ;

- de la communication COM(2023) 311 final portant la proposition relative à un organisme éthique interinstitutionnel, présentée le 8 juin 202336(*) ;

-de la proposition de directive COM(2023) 637 final établissant des règles harmonisées dans le marché intérieur en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercée pour le compte de pays tiers et modifiant la directive (UE) 2019/1937, présentée le 12 décembre dernier ;

On peut néanmoins déplorer que cette prise de conscience soit très tardive, intervenant alors que le mandat des actuels Commission européenne et Parlement européen arrivent à leur terme, fragilisant le calendrier d'examen de ces textes et faisant courir le risque à l'Union européenne d'adopter à la hâte des réformes inabouties, alors même que les signaux d'alarme sur le niveau préoccupant de la corruption dans l'Union européenne se multiplient.

Certes, la corruption n'est pas nouvelle : ainsi, sous l'Antiquité, elle faisait partie intégrante des techniques de campagne électorale lors des élections aux magistratures de la République romaine. Selon l'homme politique et avocat Cicéron, qui gagna de fameux procès contre des faits de corruption à la fin de la République romaine, le roi Philippe II de Macédoine affirmait qu'il pouvait « s'emparer de n'importe quelle forteresse pourvu qu'un âne chargé d'or puisse y accéder »37(*). La corruption n'est pas non plus spécifique à l'Union européenne. Ainsi, aux États-Unis, en 2019, un scandale retentissant éclatait avec la mise à jour par le FBI d'un réseau de familles fortunées ayant versé des pots de vin à des intermédiaires et examinateurs pour garantir l'entrée de leurs enfants dans les plus prestigieuses universités du pays par des tests d'entrée falsifiés. Certains parents auraient payé jusqu'à 6,5 millions de dollars.

Il faut même constater, au regard des indicateurs internationaux, qui demeurent toutefois partiels, que la corruption est moins présente dans les États membres de l'Union européenne que dans le reste du monde38(*). Ainsi, en 2023, 11 des 27 États membres de l'Union européenne se retrouvent parmi les 20 premiers États dans le classement de l'indice de perception de corruption publié annuellement par l'organisation non gouvernementale de lutte contre la corruption Transparency international39(*). La France y occupe le 20ème rang.

Cependant, la corruption demeure un phénomène massif dans l'Union européenne : son coût annuel pour les économies de l'Union européenne représenterait 120 milliards d'euros40(*).

Comme le résume l'exposé des motifs (p 1) de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption précitée41(*), la corruption est un phénomène extrêmement préjudiciable à la société, à nos démocraties, à l'économie et aux personnes. En effet, « la corruption a un coût, qui n'est pas réservé aux pays notoirement corrompus. [Elle] accroît le coût des biens et services, favorise les investissements improductifs, conduit à un déclin de la qualité des services publics, ralentit le développement économique et social, détourne les richesses nationales au profit d'une oligarchie, promeut des élites incompétentes, encourage des pratiques discriminatoires, cultive l'arbitraire, porte atteinte aux droits de l'homme. »42(*)

Car son résultat est toujours le même : « il est admis que la corruption fausse les règles du jeu - celles de la concurrence ou de la « compétition méritocratique » - en usant de voies détournées pour obtenir des avantages sociaux. »

Rappelons à ce stade que la corruption comprend deux dimensions indissociables : la corruption active (qui désigne le fait de proposer une faveur, un don ou un avantage quelconque à une personne afin que cette dernière accomplisse un acte ou s'abstienne d'agir dans le cadre de ses fonctions) et la corruption passive (qui correspond au fait, pour la personne investie de la fonction déterminée, d'accepter le don ou l'avantage proposé).

Le code pénal français la réprime au sein des atteintes à la probité (trafic d'influence ; prise illégale d'intérêts ; abus de droit...), qui visent les mêmes objectifs.

2. Tentative d'évaluation de l'ampleur des faits de corruption dans l'Union européenne

Dans sa stratégie sur l'Union de la sécurité43(*) et dans celle visant à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-202544(*), l'Union européenne a reconnu la vulnérabilité spécifique à l'égard des faits de corruption, des secteurs de la santé, des transports, de la construction, du traitement des déchets, de l'aérospatial et de la défense, de l'agriculture et de l'agroalimentaire, du travail et de la protection sociale.

Mais elle est souvent « invisible » et n'est repérée que parce qu'elle est souvent une infraction accessoire à un autre délit ou à un crime.

À titre d'exemple, on peut citer la procédure d'accusation lancée par le Parquet européen en mai 2022 contre 10 citoyens croates, dont 2 maires, pour corruption passive et active et abus de fonction. En septembre et novembre 2022, cinq d'entre eux ont été reconnus coupables de favoritisme illégal et de tentative d'abus de fonction par le tribunal du comté de Zagreb, parce qu'ils avaient manipulé des procédures de passation de marchés publics, afin de s'assurer l'attribution de projets de construction d'une centrale solaire et d'une installation de traitements des eaux usées cofinancés, à hauteur de 22,6 millions d'euros par le Fonds de cohésion de l'Union européenne et le Fonds européen de développement régional (FEDER)45(*).

La corruption est également une « arme » largement utilisée, non seulement par des puissances étrangères souhaitant influencer les décisions des États membres et de l'Union européenne, mais aussi et surtout par les réseaux de criminalité organisée. Dans un rapport récent, Europol a ainsi décrypté l'influence des réseaux de trafic de drogue sur les ports d'Anvers, d'Hambourg/Bremerhaven et de Rotterdam et leur action massive de corruption des différents « métiers du port », afin de pouvoir y débarquer et y faire transiter la drogue arrivée du Maghreb et d'Amérique latine par voie maritime46(*).

Selon Europol, 60% des réseaux de criminalité organisée usent ainsi de la corruption pour infiltrer le secteur public et les entreprises privées et mener des activités légales47(*). Ce faisant, ces organisations peuvent procéder au blanchiment des capitaux issus de leurs activités criminelles et exercer une influence sur certains secteurs économiques et sur les décisions des administrations publiques en leur faveur.

De plus, si les processus de corruption sont connus, les outils à la disposition des « corrupteurs » leur offrent de nouvelles perspectives. Europol mentionne ainsi l'importance croissante de l'usage des « crypto-monnaies » par les organisations criminelles pour corrompre les agents publics. Elle souligne également que la numérisation généralisée des formalités administratives dans les États membres de l'Union européenne va conduire ces organisations à « cibler » particulièrement les personnes qui, dans les institutions publiques et les entreprises, sont en capacité de manipuler les procédures, les décisions et les données personnelles.

En conséquence, la corruption est un sujet de réelle préoccupation pour les citoyens et les entreprises des États membres de l'Union européenne. Elle nourrit même leur méfiance à l'égard des partis au pouvoir voire des institutions démocratiques : ainsi, en 2023, 70% des citoyens des États membres de l'Union européenne estimaient que la corruption était répandue dans leur pays. Plus de quatre citoyens sur dix (45 %) considéraient que le niveau de corruption avait augmenté dans leur pays depuis trois ans48(*).

B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES RÈGLES EUROPÉENNES

1. La lutte contre la corruption est une obligation internationale et une exigence européenne
a) Une obligation internationale

Comme le souligne la Convention des Nations unies contre la corruption49(*), à laquelle les États membres de l'Union européenne ont tous adhéré, « la corruption n'est plus une affaire locale mais un phénomène transnational qui frappe toutes les sociétés et toutes les économies, ce qui rend la coopération internationale essentielle pour la prévenir et pour la juguler. »

En conséquence, la Convention précitée établit des définitions internationales des infractions liées à la corruption et impose aux États membres de l'Union européenne de mener « des politiques de prévention de la corruption efficaces et coordonnées », ce qui doit se traduire par l'adoption de stratégies nationales contre la corruption.

En complément, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a institué une coopération multilatérale afin de lutter contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales50(*).

La lutte contre la corruption est également une priorité du Conseil de l'Europe, qui a mis en place plusieurs instruments juridiques à cette fin51(*). À titre d'exemple, sa Convention pénale sur la corruption demande aux États parties d'ériger en infraction pénale la corruption dans le secteur privé ainsi que celle des agents publics et des parlementaires (nationaux, étrangers et internationaux).

Le Conseil de l'Europe a en outre constitué le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) en 1999. Ce dernier a pour objet d'améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en organisant une évaluation (et une pression) par les pairs afin de les inciter à reprendre les normes du Conseil de l'Europe en la matière.

b) Une exigence pour l'Union européenne

« Pour éradiquer la corruption, il faut des mécanismes tant préventifs que répressifs »52(*). Et si les États membres sont en première ligne pour mettre en place ces mécanismes, l'Union européenne dispose également d'une compétence reconnue par les traités pour harmoniser les règles nationales en la matière53(*). La corruption étant de surcroît un phénomène qui touche l'ensemble des sociétés et pays européens, la valeur ajoutée de cette intervention européenne semble évidente.

La lutte contre la corruption fait ainsi partie de « l'acquis communautaire » que doivent reprendre les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Elle est aussi intégrée aux stratégies de l'Union européenne pour l'union de la sécurité et visant à lutter contre la criminalité organisée54(*).

Sur cette base, l'Union européenne a tenté de bâtir une réponse européenne harmonisée aux défis de la corruption. Elle a ainsi :

- obtenu des États membres qu'ils prennent les mesures nécessaires pour ériger la corruption (active et passive) en infraction pénale, et la punir par des « sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives », qu'elle concerne les fonctionnaires de l'Union européenne ou des États membres55(*), ou le secteur privé56(*) ;

- mis en place des mesures visant à prévenir tout détournement du système financier aux fins de blanchiment de capitaux57(*) et geler ou confisquer les avoirs criminels58(*) ;

Dans le cadre des stratégies européennes sur la sécurité et contre la criminalité organisée précitées, les autorités compétentes des États membres sont épaulées par les agences européennes de coopération policière (Europol) et judiciaire (Eurojust), dont le soutien juridique et opérationnel peut accroître l'efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites dans ce domaine59(*) ;

- garanti un contrôle effectif de la bonne utilisation des fonds européens, à la fois, par une réglementation exhaustive60(*) et par les pouvoirs d'enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), de la Cour des comptes de l'Union européenne et du Parquet européen61(*), dont la mission première est de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne ;

L'action de l'OLAF et du Parquet européen contre la corruption

L'OLAF, créé en 1999 et aujourd'hui dirigé par M. Ville Itälä, a pris la suite de l'Unité de la coordination de la lutte antifraude (UCLAF) instituée en 1986, afin d'assurer la préservation des intérêts financiers de l'Union européenne contre la fraude, la corruption et toute autre infraction financière. Pour ce faire, il peut enquêter sur les recettes et les dépenses de l'Union européenne, ainsi que sur tout soupçon de faute grave commise par un personnel de l'Union européenne. Dans ce cadre, les équipes de l'OLAF peuvent interroger les personnes en cause, recueillir documents et témoignages, et procéder à des inspections sur site. À l'issue de cette phase d'enquête, l'OLAF émet des recommandations aux institutions de l'Union européenne et/ou aux États membres (ouverture d'une procédure disciplinaire ; lancement de procédures de recouvrement financier...). En 2022, l'OLAF a demandé le recouvrement de 426,8 millions d'euros en faveur du budget de l'Union européenne, en particulier à un directeur de recherche bénéficiant des subventions du programme Horizon 2020 et ayant fait preuve de favoritisme.

L'OLAF coopère également avec le Parquet européen en lui signalant des infractions pénales (71 en 2022), et en lui apportant informations, expertises et soutien opérationnel. Le Parquet européen, dirigé par Mme Laura Kövesi, est un parquet indépendant chargé de mener des enquêtes, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne dans les 22 États membres qui y participent62(*). Il a débuté ses activités le 1er juin 2021 et travaille étroitement avec les autorités nationales compétentes ainsi qu'avec les agences de coopération policière et judiciaire européennes, Europol et Eurojust.

En 2022, le Parquet européen a ouvert 865 enquêtes pour un préjudice estimé à 9,9 milliards d'euros et 1 117 enquêtes sont en cours (pour un préjudice total estimé à 14,1 milliards d'euros). Sur cet ensemble, 679 affaires (environ 31%) sont relatives à des fraudes relatives à des dépenses de l'Union européenne non liées à des marchés publics. Les affaires de corruption traitées, au nombre de 87, représentent 4% des affaires ayant donné lieu à enquête et concernent particulièrement les procédures de passation de marchés publics. L'Italie (19 dossiers), la Bulgarie (16 dossiers) et la Roumanie (12 dossiers) sont les premiers pays concernés.

À la lumière du conflit en Ukraine, des réflexions sont en cours pour étendre ses compétences afin de lui permettre de poursuivre les violations des mesures restrictives décidées par l'Union européenne.

- prévu les mesures nécessaires pour protéger les lanceurs d'alerte63(*) et présenté une réforme visant à soutenir les journalistes « harcelés » devant les tribunaux par des procédures judiciaires abusives lorsqu'ils enquêtent sur les affaires de corruption64(*). Pour rappel, au cours des dernières années dans l'Union européenne, plusieurs journalistes qui menaient des investigations sur de telles affaires ont été assassinés65(*) ;

- érigé la lutte contre la corruption au rang des priorités de sa politique étrangère et de sécurité communes (PESC) et imposé des sanctions aux pays tiers réticents à appliquer les standards internationaux en la matière66(*).

Mais malgré ces efforts, ce cadre juridique demeure partiel et parcellaire et la situation des États membres variable au regard de la lutte anticorruption, ce qui conduit désormais l'Union européenne à accroître la pression sur eux pour obtenir des résultats.

2. ...imparfaitement respectée par les États membres...
a) Certains États membres - comme la France - ont mis en place une législation cohérente pour prévenir et combattre la corruption

Certains États membres - parfois après des scandales politiques ou économiques retentissants (on peut citer par exemple, les affaires HLM de Paris ou Cahuzac pour la France) - ont été pionniers dans l'adoption de législations ambitieuses dans ce domaine. Ainsi, en France, la lutte contre la corruption a fait l'objet d'un plan national présenté en janvier 2020, qui concilie prévention et sanction de la corruption, ainsi que développement d'une culture de la probité. Ce plan ne fait que résumer les efforts menés par les gouvernements successifs depuis 1988 pour établir un cadre juridique ambitieux, encore actualisé par la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 201667(*). Les principales caractéristiques du dispositif anticorruption français sont les suivantes.

En premier lieu, la corruption et les infractions qui y sont liées sont qualifiées pénalement. Les peines encourues ont été renforcées par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière. À titre d'exemple, l'article 432-11 du code pénal punit la corruption passive d'une personne exerçant une fonction publique de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.

Des services spécialisés ont été instaurés en 2013 pour enquêter sur les faits susceptibles de constituer des « atteintes à la probité » (corruption, trafic d'influence, favoritisme...) et les poursuivre : il s'agit du parquet national financier (PNF), parquet à compétence national rattaché au tribunal de Paris constitué d'une équipe de 19 magistrats, et de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

Sanction des faits de corruption en France

En 2022, le PNF a ouvert 217 enquêtes et avait 708 affaires en cours, dont 314 (44,35%) relatives à des atteintes à la probité.

En 2021, les parquets français ont traité 900 affaires d'atteinte à la probité, contre 853 en 2020 (+5,5 %). Ces affaires impliquaient 1 379 auteurs, dont 301 personnes morales. 55 % d'entre eux n'ont pas été poursuivis car l'infraction n'était pas assez caractérisée.

Parmi les 620 auteurs poursuivis, 48 ont bénéficié d'un classement sans suite et 572 ont fait l'objet d'une réponse pénale en matière d'atteintes à la probité (dont 126, d'une procédure alternative aux poursuites et 446 de poursuites).

En 2021 toujours, 451 infractions entrant dans le champ des atteintes à la probité (contre 364 en 2020) ont entraîné la condamnation de personnes physiques, principalement pour des faits de corruption (40,8%), avec le prononcé d'une peine d'emprisonnement dans 72% des cas. 13 personnes morales ont également été condamnées.

Le taux de relaxe (=décision de justice déclarant le prévenu non coupable) est particulièrement élevé dans ce contentieux (27,2%, soit trois fois plus que le taux constaté tous contentieux confondus (hors contentieux routier).

Sources : PNF et rapport annuel 2022 de l'agence française anticorruption (AFA)

En deuxième lieu, la France dispose d'une législation ambitieuse concernant la prévention de la corruption dans la vie publique. Ses principaux dispositifs sont les suivants :

- l'encadrement et la transparence du financement de la vie politique et des campagnes électorales (interdiction du financement des partis politiques par des entreprises ; plafonnement des dépenses des candidats aux élections ; action de contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)) ;

- des obligations déclaratives strictes (déclaration de patrimoine et déclaration d'intérêts) pour les membres du Parlement français, les membres français du Parlement européen, les membres du Gouvernement, les titulaires de fonctions exécutives locales et plusieurs catégories de hauts fonctionnaires68(*) et leur contrôle par une instance indépendante, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ainsi, en 2022, 5 245 responsables publics ont déposé 10 659 déclarations. 4 170 d'entre elles ont été contrôlées69(*) ;

- simultanément, les règles déontologiques des membres du Parlement et des agents publics ont été actualisées. À titre d'exemple, les sénateurs sont soumis à des règles déontologiques liées à leurs fonctions de législateur et de « contrôleur » du pouvoir exécutif : « Dans l'exercice de leur mandat, les sénateurs font prévaloir, en toutes circonstances, l'intérêt général sur tout intérêt privé. Ils veillent à rester libres de tout lien de dépendance à l'égard d'intérêts privés ou de puissances étrangères. Ils exercent leur mandat dans le respect du principe de laïcité et avec assiduité, dignité, probité et intégrité. »70(*)

Ils sont également soumis aux obligations déclaratives précitées. Tout d'abord, ils doivent déposer une déclaration d'intérêts et d'activité et une déclaration patrimoniale à la HATVP, un double de la première déclaration devant être également déposé auprès du Bureau du Sénat. Le contrôle de l'exhaustivité et de la véracité des éléments mentionnés revient à la HATVP.

Les sénateurs doivent remplir d'autres déclarations destinées au Bureau du Sénat et rendues publiques sur le site internet du Sénat : déclarations de déport et déclarations orales d'intérêts (lorsqu'un sénateur déclare ne pas pouvoir participer aux travaux parlementaires en raison de ses intérêts privés) ; déclarations d'invitation à un déplacement financé par un organisme extérieur ou de cadeau71(*)...

On peut aussi souligner que le Bureau du Sénat vérifie le respect par les sénateurs de l'interdiction d'exercer des fonctions de conseil ou de représentation d'intérêts72(*) et celle de se prévaloir de son mandat parlementaire pour favoriser une activité professionnelle privée, et notamment d'user de sa qualité de parlementaire à des fins de publicité pour une entreprise financière, industrielle ou commerciale73(*) ;

l'activité de représentation d'intérêts (ou lobbying) est officiellement reconnue et encadrée (obligation d'inscription des représentants d'intérêts sur le répertoire national qui leur est dédié, contrôlé par la HATVP ; dépôt obligatoire d'une déclaration annuelle d'activité ; interdiction pour les intéressés de remettre des cadeaux, dons ou avantages « d'une valeur significative » à un responsable public...sous peine d'une sanction pénale).

En troisième lieu, la loi précitée du 9 décembre 2016 a mis en place des dispositifs de prévention de la corruption applicables aux entreprises et des outils de promotion d'une culture de l'éthique :

- les grandes entreprises74(*) sont soumises à une obligation de vigilance à l'égard du risque de corruption (obligation d'adopter un code de conduite, de mettre en place un dispositif d'alerte interne, d'établir une cartographie des risques à l'égard de la corruption et de former les personnels qui y seraient les plus exposés...) ;

- en 2017, a été instituée l'agence française anticorruption (AFA),service à compétence nationale placé sous l'autorité conjointe des ministres de la justice et des finances, dont les principales missions sont de diffuser la culture de l'éthique dans les entreprises et les acteurs publics (par des recommandations, guides...), de contrôler les obligations précitées des grandes entreprises75(*) et d'apporter son expertise en soutien des autorités françaises au sein des enceintes européennes et internationales de lutte contre la corruption ;

- afin de protéger les auteurs de signalements de faits de corruption, un régime de protection juridique des « lanceurs d'alerte » a été institué, précédant le dispositif européen mis en oeuvre par la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019.

b) Néanmoins, la lutte contre la corruption demeure imparfaite dans l'Union européenne et inégale selon les États membres...

En effet, la situation est variable dans les États membres de l'Union européenne au regard de la lutte anticorruption et tous peuvent encore mieux faire.

Ainsi, dans le cadre du cycle d'examen de l'État de droit mis en place en 2020, la Commission européenne examine, dans un rapport annuel, la « santé » de l'État de droit dans les États membres, en étudiant plus spécifiquement la situation des systèmes judiciaires, les cadres nationaux de lutte contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias et d'autres questions institutionnelles - telles que les procédures d'adoption accélérées des textes législatifs. Depuis l'an dernier, dans ces rapports, la Commission européenne a pris l'initiative d'émettre des recommandations spécifiques aux États membres.

Or, selon le dernier rapport de la Commission européenne sur l'État de droit (voir infra), des progrès significatifs ont été accomplis par les 27 États membres et certains d'entre eux ont pris des mesures pour renforcer leur lutte contre la corruption. La France, sur ce point, est saluée car les enquêtes sur les affaires de corruption à haut niveau y sont possibles et efficaces. En revanche, notre pays est appelé à veiller à ce que les règles relatives aux activités de lobbying soient appliquées de manière cohérente à tous les acteurs concernés, « y compris au plus haut niveau de l'exécutif ».

Illustrant la très grande diversité de la situation des États membres en matière de lutte anticorruption, le rapport souligne que plusieurs États membres n'ont toujours pas de cadre juridique adapté. À titre d'exemple, certains États membres ne disposent pas de stratégie nationale anticorruption (Slovénie). D'autres doivent encore mettre en place une législation pour encadrer efficacement les représentants d'intérêts (Belgique ; Croatie ; Espagne ; Grèce ; Hongrie ; Italie ; Pays-Bas ; Pologne ; République tchèque ; Roumanie Slovaquie) ou veiller à l'efficacité des enquêtes dans les affaires de corruption « à haut niveau » (Bulgarie ; Espagne ; Hongrie ; Malte ; Pologne).

Plusieurs États membres sont sollicités pour rendre effectives leurs règles visant à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêts (Espagne ; Estonie ; Slovaquie).

L'Autriche, Chypre et le Danemark doivent mettre en place un système de contrôle des déclarations de patrimoine de leurs responsables publics et l'Allemagne est, quant à elle, appelée à améliorer ses procédures de contrôle du « pantouflage ».

Parfois, les règles de financement des partis politiques ne prévoient qu'un contrôle limité sur l'origine et l'utilisation des fonds (Danemark ; Estonie ; Finlande ; Grèce ; Hongrie ; Italie ; Pays-Bas ; République tchèque ; Slovaquie).

Les principales observations du rapport sur l'État de droit 2023 de la Commission européenne à destination des États membres pour lutter contre la corruption

Principales observations

États membres concernés

Adopter ou conforter la stratégie nationale anticorruption et le cadre juridique pénal qui la sanctionne

Slovénie

Adopter une législation sur le trafic d'influence

Finlande

Renforcer la lutte contre la corruption transnationale

Finlande ; Suède

Adopter ou consolider la législation en matière de conflits d'intérêts et de déclarations de patrimoine

Autriche ; Chypre ; Danemark (contrôle effectif des déclarations de patrimoine) ; Espagne ; Estonie ; Irlande (contrôle effectif des déclarations de patrimoine) ; Italie ; Hongrie ; Pologne ; Portugal ; République tchèque (sur les conflits d'intérêts) ; Slovaquie

Renforcer le cadre éthique de l'action des ministres et des personnes investies de hautes fonctions de l'exécutif

Finlande

Réglementer ou mieux encadrer le lobbying

Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Croatie ; Espagne ; France ; Hongrie ; Irlande ; Italie ; Lettonie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Pologne ; Roumanie ; Slovaquie

Conforter la lutte contre la corruption à haut niveau

Bulgarie ; Espagne ; Grèce ; Hongrie ; Malte ; Pologne ; République tchèque ; Slovaquie

Garantir l'indépendance et l'intégrité des organes de lutte anticorruption et de l'administration

Bulgarie ; Lettonie ; Pologne

Garantir l'efficacité opérationnelle des organes dédiés à la prévention et à la lutte contre la corruption (qualité du recrutement des agents ; augmentation de moyens financiers et humains...)

Bulgarie ; Chypre ; Croatie ; Grèce ; Portugal ; Roumanie

Réduire la durée des procédures judiciaires dans les affaires de corruption

Espagne ; Malte ; République tchèque

Protéger, par un cadre juridique et des garanties effectives, les journalistes

Croatie ; Grèce ; Italie ; Malte ; Slovaquie ; Slovénie

Assurer la transparence et le contrôle du financement des partis politiques

Italie

Adopter des règles sur les cadeaux et avantages accordés aux membres du Parlement et du gouvernement

Belgique

Réglementer le « rétro-pantouflage »

Allemagne ; Belgique ; Danemark ; Hongrie ; Pays-Bas

c) ...ce qui a conduit à une intervention croissante de l'Union européenne dans les politiques nationales

Ces divergences ont conduit à une intervention croissante de l'Union européenne pour surveiller les politiques menées par les États membres, d'une part, au service de la sauvegarde de ses intérêts financiers et, d'autre part, depuis 2018, sur le fondement d'une politique de sécurisation de « l'État de droit ». Cette surveillance prend différentes formes :

- la prévention et la lutte contre la corruption font d'abord partie des critères examinés dans la procédure d'évaluation européenne des budgets des États membres mise en place dans le cadre du Semestre européen76(*) ;

- en deuxième lieu, comme cela vient d'être indiqué, depuis 2020, la Commission européenne évalue chaque année la situation des États membres à l'égard de la lutte contre la corruption. Évaluation et recommandations sont rendues publiques dans le cadre du cycle d'examen de l'État de droit ;

- en troisième lieu, la Commission européenne peut, dans le cadre du régime général de « conditionnalité État de droit »77(*), recommander au Conseil d'imposer des restrictions budgétaires aux États membres qui seraient en infraction aux principes de l'État de droit pour des faits de corruption menaçant de manière significative les intérêts financiers de l'Union européenne ;

- en quatrième lieu, avec des résultats variables, l'Union européenne est susceptible de sanctionner les États membres ignorant les valeurs de l'Union européenne, en particulier lorsqu'ils refusent de prévenir et de lutter contre la corruption. À cet égard, l'Union européenne dispose tout d'abord de ce qui est qualifiée par les acteurs européens « d'option nucléaire » de l'article 7 du traité sur l'Union européenne.

