B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES RÈGLES EUROPÉENNES

1. La lutte contre la corruption est une obligation internationale et une exigence européenne
a) Une obligation internationale

Comme le souligne la Convention des Nations unies contre la corruption49(*), à laquelle les États membres de l'Union européenne ont tous adhéré, « la corruption n'est plus une affaire locale mais un phénomène transnational qui frappe toutes les sociétés et toutes les économies, ce qui rend la coopération internationale essentielle pour la prévenir et pour la juguler. »

En conséquence, la Convention précitée établit des définitions internationales des infractions liées à la corruption et impose aux États membres de l'Union européenne de mener « des politiques de prévention de la corruption efficaces et coordonnées », ce qui doit se traduire par l'adoption de stratégies nationales contre la corruption.

En complément, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a institué une coopération multilatérale afin de lutter contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales50(*).

La lutte contre la corruption est également une priorité du Conseil de l'Europe, qui a mis en place plusieurs instruments juridiques à cette fin51(*). À titre d'exemple, sa Convention pénale sur la corruption demande aux États parties d'ériger en infraction pénale la corruption dans le secteur privé ainsi que celle des agents publics et des parlementaires (nationaux, étrangers et internationaux).

Le Conseil de l'Europe a en outre constitué le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) en 1999. Ce dernier a pour objet d'améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en organisant une évaluation (et une pression) par les pairs afin de les inciter à reprendre les normes du Conseil de l'Europe en la matière.

b) Une exigence pour l'Union européenne

« Pour éradiquer la corruption, il faut des mécanismes tant préventifs que répressifs »52(*). Et si les États membres sont en première ligne pour mettre en place ces mécanismes, l'Union européenne dispose également d'une compétence reconnue par les traités pour harmoniser les règles nationales en la matière53(*). La corruption étant de surcroît un phénomène qui touche l'ensemble des sociétés et pays européens, la valeur ajoutée de cette intervention européenne semble évidente.

La lutte contre la corruption fait ainsi partie de « l'acquis communautaire » que doivent reprendre les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Elle est aussi intégrée aux stratégies de l'Union européenne pour l'union de la sécurité et visant à lutter contre la criminalité organisée54(*).

Sur cette base, l'Union européenne a tenté de bâtir une réponse européenne harmonisée aux défis de la corruption. Elle a ainsi :

- obtenu des États membres qu'ils prennent les mesures nécessaires pour ériger la corruption (active et passive) en infraction pénale, et la punir par des « sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives », qu'elle concerne les fonctionnaires de l'Union européenne ou des États membres55(*), ou le secteur privé56(*) ;

- mis en place des mesures visant à prévenir tout détournement du système financier aux fins de blanchiment de capitaux57(*) et geler ou confisquer les avoirs criminels58(*) ;

Dans le cadre des stratégies européennes sur la sécurité et contre la criminalité organisée précitées, les autorités compétentes des États membres sont épaulées par les agences européennes de coopération policière (Europol) et judiciaire (Eurojust), dont le soutien juridique et opérationnel peut accroître l'efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites dans ce domaine59(*) ;

- garanti un contrôle effectif de la bonne utilisation des fonds européens, à la fois, par une réglementation exhaustive60(*) et par les pouvoirs d'enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), de la Cour des comptes de l'Union européenne et du Parquet européen61(*), dont la mission première est de protéger les intérêts financiers de l'Union européenne ;

L'action de l'OLAF et du Parquet européen contre la corruption

L'OLAF, créé en 1999 et aujourd'hui dirigé par M. Ville Itälä, a pris la suite de l'Unité de la coordination de la lutte antifraude (UCLAF) instituée en 1986, afin d'assurer la préservation des intérêts financiers de l'Union européenne contre la fraude, la corruption et toute autre infraction financière. Pour ce faire, il peut enquêter sur les recettes et les dépenses de l'Union européenne, ainsi que sur tout soupçon de faute grave commise par un personnel de l'Union européenne. Dans ce cadre, les équipes de l'OLAF peuvent interroger les personnes en cause, recueillir documents et témoignages, et procéder à des inspections sur site. À l'issue de cette phase d'enquête, l'OLAF émet des recommandations aux institutions de l'Union européenne et/ou aux États membres (ouverture d'une procédure disciplinaire ; lancement de procédures de recouvrement financier...). En 2022, l'OLAF a demandé le recouvrement de 426,8 millions d'euros en faveur du budget de l'Union européenne, en particulier à un directeur de recherche bénéficiant des subventions du programme Horizon 2020 et ayant fait preuve de favoritisme.

L'OLAF coopère également avec le Parquet européen en lui signalant des infractions pénales (71 en 2022), et en lui apportant informations, expertises et soutien opérationnel. Le Parquet européen, dirigé par Mme Laura Kövesi, est un parquet indépendant chargé de mener des enquêtes, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne dans les 22 États membres qui y participent62(*). Il a débuté ses activités le 1er juin 2021 et travaille étroitement avec les autorités nationales compétentes ainsi qu'avec les agences de coopération policière et judiciaire européennes, Europol et Eurojust.

En 2022, le Parquet européen a ouvert 865 enquêtes pour un préjudice estimé à 9,9 milliards d'euros et 1 117 enquêtes sont en cours (pour un préjudice total estimé à 14,1 milliards d'euros). Sur cet ensemble, 679 affaires (environ 31%) sont relatives à des fraudes relatives à des dépenses de l'Union européenne non liées à des marchés publics. Les affaires de corruption traitées, au nombre de 87, représentent 4% des affaires ayant donné lieu à enquête et concernent particulièrement les procédures de passation de marchés publics. L'Italie (19 dossiers), la Bulgarie (16 dossiers) et la Roumanie (12 dossiers) sont les premiers pays concernés.

À la lumière du conflit en Ukraine, des réflexions sont en cours pour étendre ses compétences afin de lui permettre de poursuivre les violations des mesures restrictives décidées par l'Union européenne.

