III. UNE NOUVELLE RÉFORME D'AMPLEUR N'EST PAS À PRIVILÉGIER, MAIS LE DISPOSITIF D'INDEMNISATION DOIT ÊTRE RENFORCÉ

Les représentants de l'ONIAM ont longuement insisté durant leur audition sur la nécessité de stabiliser le dispositif, et donc ne pas opérer de nouvelles réformes. Le rapporteur spécial partage cette conclusion .

Le nouveau collège d'experts n'a repris ses travaux que depuis le 1 er octobre 2020, et à partir de cette date le rythme d'examen des dossiers a nettement accéléré. Une nouvelle réforme globale de la procédure d'indemnisation risquerait de destabiliser le collège d'experts et d'aggraver les retards .

Toutefois, cela ne signifie pas que la gestion du dispositif d'indemnisation ne puisse pas être améliorée. Il est toujours difficile de recruter l'ensemble des experts prévus aux articles L. 1142-24-11 et R. 1142-63-18 du code de la santé publique, l'augmentation du nombre de contentieux à la suite de l'émission des titres de recettes pose un risque de gestion, et enfin la satisfaction des demandeurs doit faire l'objet d'une évaluation afin de préserver le caractère « amiable » de la procédure.

Nombre de dossiers déposés et autres données sur le traitement
des dossiers dans le cadre du dispositif d'indemnisation

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Dossiers déposés (victimes directes/ indirectes)

76/194

284/887

240/852

152/544

71/225

16/29

Dossiers clos

20

49

40

20

Offres proposées

3

249

529

258

531

Offres provisionnelles proposées

1

53

141

60

55

Offres partielles proposées

1

105

218

72

269

Offres acceptées par les demandeurs

72

311

247

208

Indemnités payées

5,3 millions d'euros

12,3 millions d'euros

15,8 millions d'euros

3,22 millions d'euros

Offres contestées devant le juge administratif

2

2

1

-

Titres exécutoires émis par l'ONIAM

5,1 millions d'euros

11,6 millions d'euros

15,2 millions d'euros

1,5 million d'euros 26 ( * )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

A. LE COLLÈGE D'EXPERTS A ATTEINT UN RYTHME SATISFAISANT D'EXAMEN DES DOSSIERS, MAIS DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT PERDURENT

La vitesse de traitement des dossiers dépend du nombre de séances qu'est capable de tenir le collège d'experts. Chaque séance correspond à environ une demi-journée.

Le rythme de la tenue des séances a nettement augmenté à partir de la première séance du nouveau collège d'experts, le 1 er octobre 2020, pour atteindre 130 séances en 2021. En 2022, le nombre de séances tenues jusqu'au 15 juillet est de 76 .

L'ONIAM précise que le quorum pour réunir le collège a toujours été atteint, et donc qu'aucune séance n'a jamais été annulée en raison de l'absence de l'un de ses membres. Chaque semestre, un calendrier prévisionnel des séances du collège est établi, dans l'objectif de permettre aux experts de s'assurer de leurs disponibilités.

Le nombre de séances en 2021 correspond à une moyenne d'environ 3 séances par semaine, si on inclut des semaines de repos . Le rythme actuel de travail du collège d'experts apparaît donc soutenu . Les membres du collège d'experts étant praticiens en exercice, il n'est pas envisageable qu'ils puissent se réunir plus souvent .

Une « scission » du collège, c'est-à-dire permettre au collège d'experts de se réunir en même temps en deux instances différentes, est une option possible pour traiter plus rapidement des dossiers.

Le rapport de l'IGF et de l'IGAS ne recommande pas cette scission du collège « la collégialité (et la nécessaire atteinte d'un quorum) constitue une garantie de traitement de qualité du dossier. » 27 ( * ) Il faut néanmoins rappeler que le quorum requis pour réunir le collège d'experts est déjà relativement faible : il ne nécessite la présence que de la moitié de ses membres. Permettre au collège de se scinder en deux permettrait également de mettre davantage à profit les membres suppléants du collège, qui sont normalement au nombre de trois par membre titulaire.

Cette proposition présente tout de même plusieurs limites :

- elle exposerait l'examen des dossiers à de possibles divergences d'appréciations, en sachant qu'un dossier peut revenir plusieurs fois devant le collège d'experts ;

- elle rendrait plus difficile la coordination entre les différences instances du collège d'experts et le reste des services de l'ONIAM ;

- tous les experts ne possèdent pas trois suppléants, dans le fonctionnement actuel du collège d'experts.

Le recrutement des experts présente en effet des difficultés. Les expertises requises pour traiter des dossiers « Dépakine » sont précises, et les experts doivent en outre présenter des garanties d'indépendance à la fois vis-à-vis des producteurs de médicaments et des associations de victimes . Ces difficultés de recrutement ne sont cependant pas irrémédiables .