Le mécanisme de sanctions de l'article 7 du TUE :

Introduit par le traité d'Amsterdam, ce mécanisme de sanctions prévoit un volet préventif et un volet répressif.

Le volet préventif peut être enclenché en cas de « risque clair de violation grave » de l'État de droit dans un État membre. La Commission européenne, le Parlement européen ou un tiers des États membres invite alors le Conseil, statuant à la majorité des 4/5èmes, et après approbation du Parlement européen, à constater l'existence de ce risque.

Le volet répressif peut ensuite être mis en oeuvre, à condition toutefois, que le Conseil européen, à l'unanimité78(*), ait constaté « l'existence d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2 (du TUE) ».

Une fois ce vote effectif, le Conseil peut décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains droits de l'État membre concerné, y compris ses droits de vote au Conseil.

Comme le rappelaient nos collègues Philippe Bonnecarrère et Jean-Yves Leconte dans leur rapport d'information sur « l'État de droit dans l'Union européenne », « cette procédure est cependant lourde » et a montré ses limites79(*) lorsqu'elle a été ouverte contre la Hongrie80(*) et la Pologne81(*) ;

-enfin, la Commission européenne peut poursuivre, souvent avec succès, les États membres qui ne respectent pas les traités, par une action en manquement devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)82(*). Cette dernière a en outre donné une portée maximale à l'effectivité de l'État de droit à l'occasion de ses réponses aux questions préjudicielles des juridictions nationales des États membres83(*).

En effet, depuis 2018, comme l'affirme l'un de ses membres, le juge Jean-Claude Bonichot, la CJUE a développé une jurisprudence « audacieuse », « plaçant le juge au coeur de l'État de droit et hissant sa fonction au niveau constitutionnel ».

Elle a alors estimé que le droit au contrôle juridictionnel s'imposait de manière autonome à tous, institutions européennes comme États membres, et impliquait dans ces derniers, une indépendance des juges, supposant leur absence de subordination, leur protection à l'égard des pressions extérieures et une rémunération permettant cette indépendance84(*).

Ultérieurement, au nom de la primauté du droit de l'Union européenne et de l'État de droit, elle a affirmé, au sujet d'une réforme législative nationale anticorruption, que le droit de l'Union européenne s'opposait à l'application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle d'un État membre (en l'espèce, la Roumanie) dans la mesure où celle-ci, combinée avec les dispositions nationales en matière de prescription, instaurerait un risque systémique d'impunité85(*).

3. ...et qui pâtit des défaillances des institutions européennes en matière éthique
a) L'Union européenne n'est pas dépourvue de règles éthiques...

Comme déjà souligné, l'Union européenne affiche désormais la lutte contre la corruption comme une priorité de ses politiques, tant internes qu'externes.

Ce choix est l'une des manifestations concrètes de la politique en faveur de « l'État de droit » que les institutions européennes mènent plus particulièrement depuis 2018 au nom des valeurs de l'Union européenne, inscrites à l'article 2 du traité sur l'Union européenne mais ne faisant pas l'objet d'une définition précise dans les traités.

Au regard de ces valeurs, comme cela vient d'être rappelé, la Commission européenne, évalue désormais juridiquement mais aussi « éthiquement » les stratégies nationales de lutte contre la corruption, la situation de la justice, des journalistes et des médias, ainsi que le financement des partis politiques dans chaque État membre et jusqu'à leurs procédures législatives, qui constituent pourtant le fondement de la souveraineté nationale86(*).

Et lorsque cette évaluation ne leur semble pas satisfaisante, Commission, Conseil et Parlement européen sont en mesure de « geler » le versement de fonds européens, d'exiger des réformes structurelles des États membres visés voire de contester leurs décisions devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Or, si elles souhaitent poursuivre cette politique ambitieuse voire intrusive, ces institutions se doivent d'être elles-mêmes exemplaires dans le respect des règles éthiques, sous peine d'apparaître comme des « Tartuffes » et de perdre leur crédibilité et la confiance des citoyens.

Afin que les principes d'intégrité et de transparence soient respectés dans leurs décisions et actions, plusieurs procédures et organismes sont en place :

- institutions et organes de l'Union européenne doivent assurer l'accès public à la majorité de leurs documents (même à usage interne). En cas de réticence de leur part, cet accès peut être rendu effectif après intervention de la Médiatrice de l'Union européenne ;

- les membres des institutions et des principaux organes de l'Union européenne sont soumis à des codes de conduite, qui contiennent les règles déontologiques qu'ils doivent respecter en matière de prévention des conflits d'intérêts et de déclaration d'intérêts, de cadeaux et d'invitations, ou encore, de cumul éventuel de leurs fonctions avec une activité extérieure ;

- de même, l'activité des personnels des institutions de l'Union européenne87(*) est régie par un statut88(*), qui leur impose en particulier de s'acquitter de leurs fonctions « de manière objective et impartiale », dans le respect de leur « devoir de loyauté envers les Communautés » et en s'abstenant de tout acte ou comportement pouvant porter atteinte à la « dignité » de ces fonctions. En conséquence, ce statut leur interdit d'accepter des cadeaux ou avantages de toute source extérieure, soumet leur possibilité d'exercer une activité extérieure complémentaire à une autorisation de leur hiérarchie, et leur demande à la fois de respecter une obligation de réserve et celle d'informer leurs autorités hiérarchiques de tout fait laissant présumer une activité illégale éventuelle, « notamment une fraude ou une corruption » ;

- des instances internes sont chargées de faire respecter les règles déontologiques précitées et de conseiller les responsables et agents des institutions concernées. Signalons l'existence du comité consultatif sur la conduite des députés au sein du Parlement européen, chargé de recueillir les diverses déclarations que doivent remplir les députés européens (déclarations d'intérêts financiers, de participation à des manifestations organisées par des tiers et de notification de cadeaux) et l'organe d'éthique, qui conseille la Commission européenne sur la compatibilité des choix des commissaires ou anciens commissaires avec le code de conduite de la Commission européenne. En revanche, force est de constater que, jusqu'en 2022, l'activité de conseil et de contrôle de ces organes, résumée dans leurs rapports annuels d'activité89(*), est demeurée très modeste ;

- en outre, l'accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 a mis en place une première régulation du « lobbying » avec la mise en place d'un registre commun de transparence des représentants d'intérêts ayant accès aux institutions de l'Union européenne ;

- enfin, les partis politiques européens90(*) et les fondations politiques européennes qui se voient reconnaître un statut spécifique et bénéficient de fonds publics européens, font l'objet en contrepartie d'un contrôle a minima par une autorité dédiée, prévue par le règlement (UE, EURATOM) n°1141/201491(*). Ces partis ne peuvent accepter les dons provenant de personnes physiques ou morales supérieurs à 18 000 euros par an et par donateur. Il leur est aussi interdit, en l'état du droit, d'accepter les dons des autorités publiques ou de toute entité privée implantée dans un pays tiers92(*). Cependant, l'indépendance de cette autorité est limitée par son fonctionnement pratique : en effet, cette dernière siège au sein du Parlement européen et bénéficie de ses moyens humains et matériels pour accomplir ses missions.

En cas de fraude ou de corruption avérée de personnels des institutions ou organes de l'Union européenne, l'OLAF et le Parquet européen peuvent mener des enquêtes et ouvrir des poursuites judiciaires si les intérêts financiers de l'Union européenne sont en cause.

Soulignons enfin le rôle précieux de veille et « d'aiguillon » de la Médiatrice européenne, Mme Emily O'Reilly, qui, par ses enquêtes et ses recommandations, a « lancé l'alerte » depuis plusieurs années sur la nécessité de mettre à niveau les règles de transparence et d'éthique dans l'Union européenne.

Le Médiateur européen

Institué en 1992 par le traité de Maastricht, le Médiateur européen, (également appelé « Ombudsman »), sert d'intermédiaire entre les citoyens et les institutions de l'Union européenne. Conformément aux articles 20, 24 et 228 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE)93(*), et à l'article 43 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne94(*), le Médiateur européen procède à des enquêtes sur les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions, organes et organismes de l'Union européenne; il intervient, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes déposées par des citoyens de l'Union européenne ou par toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre. Il est élu par le Parlement européen pour la durée de la législature.

Depuis le 1er octobre 2013, l'Irlandaise Emily O'Reilly occupe la fonction de médiateur européen.

En 2022, la Médiatrice européenne a aidé plus de 16 000 citoyens, donné 13 313 conseils et traité 2 238 nouvelles plaintes.

La seule Commission Européenne a fait l'objet de 197 nouvelles investigations par le bureau de la Médiatrice européenne, sur un total de 348 enquêtes ouvertes (soit un peu plus de 56 %). Celles-ci portaient notamment sur sa gestion du « pantouflage » de ses personnels95(*), sur l'opacité des relations existant entre certains de ses services et des représentants d'intérêts96(*), ou encore sur la transmission de ses documents (affaire dite des « sms » de la présidente de la Commission européenne au PDG d'une entreprise pharmaceutique)97(*).

Cependant, la mise en oeuvre de ces règles semble trop souvent lacunaire et la sanction des violations déontologiques très imparfaite. Et aucune autorité indépendante ne dispose des moyens et des compétences pour assurer le respect d'une « éthique européenne ».

b) ... mais le fonctionnement actuel des cadres éthiques des institutions européennes est bien en-deçà des exigences de l'État de droit...

En 2019, dans un rapport spécial98(*), la Cour des Comptes de l'Union européenne soulignait que des « améliorations étaient possibles » pour le fonctionnement des « cadres éthiques des institutions de l'Union européenne » en remarquant que les institutions concernées avaient « mis en place des cadres éthiques globalement adéquats, quoique perfectibles » mais soulignait plusieurs faiblesses persistantes dans les stratégies globales en matière d'éthique.

En conséquence, la Cour recommandait à ces institutions, pour l'année 2020 :

- d'améliorer les cadres éthiques existants : élaboration de stratégies éthiques claires (Parlement européen et Conseil) ; mise en place de procédures formelles de vérification des déclarations afin d'en analyser l'exactitude et l'exhaustivité (Parlement européen, Commission européenne et Conseil) ; renforcement de la portée des règles sur les cadeaux et avantages (idem) ; adaptation des règles en matière d'alerte éthique en faveur des assistants parlementaires des députés européens et établissement de dispositions éthiques spécifiques pour « l'après-mandat » des députés européens (Parlement européen) ;

- d'oeuvrer ensemble pour harmoniser les éléments du cadre éthique et déployer davantage d'efforts pour partager les bonnes pratiques dans ce domaine. La Cour visait alors en particulier l'établissement d'une définition commune des « dons » et de leur valeur maximale acceptable, ainsi qu'une harmonisation des plafonds de rémunération autorisée pour les activités extérieures du personnel et des informations à fournir par les membres dans les déclarations concernant les intérêts des membres de leur famille et les activités professionnelles de leurs conjoints ;

- d'accroître la sensibilisation des agents au cadre et à la culture éthiques ainsi que la perception qu'ils en ont.

Plusieurs évènements récents ont démontré la fragilité des institutions européennes à l'égard d'actions illicites d'intérêts privés ou de puissances étrangères, soulignant par là-même l'urgence du renforcement du cadre déontologique et surtout, de la culture de l'éthique, de l'Union européenne.

Les deux premiers exemples sont relatifs au fonctionnement des services de la Commission européenne.

Tout d'abord, le 29 mars 2023, M..., ancien directeur général des transports à la Commission européenne, renonçait à ses fonctions. L'intéressé avait en effet bénéficié de plusieurs voyages offerts par la compagnie Qatar Airways entre 2015 et 2021, alors même qu'il négociait un accord aérien avec ce pays au nom de l'Union européenne. Il n'a cependant pas été sanctionné mais simplement transféré dans un autre service.

Le 19 avril dernier, la Médiatrice européenne ouvrait une enquête relative aux relations actuelles entre les directions générales de la Commission européenne et l'industrie du tabac. Les premiers éléments recueillis dans cette enquête ont souligné que de nombreux échanges et réunions entre ces acteurs n'avaient fait l'objet d'aucun compte rendu ni d'aucune publicité, en contravention avec la convention-cadre anti-tabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) datant de 2004 qui impose pourtant cette publicité : cette opacité risque de nourrir les soupçons de corruption ou de conflits d'intérêts.

Le troisième exemple sera simplement évoqué car plusieurs instances judiciaires mettant en cause directement l'indépendance de la Présidente de la Commission européenne sont en cours : en mai 2021, un journaliste a souhaité obtenir l'ensemble des documents, dont des SMS, qui auraient été échangés entre la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, et le PDG de la société Pfizer pour négocier un contrat de vaccins contre le covid-19. Débouté de sa demande par la Commission européenne, ce journaliste a saisi la Médiatrice européenne, qui a ouvert une enquête et effectué la même demande auprès de la Commission.

Or, le 29 juin 2022, la Commission européenne avait affirmé que ses recherches n'avaient donné aucun résultat. Dans une déclaration publique en date du 14 juillet 2022, la Médiatrice européenne avait précisé que son enquête n'avait pas permis de savoir si ces SMS existaient bel et bien et n'avait « pas permis de clarifier la manière dont la Commission européenne répondrait à une même demande concernant d'autres textos. » Elle avait conclu en conséquence à une « mauvaise administration », estimant que le manque de volonté pour retrouver les documents en cause était un « signal d'alarme ». Car s'ils existent et ont contribué à la négociation, ces textos constituent juridiquement des documents administratifs qui doivent être accessibles à tout citoyen d'un État membre de l'Union européenne, conformément à l'article 42 de la charte européenne des droits fondamentaux. S'ils contiennent des éléments de conversation privée susceptibles d'infléchir le cours des négociations, ils pourraient constituer la preuve d'un éventuel conflit d'intérêts de Mme von der Leyen.

Le cas échéant, l'affaire devrait connaître des suites devant la justice belge et devant le tribunal de l'Union européenne, un lobbyiste belge accrédité auprès des institutions de l'Union européenne ayant déposé deux plaintes contre la présidente de la Commission européenne pour « usurpation de fonctions et de titre », « destruction de documents publics », « prise illégale d'intérêts et corruption ».

Le dernier exemple public de dysfonctionnement des institutions européennes est constitué par l'affaire dite du « Qatargate », qui illustre les risques d'ingérences étrangères sur les prises de décision et votes du Parlement européen.

À la suite d'une enquête des services de renseignement belges sur des soupçons de corruption de députés européens par des pays tiers - en l'espèce, le Maroc et le Qatar -, des perquisitions ont été déclenchées par la justice belge, le 9 décembre 2022.

Elles ont conduit à l'arrestation et à la détention provisoire -pendant plusieurs mois - de plusieurs parlementaires européens dont Mme Eva Kaïli, qui, jusqu'à son arrestation, était vice-présidente du Parlement européen.

Se situant au coeur de l'affaire, M. Pier Antonio Panzeri a siégé au Parlement européen de 2004 à 2019 et présidait alors la délégation du Parlement européen auprès des pays du Maghreb. Il a ensuite dirigé une organisation non gouvernementale dénommée - ironie de l'histoire - « Fight Impunity » (Combattre l'impunité). À la suite de son interpellation, il a accepté de collaborer avec les enquêteurs, mis en cause plusieurs parlementaires européens et estimé à 2,6 millions d'euros les sommes versées par les pays tiers impliqués. L'enquête en cours se poursuit avec des rebondissements : le juge d'instruction qui menait les investigations a été contraint de se retirer du dossier en juin 2023 en raison d'une situation de conflit d'intérêts et les accusés veulent faire annuler une procédure qu'ils estiment viciée.

Ces révélations ont évidemment semé le trouble dans les institutions européennes et malheureusement jeté un voile de suspicion sur l'ensemble des élus de l'Union européenne. Elles favorisent les discours hostiles à la construction européenne les plus démagogiques. Elles ont, en conséquence, fait valoir l'urgence d'un renforcement du cadre éthique européen.

Des premières réponses ont été apportées, d'abord, par le Parlement européen, qui, au cours de l'année 2023, a mené une refonte de ses procédures en urgence sur la base du « plan d'action en 14 points » présenté par sa Présidente, Mme Roberta Metsola, rapidement après l'éclatement du scandale du « Qatargate », afin de lutter plus efficacement en interne contre les risques de conflit d'intérêts et d'ingérence étrangère.

Par ailleurs, une actualisation des réglementations européennes relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et permettant le gel et le recouvrement des avoirs criminels a été adoptée en trilogue les 12 et 13 décembre derniers.

D'ordre plus général, la proposition de directive de lutte contre la corruption prévoit une harmonisation ambitieuse des règles européennes de prévention et de lutte contre la corruption. Quant à la création d'un organe d'éthique européen, elle permettrait la « mise à niveau » nécessaire des institutions européennes dans le domaine éthique.

II. LES PROPOSITIONS DE RÉFORME

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

La Commission européenne et le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique européenne de sécurité étrangère et de sécurité commune (PESC) ont présenté, le 3 mai 2023, un paquet relatif à la lutte contre la corruption comprenant à la fois une communication et une proposition de directive. La communication préconise l'adoption d'une stratégie européenne contre la corruption, souhaite le renforcement du réseau européen des services et agences chargés de cette lutte, et demande à la Commission européenne de travailler à une cartographie du risque de corruption dans l'Union européenne.

La proposition de directive constitue, quant à elle, l'une des réformes majeures proposées par la Commission européenne depuis 2019.

1. Un texte recherchant la simplification et l'actualisation du droit existant
a) Un effort de simplification

Conformément à la stratégie affirmée dans la communication conjointe précitée, la proposition de directive a un premier objectif : harmoniser les modalités de la lutte contre la corruption dans l'Union européenne en réunissant les dispositions relatives aux agents publics et au secteur privé dans un seul acte juridique, sur la base de définitions actualisées (article premier).

Son adoption impliquerait donc la suppression de la convention de 1997 sur les fonctionnaires et de la décision-cadre 2003/568/JAI relative au secteur privé (article 27).

b) Une volonté claire d'élargir le champ d'application des dispositifs anticorruption

La proposition aurait un champ d'application plus large que le droit en vigueur.

Pour y parvenir, elle reprend les définitions de la convention de l'ONU contre la corruption.

Ainsi, loin de viser les seuls « fonctionnaires », elle serait applicable aux « agents publics » (déclinés ensuite dans les catégories suivantes : « agent de l'Union (européenne) », « agent national », « agents de haut niveau »).

Au sens de la convention, ce terme vise non seulement toutes les catégories d'agents publics tels que nous les concevons en France (agents titulaires, stagiaires, fonctionnaires, personnels contractuels..., qu'ils soient employés par les États membres ou leurs collectivités territoriales, ainsi que ceux travaillant pour l'Union européenne et pour les organisations internationales) mais également l'ensemble des membres des organes de contrôle et d'audit (ex : Cour des comptes), des magistrats (siégeant dans les juridictions des États membres, dans les juridictions européennes et dans les juridictions internationales), l'ensemble des parlementaires (siégeant dans les parlements des États membres ou au Parlement européen), ainsi que les membres des gouvernements et chefs d'État des États membres et les « têtes » de l'exécutif européen (commissaires européens ; président du Conseil européen)...

Cette définition englobe donc en réalité, au sens français, l'ensemble des responsables publics et des agents publics.

2. Une proposition qui relève les exigences européennes en matière de prévention de la corruption
a) Une nécessaire mobilisation des États membres pour mieux prévenir la corruption

Le deuxième objectif de la proposition est de relever les exigences minimales de la prévention de la corruption (article 3). Les États membres doivent ainsi prendre les mesures appropriées :

- pour encourager les travaux de recherche sur la corruption et les programmes d'éducation contre cette dernière ;

pour assurer « le plus haut degré de transparence et de responsabilité de l'administration et des responsables publics afin de prévenir la corruption ». À cet égard, ils doivent adopter des règles efficaces pour garantir à la fois le libre accès aux informations d'intérêt public, la détection et la gestion des conflits d'intérêts, la vérification du patrimoine des agents publics et la régulation des mobilités entre le secteur public et le secteur privé (contre le phénomène de « pantouflage ») ;

- pour veiller particulièrement à assurer l'intégrité des « agents de haut niveau », des membres des forces de l'ordre et des magistrats ;

- pour évaluer, au moins une fois par an, les dispositifs précités, et, sur la base de cette évaluation, mener des actions de sensibilisation, le cas échéant, en impliquant la société civile (associations anticorruption...).

Ce dispositif a été inspiré par la HATVP, qui sert de référence pour les autorités européennes compétentes et qui a été consultée par la Commission européenne.

b) L'institution d'organismes spécialisés pour prévenir et combattre la corruption

La proposition de directive prend acte du fait que, dans certains États membres, la stratégie de lutte contre la corruption repose sur divers services répressifs, autorités et juridictions, qui peuvent avoir à assumer d'autres missions simultanément, qui peuvent être de facto en situation de subordination par rapport au pouvoir politique en place et qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches.

Elle demande donc aux États membres de désigner un ou plusieurs organes spécialisés, d'une part, dans la prévention de la corruption et, d'autre part, dans la lutte contre cette dernière (article 4).

Elle exige que ces organes soient fonctionnellement indépendants du Gouvernement et connus du public, qu'ils puissent assurer le libre accès du public aux informations pertinentes relatives à leur activité, et qu'ils soient en capacité de prendre des décisions transparentes afin de garantir l'intégrité et la responsabilisation de leurs destinataires.

En complément, elle impose aux États membres de faire bénéficier leurs autorités nationales combattant la corruption, des moyens humains et financiers nécessaires à « l'accomplissement efficace » de leurs missions et d'assurer la formation de leurs agents publics sur les formes et les risques de la corruption. À cet égard, elle précise que des formations « anticorruption » spécialisées doivent être organisées régulièrement en faveur des membres des forces de l'ordre et des magistrats qui mènent les enquêtes, poursuites... contre des délits et crimes entrant dans son champ d'application.

3. La définition d'infractions pénales et l'établissement d'un quantum de peines minimal au niveau européen
a) Une mise à niveau des infractions pénales au niveau européen

La proposition de directive confirme, tout en la clarifiant, la définition de la corruption posée par la convention de 1997 et la décision-cadre de 2003 précitées, et le principe de sa sanction pénale.

Pour la France, qui dispose déjà d'un dispositif complet de prévention et de répression des atteintes à la probité, cette harmonisation « par le haut » est une bonne nouvelle car la fin des divergences entre le droit des États membres doit non seulement permettre une lutte plus efficace contre la corruption mais aussi - ne le cachons pas - mettre fin à des distorsions de concurrence intra-européennes inacceptables.

La corruption active est ainsi définie comme « la promesse, la proposition ou l'octroi, directement ou par interposition d'un tiers, d'un avantage de quelque nature que ce soit » à un agent public ou à une personne travaillant pour une entité du secteur privé, pour lui ou pour un tiers, afin qu'il « accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte », en violation de ses obligations (ou, pour l'agent public, dans l'exercice de ses fonctions). La corruption passive est caractérisée si l'agent public ou la personne précitée recherche ou sollicite cet avantage.

Pour être caractérisées, ces infractions doivent être intentionnelles.

Elle étend en outre la liste des infractions pénales relevant du manquement au devoir de probité au niveau européen (voir le tableau ci-dessous) : ainsi, le « détournement », le « trafic d'influence », « l'abus de fonctions », « l'entrave au bon fonctionnement de la justice », et « l'enrichissement lié aux infractions de corruption »99(*) seraient désormais qualifiés pénalement au niveau européen. Ce faisant, la proposition de directive reprend explicitement les infractions ciblées par la convention de l'ONU contre la corruption et s'inspire aussi du droit pénal français.

Sont également visées toutes incitations à commettre ces infractions, ou tentatives d'infraction, et tout acte de complicité ou tentative d'un tel acte. Il s'agit d'une avancée majeure.

b) Une volonté forte d'harmonisation de la sanction des faits de corruption en Europe

La proposition de directive « guide » le choix des peines applicables par les États membres aux infractions liées à la corruption en fixant un quantum des peines maximales. Tout en rappelant que ces peines doivent être « efficaces, proportionnées et dissuasives ». En pratique, ce quantum serait fixé à un emprisonnement d'une durée de 4 ans (enrichissement lié à une infraction de corruption), 5 ans (corruption dans le secteur privé ; détournement ; trafic d'influence) ou 6 ans (corruption dans le secteur public ; entrave au bon fonctionnement de la justice).

Elle prévoit également les peines complémentaires pouvant être établies par les juridictions compétentes des États membres (voir ci-dessous).

Peines prévues par la proposition de directive pour sanctionner une infraction liée à la corruption

Infractions pénales

Récapitulatif du montant minimal des peines maximales possibles

Article de la proposition

Corruption dans le secteur public

6 ans d'emprisonnement

Article 7

Corruption dans le secteur privé

5 ans d''emprisonnement

Article 8

Détournement

5ans d'emprisonnement

Article 9

Trafic d'influence

5 ans d'emprisonnement

Article 10

Abus de fonction

5 ans d'emprisonnement

Article 11

Entrave au bon fonctionnement de la justice

6 ans d'emprisonnement

Article 12

Enrichissement à partir d'infractions de corruption

4 ans d'emprisonnement

Article 13

Incitation, complicité et tentatives

Peines maximales similaires à celles encourues en cas d'accomplissement de l'infraction

Article 14

La proposition de directive prévoit également que les peines complémentaires suivantes peuvent être prévues par les États membres :

-Amendes ;

-révocation, suspension et réaffectation d'un mandat public ;

-déchéance/exclusion d'un mandat public ;

-interdiction d'exercer une fonction publique ;

-interdiction d'exercer une activité commerciale dans le cadre de laquelle l'infraction a été commise ;

-privation des droits civiques, proportionnée à la gravité de l'infraction commise ;

- retrait du permis/de l'autorisation d'exercer les activités dans le cadre desquelles l'infraction a été commise ;

-exclusion de l'accès aux financements publics, y compris les procédures d'appel d'offres, les subventions et les concessions.

c) Une extension de la responsabilité pénale des personnes morales

La proposition de directive confirme ensuite l'application de ces infractions pénales aux personnes morales et étend les conditions de mise en cause de leur responsabilité pénale. Comme dans le code pénal français, cette responsabilité pourrait être engagée dès lors qu'une infraction a été commise pour son compte et par l'un de ses organes ou représentants100(*).