- prévu les mesures nécessaires pour protéger les lanceurs d'alerte63(*) et présenté une réforme visant à soutenir les journalistes « harcelés » devant les tribunaux par des procédures judiciaires abusives lorsqu'ils enquêtent sur les affaires de corruption64(*). Pour rappel, au cours des dernières années dans l'Union européenne, plusieurs journalistes qui menaient des investigations sur de telles affaires ont été assassinés65(*) ;

- érigé la lutte contre la corruption au rang des priorités de sa politique étrangère et de sécurité communes (PESC) et imposé des sanctions aux pays tiers réticents à appliquer les standards internationaux en la matière66(*).

Mais malgré ces efforts, ce cadre juridique demeure partiel et parcellaire et la situation des États membres variable au regard de la lutte anticorruption, ce qui conduit désormais l'Union européenne à accroître la pression sur eux pour obtenir des résultats.

2. ...imparfaitement respectée par les États membres...
a) Certains États membres - comme la France - ont mis en place une législation cohérente pour prévenir et combattre la corruption

Certains États membres - parfois après des scandales politiques ou économiques retentissants (on peut citer par exemple, les affaires HLM de Paris ou Cahuzac pour la France) - ont été pionniers dans l'adoption de législations ambitieuses dans ce domaine. Ainsi, en France, la lutte contre la corruption a fait l'objet d'un plan national présenté en janvier 2020, qui concilie prévention et sanction de la corruption, ainsi que développement d'une culture de la probité. Ce plan ne fait que résumer les efforts menés par les gouvernements successifs depuis 1988 pour établir un cadre juridique ambitieux, encore actualisé par la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 201667(*). Les principales caractéristiques du dispositif anticorruption français sont les suivantes.

En premier lieu, la corruption et les infractions qui y sont liées sont qualifiées pénalement. Les peines encourues ont été renforcées par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière. À titre d'exemple, l'article 432-11 du code pénal punit la corruption passive d'une personne exerçant une fonction publique de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.

Des services spécialisés ont été instaurés en 2013 pour enquêter sur les faits susceptibles de constituer des « atteintes à la probité » (corruption, trafic d'influence, favoritisme...) et les poursuivre : il s'agit du parquet national financier (PNF), parquet à compétence national rattaché au tribunal de Paris constitué d'une équipe de 19 magistrats, et de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

Sanction des faits de corruption en France

En 2022, le PNF a ouvert 217 enquêtes et avait 708 affaires en cours, dont 314 (44,35%) relatives à des atteintes à la probité.

En 2021, les parquets français ont traité 900 affaires d'atteinte à la probité, contre 853 en 2020 (+5,5 %). Ces affaires impliquaient 1 379 auteurs, dont 301 personnes morales. 55 % d'entre eux n'ont pas été poursuivis car l'infraction n'était pas assez caractérisée.

Parmi les 620 auteurs poursuivis, 48 ont bénéficié d'un classement sans suite et 572 ont fait l'objet d'une réponse pénale en matière d'atteintes à la probité (dont 126, d'une procédure alternative aux poursuites et 446 de poursuites).

En 2021 toujours, 451 infractions entrant dans le champ des atteintes à la probité (contre 364 en 2020) ont entraîné la condamnation de personnes physiques, principalement pour des faits de corruption (40,8%), avec le prononcé d'une peine d'emprisonnement dans 72% des cas. 13 personnes morales ont également été condamnées.

Le taux de relaxe (=décision de justice déclarant le prévenu non coupable) est particulièrement élevé dans ce contentieux (27,2%, soit trois fois plus que le taux constaté tous contentieux confondus (hors contentieux routier).

Sources : PNF et rapport annuel 2022 de l'agence française anticorruption (AFA)

En deuxième lieu, la France dispose d'une législation ambitieuse concernant la prévention de la corruption dans la vie publique. Ses principaux dispositifs sont les suivants :

- l'encadrement et la transparence du financement de la vie politique et des campagnes électorales (interdiction du financement des partis politiques par des entreprises ; plafonnement des dépenses des candidats aux élections ; action de contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)) ;

- des obligations déclaratives strictes (déclaration de patrimoine et déclaration d'intérêts) pour les membres du Parlement français, les membres français du Parlement européen, les membres du Gouvernement, les titulaires de fonctions exécutives locales et plusieurs catégories de hauts fonctionnaires68(*) et leur contrôle par une instance indépendante, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ainsi, en 2022, 5 245 responsables publics ont déposé 10 659 déclarations. 4 170 d'entre elles ont été contrôlées69(*) ;

- simultanément, les règles déontologiques des membres du Parlement et des agents publics ont été actualisées. À titre d'exemple, les sénateurs sont soumis à des règles déontologiques liées à leurs fonctions de législateur et de « contrôleur » du pouvoir exécutif : « Dans l'exercice de leur mandat, les sénateurs font prévaloir, en toutes circonstances, l'intérêt général sur tout intérêt privé. Ils veillent à rester libres de tout lien de dépendance à l'égard d'intérêts privés ou de puissances étrangères. Ils exercent leur mandat dans le respect du principe de laïcité et avec assiduité, dignité, probité et intégrité. »70(*)

Ils sont également soumis aux obligations déclaratives précitées. Tout d'abord, ils doivent déposer une déclaration d'intérêts et d'activité et une déclaration patrimoniale à la HATVP, un double de la première déclaration devant être également déposé auprès du Bureau du Sénat. Le contrôle de l'exhaustivité et de la véracité des éléments mentionnés revient à la HATVP.

Les sénateurs doivent remplir d'autres déclarations destinées au Bureau du Sénat et rendues publiques sur le site internet du Sénat : déclarations de déport et déclarations orales d'intérêts (lorsqu'un sénateur déclare ne pas pouvoir participer aux travaux parlementaires en raison de ses intérêts privés) ; déclarations d'invitation à un déplacement financé par un organisme extérieur ou de cadeau71(*)...

