B. RECOMMANDATIONS

1. Recherche

Recommandation 1 : Continuer à conduire de nouveaux appels à projets pleinement consacrés à la chlordécone tous les trois ans, dont les modalités et les axes prioritaires sont définis par le Comité de pilotage scientifique national (CPSN).

Recommandation 2 : Outre les recherches sur les outils de remédiation et sur les impacts sanitaires, promouvoir le financement de travaux sur les thématiques ayant été moins explorées jusqu'à présent : sciences humaines et sociales, impacts de la chlordécone sur la biodiversité, effets cocktail de la chlordécone avec d'autres produits phytosanitaires utilisés aux Antilles, risques environnementaux et sanitaires représentés par les produits de transformation de la chlordécone.

Recommandation 3 : Accompagner les projets dans l'application pratique de leurs résultats, notamment en conditions réelles de terrain et à grande échelle, afin d'en faire bénéficier la population aussi rapidement que possible. Un soutien particulier doit être fourni quant à l'utilisation de biochars à partir de sargasses, qui pourrait résoudre deux problématiques.

Recommandation 4 : Fournir via le CPSN un accompagnement aux équipes de recherche n'ayant pas vu leur projet financé lors du premier appel à projets afin qu'elles puissent faire évoluer leurs projets et bénéficier d'un financement ultérieur.

Recommandation 5 : Suivre les différents projets de recherche en cours et encourager la mise en place de collaborations et d'échanges entre les différentes équipes.

Recommandation 6 : Faire en sorte que les études portent sur des données récentes en actualisant et en suivant dans le temps l'imprégnation et l'exposition de la population, grâce aux résultats des études Kannari 2 et ChlorExpo, mais également à l'aide des analyses de chlordéconémie et les contrôles de denrées alimentaires effectués par les DAAF.

Recommandation 7 : Lorsque cela est possible, élargir les projets de recherche à l'ensemble des produits phytosanitaires utilisés aux Antilles pour construire une approche « exposome ».

2. Communication

Recommandation 8 : Repenser la communication pour la rendre moins verticale et tenir compte des réalités socio-culturelles propres aux Antilles, s'appuyer sur l'ensemble des médias disponibles tout en ciblant préférentiellement les populations sensibles et particulièrement à risque d'exposition, et mobiliser des acteurs locaux pouvant servir de médiateurs de confiance auprès de la population locale.

Recommandation 9 : Tenir à jour un site internet regroupant l'ensemble des informations sur la chlordécone, dans un format adapté à l'ensemble de la population.

Recommandation 10 : Développer la communication des résultats de la recherche grâce à l'appui de la Coordination locale de la recherche sur la chlordécone aux Antilles (CloReCA) afin de lutter contre la désinformation, en organisant des conférences destinées au grand public, des visites de laboratoires, des ateliers, des animations, etc.

Recommandation 11 : Actualiser les recommandations alimentaires, notamment concernant la consommation d'oeufs et de volailles. Les messages destinés à la population devront tenir compte des résultats des études Kannari 2 et ChlorExpo, de l'évaluation du programme JaFa, des réalités socio-culturelles locales et des freins à l'adoption de ces recommandations. Revoir la communication autour de ces recommandations, qui ne doit pas uniquement reposer sur le programme JaFa et être centrée sur la population afin de maximiser leur adoption.

Recommandation 12 : À l'aide des organisations professionnelles, mener des actions spécifiques de communication et de formation auprès des travailleurs agricoles et des marins pêcheurs afin de les sensibiliser aux problématiques spécifiques rencontrées et de diffuser les bonnes pratiques et résultats provenant de la recherche. Dans le cadre du plan chlordécone IV, un programme « JaPro » destiné aux agriculteurs est actuellement en cours de mise en place, une initiative analogue destinée aux marins pêcheurs apparait souhaitable.

Recommandation 13 : En raison de l'importance de la consommation de poissons, de crustacés et de mollusques dans l'exposition alimentaire, renforcer le programme Titiri, notamment en Martinique.

Recommandation 14 : Augmenter la communication autour des dispositifs du plan destinés à la population locale (analyses des sols, chlordéconémie, aides financières pour les marins pêcheurs, reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle...) et mettre en place des dispositifs d'accompagnement pour les démarches nécessaires afin que la population puisse s'en saisir pleinement.

Recommandation 15 : Faire preuve de transparence sur les résultats des actions menées et sur l'avancée des différentes mesures du plan en continuant de publier annuellement des bilans de mise en oeuvre du plan chlordécone IV. Construire des indicateurs permettant d'observer la progression des mesures.

3. Chlordéconémie

Recommandation 16 : Faire converger les dispositifs mis en place en Guadeloupe et en Martinique pour la chlordéconémie, dans un souci d'efficacité et de lisibilité.

Recommandation 17 : Développer prioritairement les moyens d'analyse locaux afin de diminuer les temps d'attente pour la population.

Recommandation 18 : Utiliser les analyses pour acquérir de nouvelles connaissances sur les liens entre exposition alimentaire et imprégnation et sur les déterminants de l'imprégnation.

Recommandation 19 : Utiliser les analyses pour étudier la variabilité inter-individuelle de la durée de décontamination, grâce aux personnes modifiant leurs habitudes alimentaires et aux personnes quittant les Antilles pour des raisons personnelles ou professionnelles (comme les étudiants).

4. Suivi et évaluation du plan

Recommandation 20 : Mettre en place des actions afin d'assurer l'utilisation et le renouvellement de filtres à charbons actifs sur toutes les usines de traitement le nécessitant, afin d'atteindre un taux de conformité de 100 % pour l'eau potable. Parallèlement, communiquer sur les risques de consommation d'eau de source, bien plus polluée. Enfin, rénover les infrastructures de distribution d'eau potable pour faire face aux coupures d'eau régulières et ainsi minimiser le risque d'approvisionnement en eau de source par la population.

Recommandation 21 : Rendre obligatoires les analyses de sol pour les agriculteurs produisant des denrées sensibles, tant animales que végétales. Conduire également des analyses de sol pour évaluer la dégradation naturelle de la chlordécone et la formation de produits de transformation.

Recommandation 22 : Accroître la surveillance des circuits de consommation informels.

Recommandation 23 : Mettre en place des plans de surveillance permettant de contrôler la présence de produits de transformation de la chlordécone dans les aliments.

Recommandation 24 : Mener une évaluation du plan chlordécone IV à mi-parcours pour identifier les éventuelles faiblesses et réorientations nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés, en mobilisant des acteurs locaux, représentant les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et la société civile, ainsi que la représentation nationale. Conduire une consultation publique afin d'évaluer les perceptions des forces et faiblesses du plan par la population.

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La pollution des terres antillaises et des Antillais par la chlordécone parait précurseur des futures pollutions que nous allons découvrir au XXIe siècle, qu'il s'agisse de pesticides ou d'autres substances.

Pour mieux gérer les crises futures, où qu'elles se produisent, l'État doit tirer tous les enseignements des lenteurs, erreurs et faiblesses qui ont affecté la prise en charge des populations antillaises et nourri leur défiance.

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