Cependant, à la différence du code pénal français mais suivant une tendance forte dans les derniers textes européens adoptés en matière pénale, cette responsabilité pourrait également être caractérisée lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle a rendu possible la commission de l'infraction par une personne relevant de son autorité.

Signalons que la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation a déjà étendu les possibilités de recherche de la responsabilité pénale des personnes morales101(*).

Peines applicables aux personnes morales condamnées pour corruption

- Amendes, dont le montant maximal serait égal à 5% de leur chiffre d'affaires mondial au cours de l'année précédente ;

- Exclusion du bénéfice des subventions publiques et aides d'État ;

- Exclusion temporaire ou permanente des procédures d'appel d'offres ;

- Interdiction, temporaire ou définitive, d'exercer une activité commerciale ;

- Retrait de l'autorisation de poursuivre les activités dans le cadre desquelles l'infraction pénale a été commise ;

- Possibilité pour les autorités publiques d'annuler un contrat public dans le cadre duquel l'infraction pénale a été commise ;

- Placement de la personne morale sous tutelle judiciaire ;

- Liquidation judiciaire de la personne morale ;

- Fermeture, temporaire ou définitive, des établissements de la personne morale qui ont été mis en cause dans l'accomplissement de l'infraction pénale.

Enfin, la proposition de directive fixe les circonstances susceptibles d'aggraver102(*) ou d'atténuer103(*) la sanction pénale de ces infractions et établit des délais de prescription assez étendus afin de garantir l'effectivité des poursuites.

4. Des garanties procédurales précisées, un principe de coopération entre autorités compétentes réaffirmé

En premier lieu, la proposition de directive demande aux États membres de prévoir la possibilité de lever les privilèges ou immunités d'enquête et de poursuites accordés à leurs responsables publics et agents publics pour les infractions visées dans la présente directive selon une procédure objective, impartiale, efficace et transparente, préétablie par la loi, fondée sur des critères clairs, et conclue dans un délai raisonnable.

En deuxième lieu, la proposition impose aux États membres d'appliquer le régime de protection des « lanceurs d'alerte » prévu par la directive (UE) 2019/1937104(*) et, plus généralement, d'assurer la protection et le soutien des personnes ayant coopéré aux enquêtes et poursuites judiciaires.

En troisième lieu, elle rappelle que les États membres doivent faire bénéficier les services et autorités en charge de la lutte contre la corruption de moyens d'investigation leur permettant d'agir efficacement et énonce les conditions de saisine des juridictions des États membres sur les infractions énoncées. La juridiction d'un État membre serait compétente pour juger une telle infraction :

- si cette infraction a été commise en totalité ou en partie sur le territoire de cet État membre ;

- si l'accusé est un citoyen ou un résident habituel de cet État membre ;

- si l'infraction a été commise au bénéfice d'une personne morale établie dans cet État membre.

Et, dans l'hypothèse où l'infraction serait manifestement susceptible de relever de la compétence des juridictions de plusieurs États membres, la proposition leur enjoint de coopérer pour déterminer celle qui aurait alors la charge de mener la procédure pénale. En cas de nécessité, dans ce cadre, l'agence Eurojust serait saisie du dossier105(*).

En quatrième lieu, le principe d'une coopération entre autorités compétentes des États membres, l'agence européenne de coopération policière (Europol), l'agence européenne de coopération judiciaire (Eurojust), le Parquet européen, l'Office européenne de lutte antifraude (OLAF) et la Commission européenne serait rappelé en vue de lutter contre les infractions liées à la corruption, sans préjudice des règles existantes de coopération transfrontière et d'assistance mutuelle en matière de procédure pénale.

Enfin, la directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne serait actualisée pour prendre en considération ces nouveaux dispositifs (article 28).

Les États membres devraient transposer la présente proposition de directive dans leur droit national au plus tard dix-huit mois après son entrée en vigueur (article 29).

B. LA PROPOSITION DE CRÉATION D'UN ORGANISME ÉTHIQUE INTERINSTITUTIONNEL

1. Une promesse et une nécessité pour l'Union européenne

Promise en 2019 par la Commission européenne, la création d'un organisme éthique européen est demeurée au stade de la réflexion jusqu'en 2023. Le Parlement européen, à plusieurs reprises, avait pourtant appelé à un renforcement de la transparence et de l'intégrité des institutions européennes106(*).

Les révélations de la presse sur le scandale du « Qatargate », en décembre 2022, les enquêtes de la Médiatrice européenne et la perspective des élections européennes, ont incité la Commission européenne à proposer une réforme tendant à instituer un organe d'éthique européen, le 8 juin 2023.

En pratique, cette réforme affirme tirer les leçons de la situation actuelle qui mêle à la fois des lacunes préoccupantes des institutions européennes en matière éthique, relevées en particulier dans le rapport spécial de la Cour des comptes de l'Union européenne n°13/2019 précité, et des divergences de règles éthiques entre institutions, faute d'un cadre commun et d'un contrôle applicable à toutes.

2. Un organisme « à ambition limitée »

Comme le rappelle la communication présentant le projet d'accord interinstitutionnel, si, à l'heure actuelle, le personnel des institutions européennes « est soumis à des obligations éthiques détaillées établies par le législateur au titre II du statut du personnel de l'UE, adopté sur la base de l'article 336 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE), il n'existe à ce jour pas de normes éthiques minimales communes pour les membres ni de mécanismes formels d'élaboration, de coordination ou d'échange de vues entre les institutions en ce qui concerne les normes éthiques que leurs membres sont censés respecter ».107(*)

En effet, la plupart des institutions européennes ont instauré des normes déontologiques applicables à leurs membres en modifiant leur règlement intérieur ou en instituant un code de conduite à vocation exclusivement interne.

L'organe d'éthique européen qui doit remédier à cette faiblesse serait institué par un accord interinstitutionnel, applicable au Conseil européen, au Conseil, au Parlement européen, à la Commission européenne, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), à la Banque centrale européenne (BCE), à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions, et, si elle en manifeste le souhait, à la Banque européenne d'investissement (BEI).

En pratique, il serait composé d'un représentant titulaire et d'un suppléant par institution et organe participants, ainsi que de cinq experts indépendants ayant statut d'observateurs, désignés d'un commun accord par les parties. Sa présidence serait assurée par rotation par chaque institution ou organe participant, pour une durée d'un an. Son secrétariat serait composé des chefs d'unité en charge des règles éthiques dans les institutions et organes concernés. Il serait hébergé dans les locaux de la Commission européenne.

Le choix d'un accord interinstitutionnel, qui a déjà été effectué pour autoriser l'Office européenne de lutte antifraude (OLAF) à procéder à des enquêtes internes dans les institutions et organes de l'Union européenne108(*) et pour mettre en place un registre de transparence obligatoire commun au Conseil, au Parlement européen et à la Commission européenne109(*), a le mérite pour ses auteurs de faciliter et accélérer la mise en oeuvre de la coopération interinstitutionnelle nécessaire et de répondre au souci de chaque institution de conserver son autonomie de décision en matière éthique. Ce postulat est pourtant contestable. Vos rapporteurs y reviendront ultérieurement.

Aux termes de la proposition, l'organe d'éthique de l'Union européenne aurait pour principales missions :

- de promouvoir une culture commune de l'éthique et de la transparence ;

- d'établir et de mettre à jour des lignes directrices minimales communes en matière d'éthique110(*). Ces lignes directrices, adoptées par consensus, seraient applicables aux membres des institutions européennes précitées, mais pas à leurs fonctionnaires. Ces derniers en seraient en effet exemptés, leur activité étant déjà régie par le statut de la fonction publique de l'Union européenne ;

- de permettre des échanges de vues entre les parties sur ces lignes directrices, sur la base d'une auto-évaluation de chacune d'entre elles, ainsi que des échanges de bonnes pratiques ;

- de promouvoir leur coopération dans les domaines précités.

Ce faisant, le nouvel organe éthique aurait une vocation exclusivement consultative, la communication présentant le projet d'accord interinstitutionnel faisant clairement apparaître le souhait des institutions européennes concernées de demeurer autonomes dans le domaine éthique (« Les pouvoirs de décision pour l'adoption et l'application des règles éthiques internes de chaque institution devraient rester du ressort des institutions respectives. »). Pour ce faire, la Commission européenne se retranche derrière l'équilibre institutionnel prévu par les traités111(*) : « L'application des règles internes relève de la responsabilité première de chaque institution et s'exerce selon le principe d'équilibre institutionnel dont l'équilibre des pouvoirs est établi par les traités. Les institutions ne peuvent renoncer à exercer les pouvoirs qui leur sont respectivement conférés par les traités. Elles ne peuvent déléguer la responsabilité de la conduite de leurs membres ni leur prérogative de réaction aux violations des règles éthiques commises par des membres individuels. »

La communication présentée, dont la rédaction est assez paradoxalement marquée par une méfiance constante à l'égard du nouvel organe, souligne enfin que le fonctionnement de ce dernier « n'entravera ni ne limitera en aucune manière les fonctions d'enquête de l'Office européen de lutte antifraude, du Parquet européen, des services de police nationaux, des autorités nationales chargées des poursuites et du Médiateur européen, et ne fera donc double emploi avec leurs compétences respectives. »112(*)

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

A. RENFORCER LA PRÉVENTION DE LA CORRUPTION AU NIVEAU EUROPÉEN

1. L'institution d'un comité d'éthique européen crédible et indépendant
a) Pour la création d'un « comité d'éthique européen »

La commission des affaires européennes recommande tout d'abord de substituer l'appellation « comité d'éthique de l'Union européenne » à celle initialement prévue (« organisme éthique interinstitutionnel ») afin d'assurer sa visibilité et la clarté de ses missions.

Elle est en effet persuadée que les institutions européennes doivent résoudre sans délai le décalage existant aujourd'hui entre l'importance de leurs prérogatives et les lacunes de leurs règles éthiques.

Elle déplore, comme pour la proposition de directive sur la lutte contre la corruption, le calendrier très tardif de présentation d'une initiative qui aurait dû être présentée en 2020, et l'empressement de la Commission européenne à vouloir obtenir absolument un accord interinstitutionnel avant les prochaines élections européennes.

b) Le respect de l'État de droit impose la création d'un comité d'éthique de l'Union européenne avec des pouvoirs de contrôle

Elle considère que la création d'un organisme seulement doté de ces faibles prérogatives ne serait ni nécessaire ni utile et demande donc l'institution d'une structure disposant d'une faculté d'auto-saisine et de pouvoirs de contrôle.

À cet égard, elle a observé attentivement le débat interinstitutionnel européen et les arguments de certains acteurs européens estimant que le comité ne pourrait pas disposer de pouvoirs de contrôle en raison de l'équilibre institutionnel prévu par les traités, et constate que ces arguments juridiques - qui masquent parfois une absence de volonté politique - ne sont pas déterminants.

Tout d'abord, comme le constate la Médiatrice de l'Union européenne, l'auto-régulation de chaque institution dans le domaine éthique et déontologique a récemment démontré ses insuffisances. Les récentes enquêtes de la Médiatrice, déjà évoquées, en sont une illustration flagrante. Or, dans le contexte actuel mêlant inquiétudes des citoyens sur l'avenir du continent et extension des prérogatives des institutions de l'Union européenne sans précédent à traité constant - soit pour garantir l'approvisionnement de l'Union européenne en médicaments et en matières premières critiques, soit pour répondre aux urgences liées à la guerre en Ukraine, soit, encore, pour réguler le secteur numérique ou assurer la transition écologique-, le « statu quo » éthique n'est plus possible.

La commission des affaires européennes souhaite également rappeler que la CJUE, dès 1958 (doctrine Meroni), a également reconnu la possibilité pour chaque institution de l'Union européenne de déléguer ses pouvoirs à un autre organisme, à condition de respecter plusieurs critères : la délégation doit bien concerner des pouvoirs de l'institution délégante mentionnés dans les traités, être explicite, ne pas bouleverser l'équilibre institutionnel et prévoir un contrôle de la CJUE sur les décisions du délégataire.

Enfin, elle veut rappeler que le respect de l'équilibre institutionnel n'est pas supérieur à celui du respect de la transparence et de l'intégrité, principes fondateurs de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'État de droit, qui sont autant de valeurs de l'Union européenne posées à l'article 2 du TUE.

La CJUE l'a d'ailleurs rappelé récemment : « l'article 2 du TUE contient des valeurs qui relèvent de l'identité même de l'Union [européenne] en tant qu'ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes »113(*), tant pour les États membres que pour les institutions européennes. Cette intangibilité de l'État de droit ne peut être « à géométrie variable ».

Pour rappel, au nom de l'État de droit, sans autre base juridique dans les traités, la Commission européenne, depuis 2020, a obtenu la mission d'effectuer des recommandations aux États membres sur leur système judiciaire ou leur procédure parlementaire dans le cadre du suivi annuel de l'État de droit. Autre exemple : malgré la lettre des traités qui affirment que la sécurité nationale est une compétence exclusive des États membres, la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu la possibilité pour l'Union européenne de restreindre la collecte et la conservation des données de connexion par les services en charge des enquêtes pénales114(*).

c) Un comité d'éthique compétent pour les questions éthiques des membres et des personnels des institutions européennes

Concernant le champ des institutions ressortant du comité, la commission des affaires européennes reconnaît que les délégations nationales au Conseil sont déjà soumises aux règles déontologiques prévues par leur État membre. Ainsi, en France, les représentants politiques et administratifs négociant ces textes sont soumis à l'heure actuelle à des règles beaucoup plus strictes que celles imposées aux membres et personnels des institutions de l'Union européenne, à savoir, des obligations de déclaration d'intérêts et de patrimoine, des codes de conduite déontologiques exhaustifs, ainsi que des règles législatives précises de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre la corruption. Il convient donc de ne pas engendrer de « doublons » en soumettant ces délégations à des normes européennes redondantes et moins ambitieuses ;

La commission des affaires européennes considère en conséquence que ces délégations au Conseil ne doivent pas faire l'objet d'un autre contrôle mais bénéficier d'un principe de reconnaissance mutuelle.

Il en irait différemment du Président du Conseil européen ou du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui, selon la commission des affaires européennes, devraient pour leur part être couverts par l'accord. Il semble également opportun que la Banque européenne d'investissement (BEI), dont l'activité est sensible et exposée aux risques d'atteintes à la probité, rejoigne l'accord.

Dans le projet de la Commission européenne, le comité d'éthique interinstitutionnel serait compétent pour définir des règles éthiques applicables aux membres des institutions participantes mais pas à l'égard de leurs personnels. Or, rien dans le statut de ces personnels n'empêche une telle compétence. Il suffirait de faire référence au comité d'éthique dans ce dernier. La commission des affaires européennes préconise donc l'extension de la compétence du comité aux personnels des institutions participantes, qui répond à un double souci de cohérence et d'efficacité.

d) Un comité doté d'une faculté d'auto-saisine et de pouvoirs de contrôle

La commission des affaires européennes estime que le comité d'éthique de l'Union européenne devrait :

- rassembler les informations disponibles sur les procédures éthiques internes aux institutions participantes et jouer un rôle de sensibilisation sur les enjeux éthiques ;

- avoir la faculté de s'auto-saisir d'une difficulté éthique, à la suite d'informations publiques ou sur requête individuelle, et d'enquêter sur cette difficulté, en vue de formuler des avis (non publics) en réponse à des situations individuelles et des recommandations publiques constituant des lignes directrices générales, à destination de l'institution participante (ou concernant ses personnels, de son autorité de nomination) qui demeurerait seule décisionnaire sur les suites à donner ;

- pouvoir s'appuyer pour ses enquêtes sur la Médiatrice de l'Union européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF). Il est même possible de s'interroger sur la participation de la Médiatrice européenne - intuitu personae - aux travaux du comité. Dans le prolongement de cette préconisation et avec l'objectif de renforcer l'autonomie du comité d'éthique ainsi que celle des organes l'appuyant dans sa mission, la commission des affaires européennes préconise une actualisation du statut de l'OLAF, afin de le rendre juridiquement et fonctionnellement indépendant à l'égard de la Commission européenne ;

- se voir confier la tâche de rassembler, de tenir à la disposition du public et de contrôler les déclarations d'intérêts et, lorsqu'elles existent, de patrimoine, des membres des institutions participantes. La commission des affaires européennes recommande en outre l'instauration d'une même obligation de déclaration pour les directeurs généraux et directeurs de ces institutions et souhaite une réflexion urgente sur la généralisation des déclarations de patrimoine ;

- pouvoir suivre et contrôler les « pantouflages » des membres et personnels des institutions participantes ;

- prendre en charge le contrôle du registre commun de transparence où doivent s'inscrire les représentants d'intérêts souhaitant influencer les décisions de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen ;

- évaluer chaque année le respect de l'État de droit par les institutions européennes dans un rapport spécifique intégré au cycle de suivi annuel pour que le suivi de l'État de droit soit complet et satisfaisant, en application directe de l'article 2 du TUE précité.

La commission des affaires européennes souhaite enfin que le non-respect de ces dispositions soit sanctionné par des sanctions effectives et proportionnées.

e) Un comité d'éthique européen indépendant

La commission des affaires européennes déplore la subordination totale de l'organisme éthique interinstitutionnel envisagé à l'égard de la Commission européenne, qui l'accueillerait dans ses locaux et dirigerait son secrétariat. Force est de constater qu'en proposant de doter cet organisme d'un budget de 600 000 euros et de 2 emplois à plein temps (aidés par les chefs d'unité des institutions participantes), la Commission européenne assume sa vision minimaliste du rôle de ce comité.

Partageant le souci d'une maîtrise des engagements budgétaires de l'Union européenne, la commission des affaires européennes constate néanmoins que cet argument ne peut valablement être le seul invoqué en l'espèce par la Commission européenne alors que l'Union européenne a autorisé la création de dizaines de nouvelles structures coûteuses et à la pertinence parfois discutable, depuis 2019. Quelques exemples :

- autorité européenne du travail (ELA), installée depuis 2019 à Bratislava ;

- agence exécutive pour le Conseil européen de l'innovation et des petites et moyennes entreprises (EISMEA), créée en 2021 et siégeant à Bruxelles ;

- agence exécutive pour le climat, les infrastructures et l'environnement (CINEA), installée à Bruxelles depuis 2021 ;

- agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (HaDEA), installée à Bruxelles depuis 2021 ;

- agence européenne de l'asile (AUEA) instituée en 2022 à Malte ;

- centre européen de compétences en matière de cybersécurité (CECC) inauguré en 2023 à Bucarest ;

- autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (ALBC), dont le principe est validé et pour laquelle les discussions se poursuivent sur la localisation de son siège. 

Elle souligne également que, moyennant des redéploiements au sein des enveloppes budgétaires du Cadre financier pluriannuel 2021-2027, en cours de révision, consacrées aux budgets « Cohésion, résilience et valeurs » et « Administration publique européenne »115(*), le financement initial de ce comité pourrait être assuré, d'autant plus s'il était prévu que ses missions d'enquête puissent bénéficier de l'appui opérationnel de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'OLAF.

À titre complémentaire, elle estime nécessaire l'ouverture d'une réflexion sur la pertinence d'une évolution statutaire de l'OLAF afin de garantir son indépendance à l'égard de la Commission européenne.

Elle constate en effet que si dans ses missions d'enquête, l'OLAF doit être indépendant116(*), son fonctionnement est, en pratique, celui d'une structure rattachée à la Commission européenne, par exemple, pour apporter le concours de la Commission européenne aux États membres dans le domaine de la lutte antifraude, pour préparer les initiatives législatives et réglementaires de la Commission dans ce domaine ou pour la représenter auprès de tiers117(*). Cette subordination juridique et fonctionnelle fragilise la crédibilité des enquêtes de l'Office lorsque ces dernières concernent la Commission européenne. Elle estime en outre que l'importance et la sensibilité politique des missions en cause nécessitent de les confier à un organisme indépendant.

La commission des affaires européennes préconise également d'inverser les règles prévues pour la composition du comité d'éthique européen afin d'assurer son indépendance en :

- proposant que le comité soit composé des 5 experts indépendants en tant que membres permanents et, en tant que de besoin, des représentants des institutions concernées avec statut d'observateur ;

- considérant que la Médiatrice de l'Union européenne, dans le respect de son autonomie puisse siéger au sein du comité intuitu personae ;

- harmonisant la durée des fonctions à 5 ans pour l'ensemble des membres, en précisant que ces derniers ne seraient pas révocables pendant ces fonctions et en posant le principe du non-renouvellement de leur mandat.

Pour rappel, en France, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), reconnue comme autorité éthique indépendante, est dirigée par un collège de treize membres statutairement et fonctionnellement indépendants de leurs autorités de nomination, soumis à une obligation de déclarations d'intérêts et de patrimoine et régis par un cadre déontologique strict.

Enfin, la commission des affaires européennes demande que les manquements aux obligations prévues par l'accord interinstitutionnel fassent l'objet par l'institution concernée, de sanctions adaptées à leur gravité : rappel à l'ordre ; avertissement écrit ; blâme ; publication du manquement constaté au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE); amende ; (pour les personnels) ralentissement de l'avancement ; exclusion temporaire ; rétrogradation ; révocation... ; et suggère que le comité d'éthique européen réfléchisse à l'harmonisation des sanctions prévues par chaque institution. Elle rappelle également que tout constat d'une infraction pénale par le comité à l'occasion de son travail d'enquête, doit donner lieu à l'information de l'autorité judiciaire compétente et, si cette infraction constitue une atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, à un signalement au Parquet européen.

2. Le soutien aux réformes éthiques internes engagées par le Parlement européen

La commission des affaires européennes constate tout d'abord que le scandale du « Qatargate » a constitué une « déflagration » démocratique, semant le doute sur l'intégrité de l'ensemble des responsables publics dans l'Union européenne.

En conséquence, elle :

- salue les réformes éthiques internes menées par le Parlement européen au cours de l'année 2023, sur la base des « 14 points » définis par sa Présidente, Mme Roberta Metsola, en janvier 2023 ;

- souligne l'importance de la transparence accrue des déclarations d'intérêts des parlementaires, de l'introduction d'une déclaration de patrimoine pour ces mêmes parlementaires, de l'obligation de déclaration des réunions entre députés européens et représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers et de l'instauration d'un régime interne de protection des « lanceurs d'alerte » ;

- prend note de la détermination du Parlement européen dans sa volonté d'aboutir à la mise en place d'un organisme éthique européen indépendant.

3. L'encadrement européen de l'activité des représentants d'intérêts

La commission des affaires européennes souhaite joindre l'examen de la proposition de directive COM(2023) 637 final destinée à mieux encadrer l'activité des représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers à celui du projet d'accord interinstitutionnel visant à créer un organisme éthique interinstitutionnel et de la proposition de directive de lutte contre la corruption, examinée ci-après, car elle constate que la transparence de l'activité de représentation d'intérêts, qui a pour but d'influencer l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques européennes, doit être garantie pour préserver un fonctionnement satisfaisant du débat démocratique.

La commission des affaires européennes, en conséquence :

- salue la mise en place, en 2021, d'un registre commun de transparence pour l'enregistrement des représentants d'intérêts souhaitant rencontrer les membres et personnels du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne, et confirme la pertinence du code de conduite qui leur est imposé ;

- s'interroge cependant sur la réalité des contrôles de ce registre, qui semble, sur la base des informations disponibles, quasiment inexistante, ce qui justifie sa proposition de confier ces contrôles au comité d'éthique européen ;

- s'inquiète du risque d'instrumentalisation de l'activité de représentation d'intérêts par des pays tiers désireux de fragiliser l'Union européenne et ses États membres ;

- prend acte de la proposition de directive mais constate que, loin de renforcer le contrôle des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers, cette réforme semble amoindrir ce contrôle en introduisant une procédure d'enregistrement unique pour l'Union européenne basée sur une base juridique faible (l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif au développement du marché intérieur), tout en laissant le choix de l'État membre d'inscription aux représentants d'intérêts (ce qui engendre le risque qu'ils s'inscrivent tous dans l'État membre le « moins disant ») et en interdisant aux États membres les plus avancés (dont la France) de maintenir des dispositions nationales plus strictes. Or, notre pays, au sein duquel la HATVP contrôle le répertoire national des représentants d'intérêts, fait partie des États membres les plus avancés pour lesquels la réforme signifierait un recul des exigences par le biais d'une « uniformisation par le bas » ;

- estime en outre que la scission du contrôle des activités des représentants d'intérêts entre un contrôle des activités pour le compte de pays tiers, régi par la proposition de directive, et les autres activités de représentation d'intérêts, serait une source de complexité pour les acteurs et ne tient pas compte de la réalité de la corruption, qui peut, certes, être motivée par une action d'ingérence étrangère mais aussi, par exemple, par la volonté d'une entreprise de gagner un marché public ou d'obtenir un arbitrage politique favorable ;

- souhaite par conséquent que le dispositif proposé soit remplacé par les principes suivants : mise en oeuvre, par les États membres, des recommandations du rapport annuel sur l'État de droit relatives aux représentants d'intérêts ; intégration pleine et entière des institutions européennes et de leur registre de transparence dans le champ de la réforme visant à mieux encadrer l'activité des représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers ; suppression de la disposition interdisant à un État membre d'aller plus loin dans la régulation des représentants d'intérêts ; insertion d'une exception d'ordre public ou de sécurité nationale permettant à un État membre de refuser la reconnaissance d'un représentant d'intérêts enregistré dans un autre État membre ; affirmation du principe de coopération loyale et de l'échange d'informations entre autorités nationales compétentes au sein du réseau européen d'éthique publique, constitué par la HATVP.