On peut aussi souligner que le Bureau du Sénat vérifie le respect par les sénateurs de l'interdiction d'exercer des fonctions de conseil ou de représentation d'intérêts72(*) et celle de se prévaloir de son mandat parlementaire pour favoriser une activité professionnelle privée, et notamment d'user de sa qualité de parlementaire à des fins de publicité pour une entreprise financière, industrielle ou commerciale73(*) ;

l'activité de représentation d'intérêts (ou lobbying) est officiellement reconnue et encadrée (obligation d'inscription des représentants d'intérêts sur le répertoire national qui leur est dédié, contrôlé par la HATVP ; dépôt obligatoire d'une déclaration annuelle d'activité ; interdiction pour les intéressés de remettre des cadeaux, dons ou avantages « d'une valeur significative » à un responsable public...sous peine d'une sanction pénale).

En troisième lieu, la loi précitée du 9 décembre 2016 a mis en place des dispositifs de prévention de la corruption applicables aux entreprises et des outils de promotion d'une culture de l'éthique :

- les grandes entreprises74(*) sont soumises à une obligation de vigilance à l'égard du risque de corruption (obligation d'adopter un code de conduite, de mettre en place un dispositif d'alerte interne, d'établir une cartographie des risques à l'égard de la corruption et de former les personnels qui y seraient les plus exposés...) ;

- en 2017, a été instituée l'agence française anticorruption (AFA),service à compétence nationale placé sous l'autorité conjointe des ministres de la justice et des finances, dont les principales missions sont de diffuser la culture de l'éthique dans les entreprises et les acteurs publics (par des recommandations, guides...), de contrôler les obligations précitées des grandes entreprises75(*) et d'apporter son expertise en soutien des autorités françaises au sein des enceintes européennes et internationales de lutte contre la corruption ;

- afin de protéger les auteurs de signalements de faits de corruption, un régime de protection juridique des « lanceurs d'alerte » a été institué, précédant le dispositif européen mis en oeuvre par la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019.

b) Néanmoins, la lutte contre la corruption demeure imparfaite dans l'Union européenne et inégale selon les États membres...

En effet, la situation est variable dans les États membres de l'Union européenne au regard de la lutte anticorruption et tous peuvent encore mieux faire.

Ainsi, dans le cadre du cycle d'examen de l'État de droit mis en place en 2020, la Commission européenne examine, dans un rapport annuel, la « santé » de l'État de droit dans les États membres, en étudiant plus spécifiquement la situation des systèmes judiciaires, les cadres nationaux de lutte contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias et d'autres questions institutionnelles - telles que les procédures d'adoption accélérées des textes législatifs. Depuis l'an dernier, dans ces rapports, la Commission européenne a pris l'initiative d'émettre des recommandations spécifiques aux États membres.

Or, selon le dernier rapport de la Commission européenne sur l'État de droit (voir infra), des progrès significatifs ont été accomplis par les 27 États membres et certains d'entre eux ont pris des mesures pour renforcer leur lutte contre la corruption. La France, sur ce point, est saluée car les enquêtes sur les affaires de corruption à haut niveau y sont possibles et efficaces. En revanche, notre pays est appelé à veiller à ce que les règles relatives aux activités de lobbying soient appliquées de manière cohérente à tous les acteurs concernés, « y compris au plus haut niveau de l'exécutif ».

Illustrant la très grande diversité de la situation des États membres en matière de lutte anticorruption, le rapport souligne que plusieurs États membres n'ont toujours pas de cadre juridique adapté. À titre d'exemple, certains États membres ne disposent pas de stratégie nationale anticorruption (Slovénie). D'autres doivent encore mettre en place une législation pour encadrer efficacement les représentants d'intérêts (Belgique ; Croatie ; Espagne ; Grèce ; Hongrie ; Italie ; Pays-Bas ; Pologne ; République tchèque ; Roumanie Slovaquie) ou veiller à l'efficacité des enquêtes dans les affaires de corruption « à haut niveau » (Bulgarie ; Espagne ; Hongrie ; Malte ; Pologne).

Plusieurs États membres sont sollicités pour rendre effectives leurs règles visant à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêts (Espagne ; Estonie ; Slovaquie).

L'Autriche, Chypre et le Danemark doivent mettre en place un système de contrôle des déclarations de patrimoine de leurs responsables publics et l'Allemagne est, quant à elle, appelée à améliorer ses procédures de contrôle du « pantouflage ».

Parfois, les règles de financement des partis politiques ne prévoient qu'un contrôle limité sur l'origine et l'utilisation des fonds (Danemark ; Estonie ; Finlande ; Grèce ; Hongrie ; Italie ; Pays-Bas ; République tchèque ; Slovaquie).

Les principales observations du rapport sur l'État de droit 2023 de la Commission européenne à destination des États membres pour lutter contre la corruption

Principales observations

États membres concernés

Adopter ou conforter la stratégie nationale anticorruption et le cadre juridique pénal qui la sanctionne

Slovénie

Adopter une législation sur le trafic d'influence

Finlande

Renforcer la lutte contre la corruption transnationale

Finlande ; Suède

Adopter ou consolider la législation en matière de conflits d'intérêts et de déclarations de patrimoine

Autriche ; Chypre ; Danemark (contrôle effectif des déclarations de patrimoine) ; Espagne ; Estonie ; Irlande (contrôle effectif des déclarations de patrimoine) ; Italie ; Hongrie ; Pologne ; Portugal ; République tchèque (sur les conflits d'intérêts) ; Slovaquie

Renforcer le cadre éthique de l'action des ministres et des personnes investies de hautes fonctions de l'exécutif

Finlande

Réglementer ou mieux encadrer le lobbying

Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Croatie ; Espagne ; France ; Hongrie ; Irlande ; Italie ; Lettonie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Pologne ; Roumanie ; Slovaquie

Conforter la lutte contre la corruption à haut niveau

Bulgarie ; Espagne ; Grèce ; Hongrie ; Malte ; Pologne ; République tchèque ; Slovaquie

Garantir l'indépendance et l'intégrité des organes de lutte anticorruption et de l'administration

Bulgarie ; Lettonie ; Pologne

Garantir l'efficacité opérationnelle des organes dédiés à la prévention et à la lutte contre la corruption (qualité du recrutement des agents ; augmentation de moyens financiers et humains...)

