V. BILAN ET RECOMMANDATIONS

A. BILAN DES TRAVAUX

Si des progrès ont été réalisés dans la connaissance des atteintes environnementales et sanitaires liées à la chlordécone, les résultats obtenus depuis 2009 ne sont cependant pas à la hauteur de la situation. Au regard de la diffusion de cette contamination à l'ensemble des écosystèmes antillais et de l'importante imprégnation des populations locales, il est primordial de travailler à obtenir une meilleure vision globale des risques auxquels la population est exposée, et de développer des solutions de remédiation et de réduction de cette exposition. Certains domaines de la recherche, comme celui des sciences humaines et sociales ou la question des impacts de la pollution à la chlordécone sur la biodiversité, peu investis jusqu'à présent, doivent désormais être pris en compte. Certes, une partie de ce bilan peut s'expliquer par le temps long nécessaire à la recherche et par la difficulté à obtenir des résultats, mais la conception des trois premiers plans chlordécone et le manque de moyens alloués à la recherche en portent aussi la responsabilité.

En déployant un nouveau système de pilotage de la recherche et en finançant un premier appel à projets pleinement destiné à cette thématique, le plan chlordécone IV est un progrès. Néanmoins, les appels à projets devront être renouvelés au cours des années afin de soutenir les initiatives aboutissant à des résultats prometteurs et de lancer de nouveaux axes de recherche, identifiés comme prioritaires par le Comité de pilotage scientifique national (CPSN).

Parallèlement, un suivi des projets en cours et des échanges réguliers entre les chercheurs mobilisés devront être menés pour créer des synergies et des collaborations et éviter tout risque d'une recherche en silo et de redondances. Par ailleurs, le lancement de ces appels à projets ne doit pas aboutir à un définancement des projets portant sur la chlordécone lors des appels à projets génériques de l'ANR. Les projets n'ayant pas été retenus lors de l'appel à projets 2022 doivent pouvoir bénéficier d'un soutien du CPSN afin d'évoluer, en tenant compte des remarques exprimées par le Comité d'évaluation scientifique, et pouvoir ainsi être à nouveau soumis lors d'appels à projets ultérieurs. Enfin, une attention toute particulière doit être portée à la mise en application des résultats de laboratoire prometteurs aux conditions réelles de terrain et, subséquemment, à leur utilisation comme outils pour les politiques publiques afin de protéger au mieux la population.

Si la recherche apparaît nécessaire pour préparer l'avenir, les connaissances actuelles fournissent d'ores et déjà de nombreux outils pour prévenir la contamination et minimiser les risques. Il est essentiel que les solutions existantes puissent être pleinement appliquées. L'efficacité des recommandations alimentaires édictées par l'Afssa en 2007, avant tout plan chlordécone, est à cet égard particulièrement éloquente. Aussi, la communication doit évoluer pour permettre à la population de se saisir des solutions et des dispositifs existants. La communication et les recommandations doivent être pensées et construites avec le soutien d'acteurs locaux afin de tenir compte des réalités socio-culturelles propres aux Antilles, être abondantes et s'appuyer sur l'ensemble des médias disponibles tout en ciblant préférentiellement les populations sensibles et particulièrement à risque d'exposition et, enfin, être portées autant que possible par des acteurs locaux pouvant servir de médiateurs de confiance auprès de la population. Parallèlement, un effort de transparence doit être réalisé afin de lutter contre la défiance systémique ancrée dans la population.

Le plan chlordécone IV répond à plusieurs des limites identifiées lors des plans précédents. La création du poste de directeur de projet chargé de la coordination interministérielle devrait notamment permettre un meilleur suivi et une meilleure exécution des différentes mesures. Néanmoins, compte tenu de la durée du plan, soit 7 ans, une évaluation externe à mi-parcours pourrait s'avérer utile pour identifier les éventuelles faiblesses et réorientations nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés. À l'inverse des évaluations des plans précédents, ce travail ne devra pas uniquement mobiliser des services administratifs mais inclure des acteurs locaux, représentant les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et la société civile, ainsi que la représentation nationale.

Plusieurs actions de ce plan devront être renforcées. Outre les analyses de sol conduites sur la base du volontariat pour les agriculteurs et les propriétaires de jardins familiaux, des analyses pourraient être conduites proactivement chez les agriculteurs qui produisent des denrées sensibles. Ces analyses devront également permettre d'évaluer la dégradation naturelle de la chlordécone et la formation de produits de transformation. Bien que les travaux conduits dans le cadre des plans chlordécone aient permis d'améliorer les méthodes d'analyse et de relocaliser une partie de ces analyses aux Antilles, l'offre locale ne permet toujours pas de répondre à la totalité des demandes, y compris pour la chlordéconémie. Le développement de cette offre s'avère donc nécessaire afin de répondre rapidement à l'ensemble des besoins. La mise en place d'une plate-forme d'analyses permettant de détecter et quantifier les produits de transformation de la chlordécone, prévue par le plan, s'inscrit également comme une priorité pour évaluer les risques représentés par ces molécules. Un effort doit être effectué quant au contrôle des circuits informels. Enfin, les analyses de chlordéconémie disponibles gratuitement doivent être utilisées comme un véritable outil de prévention et permettre d'acquérir de nouvelles connaissances sur les liens entre exposition alimentaire et imprégnation sanguine, sur les déterminants de cette imprégnation et sur les possibilités de décontamination.

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