4. Le statut et le financement des partis politiques européens

La commission des affaires européennes constate que la prévention de la corruption et des ingérences étrangères au niveau européen passe également par un renforcement des dispositions encadrant le financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes. Ces derniers, qui contribuent à l'expression des citoyens des États membres de l'Union européenne lors des élections européennes, doivent pouvoir agir en toute indépendance. Ainsi, elle souhaite réitérer les préconisations de la résolution européenne du Sénat n°122 du 21 mars 2022, à savoir :

- marquer son opposition au dispositif de la proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes COM(2022) 734 final qui autoriserait les partis politiques européens à bénéficier, dans la limite de 10% des contributions totales versées par leurs membres, de contributions financières versées par des partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l'Europe, en ce qu'il favoriserait les ingérences étrangères dans leur fonctionnement ;

- s'interroger de nouveau sur l'opportunité de maintenir la possibilité pour les partis politiques européens d'être financés par des personnes morales, au regard de la nécessaire préservation de l'intégrité des élections européennes contre toute tentative de manipulation.

B. AMÉLIORER LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

1. Un soutien clair à l'adoption rapide de la proposition de directive de lutte contre la corruption

La commission des affaires européennes souhaite tout d'abord affirmer que la lutte contre la corruption doit être et demeurer une priorité des politiques européennes. Dans ce cadre, elle appelle les États membres à tirer toutes les conséquences des recommandations de la Commission européenne, formulées dans le cadre du suivi annuel de l'État de droit. Constatant cependant que les institutions européennes ne font l'objet d'aucun suivi en matière d'État de droit, elle propose que le futur comité d'éthique européen à créer soit en charge de ce suivi annuel du respect de l'État de droit par les institutions européennes elles-mêmes, en particulier en matière de lutte contre la corruption et de prévention des conflits d'intérêts.

Sur ce fondement, tout en déplorant le caractère tardif de son dépôt, la commission des affaires européennes salue tout d'abord l'ambition de la proposition de directive de lutte contre la corruption, en particulier concernant l'harmonisation de la définition des infractions des faits de corruption et celle de leur sanction.

Plus spécifiquement, elle :

déplore l'absence d'analyse d'impact et rappelle sa position de principe demandant à la Commission européenne de joindre une telle analyse à chacune de ses initiatives normatives ;

appelle à une clarification des définitions posées par le texte, pour supprimer des mentions inexactes (« haut fonctionnaire politique »), ou des ambiguïtés (ainsi, la notion d'« agent de haut niveau », qui mêle en pratique les membres du gouvernement, les parlementaires et les fonctionnaires, devrait être remplacée par le diptyque usuel « agents publics » et « responsables publics ») ;

souhaite que la définition envisagée des organismes spécialisés dans la prévention de la corruption maintienne une exigence d'indépendance statutaire ou fonctionnelle, afin de préserver une « harmonisation par le haut » des dispositifs des États membres dans le domaine de la lutte contre la corruption. Elle constate à cet égard que la HATVP répond pleinement à cette définition et que l'agence française anticorruption (AFA), qui n'est pas une autorité administrative indépendante mais dispose d'une autonomie fonctionnelle et notamment de son propre budget, pourrait également y répondre, sans préjudice de l'évolution à venir de son statut ;

- estime que l'obligation d'information sur l'exercice de leurs activités imposée aux organismes de répression de la corruption doit être conciliée avec le maintien de l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites ;

prend acte de l'extension de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de défaut de surveillance et de contrôle, mais demande, dans ce cadre, la préservation des spécificités de la responsabilité pénale des collectivités territoriales (responsabilité pénale « conditionnée ») et du régime applicable aux élus locaux en cas de délit non intentionnel (« Loi Fauchon ») actuellement prévus en droit français, dans l'hypothèse où une collectivité territoriale serait mise en cause pénalement pour défaut de surveillance ou de contrôle d'un de ses agents ;

se félicite de l'évolution des discussions au Conseil sur les délais de prescription des infractions en matière de corruption, qui devrait permettre de revenir sur les propositions initiales - trop longues au regard du droit français en vigueur - et appelle à l'harmonisation de ces délais à 6 ans (délai applicable en droit français pour de telles infractions).

2. La volonté de renforcer « l'arsenal » juridique et opérationnel contre la corruption

En complément du soutien exprimé au dispositif de la proposition de directive de lutte contre la corruption, la commission des affaires européennes souhaite conforter les dispositifs opérationnels européens visant à combattre les réseaux criminels, qui sont à l'origine d'un grand nombre de faits de corruption, et rappeler que les exigences de la lutte contre la corruption font partie de l'acquis communautaire. Elle :

- préconise une action plus ferme contre les réseaux de criminalité qui réalisent, pour 60 % d'entre eux, des actions de corruption et procèdent, pour 70 % d'entre eux, à des opérations de blanchiment : soutient le renforcement des moyens d'Europol et, en France, de l'office central pour la répression de la délinquance financière de la police judiciaire et de Tracfin118(*) ; appuie la feuille de route de l'Union européenne en matière de lutte contre le trafic de drogue, adoptée le 18 octobre 2023, qui préconise en particulier de « suivre l'argent » des réseaux criminels pour faciliter leur démantèlement et demande un déploiement rapide de « l'alliance des ports européens » annoncée le 24 janvier dernier, qui doit mobiliser autorités politiques, services répressifs, grands acteurs portuaires et compagnies maritimes contre le trafic de drogue et les « chaînes de corruption » que ces réseaux ont implantées ;

- approuve l'accord intervenu le 12 décembre 2023, sur l'actualisation de la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs, qui renforce les dispositifs de recouvrement de ces avoirs119(*) et étend le champ possible des confiscations, et celui obtenu, le 13 décembre 2023, sur la révision de la réglementation européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux120(*). En complément, soutient la candidature de Paris pour héberger le siège de la nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) ;

- constate les premiers résultats positifs obtenus par le Parquet européen contre les infractions de corruption et de blanchiment portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et encourage l'approfondissement de sa coopération opérationnelle avec les autorités et services compétents des États membres 121(*) ;

- observe avec satisfaction que la lutte contre la corruption est confirmée comme l'une des priorités de la PESC, ainsi que des politiques d'élargissement et de voisinage de l'Union européenne, dans la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 3 mai 2023 ;

- demande que l'Union européenne et les États membres veillent à obtenir de l'ensemble des pays candidats (Ukraine ; Moldavie ; Bosnie-Herzégovine et autres pays des Balkans occidentaux ; Géorgie), le respect intégral de l'acquis communautaire en matière de lutte contre la corruption.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

14 FÉVRIER 2024

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Mes chers collègues, à la suite du scandale du « Qatargate », les institutions européennes ont - dans l'urgence - proposé plusieurs réformes relatives à l'éthique et la prévention de la corruption. Au nom de notre commission, nous avons décidé, avec Didier Marie et Claude Kern, mes corapporteurs, de mener à ce sujet un travail d'auditions approfondi pendant plusieurs mois et de présenter nos observations et conclusions dans un rapport, une proposition de résolution européenne (PPRE) et un avis politique que nous allons vous présenter aujourd'hui.

M. Claude Kern, rapporteur. - Comme vient de le souligner le président, nous avons souhaité mener depuis plusieurs mois une réflexion sur les règles éthiques applicables et les moyens de lutter plus efficacement contre la corruption dans l'Union européenne, sur le fondement de trois textes présentés récemment par la Commission européenne, à savoir : la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai dernier, qui tend à renforcer les standards européens ; la communication de la Commission européenne proposant la création d'un organisme éthique européen qui serait compétent pour les institutions européennes, présentée le 8 juin dernier ; et la proposition de directive, présentée le 12 décembre dernier, qui tend à encadrer les activités de représentation d'intérêts, c'est-à-dire de lobbying, pratiquées pour le compte de pays tiers.

Ces initiatives importantes, dont on peut déplorer le caractère très tardif, font suite à un véritable appel à la mobilisation lancé par la présidente von der Leyen dans son discours sur l'état de l'Union, en septembre 2022, et qui avait été, avouons-le, peu repris à l'époque. Je la cite : « Aujourd'hui, je voudrais attirer l'attention sur la corruption, sous tous les visages. Qu'elle prenne le visage d'agents étrangers qui tentent d'influencer notre système politique. Ou celui de sociétés ou fondations écrans qui détournent les fonds publics. Si nous voulons être crédibles quand nous demandons aux pays candidats de renforcer leur démocratie, nous devons aussi éradiquer la corruption sur notre sol. »

Pourquoi un tel activisme de la Commission européenne ?

En effet, la corruption n'est ni nouvelle ni spécifique à l'Union européenne. On peut même souligner que, selon les indices développés par l'organisation Transparency international, l'Union européenne est l'ensemble politique le moins corrompu de la Planète avec onze de ses vingt-sept États membres parmi les vingt pays du monde les moins corrompus - le Danemark est premier de ce classement, la France vingtième ex æquo avec l'Autriche.

La lutte contre la corruption est, de plus, une obligation internationale et une exigence européenne. Rappelons, à titre d'exemple, l'action du Groupe d'États contre la corruption du Conseil de l'Europe (Greco), qui fait référence.

L'Union européenne elle-même, au fil des ans, a bâti un édifice de lutte contre la corruption avec des cadres juridiques spécifiques concernant les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, le blanchiment des capitaux et le gel et la confiscation des avoirs criminels.

De plus, elle dispose de nombreux organes pour coordonner et soutenir les enquêtes des États membres : l'agence de coopération policière, Europol, l'agence de coopération judiciaire, Eurojust, ou encore le Parquet européen qui enquête et mène des poursuites sur les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne.

Enfin, notre pays peut se féliciter d'avoir un système efficace, avec la pénalisation de la corruption et, plus généralement, des atteintes à la probité, comme le trafic d'influence, et avec des dispositifs de prévention rigoureux : je citerai, par exemple, les obligations de déclarations d'intérêts et de patrimoine des responsables publics contrôlées par une autorité indépendante, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Nous avons également une stratégie nationale anticorruption mise en oeuvre par l'agence française anticorruption (AFA). Par ailleurs, la coopération opérationnelle entre services compétents est satisfaisante. On peut évoquer, à titre d'exemple, le réseau européen d'éthique public mis en place par la HATVP ou la coordination de Tracfin, la cellule de renseignement financier, avec ses homologues européens.

Mais la situation est fragile : selon la Commission européenne, le montant annuel de la corruption en Europe est estimé à 120 milliards d'euros.

Dans sa stratégie sur l'Union de la sécurité, ainsi que dans celle qui vise à lutter contre la criminalité organisée pour la période 2021-2025, l'Union européenne a reconnu la vulnérabilité spécifique, à l'égard des faits de corruption, des secteurs de la santé, des transports, de la construction, du traitement des déchets, de l'aérospatial et de la défense, de l'agriculture et de l'agroalimentaire, du travail et de la protection sociale.

En outre, la situation des États membres est variable à l'égard de la prévention et de la lutte contre la corruption. Les rapports annuels de la Commission européenne sur l'État de droit sont à cet égard des outils très utiles pour illustrer les différences de procédures et, parfois, de volonté politique des États membres sur ce dossier. Ainsi, l'Allemagne est très opposée à ces directives, ce qui ne laisse pas de nous interroger. Si, en 2023, la France a reçu une évaluation plutôt favorable, elle a été cependant incitée à veiller à ce que les règles relatives à l'encadrement du lobbying soient appliquées de manière cohérente, « y compris au plus haut niveau de l'exécutif ».

Il faut plus généralement constater que l'absence de transparence dans la relation avec les représentants d'intérêts est mise au jour comme la principale fragilité des législations nationales dans treize États membres : Autriche ; Belgique ; Croatie ; Espagne ; Hongrie ; Italie ; Lettonie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Pologne ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie. D'autres États membres sont incités fermement à lutter contre la corruption à haut niveau, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Grèce, l'Espagne, la Hongrie, Malte ou la Pologne.

L'Union européenne a donc décidé d'intervenir toujours plus dans les affaires des États membres, rappelant, pour se justifier, que la transparence et l'intégrité étaient des principes nécessaires à la démocratie, aux droits de l'Homme et à l'État de droit, valeurs de l'Union européenne affirmées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE). Les politiques nationales de lutte contre la corruption sont donc scrutées au niveau européen dans les rapports sur l'État de droit et dans le cadre du Semestre européen. En outre, dans le cadre du régime de conditionnalité État de droit, la Commission européenne peut recommander au Conseil d'imposer des mesures budgétaires aux États membres qui seraient en infraction avec le droit de l'Union européenne applicable en la matière.

En complément, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), soit lors d'une action en manquement de la Commission européenne, soit à l'occasion d'une question préjudicielle, peut rappeler un État membre à l'ordre. Elle n'a pas hésité à le faire, fin 2021, à l'égard de la Roumanie en jugeant qu'une législation du pays sur la corruption telle qu'interprétée par sa Cour constitutionnelle faisait courir un « risque systémique d'impunité ».

Cependant, le fonctionnement des institutions européennes elles-mêmes n'est pas non plus sans fragilité au regard des règles éthiques, ce qui pose des difficultés à l'heure où l'Union européenne a gagné de nombreuses prérogatives depuis 2019, dans le numérique, pour la transition verte, mais aussi dans le développement d'une politique de l'État de droit. En effet, comment la Commission européenne pourrait-elle demeurer crédible lorsqu'elle formule ses recommandations sur l'État de droit aux États membres si son propre fonctionnement n'est pas conforme à ce principe ?

Bien sûr, au sein de ces institutions, des règles et des codes de conduite déontologiques existent, ainsi que des instances internes pour veiller à leur application, mais, disons-le, ces règles et ces instances doivent aujourd'hui être mises à niveau contre les risques de corruption et d'ingérence étrangère. La Cour des comptes de l'Union européenne avait d'ailleurs demandé cette mise à niveau en 2019.

Signalons également le rôle précieux de « lanceuse d'alerte éthique » de la Médiatrice de l'Union européenne, Mme Emily O'Reilly, qui a enquêté avec courage sur certains manquements des institutions européennes : on peut citer son enquête démontrant l'absence de contrôle des « pantouflages » entre institutions européennes et secteur privé ou encore sa décision du 20 décembre dernier concluant à une « mauvaise administration », du fait de l'absence de transparence de la direction générale de la santé de la Commission européenne sur ses relations avec l'industrie du tabac.

Enfin, le scandale dit du « Qatargate », qui a éclaté en décembre 2022 et révélé que plusieurs parlementaires européens auraient accepté de monnayer leurs votes au profit de pays tiers, en l'espèce le Maroc et le Qatar, a semé le doute dans l'esprit de nos concitoyens sur l'intégrité des élus et a, de ce fait, constitué un électrochoc.

C'est dans ce cadre qu'avec Didier Marie et Jean-François Rapin, nous avons mené un travail approfondi d'auditions sur la situation de nos États membres et de l'Union européenne par rapport aux défis de la prévention et de la lutte contre la corruption. Ce travail nous conduit aujourd'hui à vous proposer un rapport, une PPRE adressée au Gouvernement et un avis politique adressé à la Commission européenne, dont la rédaction est similaire.

Soyons clairs, dans ce contexte, nous ne souhaitons pas nous dresser en donneurs de leçons par rapport aux institutions européennes, mais nous sommes soucieux de l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi nous ne voulons pas que sa seule réponse aux fragilités évoquées soit l'inaction et le déni. Sur la base de cette évaluation réaliste de la situation, mes corapporteurs vont maintenant vous présenter les textes en discussion et nos préconisations pour mieux prévenir et mieux combattre la corruption dans l'Union européenne.

M. Didier Marie, rapporteur. - Mes chers collègues, je voudrais maintenant insister sur la nécessité de mieux prévenir la corruption dans l'Union européenne.

À cet égard, la proposition de directive de lutte contre la corruption, dans ses articles 3 et 4, demande aux États membres d'adopter de véritables mesures de prévention harmonisées - campagnes de sensibilisation et de formation, transparence des décisions administratives, encadrement strict des appels d'offres des marchés publics, ou encore établissement de règles claires de prévention des conflits d'intérêts -, et de désigner un ou plusieurs organes spécialisés pour assurer le respect de ces mesures. Disons-le tout de suite, ces dispositions ont surtout vocation à contraindre les États membres les plus en retard à bouger sur ce dossier. La France, elle, remplit déjà ces obligations ; elle va même au-delà, grâce à sa stratégie nationale, et à l'action de l'AFA et de la HATVP.

Ces exemples nous amènent à demander dans notre résolution que les organes spécialisés dans cette prévention soient bien indépendants. Sinon, les dispositions prévues seront sans effet.

Je veux ensuite m'arrêter sur la proposition de création d'un organisme éthique de l'Union européenne, qui constituait une promesse de la Commission von der Leyen au début de son mandat, mais qui n'a été présentée que le 8 juin dernier, en réaction au « Qatargate ».

En pratique, la création de cet organisme serait rendue effective par un accord interinstitutionnel signé par neuf institutions européennes -Parlement européen ; Conseil européen ; Conseil de l'Union européenne ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne ; Banque centrale européenne ; Cour des comptes de l'Union européenne ; Comité économique et social ; Comité des régions. Cet organisme servirait de forum d'échanges de bonnes pratiques entre ces institutions dans le domaine de la transparence et de l'intégrité, et proposerait des lignes directrices déontologiques pour leurs membres - mais pas pour leurs personnels -, le tout sur la base du consensus. Concernant la composition de l'organisme, un représentant de chaque institution concernée y siégerait pour cinq ans et cinq experts participeraient à ses débats, mais avec un statut d'observateur. Enfin, les moyens administratifs alloués à la structure seraient très faibles : 600 000 euros de budget annuel et un secrétariat dirigé par la Commission européenne composé de 2 équivalents temps plein (ETP), aidés en tant que de besoin par les chefs de service compétents des institutions participantes. L'organisme serait même hébergé dans les locaux de la Commission, qui invoque des contraintes budgétaires pour justifier ces choix.

Parlons franchement, ce qui est présenté par la Commission européenne comme un premier pas vers un renforcement des règles européennes de transparence et d'intégrité est une déception. Dans le fond, comme l'a avoué la vice-présidente Jourová lorsque nous avons échangé avec elle, toutes ces institutions européennes veulent rester souveraines pour décider de leurs règles, par exemple en matière de « pantouflage » ou de conflits d'intérêts. Toutes invoquent les principes d'équilibre et d'autonomie institutionnels pour justifier le fait que l'organe éthique envisagé ne pourrait rien leur imposer, mais à notre sens, cet argument juridique cache surtout une faible volonté d'aboutir. Seul le Parlement européen, en première ligne dans l'affaire du « Qatargate », milite pour un organe éthique qui aurait des pouvoirs de contrôle.

Nous partageons cette position, surtout que, depuis 2019, à traité constant, les institutions européennes ont vu leurs prérogatives s'accroître sensiblement pour assurer les transitions numérique et écologique, répondre en urgence aux déstabilisations liées à la guerre en Ukraine et développer une politique de l'État de droit. Dans le même temps, les règles de transparence et d'intégrité de ces institutions, qui étaient déjà présentées comme largement perfectibles en 2019 dans le rapport précédemment évoqué de la Cour des comptes de l'Union européenne, n'ont, elles, pas évolué.

À l'heure actuelle, dans son rapport annuel sur l'État de droit, la Commission européenne évalue la situation de la justice, les actions de lutte contre la corruption ou encore l'équilibre des pouvoirs dans chaque État membre, et émet des recommandations à ce titre. Pour qu'une telle évaluation soit crédible, les institutions européennes doivent à tout le moins respecter elles-mêmes strictement les principes de transparence et d'intégrité résultant des valeurs proclamées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne.

Nous sommes convaincus de la nécessité impérative de maintenir la confiance des citoyens dans les institutions européennes et de garantir que ces dernières leur rendent des comptes sur leur fonctionnement ; nous sommes donc favorables à la mise en place d'un organe éthique indépendant et plus ambitieux, que nous souhaitons, pour des raisons de clarté, appeler « comité d'éthique de l'Union européenne », formulation plus lisible que celle d'« organisme éthique interinstitutionnel ».

Dans notre rapport, sur la base d'une étude juridique poussée établie pour le Parlement européen, ainsi que de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne, nous constatons que les principes d'équilibre et d'autonomie institutionnels ne s'opposent pas à l'application pleine et entière des principes de transparence et d'intégrité issus de l'État de droit. Ce constat est avéré tant pour les États membres que pour les institutions européennes. Je vous renvoie à l'arrêt Commission contre Pologne du 5 juin 2023, dans lequel la CJUE affirmait que « l'article 2 du TUE contient des valeurs qui relèvent de l'identité même de l'Union en tant qu'ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes ».

Par ailleurs, la doctrine Meroni, dégagée par la Cour depuis 1958, permet aux institutions européennes de déléguer certaines de leurs prérogatives à un organisme tiers. Il n'y a donc pas d'obstacle juridique à la création d'un comité d'éthique avec des pouvoirs d'enquête.

Pour des raisons de cohérence, nous proposons que le comité d'éthique soit compétent pour examiner les règles déontologiques applicables aux membres de ces institutions, mais aussi à leurs agents publics. Les statuts de la fonction publique européenne ne s'y opposent pas ; il suffirait d'y ajouter une référence au comité.

Le comité d'éthique devrait pouvoir s'autosaisir d'une difficulté éthique et enquêter à son sujet, avant de rendre un avis à l'institution concernée, qui demeurerait seule en droit de prendre des décisions de conformité. Cet organisme pourrait également, comme la HATVP en France, contrôler les déclarations d'intérêts des membres des institutions européennes concernées, ainsi que le registre commun où doivent s'enregistrer les représentants d'intérêts qui souhaitent rencontrer les membres des institutions européennes. Ce registre existe déjà, mais son contrôle semble très léger aujourd'hui. Enfin, ce comité indépendant pourrait être chargé d'évaluer chaque année le respect effectif de l'État de droit par les institutions européennes, dans un rapport qui pourrait être joint à celui de la Commission européenne sur les États membres.

Afin que le comité d'éthique assume ces pouvoirs en toute indépendance, nous proposons d'inverser les règles retenues pour sa composition : nous recommandons que les cinq experts indépendants, désignés d'un commun accord par les institutions, en soient les membres permanents ; les représentants des institutions participantes devraient venir se joindre à leurs débats en tant que de besoin, avec un statut d'observateur. Nous suggérons aussi que la Médiatrice de l'Union européenne puisse siéger intuitu personæ au comité.

Le financement du comité d'éthique serait rendu possible par des redéploiements de budgets et d'effectifs. Ainsi, la dizaine d'agents européens qui travaillent aujourd'hui au secrétariat du registre commun de transparence pourraient être détachés auprès du comité. Par ailleurs, pour mener ses enquêtes, celui-ci devrait pouvoir s'appuyer sur les services existants de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf).

En complément, nous souhaitons saluer les réformes éthiques internes menées au sein du Parlement européen tout au long de 2023 pour tirer les leçons du « Qatargate », avec, par exemple, l'adoption d'un nouveau format de déclarations d'intérêts plus précis pour les députés européens, une transparence nouvelle sur leurs réunions avec des lobbyistes, ou encore des restrictions nouvelles dans l'accès aux locaux du Parlement, en particulier pour les anciens députés faisant du lobbying.

Enfin, nous estimons que la prévention de la corruption passe aussi par un meilleur encadrement des règles de financement des partis politiques européens et nous rappelons les observations de notre résolution européenne du 21 mars 2022, adoptée sur le rapport de Jean-François Rapin et Laurence Harribey et marquant notre opposition à l'assouplissement proposé du financement de ces partis européens par des partis installés dans des pays du Conseil de l'Europe. Le Sénat s'interrogeait aussi, dans cette résolution européenne, sur la pertinence du maintien de l'autorisation du financement de ces partis par des personnes morales, donc par des entreprises, ONG ou fondations susceptibles de travailler pour le compte de pays tiers.

Voilà nos principales propositions quant à la prévention de la corruption. Jean-François Rapin va maintenant évoquer la proposition de la Commission européenne visant à encadrer le lobbying exercé pour le compte de pays tiers, ainsi que les mesures opérationnelles contre la corruption.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - De fait, toujours pour prévenir la corruption, la Commission européenne a également décidé d'encadrer les activités de représentation d'intérêts pour le compte de pays tiers. C'est l'objet de la proposition de directive COM (2023) 637 final.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l'Union européenne et les États membres ont pris conscience de l'ampleur des ingérences étrangères - russes, mais aussi chinoises, par exemple - qui ont pu perturber le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Au Sénat, après les travaux de notre ancien collègue André Gattolin sur de telles ingérences dans le milieu universitaire et ceux qui ont été menés sur les agissements du réseau social TikTok, je rappelle qu'une nouvelle commission d'enquête sur les ingérences étrangères va mener ses investigations au cours des prochains mois. Nos réflexions pourront l'éclairer utilement.

Le texte de la Commission européenne concerne la fourniture d'un service de représentation d'intérêts dans l'UE à une entité d'un pays tiers, cette dernière notion recouvrant à la fois le gouvernement central et les pouvoirs publics d'un tel pays, mais aussi les structures publiques ou privées qui en relèvent, ainsi que toute activité de représentation d'intérêts directement exercée par une telle entité. En revanche, le dispositif proposé exclut les activités diplomatiques officielles et les activités de conseil juridique dans le cadre d'un contentieux.