Bulgarie ; Chypre ; Croatie ; Grèce ; Portugal ; Roumanie

Réduire la durée des procédures judiciaires dans les affaires de corruption

Espagne ; Malte ; République tchèque

Protéger, par un cadre juridique et des garanties effectives, les journalistes

Croatie ; Grèce ; Italie ; Malte ; Slovaquie ; Slovénie

Assurer la transparence et le contrôle du financement des partis politiques

Italie

Adopter des règles sur les cadeaux et avantages accordés aux membres du Parlement et du gouvernement

Belgique

Réglementer le « rétro-pantouflage »

Allemagne ; Belgique ; Danemark ; Hongrie ; Pays-Bas

c) ...ce qui a conduit à une intervention croissante de l'Union européenne dans les politiques nationales

Ces divergences ont conduit à une intervention croissante de l'Union européenne pour surveiller les politiques menées par les États membres, d'une part, au service de la sauvegarde de ses intérêts financiers et, d'autre part, depuis 2018, sur le fondement d'une politique de sécurisation de « l'État de droit ». Cette surveillance prend différentes formes :

- la prévention et la lutte contre la corruption font d'abord partie des critères examinés dans la procédure d'évaluation européenne des budgets des États membres mise en place dans le cadre du Semestre européen76(*) ;

- en deuxième lieu, comme cela vient d'être indiqué, depuis 2020, la Commission européenne évalue chaque année la situation des États membres à l'égard de la lutte contre la corruption. Évaluation et recommandations sont rendues publiques dans le cadre du cycle d'examen de l'État de droit ;

- en troisième lieu, la Commission européenne peut, dans le cadre du régime général de « conditionnalité État de droit »77(*), recommander au Conseil d'imposer des restrictions budgétaires aux États membres qui seraient en infraction aux principes de l'État de droit pour des faits de corruption menaçant de manière significative les intérêts financiers de l'Union européenne ;

- en quatrième lieu, avec des résultats variables, l'Union européenne est susceptible de sanctionner les États membres ignorant les valeurs de l'Union européenne, en particulier lorsqu'ils refusent de prévenir et de lutter contre la corruption. À cet égard, l'Union européenne dispose tout d'abord de ce qui est qualifiée par les acteurs européens « d'option nucléaire » de l'article 7 du traité sur l'Union européenne.

Le mécanisme de sanctions de l'article 7 du TUE :

Introduit par le traité d'Amsterdam, ce mécanisme de sanctions prévoit un volet préventif et un volet répressif.

Le volet préventif peut être enclenché en cas de « risque clair de violation grave » de l'État de droit dans un État membre. La Commission européenne, le Parlement européen ou un tiers des États membres invite alors le Conseil, statuant à la majorité des 4/5èmes, et après approbation du Parlement européen, à constater l'existence de ce risque.

Le volet répressif peut ensuite être mis en oeuvre, à condition toutefois, que le Conseil européen, à l'unanimité78(*), ait constaté « l'existence d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2 (du TUE) ».

Une fois ce vote effectif, le Conseil peut décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains droits de l'État membre concerné, y compris ses droits de vote au Conseil.

Comme le rappelaient nos collègues Philippe Bonnecarrère et Jean-Yves Leconte dans leur rapport d'information sur « l'État de droit dans l'Union européenne », « cette procédure est cependant lourde » et a montré ses limites79(*) lorsqu'elle a été ouverte contre la Hongrie80(*) et la Pologne81(*) ;

-enfin, la Commission européenne peut poursuivre, souvent avec succès, les États membres qui ne respectent pas les traités, par une action en manquement devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)82(*). Cette dernière a en outre donné une portée maximale à l'effectivité de l'État de droit à l'occasion de ses réponses aux questions préjudicielles des juridictions nationales des États membres83(*).

En effet, depuis 2018, comme l'affirme l'un de ses membres, le juge Jean-Claude Bonichot, la CJUE a développé une jurisprudence « audacieuse », « plaçant le juge au coeur de l'État de droit et hissant sa fonction au niveau constitutionnel ».

Elle a alors estimé que le droit au contrôle juridictionnel s'imposait de manière autonome à tous, institutions européennes comme États membres, et impliquait dans ces derniers, une indépendance des juges, supposant leur absence de subordination, leur protection à l'égard des pressions extérieures et une rémunération permettant cette indépendance84(*).

Ultérieurement, au nom de la primauté du droit de l'Union européenne et de l'État de droit, elle a affirmé, au sujet d'une réforme législative nationale anticorruption, que le droit de l'Union européenne s'opposait à l'application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle d'un État membre (en l'espèce, la Roumanie) dans la mesure où celle-ci, combinée avec les dispositions nationales en matière de prescription, instaurerait un risque systémique d'impunité85(*).

3. ...et qui pâtit des défaillances des institutions européennes en matière éthique
a) L'Union européenne n'est pas dépourvue de règles éthiques...

Comme déjà souligné, l'Union européenne affiche désormais la lutte contre la corruption comme une priorité de ses politiques, tant internes qu'externes.

Ce choix est l'une des manifestations concrètes de la politique en faveur de « l'État de droit » que les institutions européennes mènent plus particulièrement depuis 2018 au nom des valeurs de l'Union européenne, inscrites à l'article 2 du traité sur l'Union européenne mais ne faisant pas l'objet d'une définition précise dans les traités.