Premièrement, le déficit en compétence concernait essentiellement l'expertise en pédopsychiatrie. Pendant longtemps, le collège d'experts n'avait qu'un membre titulaire en pédopsychiatrie, et pas de membres suppléants. L'ONIAM a déclaré que le collège allait recruter un expert supplémentaire en pédopsychiatrie, ce qui réduirait à deux le nombre de suppléants manquants pour cette discipline .

La pédopsychiatrie est d'une manière générale une spécialité en tension en France, les besoins ayant fortement augmenté depuis la crise de la Covid-19. Une attention particulière doit être portée à cette spécialité, qui est vitale pour le bon fonctionnement du dispositif d'indemnisation pour les victimes du valproate de sodium.

Ensuite, l'absence de membres suppléants pour les experts proposés par les associations de victimes et les producteurs de médicaments n'est pas tant une question de compétences qu'une question de difficultés à trouver des personnes possédant des garanties d'indépendance suffisantes. Ce problème peut être atténué en élargissant le champ du recrutement des experts, et en ouvrant notamment davantage la possibilité de recruter des experts étrangers .

Le rapport de l'IGAS et de l'IGF proposait par ailleurs d'engager une réflexion à ce sujet : « À ce titre, sans qu'elle ait pu approfondir davantage cette option, la mission s'interroge sur l'opportunité d'élargir, à moyen terme, le vivier d'experts médicaux à d'autres pays où un mécanisme de reconnaissance d'équivalence de diplômes existe . » 28 ( * )

La rémunération des experts est un autre levier d'action possible . Les membres du collège d'experts bénéficient des rémunérations suivantes 29 ( * ) :

- un montant forfaitaire de 230 euros par demi-journée de séance de travail 30 ( * ) ;

- un montant forfaitaire de 230 euros versé à l'expert qui rédige un rapport à la demande du président du collège ;

- un montant forfaitaire de 230 euros par demi-journée pour une réunion de travail convoquée par le président, dans la limite de 8 séances par an ;

- les membres bénéficient de la prise en charge du coût de leurs déplacements dans le cadre des modalités de droit commun de remboursement des frais de déplacement de la fonction publique.

Le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGAS propose de différencier la rémunération des missions d'expertise selon le degré de complexité. À ce sujet, l'ONIAM répond que cette proposition « se heurterait à la nécessité de devoir envisager des critères objectifs échappant à toute appréciation empirique. » Cette proposition risquerait également de rajouter des incertitudes sur la rémunération des experts , alors que dans l'optique d'un renforcement de l'attractivité du collège, il est préférable de maintenir des principes clairs et prévisibles de rémunération.

La rémunération des experts semble moins attractive que dans les juridictions civiles, où les experts disposent d'une rémunération de 1 500 à 2 000 euros par dossier. Ce chiffre n'est pas entièrement comparable avec les indemnités forfaitaires prévues par l'arrêté du 29 juillet 2020, les indemnités étant comptées en « demi-journée » et non pas en dossiers 31 ( * ) , mais il est reconnu que les rémunérations des experts sont moins intéressantes que dans les juridictions civiles .

La contrepartie de cette rémunération plus faible est la récurrence des dossiers « Dépakine », qui permet des revenus stables . Cette contrepartie n'est cependant pas suffisante pour assurer l'attractivité du collège d'experts .

Pour ces raisons, il est justifié d'augmenter la rémunération des experts . Le total de la rémunération des experts (237 096 euros en 2021) représente par ailleurs une part marginale du budget alloué au dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine.

Recommandation n° 3 : revaloriser la rémunération des experts, de manière à ce qu'elle gagne en attractivité par rapport aux juridictions civiles.


* 26 Au 31 mars 2022.

* 27 Consolider l'indemnisation publique dans le champ de la santé : enjeux et modalités du rapprochement entre le FIVA et l'ONIAM, IGF et IGAS, février 2021, page 45.

* 28 Consolider l'indemnisation publique dans le champ de la santé : enjeux et modalités du rapprochement entre le FIVA et l'ONIAM, IGF et IGAS, février 2021, page 46

* 29 Arrêté du 29 juillet 2020 fixant le montant des indemnités susceptibles d'être allouées aux membres du collège d'experts chargé d'instruire les demandes des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés

* 30 La rémunération du Président est plus élevée : il dispose également d'une rémunération de 1 500 euros par mois, et ses indemnités sont de 300 euros au lieu de 230 euros.

* 31 Un même dossier Dépakine peut en effet être à l'ordre du jour de plusieurs séances du collège.

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