La réforme consiste à instituer une procédure d'enregistrement unique pour les personnes exerçant une activité de représentation d'intérêts pour le compte d'un pays tiers, qui comprendrait une inscription de la personne concernée sur le registre national de l'État membre où elle a son lieu d'établissement principal, ainsi que la transmission des informations nécessaires à son identification et à celle de ses clients, dont certaines seraient rendues publiques. Ensuite, si ces informations étaient complètes, l'inscription serait effectuée par l'autorité nationale compétente dans un délai de cinq jours et l'entité se verrait alors délivrer un numéro d'identification unique. La procédure d'enregistrement vaudrait alors pour les vingt-sept États membres. Enfin, il faut noter que la proposition de directive est un texte d'harmonisation maximale : son article 4 interdit aux États membres de maintenir ou conserver des dispositions légales plus souples, mais également plus strictes, que son dispositif.

Le principe d'une régulation européenne des représentants d'intérêts doit assurément être soutenu. Cependant, la réforme proposée comporte plusieurs défauts structurels.

En premier lieu, le texte est fondé sur une base juridique insuffisante, à savoir les dispositions de l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif au développement du marché intérieur. En effet, la réforme est relative à une activité spécifique dont l'objectif est d'influencer les décisions politiques nationales et européennes et, par conséquent, notre fonctionnement démocratique. La base juridique de la proposition de directive devrait donc a minima être complétée par une référence à l'article 2 du TUE relatif à la démocratie et aux valeurs de l'Union européenne.

En deuxième lieu, la proposition ne tient pas compte de la réalité de l'activité de représentation d'intérêts. En pratique, les cabinets et lobbyistes professionnels exercent des activités de représentation d'intérêts à la fois pour le compte de pays tiers et pour des acteurs européens, publics et privés. En scindant artificiellement cette activité en deux, le texte risque de créer deux régimes juridiques distincts et, ce faisant, des charges inutiles pour les États membres, telle l'obligation de mise en oeuvre d'une procédure d'enregistrement spécifique aux délais très serrés, cinq jours contre deux mois en France aujourd'hui.

En troisième lieu, la proposition est fondée sur le choix d'une uniformisation des législations nationales, choix d'autant plus contestable qu'elle ne consiste pas en un alignement vers le haut des règles européennes sur celles des États membres les plus avancés, tels que l'Allemagne, l'Irlande ou la France, qui dispose d'un répertoire national des représentants d'intérêts contrôlé par la HATVP.

Or ces États membres conserveront certainement des exigences légales distinctes pour réguler les autres activités de représentants d'intérêts. En outre, les 27 ont mis en place des modalités de contrôle, plus ou moins rigoureuses, du lobbying. De fait, les représentants d'intérêts vont comparer ces différences et seront enclins à s'établir et s'enregistrer dans l'État membre le moins exigeant.

Voilà pourquoi nous demandons, dans notre proposition de résolution européenne, que soit affirmé le principe de l'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers sur un registre national - ce n'est pas encore le cas dans tous les États membres -, mais aussi que soit supprimée la disposition de l'article 4 qui empêche les États membres de conserver des dispositions plus ambitieuses. Nous souhaitons également une harmonisation des critères exigés, sur la base des règles applicables en France, et nous entendons promouvoir le principe de l'échange d'informations entre autorités nationales compétentes dans le cadre du réseau européen d'éthique publique des autorités européennes instauré autour de la HATVP. Nous y rappelons enfin la nécessité d'intégrer les institutions européennes et leur registre des lobbyistes dans le champ de ce dispositif.

Enfin, il me revient de présenter rapidement les mesures opérationnelles nécessaires pour mieux lutter contre la corruption, une fois qu'elle a été détectée, si les dispositifs de prévention ne sont pas suffisants à l'empêcher.

À cet égard, je rappellerai deux constats importants : d'une part, l'infraction de corruption est souvent invisible et sert presque toujours à commettre une autre infraction grave, du blanchiment de capitaux au trafic de drogue ; d'autre part, la corruption est massivement pratiquée par les réseaux de criminalité organisée. Selon Europol, 60 % de ces réseaux en font usage.

D'où la nécessité de réprimer sévèrement la corruption et les autres atteintes à la probité, telles que le trafic d'influence, les détournements de fonds publics ou l'entrave à la justice. C'est le sens des principales dispositions de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption, qui, pour la première fois, définit ces infractions au niveau européen et prévoit des sanctions dissuasives, là encore parfaitement compatibles avec le droit français.

Nous vous proposons de soutenir ces dispositions, qui sont parmi les plus importantes qu'ait proposées la Commission von der Leyen. Quel dommage qu'elles aient été présentées en fin de mandat, ce qui oblige les négociateurs européens à se presser !

Nous faisons, sur ce point, deux observations de fond dans notre proposition de résolution.

Tout d'abord, après avoir constaté que la proposition de directive étend les possibilités de poursuivre les personnes morales au pénal pour corruption, non seulement lorsque l'un de leurs dirigeants a entrepris des actions de corruption en leur nom, ce qui est déjà possible aujourd'hui, mais également lorsque les faits de corruption ont été permis par un « défaut de surveillance ou de contrôle » de la part de ces personnes morales, nous demandons solennellement que ce nouveau cadre européen maintienne les règles équilibrées qui existent aujourd'hui en France pour rechercher la responsabilité pénale des collectivités territoriales - qui sont des personnes morales - et de leurs élus : pour rappel, la responsabilité pénale des collectivités territoriales est limitée aux infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégations de service public. Quant aux élus locaux, en vertu des dispositions du code pénal issues de la loi du 10 juillet 2000, dite loi Fauchon, en cas de délit non intentionnel, ils ne peuvent être mis en cause que s'il est établi qu'ils ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer.

Ensuite, les délais de prescription prévus dans la version initiale du texte - dix et quinze ans pour les principales infractions - sont excessivement longs au regard de tous ceux qui existent en Europe ; nous demandons leur alignement à six ans, durée prévue en droit français pour de telles infractions. Ce délai s'est en effet révélé pertinent dans les affaires de délinquance financière.

La lutte contre la corruption nécessite des mesures opérationnelles plus fermes, visant à en éradiquer les causes, qui tiennent, le plus souvent, à l'action des réseaux de criminalité. Nous préconisons ainsi un soutien renforcé aux services de police et de douane, ainsi qu'aux procureurs chargés de combattre ces réseaux, et nous souhaitons une mise en oeuvre rapide des initiatives de coopération européenne annoncées, telles que l'Alliance européenne des ports présentée le 24 janvier dernier, qui vise à permettre à la police, aux douanes, aux compagnies maritimes et aux autorités portuaires d'établir des stratégies communes pour chasser le trafic de drogue des enceintes portuaires et y détruire les chaînes de corruption que les trafiquants ont instaurées à Anvers, Rotterdam ou Hambourg. Nous demandons que cette alliance concerne aussi les grands ports français, en particulier Le Havre, Marseille, Calais et Dunkerque, afin que ceux-ci ne subissent pas un déplacement de l'activité des trafiquants.

Parmi les mesures opérationnelles efficaces contre les corrupteurs, on compte aussi les règles permettant de suivre l'argent de la corruption et de le confisquer. À cet égard, nous approuvons l'accord européen intervenu en trilogue, le 12 décembre dernier, pour actualiser les règles de gel et de confiscation des avoirs criminels, et celui qui est intervenu le lendemain pour rendre plus efficace le cadre européen de lutte contre le blanchiment de capitaux. Nous affirmons aussi notre soutien à la candidature de Paris pour accueillir la nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Par notre proposition de résolution européenne, nous souhaitons également saluer et conforter l'action du Parquet européen, qui enquête et poursuit les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne. Cette institution résulte en partie des travaux de nos prédécesseurs au sein de cette commission. Or, depuis sa mise en place effective, au cours de 2021, le Parquet européen a démontré toute son utilité : au 31 décembre 2022, il avait ouvert 1 117 enquêtes et, à l'heure actuelle, 1 933 dossiers sont en cours de traitement, pour un préjudice total qui s'élève à 19 milliards d'euros. En outre, sa compétence va s'étendre très prochainement à la Pologne et, très probablement, à la Suède et à l'Irlande - rappelons que ce dispositif repose sur une adhésion spontanée des États membres.

S'il n'est pas un parquet anticorruption, le Parquet européen peut avoir à traiter de dossiers de blanchiment et de corruption. Au 31 décembre 2022, 116 de ses enquêtes concernaient des affaires de blanchiment, 87 des faits de corruption. Malheureusement, le Parquet européen n'a pas été associé à l'élaboration de la réforme. Nous avons pu échanger hier avec Frédéric Baab, le procureur européen désigné par la France, qui nous a fait part de ses préoccupations sur une éventuelle limitation des prérogatives du Parquet européen dans l'hypothèse où la proposition de directive de lutte contre la corruption serait adoptée sans modification.

C'est pourquoi nous vous proposons d'amender le projet de proposition de résolution qui vous a été adressé en amont de notre réunion de ce jour pour y manifester notre souci de laisser intactes les prérogatives du Parquet européen. Il s'agirait de faire débuter l'alinéa n° 184 de notre proposition par la phrase suivante : « Demande que le dispositif résultant des négociations de la proposition de directive COM (2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption préserve l'intégralité des compétences actuelles du Parquet européen. »

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Enfin, nous estimons que la lutte contre la corruption doit également être une priorité de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dans la mesure où elle fait partie de l'acquis communautaire. Ainsi, les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne devront, eux aussi, respecter intégralement les règles européennes en la matière s'ils souhaitent devenir un État membre de l'Union.

Le sujet que nous vous avons présenté aujourd'hui peut sembler pointu, mais il n'est pas sans conséquence ; en tout cas, il nécessite d'être clarifié, à quelques mois des élections européennes, pour nous permettre, sinon d'éviter tout à fait que des dérives comme le « Qatargate » se reproduisent, du moins de disposer d'outils pour améliorer la situation.

M. Jacques Fernique. - Merci à nos rapporteurs pour ce travail impressionnant, qui leur a permis de formuler des propositions pertinentes, ainsi que des critiques judicieuses. Je suis stupéfait par le montant annuel de la corruption en Europe, estimé au moins à 120 milliards d'euros, voire beaucoup plus si l'on y ajoute tout ce qui est lié au trafic de drogue et au blanchiment de capitaux afférent. Il est nécessaire de secouer des institutions européennes qui n'ont pas trop envie de se remettre en question : il ne faudrait pas que tout change pour que rien ne change !

J'approuve votre proposition de création d'un vrai comité d'éthique indépendant, doté des moyens financiers et logistiques nécessaires pour assurer un véritable contrôle ; il est en particulier très judicieux de faire des experts indépendants les chevilles ouvrières de ce comité, à l'inverse de la proposition de la Commission, où ils auraient un statut d'observateurs. Doter le comité de compétences d'enquête et d'une faculté d'autosaisine est également pertinent.

Concernant le contrôle des représentants d'intérêts, vous souhaitez revenir sur les nombreuses restrictions que d'aucuns voudraient mettre à l'information des autorités nationales de contrôle. Quels arguments sont avancés pour justifier de telles restrictions ?

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - La proposition émise par la Commission européenne tient compte, à l'évidence, de la grande disparité des législations nationales relatives à l'encadrement des représentants d'intérêts, en particulier de celles des États membres les moins volontaristes dans ce domaine.

M. Jacques Fernique. - Cela revient à dire que l'on est gangréné par la corruption et qu'on veut le rester !

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - De nombreux États membres n'ont pas la même perception de la corruption que nous. Lors de nos auditions, il nous a été rapporté qu'un maire élu dans une commune d'un État membre que je ne citerai pas est perçu comme ayant raté son mandat s'il n'est pas riche au terme de celui-ci ! Nous partons donc de très loin pour normaliser la situation et il n'est pas question pour nous d'accepter de revenir sur nos règles, qui sont exigeantes et ont fait la preuve de leur efficacité.

M. Jacques Fernique. - L'idée est donc d'opérer une uniformisation par le haut, plutôt sur les standards allemands, français et irlandais. Il s'agit, si j'ai bien compris, d'éviter une forme de « dumping », dans laquelle on pourrait choisir son lieu d'enregistrement pour obtenir un label constituant une porte d'entrée pour agir dans toute l'Union européenne.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - En effet, il n'est pas question d'offrir un « golden visa » à la corruption.

M. Jacques Fernique. - Même si nous ne voulons pas passer pour des donneurs de leçons, force est de constater que cette proposition de résolution, tout comme l'avis politique et le rapport d'information qui l'accompagnent, sont combatifs sur cet enjeu démocratique.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Effectivement, nous ne voulons pas passer pour des donneurs de leçons, mais nous souhaitons présenter des propositions fortes, afin de dépasser « le consensus mou » qui semble aujourd'hui exister entre les institutions européennes sur le sujet, bien loin des demandes de nos concitoyens.

Les règles éthiques applicables ne sont pas les mêmes selon les institutions européennes. Quant aux organismes de contrôle internes, ils se contrôlent eux-mêmes ! Un cas exemplaire est celui de l'Olaf qui, aux termes de son statut, est indépendant pour enquêter contre les fraudes au budget européen ou pour mener des investigations sur d'éventuels manquements administratifs dans les institutions européennes : en réalité, il travaille à titre principal pour la Commission européenne, en la conseillant ou en la représentant dans certaines instances. Son directeur est nommé par la Commission européenne et, de ce fait, il contrôle peu, contrôlant seulement le Parlement européen ou les agences européennes, où il ne compte aucun donneur d'ordre. Ce sont ces questions que nous avons essayé de régler.

L'organe d'éthique qui a été proposé par la Commission européenne est juste une tentative de synthèse a minima entre les souhaits des uns et des autres. Les 600 000 euros de budget qui lui seraient attribués, les locaux et les deux temps pleins mis à disposition montrent simplement que la Commission avait un besoin de communication politique démontrant son engagement dans la lutte contre la corruption. A contrario, nous avons souhaité saluer la réaction du Parlement européen à l'issue du « Qatargate », qui a présenté tout de suite quatorze mesures pour renforcer la prévention de la corruption dans son fonctionnement interne.

Il était temps : un article paru récemment dans plusieurs organes de presse européens, dont Le Monde, indiquait qu'environ un quart des députés européens avait été impliqué dans des faits délictueux, certains après avoir été contactés par des lobbyistes ou avoir subi des pressions de leur part

M. Claude Kern, rapporteur. - Sur place, on constate que les lobbyistes sont souvent d'anciens parlementaires.

Mme Pascale Gruny. - Lorsque j'étais députée européenne, aucun lobbyiste ne m'a jamais rien proposé. Il faut dire qu'on approche ceux qui veulent bien accepter la corruption !

M. Didier Marie, rapporteur. - Dans un certain nombre d'États membres de l'est de l'Union européenne, la culture de l'intégrité n'est pas la même que chez nous et les écarts sont plus grands que ce que l'on imagine. Le procureur français auprès du Parquet européen que nous avons vu hier nous expliquait que, dans l'un de ces pays, un maire faisant une demande de subvention européenne pouvait en détourner la moitié à son profit, et que cette pratique était courante. Sauf exception, on n'imagine pas, en France, un élu envisager de commettre un tel délit.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Il nous a également expliqué qu'il pouvait exister d'autres formes de corruption liées aux subventions européennes, contre lesquelles lutte le Parquet européen. Les montants correspondant à l'ensemble des atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, poursuivies aujourd'hui par ce dernier, s'élèvent à 19 milliards d'euros dans des affaires pouvant impliquer la mafia chinoise ou italienne.

M. Olivier Henno. - Je voudrais formuler plusieurs observations qui m'apparaissent comme autant de paradoxes. La numérisation des échanges monétaires n'a pas réduit la corruption, contrairement à ce que l'on aurait pu croire. Par ailleurs, je suis surpris que la notion d'exemplarité, intrinsèque à la démocratie, compte si peu au sein des institutions européennes. Enfin, et c'est une inquiétude pour les peuples européens, la transparence et l'intégrité constituent - outre le fait, bien sûr, de pouvoir choisir ses dirigeants - la plus-value de la démocratie. Au moment où les peuples ont parfois des doutes sur cette plus-value, il est d'autant plus important d'inviter chacun au respect de ces principes.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je suis d'accord. On n'imagine pas un seul instant en France, qu'un vote envisagé au Sénat puisse être modifié à la suite de la réception par plusieurs sénateurs « d'une valise de billets ». Or, dans certains pays, parfois proches, cette pratique constitue presque la règle.

M. Claude Kern, rapporteur. - J'ai vécu une expérience en Azerbaïdjan, lors d'une observation d'élections. Le président espagnol de notre mission d'observation a clairement été corrompu, moyennant la réception d'une valise de 1,4 million d'euros, pour modifier les conclusions de notre rapport sur le déroulement du scrutin. Il est d'ailleurs actuellement en prison.

M. Didier Marie, rapporteur. - Dans le même esprit, ce que l'on a appelé la « diplomatie du caviar » a valu l'exclusion temporaire de la délégation du pays qui en était l'auteur du Conseil de l'Europe. En outre, plusieurs personnes ont été condamnées.

On détecte mieux la corruption quand on se donne les outils pour le faire. Le plus dangereux est d'entendre que, dans certains pays, la corruption n'existe pas. Or, les tentatives de corruption par des acteurs économiques ou par des pays tiers sont des pratiques courantes. Seuls des procédures et des organismes dédiés à la lutte contre la corruption, comme ceux qui ont été instaurés en France avec l'AFA et la HATVP, peuvent réduire les opportunités de corruption et les délits.

Il y aura toujours des corrupteurs, on ne pourra pas les empêcher de corrompre, et le corrompu, sans barrière difficilement franchissable face à lui, se laissera corrompre. Il ne faut pas compter exclusivement sur l'honnêteté intellectuelle et la probité des acteurs publics, même si elles suffisent pour une grande majorité d'entre eux. D'où l'importance du cadre juridique.

On ne peut pas en conclure que la vice-présidente de la Commission européenne, Mme Vìra Jourová, et les services de la Commission européenne facilitent la corruption en ne faisant rien. Il faut constater en revanche un fonctionnement en « silo » de chaque institution, qui conduit leurs services à négliger les risques de corruption et à ne pas se donner les moyens de lutter contre ces phénomènes. C'est pourquoi nous préconisons la mise en oeuvre d'un véritable comité d'éthique de l'Union européenne, à l'instar des organes de prévention de la corruption qui ont été instaurés en France, il faut le dire, parfois après des scandales. Nous en avons tiré les conséquences. Ce comité doit être vraiment indépendant, pour éviter toute forme de pression sur son action.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Les échanges d'informations et de bonnes pratiques entre autorités de lutte contre la corruption sont aussi essentiels, à l'exemple de ceux mis en place par Tracfin, la cellule de renseignement financie,r avec ses homologues européennes, ou par les services de police nationaux des États membres avec Europol, pour dépister les réseaux mafieux.

Mme Marta de Cidrac. - Merci pour ce rapport très fourni. Je ne peux que souscrire à vos conclusions et propositions.

Le constat de l'existence de règles différentes au sein des institutions européennes soulève de nouveau la question de la nécessité d'une réforme de l'Union européenne. En effet, pourquoi chaque organisation européenne a-t-elle ses propres règles ? Vos réflexions seront très utiles à cet égard. J'ose espérer que notre gouvernement entendra et soutiendra cette proposition de résolution.

Par ailleurs avez-vous réfléchi à ce qu'il se passera ensuite, selon la réponse qui sera apportée à vos travaux ? Le risque serait qu'à l'issue de leur présentation, le Gouvernement et les institutions de l'Union européenne se contentent d'afficher quelques mesures et que tout redevienne ensuite comme avant. Que pourrait faire notre commission des affaires européennes pour faire vivre ses propositions dans le débat européen ?

Enfin, savez-vous si nos représentants auprès des institutions européennes soutiendront vos travaux ? Avez-vous déjà des échos de l'accueil qui en est fait au sein des autorités françaises ou d'autres États membres ?

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Du côté français, nous avons perçu des réactions plutôt positives, par exemple de Didier Migaud, président de la HATVP, ou du ministère de la justice. Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'agir. Cependant, du côté de la Commission européenne, les réactions ont été plus réservées.

Le Gouvernement soutiendra-t-il pour autant nos suggestions ? Je l'ignore. Tout dépendra des négociations qui se joueront à l'échelle du Conseil européen. Nous tâcherons de fixer prochainement la date d'une rencontre avec le nouveau ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Nous pourrons alors évoquer ce dossier essentiel avec lui.

La stratégie que nous essayons de proposer est assez proche du modèle français, qui peut susciter des oppositions. Le Gouvernement pourrait donc, s'il la soutient, se heurter aux objections d'autres États membres qui n'accepteraient pas un tel niveau de rigueur. Cependant, il pourrait difficilement ne pas le faire, car nous y serons attentifs.

M. Didier Marie, rapporteur. - Le risque, alors que la fin de la mandature approche et que plusieurs textes arrivent à leur aboutissement, est que l'on manque de temps pour étudier ce texte. Or il ne faut pas d'accord « au rabais ». Le gouvernement français est en phase avec ce que nous disons. Le modèle français est très vertueux, mais n'est pas partagé par tout le monde.

M. Claude Kern. - C'est juste. Le texte sur l'organe d'éthique européen a été revu à la baisse à la suite de l'intervention de plusieurs États membres qui n'en voulaient pas, dont nos voisins allemands.

La commission des affaires européennes autorise la publication du rapport d'information et adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l'Union européenne, en particulier ses articles 2, 3, 5, 6, 9, 10, 11, 13,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 15, 295 et 298,

Vu l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne,

Vu la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), adoptée le 31 octobre 2003,

Vu la Convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, en date du 21 novembre 1997,

Vu la Convention pénale et la Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe, respectivement adoptées le 27 janvier 1999 et le 4 novembre 1999,

Vu l'Acte du Conseil, du 26 mai 1997, établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne,

Vu la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé,

Vu la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal,

Vu la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE et l'accord intervenu en trilogue sur le paquet « blanchiment » le 13 décembre 2023122(*),

Vu la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne et l'accord intervenu en trilogue, le 12 décembre 2023, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au recouvrement et à la confiscation des avoirs (proposition COM(2022) 245 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 3 mai 2023, COM(2023) 234 final,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2023 établissant des exigences harmonisées dans le marché intérieur en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercée pour le compte de pays tiers et modifiant la directive (UE) 2019/1937, COM(2023) 637 final,

Vu la communication COM(2020) 605 final de la Commission européenne relative à la stratégie de l'Union européenne pour l'union de la sécurité, en date du 24 juillet 2020,

Vu la communication COM(2021) 170 final relative à la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la criminalité organisée (2021-2025), en date du 14 avril 2021,

Vu le discours sur l'état de l'Union 2022 de Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, prononcé le 14 septembre 2022, appelant à « éradiquer la corruption sur notre sol »,

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) sur la lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023, JOIN(2023) 12 final,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Cour de justice de l'Union européenne, à la Banque centrale européenne, à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions portant proposition relative à un organisme éthique interinstitutionnel du 8 juin 2023, COM(2023) 311 final,

Vu le rapport spécial n° 13 (2019) de la Cour des comptes de l'Union européenne : » Les cadres éthiques de l'Union européenne des institutions de l'Union européenne auditées : des améliorations sont possibles »,

Vu le rapport du groupe de suivi d'Europol sur l'action des réseaux criminels dans les ports de l'Union européenne du 30 mars 2023,

Vu les décisions de la Médiatrice de l'Union européenne, en particulier celles en date du 16 mai 2022, du 12 juillet 2022 et du 20 décembre 2023,

Sur le renforcement de la culture de l'intégrité et des règles de prévention de la corruption dans l'Union européenne

Sur le renforcement de la prévention de la corruption dans l'Union européenne

Considérant que l'article 3 de la proposition de directive COM(2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption impose aux États membres et aux institutions de l'Union européenne d'établir et de mettre en oeuvre des mesures effectives de prévention de la corruption suivantes : formations et campagnes de sensibilisation auprès des publics les plus exposés ; transparence des décisions administratives ; obligation pour les agents publics de rendre compte de leurs actions ; encadrement strict des appels d'offres des marchés publics ; établissement de règles claires de prévention des conflits d'intérêts ; pénalisation des infractions liées à la corruption,

Soutient les exigences bienvenues de cet article, tendant à demander aux États membres de prendre des mesures de prévention de la corruption, tant dans le secteur public que dans le secteur privé ; rappelle à cet égard que la France a déjà mis en place un plan national contre la corruption et que, dans ce cadre, les missions de prévention de la corruption sont déjà assurées avec rigueur, d'une part, par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée de la déontologie des agents publics, de la collecte, de la publication et de l'examen des déclarations d'intérêts et de patrimoine des responsables publics et de l'encadrement des activités de représentation d'intérêts et, d'autre part, par l'agence française anticorruption (AFA), responsable de l'élaboration des lignes directrices anticorruption, d'actions de sensibilisation et de formation et d'une mission d'appui aux acteurs publics et privés pour mettre en place des dispositifs anticorruption ;

Demande le maintien du critère d'indépendance imposé par l'article 4 de la proposition aux organismes spécialisés dans la prévention de la corruption, afin de garantir des standards élevés dans ce domaine dans l'ensemble des États membres ; affirme que ce critère d'indépendance est respecté, tant par le statut de la HATVP, autorité administrative indépendante dirigée par un collège de treize membres nommés pour une durée de six ans non renouvelable et non révocables, que par celui de l'AFA, organe placé auprès du ministre de la justice et du ministre du budget dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire nommé pour une durée de six ans renouvelable et jouissant de l'autonomie fonctionnelle ;

Partage l'affirmation de principe, posée à l'article 4, paragraphe 1, selon laquelle les organes chargés de la prévention de la corruption devraient « rendre accessibles au public les informations pertinentes sur l'exercice de leurs activités » mais demande de compléter le paragraphe 2 afin de prévoir que cette même obligation ne s'applique aux organes et autorités chargés de la répression des infractions liées à la corruption, que sous réserve de ne pas compromettre l'efficacité de leurs enquêtes et poursuites.