Au regard de ces valeurs, comme cela vient d'être rappelé, la Commission européenne, évalue désormais juridiquement mais aussi « éthiquement » les stratégies nationales de lutte contre la corruption, la situation de la justice, des journalistes et des médias, ainsi que le financement des partis politiques dans chaque État membre et jusqu'à leurs procédures législatives, qui constituent pourtant le fondement de la souveraineté nationale86(*).

Et lorsque cette évaluation ne leur semble pas satisfaisante, Commission, Conseil et Parlement européen sont en mesure de « geler » le versement de fonds européens, d'exiger des réformes structurelles des États membres visés voire de contester leurs décisions devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Or, si elles souhaitent poursuivre cette politique ambitieuse voire intrusive, ces institutions se doivent d'être elles-mêmes exemplaires dans le respect des règles éthiques, sous peine d'apparaître comme des « Tartuffes » et de perdre leur crédibilité et la confiance des citoyens.

Afin que les principes d'intégrité et de transparence soient respectés dans leurs décisions et actions, plusieurs procédures et organismes sont en place :

- institutions et organes de l'Union européenne doivent assurer l'accès public à la majorité de leurs documents (même à usage interne). En cas de réticence de leur part, cet accès peut être rendu effectif après intervention de la Médiatrice de l'Union européenne ;

- les membres des institutions et des principaux organes de l'Union européenne sont soumis à des codes de conduite, qui contiennent les règles déontologiques qu'ils doivent respecter en matière de prévention des conflits d'intérêts et de déclaration d'intérêts, de cadeaux et d'invitations, ou encore, de cumul éventuel de leurs fonctions avec une activité extérieure ;

- de même, l'activité des personnels des institutions de l'Union européenne87(*) est régie par un statut88(*), qui leur impose en particulier de s'acquitter de leurs fonctions « de manière objective et impartiale », dans le respect de leur « devoir de loyauté envers les Communautés » et en s'abstenant de tout acte ou comportement pouvant porter atteinte à la « dignité » de ces fonctions. En conséquence, ce statut leur interdit d'accepter des cadeaux ou avantages de toute source extérieure, soumet leur possibilité d'exercer une activité extérieure complémentaire à une autorisation de leur hiérarchie, et leur demande à la fois de respecter une obligation de réserve et celle d'informer leurs autorités hiérarchiques de tout fait laissant présumer une activité illégale éventuelle, « notamment une fraude ou une corruption » ;

- des instances internes sont chargées de faire respecter les règles déontologiques précitées et de conseiller les responsables et agents des institutions concernées. Signalons l'existence du comité consultatif sur la conduite des députés au sein du Parlement européen, chargé de recueillir les diverses déclarations que doivent remplir les députés européens (déclarations d'intérêts financiers, de participation à des manifestations organisées par des tiers et de notification de cadeaux) et l'organe d'éthique, qui conseille la Commission européenne sur la compatibilité des choix des commissaires ou anciens commissaires avec le code de conduite de la Commission européenne. En revanche, force est de constater que, jusqu'en 2022, l'activité de conseil et de contrôle de ces organes, résumée dans leurs rapports annuels d'activité89(*), est demeurée très modeste ;

- en outre, l'accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 a mis en place une première régulation du « lobbying » avec la mise en place d'un registre commun de transparence des représentants d'intérêts ayant accès aux institutions de l'Union européenne ;

- enfin, les partis politiques européens90(*) et les fondations politiques européennes qui se voient reconnaître un statut spécifique et bénéficient de fonds publics européens, font l'objet en contrepartie d'un contrôle a minima par une autorité dédiée, prévue par le règlement (UE, EURATOM) n°1141/201491(*). Ces partis ne peuvent accepter les dons provenant de personnes physiques ou morales supérieurs à 18 000 euros par an et par donateur. Il leur est aussi interdit, en l'état du droit, d'accepter les dons des autorités publiques ou de toute entité privée implantée dans un pays tiers92(*). Cependant, l'indépendance de cette autorité est limitée par son fonctionnement pratique : en effet, cette dernière siège au sein du Parlement européen et bénéficie de ses moyens humains et matériels pour accomplir ses missions.

En cas de fraude ou de corruption avérée de personnels des institutions ou organes de l'Union européenne, l'OLAF et le Parquet européen peuvent mener des enquêtes et ouvrir des poursuites judiciaires si les intérêts financiers de l'Union européenne sont en cause.

Soulignons enfin le rôle précieux de veille et « d'aiguillon » de la Médiatrice européenne, Mme Emily O'Reilly, qui, par ses enquêtes et ses recommandations, a « lancé l'alerte » depuis plusieurs années sur la nécessité de mettre à niveau les règles de transparence et d'éthique dans l'Union européenne.

Le Médiateur européen

Institué en 1992 par le traité de Maastricht, le Médiateur européen, (également appelé « Ombudsman »), sert d'intermédiaire entre les citoyens et les institutions de l'Union européenne. Conformément aux articles 20, 24 et 228 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE)93(*), et à l'article 43 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne94(*), le Médiateur européen procède à des enquêtes sur les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions, organes et organismes de l'Union européenne; il intervient, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes déposées par des citoyens de l'Union européenne ou par toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre. Il est élu par le Parlement européen pour la durée de la législature.

Depuis le 1er octobre 2013, l'Irlandaise Emily O'Reilly occupe la fonction de médiateur européen.

En 2022, la Médiatrice européenne a aidé plus de 16 000 citoyens, donné 13 313 conseils et traité 2 238 nouvelles plaintes.

La seule Commission Européenne a fait l'objet de 197 nouvelles investigations par le bureau de la Médiatrice européenne, sur un total de 348 enquêtes ouvertes (soit un peu plus de 56 %). Celles-ci portaient notamment sur sa gestion du « pantouflage » de ses personnels95(*), sur l'opacité des relations existant entre certains de ses services et des représentants d'intérêts96(*), ou encore sur la transmission de ses documents (affaire dite des « sms » de la présidente de la Commission européenne au PDG d'une entreprise pharmaceutique)97(*).

