IV. LE DISPOSITIF D'INDEMNISATION POUR LES VICTIMES DU VALPROATE DE SODIUM DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE RÉFLEXION SUR LE TEMPS LONG

A. L'IDENTIFICATION D'UNE TRANSMISSION ENTRE LES GÉNÉRATIONS DES PRÉJUDICES CAUSÉS PAR L'EXPOSITION AU VALPROATE DE SODIUM CONDUIRAIT À UNE EXTENSION DES INDEMNISATIONS

Les « effets transgénérationnels » de l'exposition in utero au valproate de sodium signifient que les personnes exposées pourraient transmettre des dommages à leur descendance .

Une voie possible de cette transmission entre les générations serait le stress oxydant et l'inhibition des histones désacétylases (HDAC) résultant de l'exposition au valproate de sodium, dont les effets sont considérés comme épigénétiques.

Cette question n'est pas purement médicale, dans la mesure où les conséquences de la reconnaissance d'une transmission entre les générations des dommages sur le coût de l'indemnisation seraient nombreuses :

- une nouvelle génération devrait être indemnisée ;

- la première génération connaîtrait un préjudice d'anxiété et un préjudice moral, en raison du risque de transmettre des handicaps à leurs enfants ;

- les victimes indirectes, particulièrement les conjoints des personnes victimes l'exposition au valproate de sodium, auraient également un préjudice d'anxiété et un préjudice moral pour leurs enfants.

À la fin de l'année 2021, avec l'aide de médecins conseils de l'association, l'APESAC a publié une étude sur l'impact transgénérationnel de l'exposition au valproate de sodium durant la grossesse. Cette étude est le résultat d'une collecte de données de 5 ans auprès de familles qui ont contactées l'APESAC, et elle se concentre sur 108 individus qui ont présenté des dommages importants suite à l'exposition au valproate de sodium et qui ont eu des enfants.

L'étude conclut à un risque important pour des parents ayant été exposés in utero au valproate de sodium de transmettre des dommages à leurs enfants . Parmi la population étudiée, 23 % des enfants présentaient des malformations caractéristiques de l'exposition au valproate de sodium, et 44 % présentaient des troubles du développement. 47 % des enfants ne présentaient pas de symptômes. L'étude ne précise pas la gravité des malformations et des troubles du développement constatés.

Toutefois, cette enquête menée par l'APESAC n'est pas reconnue par le ministère, au motif que cette étude ne peut pas être considérée comme une étude épidémiologique : « Concernant les effets transgénérationnels, l'enquête réalisée par l'APESAC, sur les familles adhérentes de l'association, ne peut être considérée comme une étude épidémiologique permettant de confirmer cette hypothèse . » L'étude ayant été menée par une association de défense des personnes victimes du valproate de sodium, elle ne présente en outre pas toutes les garanties d'indépendance requises pour une véritable étude.

Le ministère précise qu'il n'a identifié aucune étude dans la littérature internationale portant sur ce sujet chez les êtres humains .

Le rapport de l'INSERM de septembre 2021 rapporte une étude datant de 2019, qui montre un effet transgénérationnel sur trois générations de troubles du comportement chez le rongeur exposé in utero au valproate de sodium. En revanche, les malformations n'ont pas été observées aux générations suivantes 36 ( * ) .

Par ailleurs, il est écrit dans le même rapport qu'en théorie, l'effet transgénérationnel de l'exposition au valproate de sodium est plausible : « Au total, les données de la littérature sont trop peu nombreuses. Les arguments de type mécanistique ou toxicologique semblent étayer l'hypothèse d'un effet transgénérationnel des antiépileptiques et en particulier du valproate de sodium. Cependant, les éléments de preuve sont encore faibles et non démontrés par des études en population . »

Par conséquent, le rapport de l'INSERM considère comme prioritaires les recherches sur l'existence d'un risque renforcé de « troubles du neurodéveloppement et/ou de malformations à la deuxième génération lié à l'exposition in utero au valproate de sodium, chez l'animal et chez l'homme . »

L'INSERM privilégie l'option d'une étude de « Cohorte », c'est-à-dire une étude ayant pour objectif de comparer la fréquence des anomalies congénitales et des troubles du développement entre deux groupes : les personnes exposées au valproate de sodium, et un groupe témoin de personnes non exposées. Pour faciliter cette tâche, l'institut propose de conclure des partenariats avec des pays disposant longtemps de registres qui incluent les prescriptions médicamenteuses et les issues de grossesses, comme c'est le cas dans le nord de l'Europe 37 ( * ) .

En attente de nouvelles études, il est nécessaire de prévoir l'éventualité de l'identification d'un risque de transmission générationnel des dommages causés par l'exposition in utero au valproate de sodium .

L'enjeu est d'être capable d'adapter rapidement le dispositif d'indemnisation au cas où le nombre de bénéficiaires devait soudainement s'étendre . De plus, l'accès aux documents médicaux peut être encore plus difficile, car il faudrait remonter à la génération des grands-parents pour déterminer la prise initiale de valproate de sodium durant la grossesse. Les règles qui encadrent la constitution des dossiers et les outils d'identification des préjudices devront donc être adaptées.

Dans tous les cas, il s'agit d'éviter la situation où, par manque de prévision, la réforme du dispositif d'indemnisation conduirait à l'accumulation d'un stock de dossiers, et à un dépassement des délais de procédure.

Recommandation n° 9 : mettre en place des scénarios d'adaptation du dispositif d'indemnisation pour les victimes du valproate de sodium au cas où une transmission entre les générations des dommages serait identifiée.


* 36 Tartaglione et al., 2018.

* 37 « Proposition pour un programme de recherche sur les effets de l'exposition in utero au valproate de sodium et autres antiépileptiques (AE) », INSERM, Septembre 2021, page 15.

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