Sur le principe de la création d'un comité d'éthique de l'Union européenne

Considérant que les États membres et les institutions européennes doivent, en vertu de l'article 2 du traité sur l'Union européenne, respecter la démocratie, les droits de l'Homme et l'État de droit,

Considérant que cette obligation suppose, pour chaque institution et organe de l'Union européenne, de garantir l'intégrité de ses membres et personnels, la transparence de ses décisions, et une capacité à rendre des comptes sur son action,

Considérant que cette obligation s'impose d'autant plus fortement que, depuis 2019, dans le cadre des traités en vigueur, les compétences de l'Union européenne ont été considérablement étendues, afin d'assurer la double transition numérique et écologique, afin de consolider l'autonomie stratégique de l'Union à la suite de la pandémie de covid-19 et de l'invasion de l'Ukraine et afin de faire respecter l'État de droit,

Considérant que le rapport spécial n° 13 de la Cour des comptes de l'Union européenne précité constatait, dès 2019, que si des règles éthiques avaient bien été mises en place dans les institutions de l'Union européenne, ces dernières souffraient de nombreuses faiblesses et ne respectaient pas les standards de l'OCDE, en particulier concernant les stratégies éthiques à suivre, les procédures de vérification du respect des règles édictées, l'examen des déclarations de leurs membres, les dispositifs d'alerte éthique ou encore l'évaluation des activités pouvant être exercées par leurs membres après la cessation de leurs fonctions,

Considérant que ces fragilités ont été soulignées également par la Médiatrice de l'Union européenne dans plusieurs enquêtes menées en 2022 et 2023, notamment relatives à l'acceptation, par un ancien directeur général des services de la Commission européenne, de voyages aériens gratuits offerts par un pays tiers avec lequel il négociait un accord au nom de l'Union européenne, à l'absence de transparence d'une direction générale de la Commission européenne sur leurs relations avec l'industrie du tabac, ou aux contrôles lacunaires du « pantouflage » pratiqué par les personnels des services de la Commission européenne,

Considérant que ces carences ont été confirmées au Parlement européen par l'enquête des autorités belges sur l'affaire dite du « Qatargate », concernant plusieurs parlementaires européens soupçonnés d'avoir monnayé leurs votes au profit d'États tiers,

Considérant que, conformément à un engagement de la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, pris dès 2019, la Commission a proposé, le 8 juin dernier, la création d'un organisme éthique au niveau européen, sur la base d'un accord interinstitutionnel prévu à l'article 295 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)123(*), concernant les institutions de l'Union européenne visées à l'article 13 du traité sur l'Union européenne (TUE) (Parlement européen ; Conseil européen ; Conseil de l'Union européenne ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Banque centrale européenne (BCE), Cour des Comptes de l'Union européenne, Comité économique et social européen, Comité des régions), la Banque européenne d'investissement (BEI) étant de surcroît invitée à y participer,

Considérant que cet organisme serait mis en place pour, d'une part, garantir un échange de bonnes pratiques entre les institutions précitées, et, d'autre part, leur permettre d'établir, sur une base consensuelle, des lignes directrices éthiques minimales,

Estime que, dans son principe, la création d'un organisme éthique européen est pertinente, en tant qu'instance complémentaire des règles éthiques et codes de conduite internes à chaque institution et organe de l'Union européenne, ainsi que des actions de prévention et de contrôle des autorités nationales compétentes, de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des Comptes de l'Union européenne, de l'Office de lutte antifraude (OLAF) et du Parquet européen ;

Souligne également que ce projet forme une réponse globale à la corruption avec la proposition de directive de lutte contre la corruption, présentée le 3 mai 2023, et avec la proposition de directive établissant, dans le marché intérieur, des règles harmonisées sur la transparence des représentants d'intérêts travaillant pour des pays tiers et amendant la directive (UE) 2019/1937, présentée le 12 décembre 2023 ;

Observe, tout comme la Médiatrice de l'Union européenne, que l'expérience récente a démontré que l'autorégulation des institutions de l'Union européenne dans le domaine éthique était réelle mais insuffisante pour garantir leur transparence et l'intégrité de leurs membres ;

Confirme la pertinence du choix de l'accord interinstitutionnel comme instrument juridique, déjà utilisé pour mettre en place un registre de transparence commun au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne en 2021 ;

Ajoute cependant que l'opportunité de cet instrument se mesure à l'indépendance de l'organisme éthique envisagé, à la crédibilité de ses missions et à sa dotation en ressources humaines et en moyens financiers adaptés ;

Regrette la date - très tardive - de présentation d'une telle initiative par la Commission européenne ; relève en effet que ce calendrier conduit aujourd'hui les négociateurs européens à rechercher à tout prix un accord sur ce projet avant les prochaines élections européennes, au risque de convenir d'un compromis dépourvu d'ambition et à faible valeur ajoutée ;

Recommande enfin que l'organisme éthique envisagé soit dénommé « comité d'éthique de l'Union européenne » afin d'en assurer la lisibilité.

Sur le champ de compétences prévu pour le comité d'éthique de l'Union européenne

Sur les compétences prévues par l'accord interinstitutionnel et le principe d'autonomie institutionnelle

Considérant que l'article 6 (3) du projet d'accord précise que le fonctionnement de l'organisme n'empièterait pas sur les compétences des parties et n'aurait pas d'incidence sur leurs pouvoirs d'organisation interne respectifs,

Considérant ainsi que le Conseil de l'Union européenne, sur la base de l'avis de son service juridique, estime que les délégations des États membres siégeant en son sein ne doivent pas entrer dans le champ de compétences du comité, puisqu'elles sont déjà soumises aux règles déontologiques fixées par leurs législations nationales respectives,

Considérant que, pour sa part, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se propose de participer aux travaux du comité en tant qu'observateur, estimant que les règles éthiques qu'édicterait ce comité ne peuvent s'appliquer aux juges qui la composent, en raison de l'indépendance nécessaire à l'exercice du pouvoir judiciaire,

Considérant qu'en l'état du projet, les lignes directrices éthiques définies par le comité concerneraient les seuls membres des institutions et organes européens précités mais pas leurs personnels, au motif que leur statut les soumet déjà à des règles éthiques propres,

Observe que la Commission européenne considère la création d'un organisme éthique européen seulement chargé de constituer un forum d'échanges de bonnes pratiques éthiques et d'émettre des lignes directrices éthiques consensuelles pour les institutions de l'Union européenne participantes, comme un « premier pas » notable vers un renforcement des standards éthiques européens ; rappelle pourtant que le Parlement européen a démontré l'urgence de la mise en place d'un organisme éthique européen indépendant et chargé de pouvoirs d'enquête, afin de restaurer la crédibilité de l'Union européenne ;

Encourage, en matière d'éthique, l'échange de bonnes pratiques et l'émission de lignes directrices consensuelles qui peuvent d'ores et déjà se faire sans nécessairement instaurer un nouvel organisme, d'autant plus que les lignes directrices des codes de conduite éthiques mis en place au sein de chaque institution et organe participants - transparence, intégrité, indépendance, dignité, loyauté, discrétion, honnêteté... - convergent déjà largement et peuvent donc aisément faire l'objet d'une harmonisation ;

Constate pourtant, à la suite de la Cour des Comptes de l'Union européenne, de la Médiatrice de l'Union européenne et du Parlement européen, l'urgence du renforcement des cadres éthiques des institutions européennes ;

Demande donc la mise en place d'un comité d'éthique européen avec des prérogatives de contrôle renforcées et facilement identifiables.

Sur le principe d'autonomie institutionnelle et sur la nécessité de respecter l'État de droit 

Rappelle que l'article 13 du TUE stipule que « chaque institution [de l'Union européenne] agit dans la limite des attributions qui lui sont conférées par les traités conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci » ; souligne néanmoins que ce principe d'autonomie et d'équilibre institutionnels doit aller de pair, au titre du même article 13, avec la nécessaire « promotion », par ces institutions, « des valeurs de l'Union européenne » ainsi qu'avec la toute aussi nécessaire « coopération loyale » entre elles ;

Constate plus généralement que ces institutions doivent agir dans le respect de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'État de droit, valeurs de l'Union européenne consacrées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne (TUE) dont sont issus les principes d'intégrité et de transparence ; souligne que la Cour de justice de l'Union européenne a récemment confirmé le caractère contraignant des obligations découlant des principes concrétisant ces valeurs : « l'article 2 du TUE ne constitue pas [...] une simple énonciation d'orientations ou d'intentions de nature politique, mais contient des valeurs qui relèvent de l'identité même de l'Union en tant qu'ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement contraignantes (...) »124(*) ;

Rappelle aussi que, par une interprétation très « constructive » de la répartition des compétences entre les États membres et l'Union européenne fixée par les traités, les institutions européennes ont établi un cycle annuel de l'État de droit qui amène désormais la Commission européenne à évaluer l'indépendance de la justice, la liberté de la presse, l'efficacité de la lutte contre la corruption et même le fonctionnement des assemblées parlementaires dans chaque État membre, et à émettre des recommandations à leur intention ;

Considère que la crédibilité de l'examen, par ces institutions, du parfait respect du principe de l'État de droit par chaque État membre, est subordonnée à leur propre conformité à ce principe ; relève par ailleurs la possibilité, pour chaque institution précitée, de déléguer à cet effet certaines de ses prérogatives au comité d'éthique européen, en application de la « doctrine Meroni » établie par la CJUE en 1958125(*), dès lors que cette délégation est explicite, qu'elle concerne des pouvoirs mentionnés dans les traités, et que les prérogatives du comité sont précisément définies ; ajoute qu'une telle délégation ne remettrait pas en cause l'équilibre institutionnel prévu par les traités, dès lors que le comité n'interviendra pas dans le processus normatif européen et que ses décisions seront toujours soumises au contrôle de la CJUE ;

Souligne en conséquence la possibilité, sur ces bases juridiques, de prévoir l'institution d'un comité d'éthique européen disposant de pouvoirs de contrôle.

Sur la nature des pouvoirs du comité d'éthique de l'Union européenne

Juge utile que le comité d'éthique de l'Union européenne collecte et tienne à jour les informations pertinentes sur les normes éthiques applicables aux institutions participantes ;

Recommande d'affirmer plus explicitement le rôle du comité dans la sensibilisation aux enjeux éthiques et dans la formation des membres et personnels des institutions participantes ;

Demande que soient octroyées au comité précité, d'une part, la faculté de s'autosaisir d'une question sur l'application des règles éthiques en vigueur, soit à la suite d'informations publiques, soit sur requête individuelle et, d'autre part, une compétence d'enquête afin de lui permettre d'examiner la réalité des faits ; estime que, sur cette base, le comité doit alors être en capacité de formuler des avis - non publics - pour contribuer à la résolution des situations individuelles problématiques et, si nécessaire, des recommandations publiques126(*) ayant valeur d'orientations générales éthiques à destination de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans l'institution concernée, qui resterait seule décisionnaire ;

Souhaite que, dans le cadre de cette procédure, les personnes signalant une violation du droit de l'Union européenne bénéficient des garanties prévues par la directive (UE) 2019/1937127(*), en particulier du maintien de leur anonymat ;

Précise que, dans un souci d'efficacité et de rationalité administrative, l'attribution d'un pouvoir d'enquête au comité n'impliquerait pas nécessairement la constitution d'un nouveau corps d'enquête, une telle enquête pouvant être menée grâce au soutien opérationnel de la Médiatrice de l'Union européenne, de la Cour des comptes de l'Union européenne et de l'Office européen de lutte antifraude ;

Estime nécessaire de confier au seul comité le rôle de collecter, conserver, rendre publiques et contrôler les déclarations d'intérêts et, lorsqu'elles existent, de patrimoine, des membres des institutions européennes participantes, par analogie avec le dispositif déclaratif existant en France et la mission de publicité et de contrôle des déclarations assurée par la HATVP ;

Appelle à étendre l'obligation de déclaration d'intérêts aux directeurs et directeurs généraux des services des institutions participantes ;

Invite à envisager l'extension de l'obligation de déclaration de patrimoine à l'ensemble des membres et personnels encadrants des institutions précitées, au début et à la fin de leurs fonctions ;

Relève que la Médiatrice de l'Union européenne dénonce les conséquences négatives du caractère massif du « pantouflage » parmi les anciens députés européens, membres et personnels de la Commission européenne, sur la qualité et la transparence de l'élaboration des normes européennes ; soutient par conséquent la nécessité de confier au comité le soin de contrôler les mobilités des membres et personnels des institutions et organes participants vers le secteur privé ou vers des structures institutionnelles chargées de représenter les intérêts de pays tiers ;

Recommande de confier au comité d'éthique européen le soin d'assurer le secrétariat du registre commun de transparence prévu par l'accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 et de contrôler les obligations des représentants d'intérêts qui présentent une demande d'enregistrement sur ce registre ou qui y sont enregistrés ; considère, qu'à cette fin, les personnels des institutions concernées aujourd'hui en charge de la tenue de ce registre pourraient faire l'objet d'un détachement auprès du comité ;

Estime enfin souhaitable que, dans le cadre du suivi annuel de l'État de droit, le comité d'éthique européen établisse et présente un rapport sur le respect de l'État de droit par les institutions de l'Union européenne elles-mêmes, dans l'accomplissement de leurs missions respectives, en particulier concernant leur respect des règles de transparence, de lutte contre les conflits d'intérêts ainsi que de prévention et de lutte contre la corruption ;

Demande que les manquements aux obligations prévues par l'accord interinstitutionnel fassent l'objet par l'institution concernée, de sanctions adaptées à leur gravité et suggère que le comité d'éthique européen réfléchisse à l'harmonisation des sanctions prévues par chaque institution ; rappelle enfin que tout constat d'une infraction pénale par le comité à l'occasion de son travail d'enquête, doit donner lieu à l'information de l'autorité judiciaire compétente.

Sur les institutions relevant du champ de compétences du comité d'éthique

Confirme que les délégations nationales au sein du Conseil de l'Union européenne n'ont pas à relever du champ de compétences du comité d'éthique européen dès lors qu'elles sont soumises au corpus des règles éthiques de leur État membre ;

Juge opportun que le Président du Conseil européen et le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères puissent faire l'objet d'avis et recommandations de la part du comité d'éthique européen ;

Prend acte du souhait de la CJUE de ne siéger au comité qu'en simple observateur dans la mesure où elle devra effectivement juger les recours éventuels contre les recommandations du comité d'éthique européen et qu'elle ne peut donc être juge et partie ; appelle simultanément la Cour à actualiser ses règles internes et à maintenir la présence d'un référent déontologique en son sein, afin de respecter les standards éthiques les plus élevés ;

Demande l'extension de la compétence du comité d'éthique européen aux personnels des institutions de l'Union européenne participantes, ce qui impliquera une légère adaptation conséquente de leur statut.

Sur l'indépendance du comité d'éthique de l'Union européenne

Considérant qu'aux termes de la communication de la Commission européenne, le comité d'éthique européen serait composé d'un membre titulaire et d'un membre suppléant par institution et organe participants, désignés pour une durée de cinq ans, à charge pour les membres titulaires d'exercer sa présidence par rotation annuelle,

Considérant que siégeraient également au sein du comité, avec statut d'observateur, cinq experts indépendants, recrutés d'un commun accord par les parties en raison de leur expérience, de leur indépendance et de leurs qualités professionnelles, pour une durée de trois ans renouvelable une fois,

Considérant que le comité d'éthique européen serait installé dans les locaux de la Commission européenne, qu'il bénéficierait d'un budget annuel de 600 000 euros et qu'il disposerait d'un secrétariat dirigé par la Commission européenne et composé de deux agents à temps plein et, en tant que de besoin, des chefs d'unité compétents des institutions et organes participants,

Considérant les nombreuses agences nouvelles créées par l'Union européenne depuis 2019,

Relève que la Commission européenne entend doter le comité d'éthique de l'Union européenne de moyens réduits, concordant avec la faiblesse des missions qu'elle propose de lui attribuer ainsi qu'avec les contraintes budgétaires actuelles de l'Union européenne ;

Déplore que le comité d'éthique se trouverait de fait totalement dépendant des locaux et des moyens logistiques de la Commission européenne, et, ce faisant, bien loin des standards d'indépendance exigés des États membres par cette même Commission, en particulier dans sa proposition de lutte contre la corruption ; observe, en conséquence, que la crédibilité de ce comité serait très faible ;

Réaffirme son attachement à la maîtrise de ses engagements budgétaires par l'Union européenne et estime possible, par redéploiement des budgets prévus dans le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 pour le programme « cohésion, résilience et valeurs » et pour l'administration publique européenne, de dégager un financement adéquat pour garantir le fonctionnement satisfaisant du comité d'éthique ;

Propose d'inverser les règles de composition du comité envisagées par la Commission européenne afin de garantir sa liberté d'action en désignant :

- en tant que membres permanents de ce comité, cinq experts recrutés d'un commun accord par les institutions participantes sur la base de leur expérience, de leurs qualités professionnelles et de leur indépendance ;

- un représentant titulaire de chaque institution participante, secondé par un représentant suppléant, avec statut d'observateur, amené à siéger lorsque son institution est concernée ;

Salue les alertes utiles lancées par la Médiatrice de l'Union européenne sur les manquements aux règles éthiques européennes qui constituent également des cas de mauvaise administration, estime que la Médiatrice de l'Union européenne doit pouvoir siéger au sein du comité intuitu personae ;

Recommande une harmonisation à cinq ans de la durée des fonctions des experts et des représentants de chaque institution au sein du comité ;

Demande que les membres du comité ne soient pas révocables pendant la durée de leurs fonctions et que leur mandat ne soit pas reconductible ;

Estime nécessaire, dans ce cadre, que le comité confie systématiquement l'examen des requêtes individuelles à ceux de ses membres qui siègent en tant qu'experts indépendants, afin d'assurer la rigueur du processus et l'absence de conflit d'intérêts ;

Préconise que le comité, dès son entrée en fonction, adopte son règlement intérieur, incluant les modalités d'application des principes d'indépendance, d'intégrité, de dignité et de transparence par ses membres, et désigne, en son sein, un référent déontologue, chargé de traiter les questions éthiques susceptibles de se poser à ses membres ;

Recommande de supprimer le lien de subordination prévu dans le projet d'accord interinstitutionnel entre le secrétariat du comité et la Commission européenne ; souhaite que le secrétariat soit dirigé par l'un des agents permanents du comité, doté de l'autorité hiérarchique suffisante pour coordonner les missions confiées aux chefs d'unité des institutions participantes ; estime que ce secrétariat devrait également pouvoir bénéficier du concours de fonctionnaires détachés de ces institutions et organes, comme l'autorise le statut des personnels de l'Union européenne128(*) ;

Recommande en outre l'attribution au comité de locaux autonomes.

Sur les relations entre le comité d'éthique européen et les autres autorités compétentes

Demande la mise en place d'échanges d'information permanents et confidentiels entre le comité d'éthique de l'Union européenne et les autorités nationales compétentes, sur le modèle de ceux institués en France au profit de la HATVP, afin de permettre au comité de vérifier la véracité et la pertinence des déclarations d'intérêts qui lui sont transmises129(*) ;

Recommande que le comité, dès sa création, rejoigne le « Réseau européen d'éthique publique (ENPE) », institué par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour assurer une coopération efficace entre autorités responsables de l'éthique publique dans les États membres130(*) ;

Souhaite la mise en place d'une coopération institutionnalisée entre d'une part, la Médiatrice de l'Union européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), et, d'autre part, le comité, afin que ce dernier puisse bénéficier de leur appui dans ses investigations, dans le respect de leurs compétences respectives131(*) ;

Préconise une réforme structurelle de l'OLAF, à la fois chargé de la lutte antifraude à l'échelon européen et des enquêtes administratives internes dans les organes et agences de l'Union européenne, afin de le rendre juridiquement et fonctionnellement indépendant de la Commission européenne, en lui retirant ses missions de représentation de la Commission européenne et de préparation des normes pour cette dernière, en prévoyant la nomination de son directeur par commun accord entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, et en lui permettant de déclencher des actions antifraudes et des enquêtes administratives de son propre chef ou en réponse à une demande individuelle ;

Appelle à prévoir que, s'il constate l'existence d'une infraction pénale susceptible de constituer une atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne lors de l'examen d'un dossier, le comité d'éthique puisse en saisir le Parquet européen sans délai.

Sur les autres réformes indispensables

Sur les réformes éthiques internes du Parlement européen décidées à la suite du « Qatargate »

Considérant, qu'en décembre 2022, les révélations du scandale dénommé « Qatargate », relatif à des allégations de corruption visant certains députés européens qui auraient accepté de « monnayer » leurs voix au profit de pays tiers soucieux d'influencer certains votes de l'assemblée, ont fragilisé l'action du Parlement européen et semé le doute sur l'intégrité de l'ensemble des responsables publics dans toute l'Union européenne,

Salue en conséquence les efforts du Parlement européen pour mettre à niveau ses standards éthiques, par l'adoption des « 14 points » définis par sa Présidente Roberta Metsola en janvier 2023 ;

Se félicite en particulier de l'accès facilité aux informations sur l'activité des députés européens, de la transparence accrue des déclarations d'intérêts des parlementaires et de l'instauration d'un régime interne protecteur au profit des lanceurs d'alerte.

Sur l'encadrement de l'activité des représentants d'intérêts

Précise que la proposition de directive COM(2023) 637 final définit l'activité de représentation d'intérêts comme celle ayant pour but d'influencer l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques ou de la réglementation européennes, ou les processus décisionnels des institutions européennes, par l'organisation de réunions, d'évènements ou de conférences, par la sollicitation d'auditions ou d'échanges avec les acteurs clefs des dossiers européens ou encore par des campagnes de communication ciblées ;

Salue la mise en place, en 2021, du registre de transparence commun entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne afin de recenser les représentants d'intérêts souhaitant exercer une action d'influence auprès de ces institutions et les inciter à une réelle transparence, en leur imposant, en particulier, de rendre publics les intérêts qu'ils représentés par eux132(*) ;

Salue la transparence accrue sur les représentants d'intérêts au niveau européen depuis la mise en place du registre commun de transparence ; confirme la pertinence du code de conduite imposé aux représentants d'intérêts souhaitant s'inscrire et demeurer inscrits au registre afin d'entrer en contact avec des membres du Parlement européen, du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne ; rappelle que ce code interdit aux intéressés d'essayer d'obtenir des informations ou des décisions de manière malhonnête, de porter préjudice aux institutions européennes et d'inciter les membres de ces institutions à enfreindre les cadres éthiques qui leur sont applicables ;

Estime nécessaire de confier le contrôle de ce registre à un organe indépendant, à savoir le comité d'éthique, tant la nature des actions de contrôle du registre dévolues au secrétariat de ce dernier reste lacunaire dans la mesure où elles ne sont pas publiques et où les moyens qui y sont consacrés semblent insuffisants ;

S'inquiète également, à la suite du Parlement européen, du risque d'instrumentalisation des actions de représentation d'intérêts par des pays tiers souhaitant affaiblir les décisions des États membres et de l'Union européenne ;

Prend acte de la présentation tardive de la proposition COM(2023) 637 final précitée par la Commission européenne, le 12 décembre 2023, dont l'objectif affiché est d'établir des règles européennes harmonisées en matière de transparence de la représentation d'intérêts exercée pour le compte de pays tiers ;

Appuie le principe d'un renforcement de l'encadrement des activités des représentants d'intérêts au niveau européen mais s'interroge sur la portée véritable du dispositif proposé, qui semble en réalité amoindrir les contrôles existants sans leur substituer de procédure crédible ;

Regrette à cet égard le risque de distorsion et de complexité juridique qui pourrait résulter de la présentation d'un texte spécifiquement consacré à la représentation d'intérêts pour le compte de pays tiers dès lors que les personnes, physiques ou morales, exerçant cette activité représentent généralement des intérêts issus des États membres et de pays tiers, et que leurs éventuels manquements aux règles éthiques des institutions sollicitées ou à la législation anticorruption des États membres peuvent profiter à des acteurs privés établis dans un État membre ;

Juge par ailleurs que l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif au renforcement du marché intérieur, ne constitue pas une base juridique suffisante pour fonder une proposition qui vise également à réguler une activité ayant une influence directe sur les décisions des instances démocratiquement élues, puisqu'elle concernerait potentiellement les activités de représentation d'intérêts auprès des parlements et des gouvernements des États membres, qui ne ressortent pas de l'article 114 précité ;

Appelle, a minima, à compléter cette base juridique par une référence à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, relatif aux valeurs de l'Union européenne ;

Conteste les nombreuses restrictions à l'information des autorités nationales de contrôle des représentants d'intérêts envisagées par l'article 16, qui limiteraient la portée de leurs demandes d'information133(*) sur l'activité des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers ; considère ces limitations contraires à l'objectif d'intérêt général affiché, à savoir mieux suivre et mieux évaluer la réalité de l'activité de ces représentants d'intérêts ;

Estime disproportionnée l'obligation imposée aux autorités compétentes des États membres de communiquer entre elles par les plateformes numériques gérées par la Commission européenne, posée par la proposition de règlement COM(2023) 636 final jointe à la proposition de directive COM(2023) 637 final ;

Dénonce la latitude donnée à la Commission européenne par cette proposition, à la fois pour préciser par acte délégué134(*) la liste des informations que les représentants d'intérêts souhaitant s'inscrire sur le registre européen devraient fournir, pour collecter les données relatives à l'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers dans chaque État membre et pour coordonner de fait l'activité des autorités nationales de contrôle des représentants d'intérêts, à travers la constitution d'un groupe consultatif135(*) dont l'utilité n'est pas prouvée ;

Demande que la proposition de directive vise explicitement les institutions de l'Union européenne, en particulier, le Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne, ainsi que leur registre de transparence, au vu des lacunes de ces institutions constatées dans le contrôle des représentants d'intérêts ;

Désapprouve le dispositif prévu à l'article 4 de la proposition, qui tend de fait, non pas à harmoniser, mais à uniformiser la procédure d'enregistrement des représentants d'intérêts agissant pour le compte de pays tiers dans les États membres, en interdisant à ces derniers de prendre des dispositions plus strictes ou de maintenir un seul régime de contrôle pour l'ensemble des activités de représentation d'intérêts, d'autant plus que l'uniformisation envisagée se ferait « par le bas » et conduirait les représentants d'intérêts à préférer s'inscrire dans l'État membre « le moins disant » pour bénéficier , dès l'enregistrement effectif, d'une forme de « certificat européen » de représentation d'intérêts au profit de pays tiers ;

Constate que la transparence nécessaire sur les échanges avec les représentants d'intérêts travaillant pour le compte de pays tiers n'impose pas une telle uniformisation ;

Estime que chaque État membre, pour sauvegarder les intérêts essentiels de la Nation, doit conserver son libre choix dans la reconnaissance ou le refus de reconnaissance des représentants d'intérêts, particulièrement dans les domaines de la sécurité nationale et de la défense nationale ;

Plaide en conséquence, pour une refonte substantielle de la proposition de directive consistant en une harmonisation des procédures nationales applicables fondée sur les principes suivants : suppression de l'article 4 de la proposition qui prévoit une harmonisation maximale ; obligation d'enregistrement des représentants d'intérêts visés ; obligation de mise en place et de tenue d'un registre de transparence des représentants d'intérêts et mise en oeuvre des recommandations du rapport annuel sur l'État de droit sur la lutte contre la corruption dans chaque État membre ; harmonisation des critères applicables sur le modèle des règles françaises actuelles ; obligation de coopération loyale et d'échange d'informations entre autorités nationales compétentes sur les représentants d'intérêts dans le cadre du réseau européen existant initié par la HATVP; intégration pleine et entière des institutions de l'Union européenne et de leur registre de transparence dans le dispositif de la proposition.