Cependant, la mise en oeuvre de ces règles semble trop souvent lacunaire et la sanction des violations déontologiques très imparfaite. Et aucune autorité indépendante ne dispose des moyens et des compétences pour assurer le respect d'une « éthique européenne ».

b) ... mais le fonctionnement actuel des cadres éthiques des institutions européennes est bien en-deçà des exigences de l'État de droit...

En 2019, dans un rapport spécial98(*), la Cour des Comptes de l'Union européenne soulignait que des « améliorations étaient possibles » pour le fonctionnement des « cadres éthiques des institutions de l'Union européenne » en remarquant que les institutions concernées avaient « mis en place des cadres éthiques globalement adéquats, quoique perfectibles » mais soulignait plusieurs faiblesses persistantes dans les stratégies globales en matière d'éthique.

En conséquence, la Cour recommandait à ces institutions, pour l'année 2020 :

- d'améliorer les cadres éthiques existants : élaboration de stratégies éthiques claires (Parlement européen et Conseil) ; mise en place de procédures formelles de vérification des déclarations afin d'en analyser l'exactitude et l'exhaustivité (Parlement européen, Commission européenne et Conseil) ; renforcement de la portée des règles sur les cadeaux et avantages (idem) ; adaptation des règles en matière d'alerte éthique en faveur des assistants parlementaires des députés européens et établissement de dispositions éthiques spécifiques pour « l'après-mandat » des députés européens (Parlement européen) ;

- d'oeuvrer ensemble pour harmoniser les éléments du cadre éthique et déployer davantage d'efforts pour partager les bonnes pratiques dans ce domaine. La Cour visait alors en particulier l'établissement d'une définition commune des « dons » et de leur valeur maximale acceptable, ainsi qu'une harmonisation des plafonds de rémunération autorisée pour les activités extérieures du personnel et des informations à fournir par les membres dans les déclarations concernant les intérêts des membres de leur famille et les activités professionnelles de leurs conjoints ;

- d'accroître la sensibilisation des agents au cadre et à la culture éthiques ainsi que la perception qu'ils en ont.

Plusieurs évènements récents ont démontré la fragilité des institutions européennes à l'égard d'actions illicites d'intérêts privés ou de puissances étrangères, soulignant par là-même l'urgence du renforcement du cadre déontologique et surtout, de la culture de l'éthique, de l'Union européenne.

Les deux premiers exemples sont relatifs au fonctionnement des services de la Commission européenne.

Tout d'abord, le 29 mars 2023, M..., ancien directeur général des transports à la Commission européenne, renonçait à ses fonctions. L'intéressé avait en effet bénéficié de plusieurs voyages offerts par la compagnie Qatar Airways entre 2015 et 2021, alors même qu'il négociait un accord aérien avec ce pays au nom de l'Union européenne. Il n'a cependant pas été sanctionné mais simplement transféré dans un autre service.

Le 19 avril dernier, la Médiatrice européenne ouvrait une enquête relative aux relations actuelles entre les directions générales de la Commission européenne et l'industrie du tabac. Les premiers éléments recueillis dans cette enquête ont souligné que de nombreux échanges et réunions entre ces acteurs n'avaient fait l'objet d'aucun compte rendu ni d'aucune publicité, en contravention avec la convention-cadre anti-tabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) datant de 2004 qui impose pourtant cette publicité : cette opacité risque de nourrir les soupçons de corruption ou de conflits d'intérêts.

Le troisième exemple sera simplement évoqué car plusieurs instances judiciaires mettant en cause directement l'indépendance de la Présidente de la Commission européenne sont en cours : en mai 2021, un journaliste a souhaité obtenir l'ensemble des documents, dont des SMS, qui auraient été échangés entre la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, et le PDG de la société Pfizer pour négocier un contrat de vaccins contre le covid-19. Débouté de sa demande par la Commission européenne, ce journaliste a saisi la Médiatrice européenne, qui a ouvert une enquête et effectué la même demande auprès de la Commission.

Or, le 29 juin 2022, la Commission européenne avait affirmé que ses recherches n'avaient donné aucun résultat. Dans une déclaration publique en date du 14 juillet 2022, la Médiatrice européenne avait précisé que son enquête n'avait pas permis de savoir si ces SMS existaient bel et bien et n'avait « pas permis de clarifier la manière dont la Commission européenne répondrait à une même demande concernant d'autres textos. » Elle avait conclu en conséquence à une « mauvaise administration », estimant que le manque de volonté pour retrouver les documents en cause était un « signal d'alarme ». Car s'ils existent et ont contribué à la négociation, ces textos constituent juridiquement des documents administratifs qui doivent être accessibles à tout citoyen d'un État membre de l'Union européenne, conformément à l'article 42 de la charte européenne des droits fondamentaux. S'ils contiennent des éléments de conversation privée susceptibles d'infléchir le cours des négociations, ils pourraient constituer la preuve d'un éventuel conflit d'intérêts de Mme von der Leyen.

Le cas échéant, l'affaire devrait connaître des suites devant la justice belge et devant le tribunal de l'Union européenne, un lobbyiste belge accrédité auprès des institutions de l'Union européenne ayant déposé deux plaintes contre la présidente de la Commission européenne pour « usurpation de fonctions et de titre », « destruction de documents publics », « prise illégale d'intérêts et corruption ».

Le dernier exemple public de dysfonctionnement des institutions européennes est constitué par l'affaire dite du « Qatargate », qui illustre les risques d'ingérences étrangères sur les prises de décision et votes du Parlement européen.

À la suite d'une enquête des services de renseignement belges sur des soupçons de corruption de députés européens par des pays tiers - en l'espèce, le Maroc et le Qatar -, des perquisitions ont été déclenchées par la justice belge, le 9 décembre 2022.