Sur le nécessaire contrôle du financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes

Considérant que, conformément à l'article 10 du traité sur l'Union européenne et à l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les partis politiques européens, ainsi que les fondations qui y sont rattachées, contribuent à la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union européenne,

Considérant que l'accomplissement de cette mission suppose aujourd'hui de mieux encadrer le statut et le financement de ces formations politiques au regard du risque élevé d'ingérence étrangère et de vulnérabilité aux actions de corruption,

Considérant que ces formations politiques ne peuvent, en l'état du droit de l'Union européenne, accepter de financement, ni d'un État membre ou d'un pays tiers, ni d'une entreprise sur laquelle une telle autorité publique peut exercer une influence, ni d'une « entité privée implantée dans un pays tiers » ou de « personnes d'un pays tiers qui ne sont pas autorisées à voter aux élections au Parlement européen »,

Considérant que le financement des partis politiques par des personnes morales est totalement interdit dans certains États membres, dont la France,

Réaffirme que, pour remplir leur mission d'expression de la volonté des citoyens de l'Union européenne en bénéficiant de leur confiance, les partis politiques européens doivent faire la transparence sur leur financement et éviter tout financement qui constituerait une pression financière sur leur indépendance, position déjà exprimée dans sa résolution européenne n° 122 du 21 mars 2022136(*) ;

Rappelle donc son opposition au dispositif de la proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes COM(2022) 734 final qui autoriserait les partis politiques européens à bénéficier, dans la limite de 10 % des contributions totales versées par leurs membres, de contributions financières versées par des partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l'Europe, en ce qu'il favoriserait les ingérences étrangères dans leur fonctionnement et leur liberté d'action ;

S'interroge de nouveau sur l'opportunité de maintenir la possibilité pour les partis politiques européens d'être financés par des personnes morales, au regard de la nécessaire préservation de l'intégrité des élections européennes contre toute tentative de manipulation de ces dernières.

Sur la lutte contre la corruption

Sur la proposition de directive de lutte contre la corruption

Considérant que, selon l'indice de perception de la corruption (IPC) élaboré par l'organisation non gouvernementale Transparency International, onze États membres de l'Union européenne, dont la France, sont classés parmi les vingt pays au monde perçus comme les moins corrompus,

Considérant néanmoins que le coût annuel de la corruption pour les économies des États membres de l'Union européenne est évalué - selon une estimation prudente - à 120 milliards d'euros par la Commission européenne137(*),

Considérant que l'agence de coopération policière européenne, Europol, a démontré que 60 % des réseaux de criminalité organisée agissant dans l'Union européenne usaient de la corruption pour infiltrer le secteur public et les entreprises privées138(*),

Considérant que la communication COM(2023) 800 final valant rapport annuel 2023 sur la situation de l'État de droit dans l'Union européenne comprend plusieurs recommandations pour améliorer la prévention et la lutte contre la corruption et les conflits d'intérêts dans certains États membres, et pour encadrer les activités de représentation d'intérêts,

Considérant qu'en 2023, selon Eurobaromètre, 70 % des citoyens des États membres de l'Union européenne et 65 % des entreprises européennes estimaient que la corruption était répandue dans leur pays,

Souligne la pertinence d'une coopération politique, juridique et opérationnelle efficace entre États membres, au niveau international et au sein de l'Union européenne, pour prévenir la corruption et lutter contre elle ;

Affirme que la lutte contre la corruption doit être une priorité politique constante pour les États membres et l'Union européenne, la corruption sapant la confiance des citoyens envers les institutions démocratiques, affaiblissant l'autorité de l'État et abusant des libertés du marché intérieur ;

Prend note avec intérêt du suivi de l'État de droit, effectué par la Commission européenne, qui permet de « cartographier » utilement la situation de chaque État membre sur une base annuelle, au regard de l'organisation de son système judiciaire, de la lutte contre la corruption, de la liberté de la presse et du pluralisme des médias, et des questions institutionnelles ;

Relève que le quatrième rapport sur l'État de droit établi par la Commission européenne identifie explicitement les secteurs les plus exposés au risque de corruption : santé ; bâtiment ; urbanisme ; activités portuaires ; protection de l'environnement ; protection du patrimoine culturel ; énergie, et formule des recommandations à l'adresse des États membres concernant la prévention et la lutte contre la corruption dont il appelle ces derniers à tirer conséquences sans délai ;

Salue, dans ce contexte, la proposition de directive présentée par la Commission européenne pour harmoniser les infractions liées à la corruption et leur sanction au niveau européen ;

Appelle les co-législateurs européens à adopter cette réforme sans délai afin de démontrer leur volonté politique dans ce domaine ;

Regrette cependant que cette proposition de directive soit présentée par la Commission européenne actuelle parmi les dernières réformes de sa mandature, empêchant, de facto, son examen dans des délais satisfaisants ; dénonce également la médiocre qualité de la traduction en français de son texte anglais qui présente un niveau de langue incorrect et recourt à des termes insuffisamment précis pour un texte à portée normative, tels que ceux « d'agents de haut niveau », « d'appareil judiciaire » ou encore de « divulgation » des conflits d'intérêts ;

Déplore également l'absence d'analyse d'impact pour accompagner cette proposition, ce qui constitue un manquement regrettable aux exigences de transparence et de contrôle démocratique, qui résultent directement de l'État de droit ; rappelle de nouveau sa position de principe selon laquelle la Commission européenne doit prévoir systématiquement une telle analyse d'impact lorsqu'elle présente une nouvelle initiative normative et prendre en considération les délais d'élaboration de cette analyse dans son calendrier de travail ;

Reconnaît la validité de la base juridique retenue pour la proposition de directive, à savoir l'article 83, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui permet au Parlement européen et au Conseil statuant par voies de directives, « d'établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales dans des domaines de criminalité particulièrement graves », dont la corruption, mais propose de la compléter, pour mieux fonder les dispositions du texte relatives à la prévention de la corruption, par une référence aux dispositions de l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux, relatives au droit des citoyens à une bonne administration, et des articles 2 et 3 du traité sur l'Union européenne, relatives aux valeurs de cette dernière ;

Soutient le principe d'une harmonisation européenne des infractions liées à la corruption permettant d'intégrer la Convention des Nations-Unies contre la corruption (CNUCC) dans le droit de l'Union européenne ;

Souhaite que soit confirmée explicitement, à l'article 2, l'application de la proposition de directive au Président du Conseil européen, au Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux commissaires européens et aux parlementaires européens.

Sur les ressources affectées aux autorités nationales chargées de la détection et de la répression des infractions liées aux faits de corruption

Soutient le principe d'une dotation des autorités nationales compétentes en moyens adaptés à l'exécution de leurs missions de détection, de poursuite et de répression des infractions liées à la corruption mais souligne que l'article 5 de la proposition de directive ne saurait l'imposer dès lors qu'au terme des traités, une directive a pour objet de fixer aux États membres une obligation de résultat et non de moyens et qu'un contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne au titre de l'article 5 sur les moyens mis à disposition par les États membres serait abusif au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Sur la qualification et la sanction pénales des infractions liées aux faits de corruption

Estime que l'harmonisation de la définition des infractions liées à la corruption sur la base de la Convention précitée de l'ONU et leur qualification pénale, prévues par les articles 7 à 14 de la proposition, constituent une avancée notable dans la lutte contre la corruption, les divergences de législations nationales des États membres étant aujourd'hui exploitées par les réseaux criminels faisant usage de la corruption mais contribuant également à des distorsions de concurrence entre États membres au profit des moins exigeants ;

Insiste en particulier sur l'importance de l'identification, dans la proposition, de l'infraction de « trafic d'influence » qui doit permettre d'éviter de nouveaux « Qatargate » et de mieux combattre, à l'échelle européenne, les tentatives de corruption liées à des actions d'ingérence étrangères ;

Estime que « l'entrave au bon fonctionnement de la justice », visée à l'article 12, ne doit pas constituer une infraction pénale nouvelle mais être appréciée en fonction des infractions déjà définies dans la législation nationale des États membres , telles qu'en France : la transmission d'informations confidentielles sur une enquête relative à des faits de corruption, les menaces proférées à l'encontre des enquêteurs ou magistrats en charge des poursuites, le faux témoignage ou encore, la subornation de témoins, visées aux articles 434-7-1 à 434-23-1 du code pénal ;

Précise que le principe « non bis in idem », au terme duquel une personne ne peut être poursuivie deux fois pour le même fait, s'impose dans le cas d'un agent public poursuivi pour « enrichissement lié aux infractions de corruption », visé à l'article 13, s'il a fait l'acquisition, s'il détient ou s'il utilise intentionnellement des biens dont il sait qu'ils proviennent de la commission de l'une des infractions précitées, ou s'il a été au préalable impliqué dans la commission de cette infraction ;

Approuve le quantum de peines proposé pour sanctionner pénalement les personnes physiques ayant commis une infraction liée à des faits de corruption qui doit garantir que ces sanctions seront effectives, proportionnées et dissuasives ;

Appuie la reconnaissance au niveau européen de la responsabilité pénale des personnes morales pour des infractions liées à des faits de corruption, établie par l'article 16 de la proposition de directive, cette responsabilité étant reconnue en droit français à l'article 121-2 du code pénal, dès lors qu'une infraction a été commise pour le compte de cette personne morale et que l'auteur de l'infraction est l'un de ses dirigeants ou de ses représentants ;

Prend acte que cet article propose une extension de la responsabilité d'une personne morale aux cas où l'un de ses personnels aurait commis une infraction liée à des faits de corruption du fait d'un défaut de surveillance ou de contrôle de sa part, extension conforme aux engagements internationaux de la France, à l'exemple de la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe139(*) ;

Remarque que l'actuelle Commission européenne a introduit des assouplissements similaires facilitant l'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales, dans le domaine de la criminalité environnementale140(*), et envisage de faire de même afin de lutter contre les trafics de migrants141(*) ;

Prend note avec intérêt de l'institution d'une clause de revoyure pour évaluer la pertinence de la réforme : considère cependant que le délai prévu de quarante-huit mois pour procéder à cette revoyure est trop long et préconise de le fixer à deux ans ;

Appelle surtout avec solennité le Gouvernement à préserver la responsabilité pénale « sous condition » des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements, qui ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public142(*), et le régime de responsabilité pénale spécifique des élus locaux en cas de délit non intentionnel institué par la « loi Fauchon »143(*), qui ne permet leur mise en cause que « s'il est établi [qu'ils] ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité [qu'ils] ne pouvaient ignorer. »

Sur les circonstances aggravantes et atténuantes

Constate que, parmi les circonstances aggravantes des infractions liées à des faits de corruption figure à l'article 18, l'hypothèse dans laquelle l'auteur de l'infraction a obtenu un avantage considérable et celle dans laquelle un préjudice considérable résulte de l'infraction ; précise qu'un tel avantage ou préjudice doit dépasser 100 000 euros, conformément à la définition posée par l'article 7 de la directive (UE) 2017/1371144(*).

Sur les délais de prescription

Observe que les délais de prescription prévus pour les infractions liées à des faits de corruption, par l'article 21 de la proposition de directive à quinze ans (pour les infractions de corruption dans le secteur privé et d'entrave au fonctionnement de la justice) et à dix ans (pour les infractions de corruption dans le secteur public, de détournement, de trafic d'influence et d'abus de fonctions), sont excessivement longs ; appelle en conséquence à une harmonisation de ces délais sur la durée prévue par l'article 8 du code français de procédure pénale pour des infractions similaires (six ans).

Sur les autres priorités européennes de la lutte contre la corruption

Sur la nécessité d'une coopération européenne opérationnelle accrue pour mieux lutter contre la corruption

Considérant que, selon l'agence européenne de coopération policière (Europol), les produits de la criminalité organisée dans l'Union européenne sont estimés à 110 milliards d'euros, que 70 % des réseaux criminels agissant dans l'Union européenne recourent à des techniques de blanchiment et que 60 % d'entre eux usent de la corruption,

Considérant que la corruption est le plus souvent une infraction « silencieuse » accessoire à d'autres infractions pénales graves, telles que le trafic de drogue, le blanchiment de capitaux, le terrorisme ou l'espionnage,

Considérant l'influence croissante des réseaux de criminalité organisée dans certains États membres et leur emprise nouvelle sur les grands ports européens, au premier rang desquels Anvers, Rotterdam et Hambourg, par des actions massives de corruption des « métiers du port » afin d'y débarquer et d'y écouler des produits stupéfiants,

Considérant l'efficacité des services de détection et de répression de la corruption, en France, au premier rang desquels, l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière de la police judiciaire et la cellule de renseignement financier Tracfin, rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,

Souligne le rôle pivot indispensable de l'agence Europol et de son centre de lutte contre la criminalité économique et financière, pour appuyer les enquêtes des services compétents des États membres par un soutien logistique, par des traitements de données ou encore par sa participation à des équipes communes d'enquête ;

Soutient la feuille de route de l'Union européenne en matière de lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée, présentée par la Commission européenne le 18 octobre 2023, qui prévoit en particulier de faciliter les enquêtes financières afin de « suivre » l'argent des réseaux criminels pour faciliter leur démantèlement ; dans ce cadre, approuve l'accord intervenu entre le Parlement européen et le Conseil, le 12 décembre dernier, sur la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs145(*), qui doit permettre un renforcement des dispositifs de recouvrement des avoirs146(*) et l'extension du champ possible des confiscations147(*) ;

Appuie également la consolidation du cadre normatif européen sur la lutte contre le blanchiment des capitaux, intervenu le 13 décembre dernier en trilogue148(*), qui introduit un mécanisme renforcé de signalement des irrégularités et institue une nouvelle autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ALBC) ; prend acte des pouvoirs conférés à cette autorité lui permettant de surveiller directement certains types d'établissements de crédit et d'établissements financiers, y compris les prestataires de services sur crypto-actifs, s'ils sont considérés comme étant à haut risque ou exercent des activités transfrontières, et soutient la candidature de la place de Paris pour accueillir le siège de cette autorité ;

Fait observer l'urgence d'une coopération européenne accrue entre les autorités politiques, judiciaires et les services opérationnels compétents pour briser les « chaînes de corruption » instaurées par les réseaux de trafic de drogue dans les grands ports européens ; demande le déploiement rapide de l'« alliance des ports européens » , qui doit répondre à cet objectif en permettant une évaluation réaliste de l'état des vulnérabilités et de la menace criminelle sur sites afin d'y renforcer la sécurité et d'y juguler l'influence des réseaux criminels ; attire l'attention sur la nécessité d'associer les ports français, dont Le Havre, Marseille, Dunkerque et Calais, à ce dispositif pour éviter que les trafics et les actions de corruption qui y sont liées s'y déportent.

Sur l'action du Parquet européen pour poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne

Considérant que le Parquet européen, institué par le Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017149(*) et en fonction depuis le 1er juin 2021, est un organe judiciaire européen indépendant qui a pour mission de poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, qui peuvent prendre la forme de fraudes à la TVA ou aux dépenses liées à des marchés publics, de détournement de fonds européens, de blanchiment ou de faits de corruption,

Observe avec intérêt les premiers résultats encourageants de ce Parquet, qui, au 31 décembre 2022, avait ouvert 1 117 enquêtes, dont 116 sur des dossiers de blanchiment et 87 sur des faits de corruption ; appelle à porter une attention accrue aux procédures de passation de marchés publics, qui, selon le rapport d'activité 2022 du Parquet européen, sont particulièrement exposées au risque de corruption ;

Demande que le dispositif résultant des négociations de la proposition de directive COM(2023) 234 final relative à la lutte contre la corruption préserve l'intégralité des compétences du Parquet européen. Encourage les autorités compétentes des États membres et les institutions européennes à conforter leur coopération opérationnelle avec le Parquet européen contre la corruption, par des signalements systématiques, à l'image de l'arrangement de travail signé le 17 janvier 2024 entre le Parquet et la direction générale du Trésor français afin de combattre les éventuelles atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne dans la mise en place du plan national de relance et de résilience (PNRR), qui décline en France la Facilité européenne pour la Reprise et la Résilience (FRR)150(*).

Sur l'intégration de la lutte contre la corruption dans les priorités de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne (PESC) et le respect de l'acquis du droit européen par les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne

Observe avec satisfaction que la lutte contre la corruption est confirmée comme l'une des priorités de la PESC, ainsi que des politiques d'élargissement et de voisinage de l'Union européenne, dans la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en date du 3 mai 2023 ;

Prend acte des conclusions du Conseil européen des 14-15 décembre 2023 qui ont ouvert les négociations d'adhésion à l'Union européenne avec l'Ukraine, la Moldavie et, sous réserve de progrès dans la conformité aux critères d'adhésion, avec la Bosnie-Herzégovine ; rappelle que sont également candidats à l'adhésion, l'Albanie, la Géorgie, le Kosovo, la Macédoine du nord, le Monténégro, la Serbie et la Turquie ;

Souligne que la pertinence de l'élargissement de l'Union européenne doit être évaluée à l'aune des « critères de Copenhague », qui soumettent les pays candidats à la triple exigence d'institutions stables respectant la démocratie, l'État de droit et les droits de l'Homme, d'une économie de marché viable et d'une reprise de l'acquis communautaire, et est subordonnée à la capacité d'absorption de l'Union européenne ;

Constate, à la lumière des derniers rapports d'évaluation produits par la Commission européenne, que la lutte contre la corruption, qui constitue l'une des conditions pour des institutions démocratiques stables et respectueuses de l'État de droit, demeure un défi majeur pour ces pays ; encourage par conséquent ces pays candidats à reprendre l'acquis communautaire en matière de prévention et de lutte contre la corruption et à le mettre en oeuvre sans délai et demande aux institutions de l'Union européenne de les accompagner dans cette perspective, par un soutien politique, juridique et humain adapté.

Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

ANNEXE

À la suite du scandale dit du « Quatargate », la présidente du Parlement européen Mme Roberta Metsola, en accord avec les groupes politiques de l'assemblée, a annoncé en janvier 2023 un plan d'action en 14 points destiné à renforcer les règles éthiques applicables aux députés européens, à leurs collaborateurs, aux fonctionnaires du Parlement et aux représentants d'intérêts qui y agissent.

Ce plan d'actions se décline dans les réformes suivantes :

1. Instauration de nouvelles règles pour encadrer le « pantouflage » des anciens députés européens : mise en place d'une période de réflexion de 6 mois entre la fin du mandat et l'acceptation d'une éventuelle fonction de représentation d'intérêts ;

2. Accès facilité aux informations sur l'activité des députés européens ;

3. Transparence sur les réunions entre les députés européens ou leurs collaborateurs et les représentants d'intérêts ;

4. Déclaration obligatoire des réunions entre, d'une part, les députés européens, leurs collaborateurs ou l'administration du Parlement européen et, d'autre part, des représentants de pays tiers ;

5. Interdiction des activités des « groupes d'amitié » avec des pays tiers qui pouvaient prêter à confusion avec les activités diplomatiques officielles du Parlement européen ;

6. Changement du système des badges d'accès aux locaux du Parlement européen avec la nécessité d'un badge valable pour le jour de la visite ;

7. Suppression des badges d'accès permanents qui étaient accordés aux anciens députés européens ;

8. En cas de nécessité, obligation de déclaration de prévention des conflits d'intérêts pour les députés européens nommés rapporteurs ou rapporteurs fictifs d'un texte ;

9. Révision du format des déclarations d'intérêts remplies par les députés européens afin de mieux détecter les conflits d'intérêts potentiels ;

10. Introduction des règles de protection des « lanceurs d'alertes » au profit des personnes dénonçant des manquements éthiques au sein du Parlement ;

11. Renforcement des pouvoirs du comité consultatif interne en charge de l'application du code de conduite des députés européens et mise en oeuvre de la parité au sein de ce comité ;

12. Mise en place d'un contrôle préalable des projets de résolution relatifs à la protection des droits de l'homme afin d'éviter toute instrumentalisation de cette procédure par un pays tiers ;

13. Renforcement de la coopération du Parlement européen avec les services de renseignements et les autorités nationales en charge de la lutte contre la corruption dans les États membres ;

14. Actualisation de la liste des sanctions applicables en cas de manquements éthiques.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 13 juillet 2023

- Médiateur de l'Union européenne (audition en commission des affaires européennes par visioconférence) : Mme Emily O'REILLY, Médiatrice de l'Union européenne.

Jeudi 9 novembre 2023

- Ministère de la justice : Mme Élise BARBÉ, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales à la direction des affaires criminelles et des grâces, Mme Anne-Charlotte AUBRY, adjointe au bureau de la négociation pénale européenne et internationale.

Lundi 13 novembre 2023

- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : M. Sylvain HUMBERT, conseiller juridique, M. Olric OZARN, conseiller chargé du Parlement européen.

- Commission européenne : Mme Vera JOUROVA, vice-Présidente, commissaire européenne chargée des valeurs et de la transparence.

- Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) : M. Ville ITALA, directeur général ; Mme Jana CAPPELLO, cheffe de l'unité interinstitutionnelle et des relations internationales et de la communication ; M. Eduardo CANO ROMERA, chef de l'unité en charge des investigations ; M. Antonio MICELI, chef de l'unité en charge des investigations internationales ; Mme Odile TEYCHENNE, cheffe de l'unité adjointe ; Mme Maria NTZIOUNI-DOUMAS, conseillère ; Mme Stéphanie DUVERGER, cheffe d'unité adjointe.

- Parlement européen : M. Gilles BOYER, député européen ; M. Clément VERNET, membre du cabinet de la Présidente du Parlement européen.

- Médiateur de l'Union européenne : Mme Gundi GADESMANN, chef de cabinet, Mme Rosita HICKEY, directrice des enquêtes.

- Commission européenne : M. Christian LINDER, chef d'unité « Éthique, bonne gouvernance et relations avec le médiateur européen » au Secrétariat général, M. Jean-Luc FEUGIER, membre de cette unité.

Jeudi 16 novembre 2023

- Cour des comptes de l'Union européenne (audition en commission des affaires européennes) : M. François-Roger CAZALA, membre de la Cour des comptes européenne (chambre IV - Réglementation des marchés et économie concurrentielle) ; M. Giuseppe DIANA, auditeur principal à la chambre IV de la Cour des comptes européenne ; M. Kristian SNITER, chef de cabinet du membre grec de la Cour ; M. Nikolaos MILIONIS, membre de la chambre I de la Cour des comptes européenne ; Mme Birgit SCHAEFER, manager principale au service juridique de la Cour ; M. Frédéric SOBLET, auditeur confirmé à la chambre III compétente pour l'action extérieure, la sécurité et la justice.

Mercredi 22 novembre 2023

- M. Olivier COSTA, directeur de recherches au CNRS, chercheur au centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (CEVIPOF), directeur du département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe.

Mercredi 29 novembre 2023

- Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : M. Didier MIGAUD, président, Mme Louise BRÉHIER, secrétaire générale ; M. Ted MARX, directeur des publics, de l'information et de la communication.

Mardi 19 décembre 2023

- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : M. Alban GENAIS ; directeur adjoint de TRACFIN.

Mercredi 20 décembre 2023

- Europol : M. Jean-Philippe LECOUFFE, directeur exécutif adjoint.

Mardi 13 février 2024

- Parquet européen : M. Frédéric BAAB, procureur européen.


* 1 Discours sur l'état de l'Union 2022, prononcé le 14 septembre 2022.

* 2 Étude « Strengthening the fight against corruption : assessing the EU legislative and policy framework », élaborée par les cabinets EY (I. Gaglio ; J. Guzzon ; K. Bartz ; L. Marcolin ; R. Kryeziu) et RAND Europe (E. Disley ; J. Taylor ; S. Hulme) pour la direction générale « Affaires intérieures » de la Commission européenne, 15 décembre 2022.

* 3 Danemark (1er) ; Finlande (2) ; Suède (6ème) ; Pays-Bas (8ème) ; Allemagne (9ème) ; Luxembourg (10ème) ; Irlande (11ème) ; Estonie (12ème) ; Belgique (16ème) ; Autriche et France (20èmes ex aequo).

* 4 Résolution 58/4 de l'Assemblée générale des Nations unies du 31 octobre 2003.

* 5 Convention du 21 novembre 1997.

* 6 Deuxième addendum au Deuxième rapport de conformité (France) ; Quatrième cycle d'évaluation (prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs), 30 janvier 2024.

* 7 « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit ainsi que de respect des droits de l'homme (...). »

* 8 Communications COM(2020) 605 final du 24 juillet 2020 et COM(2021) 170 final du 14 avril 2021.

* 9 Acte du Conseil du 26 mai 1997 établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne.

* 10 Décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

* 11 Directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018.

* 12 Directive 2014/42/CE du 3 avril 2014 et règlement (UE) 2018/1805 du 14 novembre 2018. Ce cadre juridique est en cours de modification (proposition de directive COM(2022) 245 final).