Elles ont conduit à l'arrestation et à la détention provisoire -pendant plusieurs mois - de plusieurs parlementaires européens dont Mme Eva Kaïli, qui, jusqu'à son arrestation, était vice-présidente du Parlement européen.

Se situant au coeur de l'affaire, M. Pier Antonio Panzeri a siégé au Parlement européen de 2004 à 2019 et présidait alors la délégation du Parlement européen auprès des pays du Maghreb. Il a ensuite dirigé une organisation non gouvernementale dénommée - ironie de l'histoire - « Fight Impunity » (Combattre l'impunité). À la suite de son interpellation, il a accepté de collaborer avec les enquêteurs, mis en cause plusieurs parlementaires européens et estimé à 2,6 millions d'euros les sommes versées par les pays tiers impliqués. L'enquête en cours se poursuit avec des rebondissements : le juge d'instruction qui menait les investigations a été contraint de se retirer du dossier en juin 2023 en raison d'une situation de conflit d'intérêts et les accusés veulent faire annuler une procédure qu'ils estiment viciée.

Ces révélations ont évidemment semé le trouble dans les institutions européennes et malheureusement jeté un voile de suspicion sur l'ensemble des élus de l'Union européenne. Elles favorisent les discours hostiles à la construction européenne les plus démagogiques. Elles ont, en conséquence, fait valoir l'urgence d'un renforcement du cadre éthique européen.

Des premières réponses ont été apportées, d'abord, par le Parlement européen, qui, au cours de l'année 2023, a mené une refonte de ses procédures en urgence sur la base du « plan d'action en 14 points » présenté par sa Présidente, Mme Roberta Metsola, rapidement après l'éclatement du scandale du « Qatargate », afin de lutter plus efficacement en interne contre les risques de conflit d'intérêts et d'ingérence étrangère.

Par ailleurs, une actualisation des réglementations européennes relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et permettant le gel et le recouvrement des avoirs criminels a été adoptée en trilogue les 12 et 13 décembre derniers.

D'ordre plus général, la proposition de directive de lutte contre la corruption prévoit une harmonisation ambitieuse des règles européennes de prévention et de lutte contre la corruption. Quant à la création d'un organe d'éthique européen, elle permettrait la « mise à niveau » nécessaire des institutions européennes dans le domaine éthique.


* 49 Résolution 58/4 de l'Assemblée générale des Nations unies du 31 octobre 2003.

* 50 Convention du 21 novembre 1997.

* 51 À titre d'exemple, on peut citer la Convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999 (STE n°173) et la Convention civile sur la corruption du 4 novembre 1999 (STE n°174).

* 52 Exposé des motifs de la proposition de directive relative à la lutte contre la corruption (p 2).

* 53 Ainsi, l'article 83 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans son paragraphe 1, donne la possibilité au Parlement européen et au Conseil d'établir, par voie de directives, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des « domaines de criminalité particulièrement graves », dont la « corruption ».

* 54 Communications COM(2020) 605 final du 24 juillet 2020 et COM(2021) 170 final du 14 avril 2021.

* 55 Acte du Conseil du 26 mai 1997 établissant la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne.

* 56 Décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

* 57 Directive (UE) 2018/843 du 30 mai 2018.

* 58 Directive 2014/42/CE du 3 avril 2014 et règlement (UE) 2018/1805 du 14 novembre 2018. Ce cadre juridique est en cours de modification (proposition de directive COM(2022) 245 final).

* 59 Ainsi, en 2021, Eurojust a soutenu les actions des États membres dans 326 affaires de corruption.

* 60 À cet égard, il faut mentionner la directive (UE) 2017/1371 du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal (directive « PIF »), le règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union européenne (règlement (UE) 2018/1046 qui comprend des dispositions destinées à minimiser les risques de corruption dans les marchés publics et l'attribution des financements européens), la stratégie anti-fraude présentée par la Commission européenne pour protéger le budget de l'Union européenne (communication COM (2019) 196 final du 29 avril 2019) et les règlements (UE) 2021/1060 et 2021/2116 relatifs au contrôle des fonds européens.

* 61 Les prérogatives de ce dernier ont été posées par le règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017.

* 62 Dirigé par le chef du Parquet européen (aujourd'hui Mme Laura Kövesi) et par un collège comprenant un procureur européen par État membre participant, basé à Luxembourg, il comprend également une structure décentralisée dans chaque État membre participant constituée de procureurs européens délégués. Ces États membres sont les suivants : Allemagne ; Autriche ; Belgique ; Bulgarie ; Croatie ; Chypre ; Espagne ; Estonie ; Finlande ; France ; Grèce ; Italie ; Lettonie ; Lituanie ; Luxembourg ; Malte ; Pays-Bas ; Portugal ; République tchèque ; Roumanie ; Slovaquie ; Slovénie.

* 63 Directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019

* 64 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives (« poursuites stratégiques altérant le débat public »), COM(2022) 177 final.

* 65 Il faut évoquer ici la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, morte dans l'explosion criminelle de sa voiture, le 16 octobre 2017, alors qu'elle était à l'origine de graves accusations de corruption contre le gouvernement de son pays, ou du journaliste slovaque Jan Kuciak, assassiné, le 26 février 2018 avec sa compagne alors qu'il s'apprêtait à publier une enquête sur les liens présumés entre plusieurs hommes politiques slovaques et la mafia italienne.

* 66 Voir les règlements du Conseil (UE) 2021/1275 du 30 juillet 2021 et (UE) 2023/888 du 28 avril 2023 imposant des mesures restrictives au Liban et à la Moldavie.

* 67 Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 68 Collaborateurs de cabinet ; membres des autorités administratives indépendantes ; titulaires d'emplois et de fonctions à la discrétion du Gouvernement et nommés en conseil des ministres ; présidents et directeurs généraux d'un certain nombre d'entreprises, établissements ou organismes sur lesquels l'État exerce un contrôle total ou partiel. Au total, plus de 16 000 personnes sont concernées.