* 13 À cet égard, il faut mentionner la directive (UE) 2017/1371 du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal (directive « PIF »), le règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union européenne (règlement (UE) 2018/1046 ; ce texte comprend des dispositions destinées à minimiser les risques de corruption dans les marchés publics et l'attribution des financements européens), la stratégie anti-fraude présentée par la Commission européenne pour protéger le budget de l'Union européenne (communication COM (2019) 196 final du 29 avril 2019) et les règlements (UE) 2021/1060 et 2021/2116 relatifs au contrôle des fonds européens.

* 14 Les prérogatives de ce dernier ont été posées par le règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017.

* 15 Directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019

* 16 Voir les règlements du Conseil (UE) 2021/1275 du 30 juillet 2021 et (UE) 2023/888 du 28 avril 2023 imposant des mesures restrictives au Liban et à la Moldavie.

* 17 Exposé des motifs de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption COM(2023) 234 final, p1.

* 18 Cette estimation, avancée par la Commission européenne depuis 2014 et à nouveau dans l'exposé des motifs de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption (p 1), n'est malheureusement jamais détaillée. Elle est fondée sur les analyses de diverses institutions et organes (Chambre de commerce internationale ; Transparency international ; Pacte mondial des Nations unies ; Forum économique mondial).

* 19 D'autres États membres sont appelés à adopter ou à renforcer leur encadrement du lobbying : Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Croatie ; Espagne ; Hongrie ; Irlande ; Italie ; Lettonie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Pologne ; Roumanie ; Slovaquie.

* 20 Autriche ; Chypre ; Danemark ; Espagne ; Estonie ; Irlande ; Italie ; Hongrie ; Pologne ; Portugal ; République tchèque ; Slovaquie.

* 21 Enquête ouverte le 3 février 2021. Décision du 16 mai 2022.

* 22 Enquête ouverte le 26 novembre 2021.

* 23 Enquête ouverte le 3 mars 2023.

* 24 Eurobaromètre 2023.

* 25 Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), à la Banque centrale européenne (BCE), à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

* 26 L'organe d'éthique européen qui doit remédier à cette faiblesse serait institué par un accord interinstitutionnel, applicable au Conseil européen, au Conseil, au Parlement européen, à la Commission européenne, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), à la Banque centrale européenne (BCE), à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions, et, si elle en manifeste le souhait, à la Banque européenne d'investissement (BEI).

* 27 À cet égard, voir l'étude (EN) « Strengthening transparency and integrity via the new Independent Ethics body (IEB) » (Renforcer la transparence et l'intégrité par la création d'un nouvel organisme éthique indépendant), rédigée par le professeur Markus Frischuutn L.L.M., chaire Jean Monnet « Valeurs européennes et numérisation au service de notre communauté », MCI, The entrepreneurial school, Innsbrück, Autriche, pour le département des droits des citoyens et des affaires constitutionnelles de la direction générale des études internes du Parlement européen , octobre 2020.

* 28 Selon l'article 18-2 de la loi n°2023-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (ou « loi Sapin »), « Sont des représentants d'intérêts (...) les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale (...) dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire en entrant en communication avec » une liste exhaustive de responsables publics (membres du Gouvernement ; parlementaires ; collaborateurs du Président de la République , personnes dirigeant une autorité administrative indépendante ou une commission administrative dotée d'un pouvoir de sanction ; maires et présidents de collectivités territoriales et de leurs groupements) ou des agents publics. »

* 29 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes du 25 novembre 2021, COM(2022) 734 final.

* 30 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, COM(2023) 234 final.

* 31 COM (2022) 245 final.

* 32 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'Autorité de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) n°1093/2010, (UE) n°1094/2010 et (UE) n°1095/2010 du 20 juillet 2021, COM(2021) 421 final ; proposition de règlement relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme du 20 juillet 2021, COM(2021) 420 final ; proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) n°2015/849 du 20 juillet 2021, COM(2021) 423 final.

* 33 Au 31 décembre 2022, le Parquet européen avait ouvert 1 117 enquêtes, dont 116 sur des dossiers de blanchiment et 87 sur des faits de corruption.

* 34 JOIN(2023) 12 final.

* 35 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, COM(2023) 234 final.

* 36 Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), à la Banque centrale européenne (BCE), à la Cour des comptes de l'Union européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

* 37 Cicéron, lettres à Atticus, I, XVI, 12.

* 38 Étude « Strengthening the fight against corruption : assessing the EU legislative and policy framework », élaborée par les cabinets EY (I. Gaglio ; J. Guzzon ; K. Bartz ; L. Marcolin ; R. Kryeziu) et RAND Europe (E. Disley ; J. Taylor ; S. Hulme) pour la direction générale « Affaires intérieures » de la Commission européenne, 15 décembre 2022.

* 39 Selon ce classement, qui liste les pays du monde entier par ordre décroissant en fonction de leurs efforts dans la lutte contre la corruption, les onze États membres figurant parmi les vingt pays les moins corrompus sont les suivants : Danemark (1er) ; Finlande (2) ; Suède (6ème) ; Pays-Bas (8ème) ; Allemagne (9ème) ; Luxembourg (10ème) ; Irlande (11ème) ; Estonie (12ème) ; Belgique (16ème) ; Autriche et France (20èmes ex aequo).

* 40 Cette estimation, avancée par la Commission européenne depuis 2014 et encore dans l'exposé des motifs de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption (p 1), n'est malheureusement jamais détaillée. Elle est fondée sur les analyses de diverses institutions et organes (Chambre de commerce internationale ; Transparency international ; Pacte mondial des Nations unies ; Forum économique mondial).

* 41 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la corruption, remplaçant la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil et la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne, et modifiant la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, COM(2023) 234 final.

* 42 « Montesquieu ou les infortunes de la vertu », article de Mme Céline Spector, professeur à l'université Michel-de-Montaigne, Bordeaux-III, revue Esprit, 2014/2.

* 43 COM(2020) 605 final, en date du 24 juillet 2020.

* 44 COM(2021) 170 final, en date du 14 avril 2021.

* 45 Cet exemple est détaillé dans le rapport d'activité 2022 du Parquet européen (p 63).

* 46 Rapport conjoint d'Europol et du comité de suivi de la sécurité des ports d'Anvers, Hambourg/Bremerhaven et Rotterdam (2023) « Réseaux criminels dans les ports de l'Union européenne, risques et défis pour l'application de la loi ».

* 47 Rapport SOCTA 2021 précité.

* 48 Eurobaromètre 2023.

* 49 Résolution 58/4 de l'Assemblée générale des Nations unies du 31 octobre 2003.

* 50 Convention du 21 novembre 1997.

* 51 À titre d'exemple, on peut citer la Convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999 (STE n°173) et la Convention civile sur la corruption du 4 novembre 1999 (STE n°174).

* 52 Exposé des motifs de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption (p 2).

* 53 Ainsi, l'article 83 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans son paragraphe 1, donne la possibilité au Parlement européen et au Conseil d'établir, par voie de directives, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des « domaines de criminalité particulièrement graves », dont la « corruption ».

* 54 Communications COM(2020) 605 final du 24 juillet 2020 et COM(2021) 170 final du 14 avril 2021.

* 55 Acte du Conseil du 26 mai 1997 établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne.

* 56 Décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

* 57 Directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018.

* 58 Directive 2014/42/CE du 3 avril 2014 et règlement (UE) 2018/1805 du 14 novembre 2018. Ce cadre juridique est en cours de modification (proposition de directive COM(2022) 245 final).

* 59 Ainsi, en 2021, Eurojust a soutenu les actions des États membres dans 326 affaires de corruption.

* 60 À cet égard, il faut mentionner la directive (UE) 2017/1371 du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal (directive « PIF »), le règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union européenne (règlement (UE) 2018/1046 qui comprend des dispositions destinées à minimiser les risques de corruption dans les marchés publics et l'attribution des financements européens), la stratégie anti-fraude présentée par la Commission européenne pour protéger le budget de l'Union européenne (communication COM (2019) 196 final du 29 avril 2019) et les règlements (UE) 2021/1060 et 2021/2116 relatifs au contrôle des fonds européens.

* 61 Les prérogatives de ce dernier ont été posées par le règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017.

* 62 Dirigé par le chef du Parquet européen (aujourd'hui Mme Laura Kövesi) et par un collège comprenant un procureur européen par État membre participant, basé à Luxembourg, il comprend également une structure décentralisée dans chaque État membre participant constituée de procureurs européens délégués. Ces États membres sont les suivants : Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Bulgarie ; Croatie ; Chypre ; Espagne ; Estonie ; Finlande ; France ; Grèce ; Italie ; Lettonie ; Lituanie ; Luxembourg ; Malte ; Pays-Bas ; Portugal ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie ; Slovénie.

* 63 Directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019

* 64 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives (« poursuites stratégiques altérant le débat public »), COM(2022) 177 final.

* 65 Il faut évoquer ici la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, morte dans l'explosion criminelle de sa voiture, le 16 octobre 2017, alors qu'elle était à l'origine de graves accusations de corruption contre le gouvernement de son pays, ou du journaliste slovaque Jan Kuciak, assassiné, le 26 février 2018 avec sa compagne alors qu'il s'apprêtait à publier une enquête sur les liens présumés entre plusieurs hommes politiques slovaques et la mafia italienne.

* 66 Voir les règlements du Conseil (UE) 2021/1275 du 30 juillet 2021 et (UE) 2023/888 du 28 avril 2023 imposant des mesures restrictives au Liban et à la Moldavie.

* 67 Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 68 Collaborateurs de cabinet ; membres des autorités administratives indépendantes ; titulaires d'emplois et de fonctions à la discrétion du Gouvernement et nommés en conseil des ministres ; présidents et directeurs généraux d'un certain nombre d'entreprises, établissements ou organismes sur lesquels l'État exerce un contrôle total ou partiel. Au total, plus de 16 000 personnes sont concernées.

* 69 Sur ces 4 170 déclarations, 32,2% ont été validées par la HATVP, 60,6% ont nécessité la transmission d'une déclaration modificative, 6,2% ont conduit la HATVP à émettre des rappels aux obligations déclaratives aux personnes visées et 0,3% ont été transmises à la justice.

* 70 Article 91bis du Règlement du Sénat.

* 71 Cette déclaration est obligatoire lorsqu'un sénateur accepte une invitation ou un cadeau d'un montant dont la valeur excède 150 euros (article 91 quinquies du Règlement du Sénat).

* 72 Articles L.O. 146 à L.O. 146-3 du code électoral.

* 73 Article L.O. 150 du code électoral.

* 74 La loi concernée définit ces grandes entreprises comme celles qui emploient au moins 500 salariés et comme celles appartenant à un groupe employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros.

* 75 L'AFA exerce deux types de contrôles : d'une part, elle contrôle les obligations de vigilance des grandes entreprises à l'égard du risque de corruption (« contrôles d'initiative ») et, d'autre part, l'exécution par une société de la peine complémentaire de mise en conformité, qui peut être décidée en cas de condamnation pénale pour corruption ou trafic d'influence (« contrôles d'exécution »). Depuis 2017, l'AFA a ainsi engagé 198 contrôles et examens, dont 39 nouveaux en 2022.

* 76 Mis en place en 2010 pour tirer les leçons de la crise économique de 2008, le Semestre européen est un processus de coordination des politiques socio-économiques des États membres de l'Union européenne, qui s'étend, chaque année, de novembre à juillet. Il vise à garantir la convergence et la stabilité au sein de l'Union européenne, à prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs et à veiller à la mise en oeuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Dans ce cadre, les États membres doivent aligner leurs politiques économiques et budgétaires sur les règles arrêtées au niveau de l'Union européenne.

* 77 Règlement (UE,EURATOM) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union.

* 78 À l'exception, bien entendu, de l'État membre en cause.

* 79 Rapport d'information du Sénat n°457 (2020-2021), « l'État de droit dans l'Union européenne : la nécessité d'une action plus résolue ».

* 80 Le volet préventif du mécanisme de sanctions a été déclenché de manière inédite par une résolution du Parlement européen, adoptée le 12 septembre 2018.

* 81 Sur proposition de la Commission européenne, le volet préventif du mécanisme a été enclenché le 20 septembre 2017.

* 82 Article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 83 Article 267 du TFUE.

* 84 CJUE, 27 février 2018, Associaçao Sindical dos Juizes Portugueses, C-64/16.

* 85 CJUE, 21 décembre 2021, Euro Box Promotion et autres, C-357/19, C-379/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19.

* 86 Ainsi dans son rapport sur l'État de droit 2023, la Commission européenne se fait l'écho des inquiétudes exprimées par certaines associations bénéficiaires de financements publics, à la suite de la modification de la législation française en vue de leur imposer le respect des valeurs fondamentales de la République française (dont la laïcité) : « en France, si l'environnement financier des organisations de la société civile reste favorable, les parties prenantes font part de leurs préoccupations quant à la mise en oeuvre de la législation subordonnant l'accès au financement public au respect des valeurs fondamentales de la République française. » (p. 30 du rapport).

* 87 Les personnels des institutions suivantes sont concernés : Conseil ; Parlement européen ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ; Cour des Comptes de l'Union européenne. Y sont assimilés les personnels du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), du Comité économique et social européen (CESE), du Comité des régions, du Médiateur européen et du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), ainsi que les fonctionnaires européens travaillant dans les agences de l'Union européenne.

* 88 Ce statut est prévu à l'article 336 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : « Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voies de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent, après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires de l'Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l'Union. »

* 89 Pour le Parlement européen : https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/about/meps

* 90 En l'état du droit, un parti politique européen est une alliance de plusieurs partis politiques siégeant dans au moins un quart des États membres et dont elle ou ses partis membres doivent y avoir obtenu au moins 3% des suffrages exprimés lors des dernières élections européennes. Elle doit respecter les valeurs de l'Union européenne, avoir participé aux dernières élections européennes ou annoncé vouloir participer aux prochaines, et ne pas poursuivre de but lucratif.

* 91 Règlement (UE, EURATOM) du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes.

* 92 Article 20 du règlement (UE, EURATOM) n°1141/2014 précité.

* 93 L'article 20 prévoit le droit de tout citoyen de l'Union européenne de « recourir au Médiateur européen ». Les articles 24 et 228 énoncent ses modalités de saisine. Ainsi, le Médiateur européen, élu par le Parlement européen, « est habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l'Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l'action des institutions, organes ou organismes de l'Union, à l'exclusion de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Il instruit ces plaintes et fait rapport à leur sujet. », « procède aux enquêtes qu'il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base de plaintes qui lui ont été présentées », « sauf si les faits allégués font ou ont fait l'objet d'une procédure juridictionnelle. »

* 94 L'article 43 précité de la charte reconnaît le droit de saisine du médiateur européen.

* 95 Décision du 16 mai 2022.

* 96 Décision du 20 décembre 2023 qui constate une mauvaise administration lorsque la Commission européenne est dans l'incapacité d'assurer la transparence des relations de ses services avec les représentants d'intérêts de l'industrie du tabac.

* 97 Décision du 12 juillet 2022 dans laquelle la Médiatrice de l'Union européenne a considéré que l'absence d'identification et de communication de sms échangés entre la présidente de la Commission européenne et le PDG d'une entreprise pharmaceutique concernant l'achat d'un vaccin contre la pandémie de Covid-19 constituait une mauvaise administration.

* 98 Rapport spécial n°13/2019, « Les cadres éthiques des institutions de l'Union européenne auditées : des améliorations sont possibles ».

* 99 Signalons que cette infraction correspond à l'infraction de blanchiment prévue par l'article 324-1 du code pénal.

* 100 Article 121-2 du code pénal. Signalons toutefois que la Cour de cassation a assoupli les conditions de mise en cause de cette responsabilité. À titre d'exemple, la Cour de cassation a reconnu la responsabilité pénale d'une société holding du fait de l'intervention de trois salariés, représentants de fait de la « société mère » (Crim., 16 juin 2021, n°20-83-098).

* 101 À titre d'exemple, la Cour de cassation a reconnu la responsabilité pénale d'une société holding du fait de l'intervention de trois salariés représentants de fait de la « société mère » (Crim., 16 juin 2021, n°20-83-098).

* 102 Infraction commise : par un « agent de haut niveau » ; par une personne déjà condamnée pour atteinte à la probité ; ayant donné lieu à un avantage considérable pour son auteur ou cause un préjudice considérable ; au profit d'un pays tiers ; par une personne exerçant des fonctions d'enquête, de poursuite ou de jugement ; dans le cadre d'une organisation criminelle ; par une entité assujettie au sens de le directive 2015/849 du Parlement européen et du Conseil (personne morale devant suivre des règles spécifiques afin de lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme).

* 103 L'auteur de l'infraction : fournit aux autorités compétentes des informations qu'elles n'auraient pu obtenir autrement et qui les aident à identifier ou à traduire en justice les autres auteurs ou à trouver des preuves ; est une personne morale qui a mis en oeuvre des « programmes efficaces de contrôle interne, de sensibilisation à l'éthique et de conformité » ; est une personne morale qui a révélé rapidement l'infraction aux autorités compétentes et a pris des mesures correctives.

* 104 Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019. Elle protège les personnes qui signalent des violations du droit de l'Union européenne.

* 105 Décision 2009/948/JAI du 30 novembre 2009 sur la prévention et le règlement des conflits de juridiction dans les procédures pénales.

* 106 Le Parlement européen a ainsi établi deux rapports d'initiative prônant la création d'un organe indépendant d'éthique à l'échelon européen, en 2019 et 2021. Cette préconisation a été reprise dans deux résolutions adoptées par les députés européens, le 16 septembre 2021 et le 16 février 2023.

* 107 Communication COM(2023) 311 final, p 2.

* 108 Accord interinstitutionnel du 25 mai 1999.

* 109 Accord interinstitutionnel du 20 mai 2021.

* 110 Ces normes pourraient être relatives aux intérêts et actifs à déclarer par les membres des parties, à leurs activités extérieures, à l'acceptation de cadeaux, d'hospitalité et de voyages, à l'acceptation de récompenses, à leurs activités succédant à leurs mandats ou fonctions, ainsi qu'à leur respect des règles du registre de transparence institué par l'accord interinstitutionnel du 20 mai 2021. Elles pourraient aussi porter sur les procédures de contrôle internes visant à respecter les règles éthiques et aux exigences de publicité des normes éthiques en vigueur.

* 111 Aux termes de l'article 13 du TUE, « Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités. »

* 112 Annexe à la communication COM(2023) 311 final - proposition d'accord interinstitutionnel - p 6 de l'exposé des motifs.

* 113 CJUE, Commission contre Pologne, 5 juin 2023, C-204/21.

* 114 Voir en particulier CJUE La Quadrature du Net, 6 octobre 2020, affaires C-511/18, C-512/18 et C520/18.

* 115 Le CFP 2021-2027 initial a prévu une enveloppe de 426 694 millions d'euros pour le budget « Cohésion, résilience et valeurs » et 82 474 millions d'euros pour le budget « administration publique européenne ».

* 116 Article 3 de la décision 1999/352/CE de la Commission européenne du 28 avril 1999 instituant l'OLAF.

* 117 Article 2 de la décision 1999/352/CE précitée.

* 118 Service de renseignement placé sous l'autorité du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il concourt au développement d'une économie saine en luttant contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

* 119 COM (2022) 245 final.

* 120 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'Autorité de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) n°1093/2010, (UE) n°1094/2010 et (UE) n°1095/2010 du 20 juillet 2021, COM(2021) 421 final ; proposition de règlement relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme du 20 juillet 2021, COM(2021) 420 final ; proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) n°2015/849 du 20 juillet 2021, COM(2021) 423 final.

* 121 Au 31 décembre 2022, le Parquet européen avait ouvert 1 117 enquêtes, dont 116 sur des dossiers de blanchiment et 87 sur des faits de corruption.

* 122 Propositions de règlement COM(2021) 420 final, COM(2021) 421 final et proposition de directive COM(2021) 423 final.

* 123 « Le Parlement européen et le Conseil et la Commission procèdent à des consultations réciproques et organisent d'un commun accord les modalités de cette coopération. À cet effet, ils peuvent, dans le respect des traités, conclure des accords interinstitutionnels qui peuvent revêtir un caractère contraignant. »

* 124 CJUE, grande chambre, Commission européenne/Pologne, 5 juin 2023, C-204/21.

* 125 CJCE, 13 juin 1958, Meroni and co., Metallurgiche, società in accomandita semplice contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, 10-56.

* 126 Dans le dispositif envisagé, les avis du comité étant relatifs à des situations individuelles demeureraient confidentiels alors que les recommandations, qui tireraient les leçons des situations individuelles précitées pour définir des lignes directrices applicables à l'ensemble des institutions européennes, devraient être rendus publiques.

* 127 Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.

* 128 Article 37 (Titre III, chapitre II, section 2) du statut (Règlement n°31 (CEE) 11 (CEEA) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

* 129 Informations fiscales ; registres fonciers ; données détenues par les autorités nationales chargées de la mise en oeuvre des règles éthiques.

* 130 Ce réseau comprend aujourd'hui les autorités de treize États membres : Autriche ; Belgique ; Chypre ; Croatie ; France ; Grèce ; Italie ; Lituanie ; Malte ; Portugal ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie, Slovénie.

* 131 En pratique, cette coopération pourrait être mise en place - à traités constants - par une modification des textes statutaires de ces autorités.

* 132 Nom et forme de l'entité ; intérêts représentés ; nom de la personne responsable de l'entité ; nombre de personnes exerçant l'activité ; objectifs, domaines d'intérêts ; organisations dont la personne enregistrée est membre ; propositions réglementaires ou initiatives de l'Union européenne ciblées ; appartenance à des groupes d'experts de la Commission européenne ; nom des personnes autorisées à avoir accès au Parlement européen ; informations financières (personnes contribuant aux frais de fonctionnement de l'entité ; subventions européennes éventuelles ; coûts des éventuels intermédiaires ; recettes provenant de chaque client).

* 133 Une autorité nationale de contrôle pourrait demander des informations à un représentant d'intérêts lorsqu'elle dispose d'informations selon lesquelles ce dernier n'aurait pas respecté la procédure d'inscription ou aurait fourni des informations inexactes lors de son enregistrement. Dans les autres cas, cette autorité nationale pourrait effectuer des demandes d'information, soit auprès d'un représentant d'intérêts ayant reçu, au cours de l'exercice précédent, un montant annuel supérieur à 1 million d'euros versé par une seule entité d'un pays tiers, soit auprès d'une représentant d'intérêts agissant pour un pays tiers qui aurait, au cours des cinq années précédentes, dépensé au moins 8,5 millions d'euros pour des activités de représentation d'intérêts dans l'Union européenne ou 1,5 million d'euros dans un État membre.

* 134 « Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. »

* 135 Ce groupe consultatif comprendrait des représentants de la Commission européenne et de chaque État membre. Pourraient aussi y siéger, en qualité d'observateurs, des représentants du Parlement européen et des États de l'Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir, Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse.

* 136 Résolution européenne du Sénat n°122 (2021-2022) du 21 mars 2022 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique, COM(2021) 731 final, et la proposition de refonte du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, COM(2021) 734 final.

* 137 Exposé des motifs de la proposition de directive de lutte contre la corruption, p 1.

* 138 Rapport d'évaluation de la menace représentée par la grande criminalité et par la criminalité organisée (SOCTA) du 12 avril 2021.

* 139 L'article 18 de cette Convention appelle les États parties à permettre l'engagement de la responsabilité d'une personne morale lorsque l'absence de surveillance ou de contrôle a rendu possible la commission d'infractions (corruption active, trafic d'influence...) par l'un de ses salariés. Une telle responsabilité des personnes morales pour défaut de surveillance et de contrôle a également été instaurée par la recommandation de 2009 de l'OCDE adoptée à la suite de la convention OCDE de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers de 1997.

* 140 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l'environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE du 15 décembre 2021, COM(2021) 851 final.

* 141 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des règles minimales pour prévenir et combattre l'aide à l'entrée, au transit et au séjour non autorisés dans l'Union, et remplaçant la directive 2002/90/CE du Conseil et la décision-cadre 2002/946/JAI du Conseil, COM(2023) 755 final.

* 142 Article 121-2 du code pénal.

* 143 Ce régime de responsabilité pénale est désormais posé à l'article 121-3 du code pénal.

* 144 Directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal.

* 145 COM (2022) 245 final.

* 146 Les bureaux de recouvrement des avoirs seront chargés du dépistage et de l'identification des capitaux d'origine criminelle, à l'appui des enquêtes de dépistage des avoirs menées par les autorités nationales et le Parquet européen. Ils effectueront également des tâches de dépistage et de confiscation des produits qui font l'objet d'une décision de gel ou de confiscation émise par un organisme d'un autre État membre.

* 147 Les États membres doivent prendre des mesures pour permettre le gel des biens afin d'assurer la confiscation des instruments et des produits provenant d'une infraction pénale. Les autorités compétentes pourront désormais confisquer les avoirs criminels ayant été transférés à un tiers pour éviter la confiscation ainsi que les fortunes inexpliquées.

* 148 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l'Autorité de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et modifiant les règlements (UE) n°1093/2010, (UE) n°1094/2010 et (UE) n°1095/2010 du 20 juillet 2021, COM(2021) 421 final ; proposition de règlement relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme du 20 juillet 2021, COM(2021) 420 final ; proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres à prévenir l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme et abrogeant la directive (UE) n°2015/849 du 20 juillet 2021, COM(2021) 423 final.

* 149 Règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017 mettant en oeuvre une coopération renforcée concernant le Parquet européen.

* 150 La FRR permet à l'Union européenne de lever des fonds pour aider les États membres à mettre en oeuvre des réformes et des investissements conforme aux priorités européennes. À cette fin, elle met à disposition 723,8 milliards d'euros (en prix courants) sous la forme de prêts (385,8 milliards d'euros) et de subventions (338 milliards d'euros). Au titre du PNRR, la France a sollicité un financement européen à hauteur d'environ 40 milliards d'euros.

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