* 69 Sur ces 4 170 déclarations, 32,2% ont été validées par la HATVP, 60,6% ont nécessité la transmission d'une déclaration modificative, 6,2% ont conduit la HATVP à émettre des rappels aux obligations déclaratives aux personnes visées et 0,3% ont été transmises à la justice.

* 70 Article 91bis du Règlement du Sénat.

* 71 Cette déclaration est obligatoire lorsqu'un sénateur accepte une invitation ou un cadeau d'un montant dont la valeur excède 150 euros (article 91 quinquies du Règlement du Sénat).

* 72 Articles L.O. 146 à L.O. 146-3 du code électoral.

* 73 Article L.O. 150 du code électoral.

* 74 La loi concernée définit ces grandes entreprises comme celles qui emploient au moins 500 salariés et comme celles appartenant à un groupe employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros.

* 75 L'AFA exerce deux types de contrôles : d'une part, elle contrôle les obligations de vigilance des grandes entreprises à l'égard du risque de corruption (« contrôles d'initiative ») et, d'autre part, l'exécution par une société de la peine complémentaire de mise en conformité, qui peut être décidée en cas de condamnation pénale pour corruption ou trafic d'influence (« contrôles d'exécution »). Depuis 2017, l'AFA a ainsi engagé 198 contrôles et examens, dont 39 nouveaux en 2022.

* 76 Mis en place en 2010 pour tirer les leçons de la crise économique de 2008, le Semestre européen est un processus de coordination des politiques socio-économiques des États membres de l'Union européenne, qui s'étend, chaque année, de novembre à juillet. Il vise à garantir la convergence et la stabilité au sein de l'Union européenne, à prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs et à veiller à la mise en oeuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Dans ce cadre, les États membres doivent aligner leurs politiques économiques et budgétaires sur les règles arrêtées au niveau de l'Union européenne.

* 77 Règlement (UE,EURATOM) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union.

* 78 À l'exception, bien entendu, de l'État membre en cause.

* 79 Rapport d'information du Sénat n°457 (2020-2021), « l'État de droit dans l'Union européenne : la nécessité d'une action plus résolue ».

* 80 Le volet préventif du mécanisme de sanctions a été déclenché de manière inédite par une résolution du Parlement européen, adoptée le 12 septembre 2018.

* 81 Sur proposition de la Commission européenne, le volet préventif du mécanisme a été enclenché le 20 septembre 2017.

* 82 Article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 83 Article 267 du TFUE.

* 84 CJUE, 27 février 2018, Associaçao Sindical dos Juizes Portugueses, C-64/16.

* 85 CJUE, 21 décembre 2021, Euro Box Promotion et autres, C-357/19, C-379/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19.

* 86 Ainsi dans son rapport sur l'État de droit 2023, la Commission européenne se fait l'écho des inquiétudes exprimées par certaines associations bénéficiaires de financements publics, à la suite de la modification de la législation française en vue de leur imposer le respect des valeurs fondamentales de la République française (dont la laïcité) : « en France, si l'environnement financier des organisations de la société civile reste favorable, les parties prenantes font part de leurs préoccupations quant à la mise en oeuvre de la législation subordonnant l'accès au financement public au respect des valeurs fondamentales de la République française. » (p. 30 du rapport).

* 87 Les personnels des institutions suivantes sont concernés : Conseil ; Parlement européen ; Commission européenne ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ; Cour des Comptes de l'Union européenne. Y sont assimilés les personnels du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), du Comité économique et social européen (CESE), du Comité des régions, du Médiateur européen et du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), ainsi que les fonctionnaires européens travaillant dans les agences de l'Union européenne.

* 88 Ce statut est prévu à l'article 336 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : « Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voies de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent, après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires de l'Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l'Union. »

* 89 Pour le Parlement européen : https://www.europarl.europa.eu/meps/fr/about/meps

* 90 En l'état du droit, un parti politique européen est une alliance de plusieurs partis politiques siégeant dans au moins un quart des États membres et dont elle ou ses partis membres doivent y avoir obtenu au moins 3% des suffrages exprimés lors des dernières élections européennes. Elle doit respecter les valeurs de l'Union européenne, avoir participé aux dernières élections européennes ou annoncé vouloir participer aux prochaines, et ne pas poursuivre de but lucratif.

* 91 Règlement (UE, EURATOM) du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes.

* 92 Article 20 du règlement (UE, EURATOM) n°1141/2014 précité.

* 93 L'article 20 prévoit le droit de tout citoyen de l'Union européenne de « recourir au Médiateur européen ». Les articles 24 et 228 énoncent ses modalités de saisine. Ainsi, le Médiateur européen, élu par le Parlement européen, « est habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l'Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l'action des institutions, organes ou organismes de l'Union, à l'exclusion de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Il instruit ces plaintes et fait rapport à leur sujet. », « procède aux enquêtes qu'il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base de plaintes qui lui ont été présentées », « sauf si les faits allégués font ou ont fait l'objet d'une procédure juridictionnelle. »

* 94 L'article 43 précité de la charte reconnaît le droit de saisine du médiateur européen.

* 95 Décision du 16 mai 2022.

* 96 Décision du 20 décembre 2023 qui constate une mauvaise administration lorsque la Commission européenne est dans l'incapacité d'assurer la transparence des relations de ses services avec les représentants d'intérêts de l'industrie du tabac.

* 97 Décision du 12 juillet 2022 dans laquelle la Médiatrice de l'Union européenne a considéré que l'absence d'identification et de communication de sms échangés entre la présidente de la Commission européenne et le PDG d'une entreprise pharmaceutique concernant l'achat d'un vaccin contre la pandémie de Covid-19 constituait une mauvaise administration.

* 98 Rapport spécial n°13/2019, « Les cadres éthiques des institutions de l'Union européenne auditées : des améliorations sont possibles ».

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